43.


( Violette )

Fabien n’a apparemment pas mieux dormi que moi, je l'ai entendu bouger très souvent. De quoi s'inquiète-t-il ? Martin et Ludo n’ont pas l’air de s'opposer à son copain. Et moi, son regard amoureux depuis qu'il est revenu de Rouen me suffit amplement pour désirer rencontrer Aymeric.
Je les ai entendus arriver par ici, mais je n'avais aucunement envie de me montrer, ni de les déranger. Fabien allait lui montrer sa chambre, son univers. C’est un lieu très intime, j'aurais été de trop.

Un regard sur l’heure, encore un long moment avant qu’Arthur et Simon arrivent. Je ne suis pas réellement angoissée, enfin je crois. C’est une expérience nouvelle, des copains qui viennent passer du temps avec moi. Un truc inconnu, je n’ai jamais organisé de fête pour un anniversaire à la maison, ni en famille d’accueil. Un gâteau, c’est tout.
En général, cela me terrorise de ne pas vraiment contrôler, mais là...Je suis chez moi, avec les trois seules personnes qui comptent. Aymeric n’a aucune raison de me vouloir du mal. Arthur et Simon non plus. Un peu rassurée après cette réflexion, je file dans la cuisine.

— Tiens, tu montres le bout du nez ! Tu peux demander aux garçons de venir donner un coup de main, ma puce ? Ludo est  au local, et nous sommes nombreux ce midi.

J’aurais mieux fait de rester dans ma chambre, car subitement l’angoisse arrive.

— Tu veux que je les appelle en hurlant? me propose mon frère, ironique.

Mon envie d’accepter est très forte, j’avoue. Pourtant, je sais que je peux le faire. Fabien me connaît.

— Non, j’y vais, dis-je, et le sourire  de mon frère me rend fière.

Devant le rideau de Fabien, je ne sais plus quoi faire. En temps normal, il me suffit de le nommer et il me dit d’entrer. Mais aujourd'hui, il n'est pas seul. Je passe d'un pied sur l’autre, hésitante. J’ai dit à Martin que j’en étais capable...Je toussote pour signifier qu'il y a quelqu'un.

— Fabien ? appelé-je d'une voix qui ressemble plus à un coassement qu’autre chose.

Je suis prête à recommencer ou à abandonner, mais le rideau est tiré par un Fabien souriant.

— Je ne m’étais donc pas trompé. Entre, Violette.

Sur la banquette en palette qu’ils ont fabriqué avec Ludo, face à la console de Fabien, il y a... Aymeric. Fabien me prend par le bras, et doucement m’entraîne vers lui qui se lève poliment.

— Bonjour, Violette, me dit-il.

— Bonjour. Martin réclame de l’aide pour préparer le repas, vous venez ?

Dix minutes après, embauchés à éplucher, couper des légumes sous la houlette de mon frère, la discussion va bon train. Enfin, les garçons parlent beaucoup et moi, j'écoute. Fabien a essayé plusieurs fois de m’intégrer à leurs plaisanteries sans grand succès. Je ne suis pas mal à l’aise, il me faut juste un peu plus de temps. Martin nous libère, il ne restera plus qu'à mettre en cuisson le temps venu.

— On va écouter un peu de musique. Tu viens avec nous, propose Fabien. A moins que tu veuilles supporter de rester avec le Martin hyperactif ?

Le regard de mon frère, amusé par la remarque, et sa tape amicale sur l’épaule de Fabien me décide à les suivre. J’ai moi-même du mal à contenir mon impatience, rester avec eux me semble être une bonne idée. Ludo est entre ses champs et le local, il  gérera mon frère si besoin.

(Arthur)

J’ai été idiot tout à l’heure. Parce que j’ai croisé Ludovic et Martin pas mal de fois et que je n’ai aucune raison de m’inquiéter. Et puis même si je n’ai pas d’expérience personnelle, j’ai passé un nombre incalculable d’heures devant la télé. Et j’ai reconnu l’air intéressé par une fille dans le regard de Simon. C’était tentant de rester à l’écart de tout cela, une fois encore. Parce que mon handicap risque d’être un frein dans cette maison qui ne sera pas parfaitement adaptée. Mais dernièrement, j’ai aussi réalisé, coincé dans ma chambre, que c’était à moi de m’adapter aux autres.

Dans la voiture, François était, une fois encore dans ses pensées, et Simon, impatient.
En l’espace de quelques instants, mon fauteuil était dans la cour, et d’une pirouette, François nous avait largués. Ludovic et Martin eux même n’en sont pas revenus. Encadré par les trois, Simon doutant visiblement des capacités de mon fauteuil, nous avons traversé la cour.
Simon est, tout comme moi, resté silencieux.  La pièce est très grande, épurée mais aucunement froide comme à la maison. Le mélange de couleurs et de matières respire le bien être. Cela sent la cuisine et du four allumé sort une délicieuse odeur.

— Les enfants ? hurle Ludovic faisant sursauter Simon juste à côté de lui. Arthur et Simon sont arrivés.

— Et encore vivants. Excuse-le Simon, se moque gentiment Martin, cet homme n’a pas l’habitude des humains. A croire que les légumes sont sourds.

— Je crois qu'il est surtout très heureux qu'ils soient muets, intervient Fabien qui vient de déboucher du fond de la pièce.

Son sourire est franc, plus puissant que celui qu'il montrait au lycée. Derrière lui, un autre mec qui le couve littéralement des yeux et Violette.

— Tu n’as pas tort, Fabien. Ils me laissent tranquille. Mais bon, je me suis plutôt pas mal habitué aux discussions dans ma maison, et même parfois, j’y participe, relance Ludovic avec beaucoup d’humour.

Aucun doute, dans cette maison, on communique.

(Martin)

L'îlot central n’a jamais accueilli autant de convives. Ludovic, d’habitude peu bavard, discute avec tout le monde. Enfin, surtout avec Simon et Fabien qui sont les plus à l’aise. Aymeric participe un peu, plaisante même avec eux. Arthur, au début plutôt silencieux, coincé entre Fabien à sa droite et Violette à sa gauche, prend maintenant part à la conversation. Ma soeur qui, normalement fuit ce genre de situation, laisse parfois éclater un rire aux bêtises des autres. Je me penche vers Ludo et l’embrasse tendrement. Lui aussi a l’air d’apprécier ce qu'il voit. 

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