19.


(Ludovic)

Martin est revenu plutôt emballé de la rencontre avec le père du jeune handicapé. Violette, très stressée à leur départ, a fait des efforts pour discuter sur place. Sa description de cet épisode m’a donné envie de rencontrer le père et le fils. J’ai aperçu une fois ou deux le jeune handicapé et Fabien m’en parle régulièrement.

Violette dans sa chambre, Fabien en vadrouille, nous nous sommes retrouvés tous les deux. Une petite routine de travail s'est mise en place. Il n’a pas été nécessaire de préciser la place de chacun, nous nous entraidons naturellement. 

Martin, d’un naturel plutôt fin, s'est musclé au fil des travaux. Porter des cageots, ratisser, bécher, a sculpté son corps d'une charmante façon. Je n’imagine même pas ce que cela va donner lorsque sa peau prendra un léger hâle au printemps. Je le laisse gérer les enfants, le matin, il a toujours des difficultés à se lever. Cela lui permet aussi  de repérer au visage de sa soeur si celle-ci a passé une nuit correcte. Elle dormait mieux, moins de cauchemars mais l’énergie dépensée à calmer l’angoisse ressentie au lycée l'épuise ou s’extériorise la nuit. Le psy lui a prescrit un léger somnifère. La décision d’interrompre le lycée pour des cours particuliers avec un autre adolescent tout en y associant des aides comportementales semble être une bonne idée.

La journée a été bien remplie, je ferme le local pour l’instant. Le sourire de Fabien annonçait une journée à raconter. Nos deux adolescents sont les parfaits opposés sur ce sujet. Même si Violette est plus à l’aise, elle n’est pas d'un naturel bavard. Fabien, c’est une autre histoire ! Il peut parler pendant des heures sans user les gens autour de lui. Cela convient parfaitement à Martin.
Je les retrouve tous les trois vautrés sur le canapé et les fauteuils. Martin a enfilé un immonde jogging fuchsia qui agresse mes yeux. Sur la table basse, tasses et mugs attendent. Souvent le samedi notre collation prend des allures de repas. Le lendemain, nous pouvons tous trainer plus longtemps au lit.

— En temps normal, j’exigerais que tu enlèves immédiatement ce truc, mon coeur, apostrophé-je Martin en désignant avec une moue dégoutée, le pantalon. Mais je suis pressé d’entendre les aventures de Fabien en ville, alors…

— J’admets qu'il pique les yeux, commente Fabien, une main sur les yeux. Un de ses jours, il faudra éliminer certains trucs de ton armoire pour le bien de l’humanité, Martin !

Nous pouffons tous les trois alors que le principal concerné  boude.  C’est peine perdue. Il n’est pas daltonien ou un truc du genre, il se contente juste de prendre des vêtements au petit bonheur la chance dans le dressing sans nullement s'intéresser à l’accord des couleurs ou des styles d’ailleurs. Vu son physique plutôt alléchant, sa taille mince (depuis peu délicatement musclée) et son visage d’ange, il peut se le permettre. Cette excentricité lui va bien.

— Nous sommes là pour écouter Fabien ou parler  de mon splendide jogging, bande de jaloux ? Vas-y, Fabien.

— En fait, j’avais repéré trois boutiques possibles. La première a suffi.

— Sans vouloir faire mon vieux con, il est toujours préférable de consulter différentes personnes.

— Malo m’a donné le sien et a consulté un collègue à lui en vidéoconférence pour confirmer celui-ci.

— Malo ? disons-nous dans un accord quasi parfait Martin et moi.

— Le matin, lorsque je suis arrivée à la boutique, il n’y avait que son frère. Il a pris le temps de me renseigner comme il pouvait mais il n’avait pas assez de connaissances sur le sujet. Aymeric m’a donc proposé de manger avec son frère Malo et lui, conclut Fabien avec un sourire fier de lui.

— Aymeric ? questionne Martin.

— Oui. Tu imagines ma surprise quand je l’ai découvert derrière le comptoir. Son frère est le gérant ou le chef, je ne sais pas trop. Aym’ fait un autre boulot l'après midi.

J'écoute mon neveu mais surtout je l'examine parler à Martin. Il a les yeux brillants de plaisir. Reste à savoir pour quelle raison. Aymeric ou les renseignements sur ce qu'il voulait.

( Martin )

Fabien est fier de son effet de surprise, aucun doute. Ses explications sont un peu confuses mais je comprends à son visage épanoui qu'il a passé une bonne journée . Une très bonne journée. Il se lance très vite dans des termes techniques sur les avantages et les inconvénients  de l’argentique, et poursuit sur le numérique. Aucun de nous trois n’est assez qualifié pour l’aider dans sa décision. Aussi je décide de changer de sujet.

— Aymeric travaille, donc ? Je l’aurai cru étudiant, le coupé-je abruptement.

— Ah d’accord, je vois, s’esclaffe Fabien. Mes choix sur le matériel ne t’intéressent carrément pas. Il travaille peut-être en temps partiel, je n’en sais rien. Mais nous avons échangé nos numéros, j’ai bien l’intention de l’appeler.

— Tes choix m’intéressent mais je ne peux pas t’aider, m'excusé-je . Ce “ Malo” est de la partie et semble sérieux. Mais l’argentique pour les vidéos, je ne sais pas, cela me semble peut être délicat.

— J’ai essentiellement parlé de photos, j'avoue. La matinée est passée très vite. Il y avait peu de clients, et nous avons regardé sur Internet. Je ne pensais pas qu’Aymeric parlait autant. Il semblait plutôt réservé dans ton cours, non ?

— Oui, plutôt c’est vrai.

Quoi que lorsqu'il est venu me rapporter les consignes, sa timidité était moins évidente. Sa réserve ne lui avait aucunement empêché de parler de Lucas. Et heureusement, sa réaction m’avait permis de réaliser que celui-ci me manipulait de façon très malsaine.

Cela me fait plaisir de voir que Fabien commence à bouger. Nous redoutions Ludo et moi qu'il se sente obligé de veiller sur Violette. Il se cherche, n’a pas vraiment une idée précise de ce qu'il veut faire. Nous sommes tous les deux bien placés pour savoir que parfois la vie nous oblige à modifier nos plans. Son père rêvait de le voir intégrer une grande école, nous préférons qu'il trouve une voix qui lui plaise. L’idée de se lancer dans la photo ou vidéo n’est pas si mal, mais il serait préférable d’y associer une formation professionnelle. S’il veut s'entraîner sur des photos culinaires ou des vidéos, nous n’y voyons aucune objection.

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