13
( Violette)
Enfoncée dans le fond de la banquette du bus, la tête appuyée contre la vitre froide, je me laisse porter. Fabien me prend la main et me tire contre lui.
— Si tu me racontais plutôt que te fermer un peu plus.
— Il n’y a rien à raconter. Il faut formuler les voeux bientôt et je n’ai pas encore réussi à parler avec Martin. Je ne veux pas le décevoir.
— Je ne vois pas en quoi ? De ne pas te sentir capable d’apprendre au milieu des autres ? Tu avanceras plus vite sans avoir à te préoccuper de tout cela. Martin est capable de l’entendre, j’en suis certain.
— Il est si fier que je puisse faire de grandes études ! Seulement, je ne sais pas si, moi, j'en serai capable. Le lycée me paralyse, comment pourrais-je me retrouver au milieu d'inconnus dans une grande école ?
— Violette, tu réalises qu'il te faudra bien à un moment ou à un autre te mêler aux autres ? Ce serait peut-être une manière de rassurer ton frère, qu'en penses-tu ?
—Tu veux dire, que j'accepte d’aller à des trucs… comportementaux ?
— Oui. Ces trucs là… Pour t'aider à vivre auprès des gens. Tu peux toujours aller à un rendez-vous et voir ce que cela donne, non ?
( Martin )
Nous sommes passés vite fait à l’Annexe récupérer l'adresse de Lucas, puis tout en conduisant, Ludo m’a attrapé la main. Je me passe dans la tête ses derniers mots. Ma famille. On ne s'attaque pas à ma famille.
C’est la plus belle preuve d’amour qu'il pouvait me donner après être parti sans finir d’entendre ma confession. Le regard de Lucas m'avait troublé mais pas dans le sens de la tentation, non. Jamais je n'ai ressenti le moindre désir pour ce mec. Depuis que j'étais parti de chez mon père, ma belle petite gueule avait attiré la convoitise de pas mal de garçons et d’hommes. J'avais suivi certains, très peu en fait. Le seul avec qui je m'étais senti pleinement moi-même se trouvait assis derrière le volant.
— Je ne sais pas où tu étais parti, mon coeur, me dit Ludo en me décochant un tendre sourire. Ton visage se modifiait au fil de tes pensées qui ne semblaient pas être toutes joyeuses.
— Certaines l’étaient, je te l’assure. Prends moi dans tes bras.
Serré contre le torse de Ludo, je savoure l’instant présent. Il me tient contre lui, me caressant tendrement les cheveux.
— Allons-y, Martin. Réglons ce truc. Sinon il va me falloir trouver une chambre d’hôtel.
Cinq petites minutes après, le doigt sur la sonnette, j'attends. Ludo à ma droite n’est pas visible quand la porte barrée d'une chaîne s'ouvre. Le sourire assuré de Lucas apparaît. Quelques secondes et la porte s'ouvre en grand sur Ludo et moi.
— Ah, je n'avais pas prévu que vous soyez deux, ricane Lucas.
Ludo se tend à mes côtés, peu sensible à l'humour. Pour le calmer, je lui prends la main et sans répondre à Lucas, nous entrons chez lui.
Son appartement me glace : rien n'y vit. Tout est beau mais aucune chaleur ne s'en dégage. Les meubles semblent tirés d'un magazine de décoration haut de gamme, les objets posés dessus sont beaux et clinquants. Pourtant il ne se dégage aucune harmonie dans l'ensemble. Lucas se glisse devant nous, silencieux. Son regard narquois se fixe sur nos mains jointes.
— Quel est le but de ta visite, Martin ? Avais-tu si peur de craquer en venant seul ? persifle-t-il.
Ludovic rugit prêt à lui fermer la bouche de façon violente. Je lui serre fortement la main.
— Arrête immédiatement, Lucas. Je suis venu avec Ludovic car il est mon compagnon. Mon seul tort dans cette histoire est de ne pas t’avoir stoppé plus tôt. Ton attitude envers les autres stagiaires est choquante.
— Ton compagnon, raille-t-il, sera sûrement intéressé par le fait que tu étais tout rougissant à mes côtés. A aucun moment, je ne t’ai ressenti offusqué. Je crois même qu'il n’aurait pas fallu grand chose pour que tu succombes.
— C’est là où tu fais erreur, Lucas. Ton regard m’a troublé, j’en conviens. Je l’ai croisé souvent dans les yeux d’autres hommes. Naïvement, j’y voyais de l’amour là où il n’y avait que du désir physique.
Son regard se trouble, il ne sourit plus. Je peux donc continuer.
— Il n’y aura pas de nouveau rendez-vous ni en groupe ni individuel, Lucas. Si tu veux jouer avec des hommes, il y a d’autres lieux pour cela. Par contre, je souhaite récupérer le matériel prêté puisque tu ne l’as pas fait.
Ma voix est ferme, mon regard fixé sur lui ne faiblit pas. La présence de Ludo à mes côtés est ma force. Les épaules de Lucas s'affaissent, plus de morgue dans ses yeux. Il se dirige dans une autre pièce et peu de temps après il me tend le sac isotherme.
— Le siphon n’est pas nettoyé mais je suppose que tu ne souhaites pas repasser plus tard…
— Tu supposes bien.
Et sans rien ajouter, nous quittons, Ludo et moi, l’appartement. Arrivés à la voiture, celui-ci me colle contre la portière, les yeux brillants de désir.
— J’ai honte d’avoir douté un seul instant de toi. Je t'aime, bébé. Rentrons à la maison maintenant.
( Ludovic )
Je suis dans le local, tout est prêt pour recevoir la clientèle. Après être revenus, nous avons mangé … rapidement. Un autre appétit avait besoin d’être comblé au plus vite. J’ai laissé Martin dormir et je suis venu ici. L’homme que j’ai vu m’a impressionné. Nous avons encore tant à apprendre l’un de l’autre. Sans le brusquer, je dois l’amener à se libérer de tous ces moments où il était seul, perdu, face à un monde qu'il découvrait. J’ai aussi laissé un message à Frédéric pour le rassurer.
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