22.


(Violette)

Me retrouver dans le bureau du proviseur avec Martin me rassure un peu. C’est stupide de ma part de m’inquiéter à ce point. Tout est en règle, je vais quitter le lycée pour un enseignement différent à domicile. Nous sommes là pour finaliser les dernières démarches, rien ne va échouer.

— Je suis désolé de perdre une de mes meilleures élèves, Violette. Ne t'inquiète pas, ton frère m'a expliqué la situation. Je voulais juste préciser que tous tes professeurs sont prêts à te fournir les cours pour te soutenir. Il faudra juste nous laisser un lien informatique pour qu'ils puissent les transmettre, dit-il à Martin tout en se levant.

Il nous raccompagne jusqu'à la sortie, je me retrouve en ligne de mire de tous les élèves en pleine pause de l’après-midi. Tout ce que je déteste. Machinalement, ma tête se baisse et mon regard ne fixe que le sol. Une main vient accrocher la mienne, je ne suis pas effrayée, elle est accompagnée par la voix de mon frère.

— Je suis juste à côté de toi, ma puce. C’est moi qu'ils regardent, pas toi. Ils adorent mon pantalon bleu turquoise ! Tu veux que je leur tire la langue ? me propose-t-il pour me détendre.

— Non, pas la peine, arrivé-je à articuler.

— Alors, Violette, redresse la tête, s'il te plait. Fixe le portail, et souris, chuchote-t-il.

Je sais que je peux y arriver. Martin a beau attirer les regards, je connais la curiosité malsaine des élèves. Je tourne la tête vers lui, il mérite que je lui fasse ce plaisir. Son sourire me donne la force, il a une telle confiance en moi. Je suis à peine assise sur le siège passager qu'il me serre contre lui.

— Je m’en veux de ne pas avoir compris à quel point c’était difficile. Tu dois me parler de tout cela, ma puce. Même chez Arthur, s'il y a un problème, d’accord ?

— Promis, chuchoté-je.

Enlacée par ses bras, le nez contre son torse, je suis bien. Nous ne prenons plus souvent le temps de le faire. Enfin, je n’ai jamais été à la recherche des câlins mais Martin a toujours su le moment exact où j’avais juste besoin d’être serrée contre lui un instant.

— On y va ? Ludovic va avoir besoin d’aide, il a eu une très grosse commande.

(Aymeric)

Je m’installe au volant de la voiture de mon frère le sourire aux lèvres. Cet idiot n’a pas arrêté de se moquer gentiment de moi depuis qu'il a appelé chez Martin. Quel pénible ! Je râle mais sans son accueil chez lui, cela serait devenu compliqué à la maison. Notre père a des idées relativement fermées. Je n’ai jamais vraiment posé de problèmes, mais lorsque j'ai annoncé que je souhaitais devenir cuisinier cela est vite devenu invivable. Il n’acceptait pas cette idée sans fournir d' explications. Buté comme une mule . Malo, mon frère aîné, avait déjà son appartement. Pour calmer le jeu, il a proposé de m’accueillir quelques temps. C’était il y a quatre ans. La cassure avec mon père s’est aggravée. J’ai rompu mes études pour entrer dans une formation pour adulte. J'ai toujours aimé faire de la cuisine, surtout de la pâtisserie. Comme il n’est pas question d’être un parasite, je bosse dans divers lieux pour pouvoir aider Malo. Dans la boutique de photo dont il est le gérant, dans une pizzeria où j’apprends à maîtriser les préparations, ou les livrer aussi. Tout cela en préparant mes cours. Je suis à la recherche d’un maître de stage mais jusqu'à présent sans succès.
L’arrivée inopinée de Fabien dans la boutique m’a,  je l’avoue, un peu distrait de mes objectifs.  J’avais déjà craqué mentalement en le découvrant dans la cuisine de l’Annexe au cours de Martin. Ses yeux flamboyants m’avaient immédiatement attiré, et sa discrétion tout le long de la soirée m’avait plu. Très différent du Fabien bavard, curieux que j’avais retrouvé dans la boutique la semaine dernière.
J’avais passé une agréable matinée en sa compagnie et n’avais trouvé qu’un seul moyen pour prolonger ce plaisir que de l’inviter à manger chez nous. Malo avait un peu manifesté de mauvaise humeur, c’est vrai mais très vite le charme naturel de Fabien avait agi. Au point que celui-ci avait passé une bonne partie de l’après-midi avec lui dans la boutique.
Nous nous sommes donnés rendez vous à la station-service du bled où il vit. Cela me fait tout drôle de faire ce genre de chose.  Appuyé nonchalamment contre le mur de la station, Fabien me repère immédiatement.  Je suis à peine stationné qu'il entre dans l’habitacle.

— Salut, me dit-il affichant un sourire un peu tendu.

— Salut. Cela fait longtemps que tu attends ?

— Suffisamment pour être dévisagé, précise-t-il. Un mec planté contre un mur plus de dix minutes et ils paniquent.

— Tu es venu si tôt que cela ? me moqué-je. Tu me guides ? Je ne connais pas bien le coin.

— Il y a un parking gratuit au centre. Le plus facile est de se garer là et après on avisera, qu'est-ce que tu en penses ?

— Parfait. Je ne suis pas très doué pour les créneaux en ville et Malo n’aime pas trop que j’érafle sa voiture.

— Qu'il est déjà bien sympa de te prêter. Alors, démarre et première à  droite.

Fabien m’a guidé jusqu’au lieu prévu et nous avons discuté en marchant. Les mains dans les poches de son blouson, il marche à mes côtés, attentif à mes paroles comme je le suis aux siennes. Je ne dirais pas qu'il est bavard, mais j’ai la bizarre sensation qu’il s'efforce à combler le silence. Mes pieds commencent à me faire mal et mon organisme réclame une pause.

— Tu n’as pas envie qu’on s'arrête boire un truc ? demandé-je.

— Pourquoi pas ? répond-il en me suivant dans le premier bistrot que nous croisons.

L’endroit n’est pas très peuplé par rapport aux bars où je vais habituellement avec Malo. L’homme derrière le comptoir affiche un sourire et interpelle jovialement Fabien.

— Heureux de voir que tu as quitté ton fauteuil roulant. Qu’est-ce que je vous sers ?

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