31
(Violette )
La main d’Arthur enroulée autour de la mienne a eu un effet réconfortant à l’instant où François est entré dans la pièce. Son regard inquiet en nous dévisageant m’avait mis mal à l’aise. Je n’avais pas repéré que mon compagnon en fauteuil était si examinateur. Simon n’avait pas bougé mais son sourire au déplacement instantané d’Arthur prouvait qu'il l’avait compris. Mon sentiment le concernant avait évolué dans le bon sens. Il était évident que vu les paroles de son père, il n’avait été au courant de rien. Je ne comprenais pas pourquoi François avait tarder à lui parler de l’existence d’Arthur. J’ai parfois beaucoup de mal à comprendre les adultes. Les cours vont donc continuer à trois, enfin si Martin accepte que j’y retourne. Ma fuite a été stupide et pourrait mettre en péril mes cours ici.
Je ne l’ai pas appelé lui, plus simple et plus sûr de contacter Ludo qui a toujours son portable sur lui.
— Tu peux venir me chercher, s'il te plait ?
— Moi ? Martin est juste à côté.
— Celui qui peut...j’avance.
Après avoir raccroché, je marchais sur le chemin. J’étais sûre que ce serait mon frère. Parce que Ludo avait dû lui expliquer l’aller-retour de tout à l’heure. Contrairement à François, ces deux adultes-là se racontaient tout.
Un quart d’heure plus tard, la voiture de Martin, après un demi-tour, se stationnait à mes côtés.
— Bonjour, me dit-il. Tu marches vite.
— Bonjour. Peut être, je ne sais pas…
— Désolé pour tout à l’heure. Je vais essayer de penser à le prendre, promis, ironise-t-il en montrant du doigt son portable posé sur le tablette centrale.
—Je ne crois pas que tu y arriveras. Ludo est venu, il écoute bien lui aussi.
— Il m’a très bien raconté tes silences, ironise-t-il une fois encore. Tu veux en parler ? On peut marcher un peu…
— Juste se poser quelque part, il y a un parking un peu plus loin, proposé-je.
Avec Martin, nous n’avions pas besoin de longs discours. Avec l’expérience, il maîtrisait bien le décryptage de mes silences. Cinq minutes après, j’étais dans ma position préférée avec mon frère. Son bras enveloppait mes épaules, ma tête contre son torse, ma parole se libérait plus facilement lorsqu'il ne voyait pas mes yeux. Je savais qu'il attendrait que je sois prête.
— J’ai été surprise, choquée même. François n’a pas été honnête, commencé-je. Arthur était angoissé ce matin, tellement irascible qu'il m'a laissée seule avec le prof. Cela lui arrive de temps en temps, des sales journées qu'il les nomme. Cette fois, j’ai compris pourquoi. Lorsque j’ai vu le regard de Simon, exactement celui de François. Ce n’est pas le fils d’un ami. Notre nouveau compagnon d’étude est le fils de François, Martin. Arthur l’a appris il y a deux jours, tout comme Simon a apprit l'existence d'Arthur sur le parking de l’aéroport. Ils se sont vus pour la première fois aujourd'hui.
Je m’arrête là, j’ai déballé l’essentiel. Martin a resserré son étreinte à certains mots.
— Ont-ils crié ?
— Non. François a agit comme si tout était normal. J’étais mal à l’aise entre eux deux, qui ne se parlaient pas vraiment, alors je suis partie. C’était du pur égoïsme de ma part, Martin. Je n’avais que cela en tête. En grosses lettres qui clignotaient “ tu vas devoir repartir au lycée!” J’ai marché sans m’en rendre compte, j’étais presque heureuse que ce ne soit pas toi qui me récupère.
— C’est clair. Moi, je t’aurait ramenée illico presto là-bas et confronté tout ce petit monde. Pourquoi y-es-tu retournée, alors ? chuchote-t-il.
— Les garçons ont vidé leur sac et François a disparu. Arthur m’a appelée, il voulait m’expliquer… Nous avons parlé tous les trois. Puis François s’est excusé. Il voulait me ramener mais j’ai dit non. Ils avaient des choses à se dire.
Martin ne dit pas un mot, il réfléchit. Je sais exactement comment son esprit fonctionne. Mon frère souhaite que je sois dans la meilleure position possible.
— Veux-tu rester là-bas, ma puce ? Il n’est pas question d'une option pour ne pas retourner au lycée. Le choix doit venir de toi, me dit-il en plongeant son regard dans le mien.
— J’aime y travailler. Arthur a sensiblement le même niveau que moi, et arrive à ne pas parler tout le temps, me moqué-je. Simon est intelligent, je crois que cela ira.
— Tu peux changer d’avis, tu le sais. Rentrons avant que Ludo rende Fabien complètement dingo.
( Ludovic)
Je ne tiens pas en place, mes doigts n’arrêtent pas de pianoter sur le comptoir. Fabien gère quasiment toutes les ventes, je n’arrive qu'à sourire bêtement. Et regarder l’heure.
— À peine une heure. Si tu calcules le temps de la récupérer, le temps qu’elle parle, et qu'ils s'expliquent, le timing est bon, commente Fabien. On leur laisse une petite marge et on les assaille de messages, d’accord ?
— Depuis quand tu sais me cerner à ce point, toi ? rétorqué-je en lui ébouriffant les cheveux amicalement. Quand il s’agit de Violette, Martin est différent. A fleur de peau…
— Tu as géré, Ludo. Martin ne peut rien te reprocher. Violette change, s'éloigne de moi, ne me demande plus mon avis ces derniers jours.
— Je trouve que justement c’est une bonne chose, Fabien. Elle apprend à se gérer hors d'ici. Nous sommes un peu trop protecteurs avec elle, chez Arthur elle est obligée d’agir. Par rapport à toi, sans t’en rendre compte, tu as aussi pris tes distances. Et c’est normal. Vous avez vos vies à créer. Ne te sacrifie pas.
Je sais qu'il souffre de cette distance qui s'installe entre eux. Fabien, tout comme Violette, sont seuls. Nous ne sommes pas leurs parents, Martin et moi, pourtant nous en assumons le rôle. Pas si facile sans avoir réellement eu de modèles à imiter, ou à ne pas reproduire au contraire. Nous avançons pas à pas, utilisant chacun nos point forts ou faibles, s'adaptant du mieux possible à chaque situation. Nos deux adolescents sont fragiles et se confrontent à la vie. Nous allons les aider le mieux possible.
La voiture entre dans la cour, et Martin et Violette en sortent. Lui vient se lover contre moi, sa soeur se serre contre Fabien.
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