37


( Violette )

Bientôt dix-sept heures et François n'est toujours pas revenu. Les garçons ne disent rien mais j'ai repéré des regards réguliers sur leur portable. Il est convenu que, sauf exception, François soit celui qui me reconduise à la maison. Ludovic prépare le maximum de commandes le soir, une fois les ventes finies. Je ne veux pas être une gêne.

— Ne te tracasse pas, il m'a envoyé un message comme quoi il était en route. Tu n'auras besoin de déranger personne, me rassure Arthur.

— Il m'a annoncé la même chose, souligne Simon.

Au même moment, nous entendons le bruit de la porte et des voix dont une que je reconnais très bien. Pourquoi Fabien est-il ici ? Arthur sourit, lui aussi l'a repéré. Lorsqu'ils franchissent la porte, cela me fait tout drôle, mes deux mondes se mêlent.

— Alors, pour une surprise, c'en est une, réagit Arthur en se dirigeant immédiatement vers Fabien. Simon, voici Fabien. Comment es-tu arrivé ici ?

— Il m'a semblé nécessaire de parler avec Martin, répond François en me fixant, moi. Et puis Fabien et Ludovic sont arrivés.

— Et j'ai profité de l'aubaine, l'interrompt Fabien qui serre la main d'Arthur et salue d'un bref hochement de tête Simon.

—Tu es au plein milieu de notre salle de cours, tu en penses quoi ? demande Arthur.

—Elle est plus grande que celle que je partage avec vingt-sept autres lycéens, et agencée plus agréablement, ironise Fabien en repérant le canapé et la bibliothèque.

Il a traversé la pièce, et il est juste devant moi. Je l'ai à peine aperçu ces derniers jours. Il était tendu ce matin lorsqu'il est parti rejoindre Aymeric.

— Je comprends pourquoi tu es bien ici, chuchote-t-il avant de me faire un petit bisou sur le front.

C'est incroyable, à chaque fois, je suis impressionnée par son effet apaisant. Avant son arrivée, seul Martin y arrivait. Je relève la tête et je surprends le regard surpris de Simon qui se rapproche de nous.

— Bonjour, dit celui-ci en tendant une main amicale vers Fabien. Je suppose que tu as deviné que j'étais Simon.

— Pas trop compliqué en effet, rétorque Fabien, moqueur. Je connais Arthur, et puis, Violette a raison, vos regards sont identiques.

— La perspicacité de Violette n'est plus à démontrer, il me semble. Mon manque de connaissances ressort encore plus face à ces deux-là, dit- il en nous montrant d'un mouvement de tête.

— J'ai ressenti la même chose au lycée, mais maintenant qu'ils n'y sont plus, je rame sévère. Heureusement, j'ai droit à quelques cours de rattrapage à la maison.

Fabien dit n'importe quoi, il s'y oppose fermement, rejette toute aide scolaire. Le soir, nous discutons, écoutons de la musique et c'est agréable. Je réalise à quel jeu il s'adonne. Un peu comme s'il voulait montrer à Simon que notre proximité lui permettra d'être au courant si je me sentais mal ici. Sous ce ton aimable se cache une légère menace : Fais-lui de la peine et je te tombe sur le râble !

— Je vais fumer une clope, tu m'accompagnes ? propose Simon.

Le regard jeté par Fabien me rassure. Ils ont besoin de se parler.

(Simon )

Ainsi c'est lui, le fameux Fabien. Hyper protecteur avec Violette, sa façon de se diriger vers elle était assez démonstrative. Il a presque nié mon existence tout en simulant la politesse. Arthur a eu du mal à retenir un sourire. Mon père, s'il l'a remarqué, n'a pas réagi, j'en déduis donc que c'est plus Fabien qui a demandé à venir que lui.

Ma proposition était peut-être un peu trop visible mais son rôle de chien qui marque son territoire m'a passablement excédé. Violette n'est pas bavarde sur sa relation avec lui, et moi j'ai besoin d'en savoir plus.
Je me dirige vers la porte et il me suit sans un mot, attentif à tout. N'est-il jamais venu ici auparavant ? À peine sortis, je décide de lui montrer la salle de sport d'Arthur, nous pourrons fumer devant et discuter à l'abri. Sa tête reflète sûrement la même surprise que la mienne quand Arthur nous as ouvert la porte , le sifflement en plus.

— C'est pour Arthur ? s'exclame-t-il en désignant la panoplie de machines.

— François l'a fait aménager afin d'éviter les aller retour au kiné, nous a expliqué Arthur, dis-je en haussant les épaules.

— Il a l'air d'avoir un méga souci de communication ton paternel.

— Arthur prend soin d'elle, me lancé-je, complètement hors sujet. Je m'y emploie aussi mais elle ne me laisse pas toujours faire. Il faudrait pour cela qu'elle ait confiance en moi. Tu es son mec ?

Je n'avais pas prévu de dire cela, enfin pas de manière aussi abrupte Son éclat de rire me détend.

— Non, Violette n'est pas ma copine. Mon oncle, qui est aussi mon tuteur, est le compagnon de son frère. Elle est ma petite soeur d'adoption en quelque sorte. Et puis, je suis homo et en couple.

A priori, nous avons tous les deux parlé sans le vouloir vraiment, la rougeur de ses joues me fait sourire.

— C'est idiot de le dire ainsi, pardon, murmure-t-il mais j'ai décidé de ne pas me cacher.

— Je suis plutôt admiratif que choqué à vrai dire. C'est sûrement plus facile à avouer à un couple homo...

— Oui...

Je le sens hésitant. Est-ce que son oncle ne le soutient pas ? Violette sait-elle ? Je décide de foncer dans le tas, marre d'attendre que les mots sortent.

— J'ai dit un truc qu'il fallait pas ? Il te soutient, hein ?

— Oui. C'est juste que je mesure la chance que j'ai. Mes parents ne veulent plus me voir... à cause de ça. Tu as l'air de t'en foutre, toi. Ludo et Martin ne se cachent pas, donc je suppose que cela ne gêne pas ton père. Quand à Arthur, je ne sais pas, je ne lui en jamais parlé.

— Je l'ai rencontré pour la première fois il y a quelques jours et je n'ai pas encore entamé ce genre de discussions. Le comportement de mon père nous a occupé pas mal et en quelque sorte rapprochés. Tu vis chez ton oncle depuis longtemps ?

— Un peu après le début d'année scolaire. Le proviseur m'a confié aux bons soins de Violette, la meilleure élève du bahut. Je ne vais pas tout te raconter mais disons que sa timidité et ma grande gueule se sont complétés. Son frère et mon oncle se fréquentaient en cachette d'elle. Mon arrivée a bousculé le paysage, on va dire, pour résumer. La savoir mal hier ne m'a pas plu, mais elle m'a expliqué les grandes lignes, et ton père a complété le tableau.

— J'ai compris la démarche, en effet. Le déballage de testostérone était presque comique d'où ma question sur votre relation. Je ne sais pas si tu as repéré ses froncements de sourcils, occupé comme tu l'étais à essayer de m'impressionner, mais à mon avis, tu vas en entendre causer ce soir...

L'espace d'un instant, j'ai senti l'éclat de rire poindre. Mais il a contrôlé. Je crois que ma franchise lui convient. Nous fumons une clope devant la porte, sans échanger un mot, jusqu'à ce que Violette arrive pour le récupérer, Martin est en chemin.





Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top