33.


(Simon )

Je ne sais pas si la discussion a été suffisante, mon père s’est efforcé d’être le plus honnête possible. Cela étant, le fossé creusé entre lui et moi, ne va pas se combler en une journée. Arthur est un drôle de gars. Doté d'une incroyable intelligence, tout à fait à l’aise avec son handicap, il a par contre un réel souci avec la sociabilité. Tout l’inverse de moi. Je n’ai pas un cursus scolaire très régulier, mes préférences allaient plus vers les potes que vers les cours. Mon avantage, une mémoire et une facilité à me plonger dans le travail dès que cela devenait nécessaire. Je sais que dans cet environnement plus ou moins restreint, je vais vite progresser.

Ma chambre ressemble plus à une suite : grande avec une douche et un dressing. Mon père m’a dit que mes affaires allaient arriver très vite. Parfait, personnaliser ce lieu sera plus que nécessaire. Toute la maison, malgré des couleurs chaudes,  semble aseptisée, sans rien qui dépasse. A croire qu’Arthur est en sucre.

Après le repas, pris devant les informations, mon père est parti dans la salle. Arthur et moi avons rangé un minimum et il a rejoint sa chambre. Après une cigarette dehors, j’ai décidé de le rejoindre.

Sa porte est fermée mais il ne met pas longtemps à me dire d’entrer lorsque je frappe.

— Comment as-tu su que c'était moi ? m’étonné-je scrutant les lieux pour repérer un système vidéo.

— Pas très compliqué,  ton père n’y vient jamais ou presque. Après le repas, il s'enferme,  pour bosser j’imagine.

— Et la journée cela se passe comment ?

— L’aide-soignante passe tous les deux jours puis je suis en cours avec Laurent.  Et Violette.

— C’est bien ce que je pensais. En fait, toi et lui, vous vous croisez juste, conclué-je en m’appuyant contre le mur. Et en cours, c’est boulot-boulot, je présume ?

— Violette est plutôt studieuse, oui. Comme moi.

— Je ne sais pas si je vais y arriver. Cet environnement fermé va me saouler très vite. Je comprends que vu ton handicap, le lycée soit complexe, mais Violette n’a pas de fauteuil. Pourquoi est-elle là ?

— Je ne vais pas répondre à  cette question. Elle te le dira elle-même. Elle était scolarisée dans le même lycée que moi. Nous nous sommes rencontrés là bas, Violette, Fabien et moi.

— Fabien ? Son copain ?

— Ils vivent sous le même toit, mais j’avoue que je ne me suis jamais posé la question, ils étaient juste quasi inséparables, me répond-il songeur. Fabien jouait le rôle de protecteur, de nous deux.

(Aymeric )

Pas loin de l’arrêt, j’attends. Le bus ne devrait pas tarder. A force de réfléchir, de tenter de mettre tout à plat, j’ai réussi à prendre une décision. Mes mains tremblent d’appréhension. Une femme d'une quarantaine d’années me lance un regard peu amène. Mes aller- retour et mon regard constant sur l’heure doivent  être une source  d’angoisse pour elle. Je tente un sourire apaisant qui n’arrange rien.

Heureusement l’arrivée du bus provoque du mouvement. Fabien apparaît et son sourire timide me fait oublier cet épisode.
Quelques secondes après, il se positionne face à moi. Malgré notre différence d’âge, il est presque de la même taille que moi, et son regard plonge dans le mien. Nous restons un instant ainsi sans bouger, sans s'intéresser au monde autour de nous. L’envie de le serrer dans mes bras est si forte, si puissante que je ne veux pas bouger pour ne pas y céder.

— Salut, chuchote-t-il.

— Bonjour, lui réponds-je d'une voix rocailleuse. Tu veux qu’on marche un peu ?

J'espère au fond de moi qu'il préférera.  Parce que s'il choisit la maison, je ne suis pas certain d’arriver à me contrôler. Nos discussions avec Malo m’ont  ouvert les yeux. J’ai eu peur, j’en conviens,  mais je suis certain à présent de ce que je ressens envers Fabien.

— En fait, je n’ai pas tellement plus de trucs à te dire, réplique-t-il. Je n’ai pas changé de sentiments à ton égard. J’ai compris que je t’avais brusqué et je m’en excuse. La seule chose qui m'intéresse…

Sa voix ne tremble pas contrairement à la mienne, et ces quelques mots me suffisent amplement. Nous sommes toujours face à face, si proches. Je tends le cou vers lui, m’approchant de son oreille.

— Allons à la maison, sinon je vais t’embrasser en pleine rue, lâché-je.

Son éclat de rire sonore finit de me rassurer, et il m’emboîte sans délais le pas. Pendant le petit quart d’heure de marche, nous ne parlons pas, nos regards le font pour nous. Juste des oeillades, régulières de la part de l’un ou de l’autre, indifféremment, comme si nous ressentons le besoin de confirmer ce qui se passe.
À peine la porte fermée derrière nous, Fabien me prend la main et me tire vers lui.

— Juste cela, s'il te plait, chuchote-t-il une fois encore. Laisse-moi te serrer dans mes bras.

Et je le laisse faire avec plaisir. Collé contre lui, ma tête glissée contre son cou, je le laisse agir. Il semble juste profiter de l’instant présent comme si cette situation pouvait s’arrêter. 
Sa main commence presque timidement à se mouvoir, elle quitte mon dos qu’elle enserrait, et caresse ma tête me provoquant des grognements de satisfaction que je n’essaye même pas de contrôler. Fabien se recule un peu, presque surpris de ma réaction, j’en profite pour plonger sur ses lèvres.
Nous n’avons toujours pas quitté l’entrée et je le repousse donc contre la porte. Son sourire rayonnant m’offre l’accord que j'espérais et nous nous laissons aller.
De la porte, inconfortable, nous avons finis sur le canapé,  sans presque se lâcher, nos mains cherchant à découvrir le corps de l’autre, nos bouches affamées embrassant des parcelles de peau découvertes. Nous n’avons pas parlé, seuls nos corps s’exprimaient. Je n’avais pas serré un homme dans mes bras depuis un long moment, peu adepte des rencontres éphémères, et je supposais que Fabien n’avait pas une longue expérience non plus. Nos blousons, pulls étaient tombés au fur et à mesure de notre progression dans la pièce. Torses nus, je surpris pour la première fois, une hésitation chez Fabien. Allongé sous lui, je voyais clairement son trouble.

— Que se passe-t-il, demandé-je.

— Je...je ne suis jamais allé... au delà des caresses. Je ne sais pas….

— Nous avons tout le temps devant nous, dis-je en me relevant en position assise. Ce sont nos frustrations qui nous ont submergés. Toi comme moi, nous retenions  depuis longtemps cette envie.

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