35.


( Fabien)

Le temps a passé vite, Aymeric me posait beaucoup de questions auxquelles j'étais ravi de répondre. Je lui avais avoué le plus important et les détails ne me dérangeaient aucunement. Ma prostration volontaire en fauteuil l'a sidéré, lui qui n'a subi aucun rejet des siens. Quoiqu'en y réfléchissant, il a réalisé que seul Malo était au courant. Son frère l'a accueilli car leur père souhaitait qu'Aymeric intègre une grande école alors que lui ne le voulait pas. Les reproches fusaient de plus en plus, Malo a proposé de l’héberger quelque temps. C’était il y a plus d'un an, les deux frangins s'entendent bien, et a priori le père ne cherche plus à convaincre Aymeric.

— Et que veux tu faire alors, comme boulot ? lui demandé -je.

— Je prends des cours pour devenir pâtissier.

— Quand trouves-tu le temps ? m'étonné-je.Tu bosses au magasin de Malo et à la pizzeria.

— Les cours coûtent chers, et il n’est pas question que je ne participe pas aux frais ici. Et toi, tu as discuté avec ton oncle de ton idée ?

— Pas vraiment. Je suis loin d’être décidé sur le sujet. Ma seule certitude est que je veux quitter le lycée. Apprendre un métier me sera plus utile que de rester assis sur une chaise à attendre la fin de la journée.

— Et que la présence de Violette te manque…

— Ah ça, c’est une évidence. Pourtant nous n’échangions quasiment pas en cours. Violette était attentive en classe, jamais un chuchotement, lui fais-je remarquer. Mais elle était là.

— Tu n’as pas réussi à te faire d’autres potes ?

— Je n’ai jamais vraiment cherché surtout. J’assiste aux cours, je tente de m’y intéresser mais sans grand succès. Violette et Arthur étaient mes moteurs, leur dynamisme m’entrainait dans leur sillage. Quand Ludo va voir mon bulletin, il va comprendre.

— Et tu ne pourrais pas les rejoindre, prendre des cours avec eux toi aussi ?

— Aucune idée de la somme que cela coûte à Martin, et puis je pense que je dérangerais plus qu’autre chose. Ils sont limites des surdoués tous les deux.

Nous avons continué de discuter tout en nous embrassant aussi. Je ne m’étais jamais senti aussi bien, et je ne résistais pas à la tentation de lui en parler, sans trop savoir comment engager le sujet.

— Qu'est-ce qui te tracasse ? me demanda-t-il en me relevant la tête. Cela fait un petit moment que tu te tords les doigts tant tu cogites.

— Je t’ai dit tout à l’heure, je ne suis pas très expérimenté. Tu es plus vieux…

— Et sûrement pas plus aguerri que toi, Fabien. Je sais depuis longtemps que je ne suis pas du tout attiré par les filles mais ma timidité ne m’a pas permis de rencontrer beaucoup de mecs. Et certaines rencontres ont été catastrophiques. Abusé par mon empathie, je me suis mis en danger, suivant sans réfléchir des personnes pas toujours très fiables.  À cause de ceci, pour me rassurer, je sors quasi qu’avec Malo et ses potes. Ma peur de l’autre jour n’existe plus. Je me sens bien avec toi, comme si je te connaissais depuis longtemps. Ne nous mettons aucune pression, d’accord ?

— Ça me va, chuchoté-je. Est-ce que je peux considérer que tu es mon petit-ami ?

— Vu qu'il n’est pas dans mes habitudes de passer la journée à embrasser un mec, je crois que nous pouvons raisonnablement le penser, oui.

J'éclate de rire tout en me pelotonnant contre lui. Ses bras me serrent contre lui, sa main dans mon dos me réconforte.

—Je ne veux pas passer pour un mec terre à terre, mais si on mangeait un truc ? Il me semble avoir entendu un grondement tout à l’heure, se moque-t-il.

— J’avoue que le petit déjeuner a été plus que maigre.

Discuter tout en préparant à manger est une nouvelle expérience pour moi, je n’ai évidemment jamais fait cela chez les parents. Aymeric a le geste sûr, et son sourire ou un bisou de-ci de-là accompagne la préparation du repas. 
Vers quinze heures, nous prenons le chemin vers la gare routière, mon bus est à seize heures. J’ai envie de lui prendre la main, ou la taille, mais je n’ose pas.
Pourquoi est-ce si compliqué pour deux hommes de juste être naturels, pourquoi le regard des autres peut vite tourner déplaisant voire agressif ? Je sais ce que cela m’a coûté. Ma "famille" a volé en éclats en partie à cause de cette intolérance. Je savais par contre  que ni Martin ni Ludo ne me rejetteraient, ni Malo.

Nous nous disons juste en revoir, et même sans bisous tendres, nos regards, eux, sont assez expressifs. A peine assis dans le bus, mon portable affiche un message.

Aym : Tu me manques déjà. Je t’appelle tout à l’heure. Biz.

Le voyage est passé vite, mes pensées étaient entièrement axées sur lui, et heureusement que l’arrêt était obligatoire sinon je l’aurai sûrement raté. Ludo m’attendait appuyé à la voiture de Martin.

(Ludo)

Martin me cache un truc, je le sais. Un ordi garde en mémoire les recherches pour mieux nous attirer après. Et les pubs pour les chambres d’hôtes qui ont régulièrement fait leur apparitions pendant que je mettais à jour mes mails m’ont assez vite éclairées. Ainsi le coquin m’a devancé et cherche un petit week-end.  Sa date est largement après la mienne, nous partirons donc deux fois.
Lorsque Fabien m’a envoyé un texto pour son heure de retour, Martin était déjà en train d’accueillir les acheteurs au local. Il m'a jeté les clefs de sa voiture.
Mon neveu, sourire aux lèvres, se dirige vers moi et nous nous installons dans la voiture.

— Je t’ai dérangé à la mauvaise heure, désolé.

— Martin assure le service, t’inquiète.

Sa façon de s’installer dans le véhicule, ce petit sourire affiché sur son visage, pas besoin d’être très savant pour découvrir qu'il était heureux. Martin aurait questionné,  Violette lui aurait juste pris la main. Moi je lui laissais le choix de parler ou pas.

— Aymeric et moi sommes en couple. Je crois qu'il aimerait vous connaître, rencontrer ma famille.





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