Chapitre 23
Les jours suivants furent centrés sur le bal. Je passai la majeure partie de mes journées à préparer la princesse, lui inculquant des manières qu'elle n'arrivait pas à intégrer, lui apprenant à danser...
Je détestais les après-midi passées dans la salle de bal au carrelage glissant, sans musique, sans même pouvoir fredonner. Je passai mon temps assise sur une chaise pendant que le professeur faisait virevolter la princesse, l'assaillant sèchement de reproches sur son maintien, sur son manque de grâce.
Je n'avais même pas le droit de sortir de la pièce pour faire autre chose. Je devais rester là pendant deux heures tous les jours avant de pouvoir enfin me mouvoir.
Les femmes continuaient de mourir dans le château mais personne ne savait ce qu'il se passait. Je ne m'en préoccupai pas, trop occupée par le reste.
Je ne vis pas vraiment Jedrek. Il était venu pour parler mais je l'avais envoyé sur les roses. Il avait compris que j'étais furieuse et que c'en était fini. Ce semblant d'alliance avait pris fin et il ne pouvait qu'en assumer le tort.
Ryker se retrouva pris dans l'engrenage de la Cour. En tant que Prince héritier, il devait gérer beaucoup de choses à ce que je compris.
Sans compter cette affaire de mariage avec Lady Persley. Sa mère le harcelait, poussant presque Persley dans son lit. Et cette lady n'aurait pas pu être plus heureuse. Elle me rendait malade.
Elle savourait son triomphe. Dès que nous nous croisions dans les couloirs, elle me jetait au visage ce que lui avait dit la Reine, prévoyant déjà sa robe de mariée.
Je détestais cela. Cette situation me rendait malade. J'avais envie de lui envoyer mon poing dans les dents dès que je la voyais. Me retenir devenait de plus en plus difficile.
Le pire n'était pas cela, toutefois. Le plus insupportable était cette Fae, Vya. Elle jouait l'innocente, baissant les yeux pour un rien. Je n'y croyais pas une seule seconde. Malgré tout, je la gardais à l'œil. Je ne devrais pas puisque le Prince n'était plus ma responsabilité. Mais je ne pouvais m'en empêcher.
À mesure que le bal se rapprochait, une angoisse montait en moi, étouffante. Un pressentiment me hantait, me donnait des cauchemars. Je sentais qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.
Dans Phyre, des maisons brûlaient. La révolte grondait plus que jamais à l'annonce d'un grand bal en l'honneur du départ du Roi, soi-disant pour la guerre. Personne ne le croyait. Les villageois hurlaient qu'il partait se réfugier à la campagne, loin de la guerre et loin de la ville.
J'avais plus tendance à les croire qu'à faire confiance à la royauté. Jamais Quinten Madsen n'irait sur le front. Il n'avait pas ça dans le sang. Il n'oserait jamais s'approcher d'une bataille.
J'avais besoin de parler à Vya. Il me fallait les réponses à mes questions avant de pouvoir assassiner le Roi sans crainte de conséquences désastreuses. Je ne me le pardonnerais pas si je relâchais la Faerie sur le monde. Même Quinten ne valait pas un tel sacrifice.
À quelques jours du bal, je parvins à coincer Vya dans un recoin de la bibliothèque. Je l'attrapai par le bras, la faisant gémir. Elle protesta, trébuchant derrière moi alors que je la traînais dans un recoin sombre.
- Qu'est-ce que vous me voulez ?
- Je sais ce que tu es, murmurai-je à son oreille, la tenant par la gorge. Alors tu vas me dire quel est ton plan. Qu'est-ce que tu veux ?
- Mais de quoi parlez-vous, milady ? Son Altesse le Prince m'a sauvée. Je ne veux rien...
- Ne joue pas à ce jeu avec moi. Je ne suis pas une idiote et je ne suis pas une lady. Loin de là. Alors tu vas parler. Tu es une Fae. Tu ne peux pas t'être laissée attraper sans l'avoir voulu.
Un sourire fleurit sur ses lèvres. Ses yeux gris devinrent violets. Je reculai.
- Vous vous trompez tous. Il n'y a pas que les Faes mais vous avez tendance à l'oublier.
Une douleur fleurit dans mon flanc. J'y portai une main. Mes doigts trouvèrent la soie de ma robe déjà trempée de sang poisseux et chaud.
Vya caressa mon visage alors que je m'effondrais contre l'étagère.
- Pour ta gouverne, hybride, je suis un changeling. Et à partir de maintenant, je serai toi.
- Sous mes yeux, elle se transforma en une réplique parfaite de moi. Je refusais de la laisser semer la zizanie en portant mon apparence. Je ne finirai pas pendue à cause d'un... d'un monstre.
Je lui fauchai les jambes, la faisant chuter tête première. Elle se cogna sur le carrelage. Je me hissai sur elle, la maintenant à terre. Je saisis ses cheveux et lui frappai le visage sur le sol, lui brisant le nez.
Elle me repoussa violemment, m'envoyant voler contre la bibliothèque. Je ne pus retenir un gémissement de douleur.
- N'essaie même pas de lutter avec moi, hybride.
- Je sais me défendre, crois-moi. Tu ne sortiras pas de cette pièce avec ma tête. Il te faudra me tuer pour ça.
- Avec grand plaisir.
Ses ongles s'allongèrent, acérés comme des rasoirs. Je récupérai ma dague, prête à me défendre. Je parai la main qu'elle lança vers moi. Ma blessure ne m'aidait pas à réagir à ses attaques rapides et rapprochées.
J'eus du mal à résister mais j'y parvins. Elle s'énerva. Elle me souleva et me jeta à travers les rayonnages. Je planai jusqu'à ce que je heurte un meuble de plein fouet, le renversant dans un bruit terrible. Une pluie de livres s'abattit sur moi.
Je tentai de me relever. Des étoiles dansèrent devant mes yeux. Je tins à peine sur mes jambes. Je me rattrapai au mur, ne tenant pas à me retrouver les fesses par terre.
- Tu n'aurais pas pu être moins discrète.
Je me jetai sur elle, couvrant le bruit des pas venant vers nous.
- Tu crois que je suis facile à abattre, monstre ? Tu te trompes !
Je lui assenai plusieurs coups de poing en pleine tête. Elle appuya sur ma blessure, me faisant crier. Elle alla jusqu'à enfoncer ses doigts dans mon flanc. Je hurlai alors qu'elle renversait les positions.
Soudain, elle s'effondra sur moi, inconsciente. Je n'eus même pas la force de la repousser alors qu'elle reprenait le visage de Vya, le seul changement étant ses yeux violets et sa peau grisâtre.
J'eus à peine le temps de voir Jedrek repousser le corps du changeling que le noir m'avala.
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Je repris connaissance dans mon lit. Quelqu'un m'avait blottie sous mon édredon et avait glissé deux oreillers sous ma tête. Mon flanc me brûla quand je voulus me redresser.
Je retombai sur mes oreillers, la bouche sèche, une migraine terrible me vrillant le crâne. Je me rappelai du changeling et des coups qu'elle m'avait infligé. Que lui était-il arrivé ?
Je serrai les dents et me relevai. Je ne pouvais pas rester allongée sans savoir ce qui était advenu de ce monstre qui avait pris ma forme. Je devais m'en occuper. Personne ne me croyait lorsque je disais que Vya était dangereuse. Il allait bien falloir que je leur prouve.
Une silhouette s'encadra dans l'entrée de ma chambre. Je cillai, reconnaissant Jedrek avec un temps de retard. Une grande balafre tranchait sa joue droite, formant un X avec la cicatrice blanchie qui était encore rose à mon arrivée au château.
- Enfin réveillée ? me jeta-t-il avec un faible sourire.
- J'ai été inconsciente combien de temps ? éludai-je.
- Presque trois heures. Tu as perdu beaucoup de sang.
- Et le monstre ?
- Monstre ? C'est une Fae et tu l'es à moitié. J'ai bien compris que vous vous êtes battues mais...
- Ce n'est une Fae, dis-je fermement en descendant de mon lit.
Je fermai les yeux une seconde, le temps de faire passer la vague de douleur qui me submergea et me donna la nausée. Les mains de Jedrek me repoussèrent doucement sur le matelas de plume.
- Reste couchée et donne-moi ta version des faits. J'ai déjà entendue celle de Vya.
- Je l'ai attrapée dans la bibliothèque. Je voulais lui faire avouer qu'elle prévoyait de tuer le prince... Elle a fait semblant au début. Elle a vite laissé tomber son masque. Elle m'a dit qu'elle était un changeling. Elle a même... Elle a pris mon apparence.
- Tu es sûre ? Je n'ai jamais entendu parler d'être capables de changer d'apparence.
Je saisis sa main, le forçant à me regarder.
- Je ne suis pas folle. Je peux te le jurer, Jedrek. Ce n'est pas une Fae. Et elle va faire de gros dégâts si elle n'est pas abattue.
- Ryker est furieux. Il la protège. Il pense que ce combat est de ta faute. Elle lui a monté la tête en lui disant que tu étais jalouse.
- Jalouse ?!
Il pinça les lèvres, l'air contrit.
- Je vais la trouver et je vais la buter. Elle me fait passer pour une idiote ! Après avoir tenté de me faire accuser du meurtre du prince !
- Tu vas rester dans ce lit et te remettre. Je vais la surveiller. Elle ne touchera pas à un cheveux de Ryker.
- Parce que tu me fais confiance, maintenant ?
- Ce que je sais, c'est que jamais personne n'aurait pu te prendre ta dague et te poignarder avec. Pas même moi. Et comme c'est la seule arme que l'on ait trouvée... Il y a quelque chose de louche.
Je le fusillai du regard.
- Tu ne me crois pas. Je me demande pourquoi je pose encore la question, de toute façon.
- Ce n'est plus une question de confiance, Sixtine. Nous sommes au-delà de ça. Nous avons la même quête. Mais pas les mêmes croyances.
- Je te prouverai que j'ai raison.
- J'attends de voir.
Il repartit après un rapide « Mercot ne va pas tarder ». Je ne comptais pas rester au lit sans rien faire alors qu'un monstre parcourait les couloirs du château.
La colère qui bouillonnait en moi m'aida à me relever. J'enfilai une tunique en coton ample et un pantalon d'équitation. Je nouai une cape autour de mes épaules pour être un peu plus présentable.
Comment Ryker pouvait-il être aussi idiot ? Comment pouvait-il croire cette fille lorsqu'elle lui parlait ? Était-ce à cause de sa beauté ? Ses longs cheveux noirs qui dévalaient son dos jusqu'à ses chevilles, son visage en forme de cœur, ses taches de rousseur sur le nez et les pommettes ? Se laissait-il aveugler par ses courbes voluptueuses, sa voix flûtée ? N'avait-il vraiment aucun soupçon ?
Je croisai Mercot et Junia dans les couloirs. Je me traînais, encadrée par des gardes qui roulaient des yeux. Le médecin les convainquit de me soulever et de me ramener dans mes quartiers. Je me débattis comme une lionne, rouvrant ma plaie, faisant râler Mercot à qui mieux mieux.
La faiblesse me balaya comme un fétu de paille et je me retrouvai à demi-consciente sur mon lit. Le médecin me recousît à nouveau, refit mon bandage.
- Vous ne devez pas bouger de ce lit, milady, me dit-il. Ce n'est pas bon. La plaie ne guérira pas. Laissez-vous au moins jusqu'à demain matin avant de courir les couloirs.
- Je ne peux pas, soufflai-je, tentant de lui faire comprendre à quel point il était important que je sorte de cette chambre.
- Vous le pouvez. Cette Fae est sous haute garde tant que la situation n'est pas éclaircie. Vous passerez devant le Roi dès demain.
- Il sera trop tard... Elle aura eu le temps de l'assassiner.
Junia et Mercot échangèrent un regard.
- Jedrek veille sur le jeune prince.
- Il ne sait pas à quoi il a affaire. Il se fera tuer aussi. Il ne veut pas m'écouter.
Judeen entra et murmura quelques mots à l'oreille de Junia qui lui sourit en hochant la tête. Elle posa une main sur l'épaule de son mari, attirant son attention.
- Cette Fae a besoin de soin aussi.
- Ce n'est pas une Fae, intervins-je. C'est un changeling. Elle me l'a dit. Et je l'ai vue se transformer. Devenir une réplique parfaite de moi.
Je vis aussitôt qu'ils ne me croyaient pas plus que Jedrek. Ce qui n'avait rien d'étonnant.
Mercot me tendit une fiole remplie d'un liquide rose pâle.
- Buvez cela. C'est un antidouleur.
Je pris la fiole et vidai le contenu dans ma bouche. Il sourit, tapotant ma tête avant de se lever. Il rejoignit sa femme qui l'attendait près de l'entrée de la pièce. Pendant qu'ils murmuraient, le dos tourné vers moi, je crachai le liquide sous mon oreiller. Il ne me ferait pas dormir aussi aisément.
Ils me jetèrent un dernier coup d'œil avant de partir sur des recommandations que je ne suivrais pas. Je pris mon temps pour me lever. Je me doutais qu'ils avaient ordonné aux gardes devant ma porte de ne pas me laisser sortir.
Je soupirai, appuyée contre le mur à côté de la porte. Je poussai le meuble à côté de moi qui vomit ses tiroirs et leur contenu. Aussitôt, la porte s'ouvrit sur un garde.
Je levai ma chaise et l'abattit sur sa tête. Le bois se fracassa sur son casque, le faisant tomber à genoux, quelque peu sonné. Un second coup sur le crâne et il fut K.O.
Le second entra. Je réagis, donnant un coup de pied dans sa main avant qu'il ne puisse sortir son épée de son fourreau. Un coup de poing dans le nez l'envoya contre le mur. Il ne me resta plus qu'à l'assommer.
- Désolée mais vous ne me laissez pas le choix, dans ce château... soufflai-je, pliée en deux.
Je remontai le capuchon de ma cape sur mon visage avant de partir à la recherche du Prince. Vya allait agir vite. J'avais déjà perdu bien trop de temps. Elle allait l'ouvrir en deux sans que personne ne puisse réagir. Si je n'arrivais pas à temps, ils n'auraient que leurs yeux pour pleurer. Ils ne pourraient pas dire que je ne les avais pas prévenus.
Je ne savais pas où aller. Où pouvait-il être avec ce monstre ? Parce que je savais qu'il était avec elle. Je m'en doutais. Il était assez idiot pour se balader avec elle avec trop peu de gardes.
Je sortis dans les Jardins, me doutant qu'il devait l'avoir emmenée profiter du soleil hivernal. Ça lui ressemblait. Je n'eus pas longtemps à chercher. Il était dans les grands sentiers, tenant son bras, discutant avec elle. Trois gardes gravitaient autour d'eux.
Les épaules du monstre se raidirent. Elle savait que j'étais là. Elle ne se retourna pas mais je savais qu'elle était au courant. Elle allait agir très vite. Trop vite pour moi. Mon flanc me lançait affreusement et ma tunique était déjà imbibée de sang.
Elle se colla à lui, flirtant de façon très claire. Je serrai les dents, agacée. Elle lui fit face, posant ses mains sur sa taille. Je vis ses ongles s'allonger. Elle était prête à l'attaque.
- Ôte tes sales pattes, espèce de monstre ! criai-je.
Son sourire fit froid dans le dos.
- Fais un pas et je lui fais sortir ses tripes, me prévint-elle.
Elle le tenait fermement par le cou, ses ongles juste sur son ventre. Ryker était blanc comme un linge et les trois gardes étaient en déroute. J'avais plutôt intérêt à réagir et rapidement. Ce n'était pas eux qui le ferait.
- Quelle preuve de force, ironisai-je. Tu ne serais même pas capable de gagner un vrai combat sans tricher. On ne peut pas en attendre plus d'un monstre, après tout.
Je la vis enfoncer ses ongles dans le ventre du Prince qui serra les dents. Elle commit l'erreur de lui jeter un rapide coup d'œil, se délectant visiblement de sa douleur. Ma main jaillit. La lame de ma dague se planta dans son épaule, la faisant hurler de douleur.
Elle relâcha le Prince qui s'affaissa dans les graviers. Je tombai à genoux, nauséeuse. Les trois gardes tentèrent d'abord de la maîtriser avant que l'un d'eux ne se résigne à l'empaler sur son épée. Sa peau redevint grisâtre et se flétrit, se collant aux os. Le cadavre s'effondra en poussière lorsqu'il heurta le sol.
Je perdis connaissance.
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J'étais de retour dans ma chambre. Jedrek était debout à côté de la porte, l'air fermé. Un grincement me fit tourner la tête. Ryker était assoupi dans un siège près de mon lit. Je haussai un sourcil, ramenant mon attention sur Jedrek.
- Il a insisté, dit-il simplement. Que pouvais-je faire ?
- Aide-moi à me lever.
Il obtempéra sans un mot.
- Que s'est-il passé après que je me sois évanouie ?
- Pas grand-chose. On t'a ramenée ici et Mercot, qui n'était pas content du tout, t'a recousue une troisième fois. Il prévoit de te faire un sermon, au passage. Il a soigné Ryker aussi et a examiné ce qu'il reste de la... chose.
- Qui est-ce qui avait raison, au final ? C'est moi, il me semble.
- Je suis désolé. J'aurais dû t'écouter.
- C'est bien que tu t'en rendes compte. Ton pote serait mort si j'avais avalé la potion de ton père. Et j'aurais sûrement été accusée parce que cette saloperie aurait pris mon apparence pour le faire. La prochaine fois, je ne bougerai pas un cil et il mourra.
Un sourire étira ses lèvres.
- Ce n'est pas à moi que tu feras croire cela. Tu le sauveras mille fois s'il le faut.
- Tu te trompes. C'était la dernière parce que je ne tiens pas à être pendue pour un meurtre que je n'ai pas commis. Maintenant, c'est fini. Si toi et tes gardes êtes incapables de faire votre boulot, ce n'est pas mon problème.
Il le prit comme un coup en plein estomac. Un léger remord naquit dans le creux de mon ventre. Toutefois, je ne retirerais pas ce que je venais de dire. La Garde royale était d'une nullité extrême. Il fallait qu'il en prenne conscience.
- Tu es convoquée par le Roi dès ce soir, dit-il froidement.
- Bien. Je suppose que tu vas m'escorter.
- Oui.
Je lui tournai le dos, regardant l'état de ma blessure. Le bandage était taché de sang. La douleur était sourde, comme le pouls d'un deuxième cœur. Il n'y avait rien de plus désagréable.
- Tu as raison. La Garde est d'une nullité impossible. Ils ne peuvent pas se protéger eux-mêmes. Mais je n'y peux rien. Ils ne m'écoutent pas. Pour eux, je ne suis qu'un gamin qui a été parachuté à cette position parce que je suis l'ami du Prince héritier.
- Botte leur les fesses. Agis comme un Capitaine.
- J'ai essayé cela aussi. Ils ne me haïssent que plus maintenant. Il n'y a rien à faire. Ce sont des hommes et, à leurs yeux, je ne suis qu'un gamin. Ils ne feront que ce qu'ils veulent. Ils savent que chacun de leurs impairs se répercutera sur moi.
Je voulus compatir. Mais je n'y parvins pas. J'étais furieuse contre lui. Pour ne pas m'avoir dit tout ce qu'il savait. Pour ne pas m'avoir crue quand je lui ai dit que Vya n'était pas une Fae. Pour m'avoir prise pour la plus grande des idiotes. Ses excuses n'apaisaient en rien mon courroux.
- Fais-toi respecter, répondis-je simplement. Cela sera sûrement difficile pour toi mais si tu leur prouves que tu n'es pas qu'un privilégié, peut-être que tu pourras enfin remplir ta mission. Tu ne peux pas vraiment pas faire pire, de toute façon.
Je crus qu'il allait me gifler. Je l'ignorai, m'appuyant sur le bord de la fenêtre. Mes jambes commençaient à faiblir. Je n'avais plus aucune force. Je tremblais comme une feuille.
- Tu devrais retourner dans ton lit, soupira Jedrek. Tu ne tiens pas debout.
- En quoi ça te regarde ?
Il se planta face à moi. Il saisit mon menton, me forçant à le regarder.
- Je sais que tu m'en veux. Je suis désolé, d'accord ? Je le suis vraiment. Aussi folle que ta théorie ait été, j'aurais dû t'écouter plus sérieusement. Je suis désolé.
- Oui, tu aurais dû m'écouter. Tu aurais dû me donner le bénéfice du doute. Tu aurais dû me parler de ces captures de Faes, ajoutai-je dans un murmure avec un œil sur Ryker qui ronflait légèrement. Tu aurais dû me prévenir de ce qu'il se passe dans le dos de tout le monde. Et du problème de la Reine. Parce qu'elle en a un sacré.
- C'est vrai. Elle est... lunatique. Parfois, pour rien, elle peut devenir violente et méchante. La plupart du temps, elle est inoffensive, plus préoccupée par le mariage de son fils et ses robes de grand couturier. Seulement, il y a des jours où elle agit bizarrement.
- Ce n'est même plus bizarrement à ce niveau-là.
Il relâcha mon menton, me laissant enfin m'appuyer contre la vitre. La fraîcheur du verre me fit un bien fou. Je me sentis un peu plus éveillée.
- Je suis désolé, Sixtine. Et c'est la dernière fois que tu m'entendras le dire.
- J'en doute. Vu comme c'est parti, tu vas enchaîner les mensonges et les cachotteries. Une chose est sûre Capitaine de la Garde, je serai pas assez idiote pour te faire à nouveau confiance.
Il parut blessé. Il ne dit rien, toutefois. Il se recula, allant réveiller le Prince. Celui-ci grogna, essuyant discrètement la bave au coin de sa bouche. Je ne pus retenir un sourire. Il se frotta les yeux comme un chaton avant de se lever. Il m'offrit un sourire endormi lorsqu'il me vit.
- Vous êtes enfin réveillée. Comment allez-vous ?
- Je devrais plutôt vous poser la question, Votre Altesse. Vous avez été blessé.
- Des égratignures. Vous, par contre, c'est bien plus grave. Vous devriez vous recoucher. Vous êtes pâle comme un linge.
- Je vais bien.
- Vous mentez très mal. Vous êtes en sueur, vos jambes tremblent, et vous avez l'air fiévreuse.
- J'ai juste besoin d'air. Mais je sais que vous ne me laisserez pas aller dans les Jardins ni même dans la Serre.
- C'est exact. Vous allez dormir et, demain, Jedrek vous emmènera jusqu'au Roi avant le petit-déjeuner. Vous le devez, Sixtine. Si vous allez mieux demain, je vous emmènerai moi-même dans les Jardins. Seulement si vous dormez.
Je le fusillai du regard. Il sourit, amusé par ma réaction. Il me rejoignit en donna une petite tape sur mon nez avec son index.
- Ne faites pas cette tête. Dormez quelques heures et je vous laisse sortir. C'est une promesse.
- Très bien. De toute façon, je suis emprisonnée ici.
- Vous l'étiez plus tôt et ça ne vous a nullement empêchée d'assommer les gardes pour sortir.
Ce fut à mon tour de sourire.
- Oh, croyez-moi, personne ne pourra m'empêcher de recommencer si nécessaire.
- Il n'y aura pas besoin. J'ai retenu ma leçon.
- Je l'espère pour vous, Votre Altesse. Votre survie ne tenait plus qu'à un fil. Tentez de ne plus vous faire avoir par un joli minois. Je ne serai pas toujours là pour vous sauvez la vie. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser.
Je gagnai mes quartiers privés, faisant appeler Judeen. J'avais bien besoin d'un bain. Je me sentais sale.
- Bonne nuit, dit vaguement le Prince.
Au même moment, Judeen entra, les poussant à sortir. Elle m'offrit un sourire en m'aidant à me débarrasser de mes vêtements après m'avoir rempli la baignoire en fonte. Je me glissai dans l'eau chaude avec délectation.
Je dus m'endormir pendant un moment. Judeen avait posé une serviette roulée entre ma nuque et le rebord de la baignoire pour plus de confort. Derrière les fenêtres, le soleil était tombé, ne laissant qu'une nuit profonde. Je me redressai, regardant autour de moi. L'eau froide me fit frissonner.
- Vous voilà réveillée ! s'exclama Judeen avec un sourire. Vous avez dormi pendant quatre heures, milady. Le Roi vous attend.
- Oh.
Elle m'aida à sortir de la baignoire et à me préparer pour aller voir le Roi. Junia vint refaire mon bandage rapidement avant de me laisser m'effondrer sur mon lit pour dormir quelques heures supplémentaire que son fils adoptif se mit un plaisir de rompre en venant me chercher pour m'escorter jusqu'à la Salle du Trône.
- De quelle humeur est-il ?
- Massacrante.
Je déglutis difficilement.
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