Chapitre 20

Les choses allaient de mal en pis. Bien entendu, les servants qui avaient vu le message Fae sur le mur avaient parlé. Un vent de panique agitait le château. Surtout que le corps de la personne dont le sang avait servi d'encre n'avait pas été retrouvé.

Pour ne rien arranger, Ryker m'avait parlé des fantômes de la magie Fae. Ils ne partiraient jamais et feraient tout ce qu'ils pouvaient pour retrouver la Faerie. Ils pouvaient posséder quelqu'un pour atteindre la surface.

En plus de cela, Jedrek m'avait appris que ses parents adoptifs souhaitaient me parler. Sdan n'avait pas tenu sa langue et avait parlé de notre rencontre à Mercot. Celui-ci avait aussitôt parlé à Jedrek et avait exigé qu'il m'amène chez eux.

Aussi dus-je me préparer pour sortir dans Phyre à la nuit tombée. J'enfilai mes vêtements noirs, serrant la ceinture autour de ma taille. Les fourreaux de mes dagues ressortaient sur le tissu sombre. Je mis une cape assortie pour camoufler légèrement les gemmes de la dague du Prince.

Jedrek entra sans frapper, comme à son habitude. Je lui jetai un regard noir qu'il ignora.

- Tu es prête ?

Je hochai la tête. Il garda la porte ouverte pour que je sorte et la referma derrière moi.

- Quelle histoire as-tu inventée pour expliquer cette sortie nocturne ?

- Fais mine d'être malade et ça passera comme une lettre à la poste.

Je roulai des yeux. Évidemment. L'excuse vieille comme le monde. Il n'allait pas se creuser la tête pour trouver une excuse plus élaborée puisque la majeure partie des gardes avaient pris tellement de coups sur la tête qu'ils étaient complètement idiots.

Nous traversâmes les couloirs. Je fis mine de me tenir le ventre et d'avoir mal. Jedrek ne parut pas convaincu mais ne fit aucune remarque.

L'air était glacial. Je fus vite gelée sous ma cape. J'aurais dû mettre quelque chose de plus chaud. Je pressai le pas, m'agitant pour me réchauffer. Jedrek me suivit sans mal, faisant simplement de plus grandes enjambées.

La maison des parents adoptifs de Jedrek était blottie entre un cordonnier et une taverne bruyante de cris, de rires et de verres entrechoqués. Comme toutes les maisons de Phyre, elle était construite en basalte noir et poli, percé d'une fenêtre au rez-de-chaussée et d'une autre à l'étage.

Jedrek frappa sur l'étroite porte en bois brut avant d'entrer sans attendre de réponse. Je le suivis, fermant soigneusement la porte derrière moi. La première pièce était plongée dans le noir. La seconde était éclairée par une armée de bougies qui entouraient une petite table ronde autour de laquelle étaient assis Mercot et Junia.

- Bonjour, Sixtine, me sourit Junia. Viens t'asseoir près de nous. Il me semble que nous avons beaucoup de choses à nous dire.

Je tirai une chaise pour m'asseoir, observant le Capitaine bouger, si à l'aise dans ces pièces exiguës et sombres. Il déposa un baiser sur la joue de Junia qui lui sourit.

- Nous avons demandé à Jedrek de t'amener ici parce que nous avons appris nombre de choses, dit Mercot, les mains croisées devant son menton.

Je soupirai en m'appuyant contre le dossier branlant de ma chaise.

- Je sais que Sdan vous a parlé de moi et que c'est de cela dont vous voulez parler. Alors allons droit au but. Comptez-vous crier sur tous les toits que j'ai promis d'assassiner le Roi ou non ?

- Nous avons des contacts avec Sdan. Ne penses-tu pas qu'il serait idiot de notre part d'agir ainsi ?

- Des idiots, ce n'est pas ce qui manque dans cette ville.

- Bien que tu n'aies pas tort, ne penses-tu pas que nous courrions un trop grand risque à révéler tes plans ?

- Vous êtes le médecin de la famille royale, votre fils est le Capitaine de la Garde. Je doute que vous risquiez quoi que ce soit quand même irais-je dire que vous êtes de mèche avec le chef des assassins de Phyre. Personne ne me croirait.

Ils sourirent tous les trois. Ils pensaient garder cet argument pour se défendre si je venais à les attaquer. Ils n'avaient pas pensé que j'étais assez maligne pour y penser par moi-même.

- Je vous avais bien dit qu'elle était loin d'être idiote, se moqua Jedrek en posant une tasse de thé fumante sous mon nez.

- C'est un avantage. Cela fait des années que nous tentons de mettre fin au règne de Quinten Madsen. Tu as été entraînée par les Marchetta pour le faire. Tu as ce qu'il faut pour enfin achever notre œuvre. Tu pourrais être la main régicide.

- Cela veut donc dire que vous allez m'aider ? C'est pour cela que vous m'avez fait venir ? Et comment savez-vous que les Marchetta m'ont entraînée ?

- Quelque chose comme cela, en effet, approuva Junia avec un grand sourire. Nous ne pouvons pas faire beaucoup de choses. Mais nous pouvons te concocter des potions diverses ou créer des diversions. Nous avons tout un réseau.

- Quant à ta seconde question, poursuivit Mercot en se penchant vers moi, nous connaissons les Marchetta. Lorsqu'ils étaient à la Cour, ils étaient... particuliers. Surtout Jon. La rumeur disait qu'il était un ancien espion. Il agissait comme tel, il faut l'admettre. Sais-tu pourquoi le Roi l'a banni de la Cour ?

- Non. Il a toujours refusé d'en parler.

C'était l'un des points qui m'avait toujours énervée. Jon avait toujours eu une forme de haine envers le Roi. Haine causée par son bannissement de la Cour, là où il avait toujours vécu. Par contre, il n'avait jamais voulu m'expliquer pourquoi.

- Jon était l'un des conseillers du Roi. Un ami proche, même, dirais-je. Tous les deux étaient comme des frères dans leur enfance et même s'il s'étaient un peu éloignés, ils étaient restés très proches. Mais Jon a toujours été envieux. Quand Quinten a été couronné, ça a été difficile à encaisser pour lui. De fait, Quinten lui a donné la place de Conseiller personnel et d'Intendant.

Junia se leva et alla chercher une boîte. Elle la posa sur la table et l'ouvrit. Une odeur de miel et de sucre s'éleva, me faisant saliver. Elle me tendit la boite et je pris un petit gâteau.

- Mais cela ne suffisait pas à Jon. Il voulait plus. Surtout lorsque leur amitié devint secondaire. Quinten s'était marié alors la priorité était d'affirmer son pouvoir sur le peuple et de donner un héritier au royaume. Du coup, Jon a épousé la femme qu'aimait Quinten. Un fossé s'est créé entre eux. Dès lors, ce fut une guerre ouverte.

Cela ne m'étonnait guère. Jon était vindicatif. Il n'aimait pas ne pas être le premier. J'avais souffert les premières fois où je l'avais battu durant les entraînements. Il n'avait pas été fier ou content. Il avait été furieux. Aussi ne m'étonnais-je pas de sa réaction.

Ce qui me surprenait, par contre, c'était cette amitié ancienne avec le Roi. Ils avaient été les meilleurs amis et maintenant, il entraînait des jeunes pour le tuer ? C'était impossible ! Improbable. Je ne pouvais imaginer qu'un homme, même rendu jaloux, puisse envisager de faire tuer celui qui avait été son meilleur ami.

- Que s'est-il passé lorsqu'il a épousé Patsy ? demandai-je en grignotant les petits biscuits de Junia.

- Quinten était furieux, évidemment. Mais il a accepté. Tout le monde sait qu'il avait une relation avec Patsy dans le dos de Jon. Mais quand Jon l'a su, ça a été la fin. Ils se sont battus violemment.

- Ils se sont presque entre-tué, tu veux dire ! s'exclama Junia. Jon a dit qu'il tuerait Patsy s'il apprenait qu'il avait tenté de la revoir. C'est pour cela qu'il a été banni.

- En effet. Jon n'a pas tellement apprécié d'être fait cocu par son ancien ami et le Roi n'a pas tellement apprécié de se faire menacer par celui qui avait épousé la femme qu'il aimait. Je suppose que Jon a mitonné sa vengeance pendant toutes ces années. C'est pour cela qu'il t'a ramassée dans ce terrier de renards bleus.

Le biscuit me tomba des mains. Jedrek pouffa ; je l'ignorai. J'étais choquée. Comment connaissait-il ces détails ? Je n'avais parlé des renards bleus qu'à Patsy et Jon. Ils étaient les seuls à savoir.

- C-Comment... ?

- Nous savons beaucoup de choses, Sixtine. Nous connaissons toute ton histoire. D'ailleurs, j'aimerais te faire lire quelque chose.

Mercot me tendit un carnet. Je le pris du bout des doigts. Ils allaient savoir que je n'arrivais pas lire. Que je n'y arrivais plus, en tout cas.

J'ouvris le carnet, décidée à réussir à lire ce qui était écrit. Je n'allais pas m'humilier, perdre toute crédibilité. C'était hors de question. Je refusais de passer pour une illettrée. Je savais lire. J'en étais sûre. Il me fallait juste la clé qui m'avait tant aidée par le passé.

Mais sur la page, les lettres se mélangeaient au point que je ne compris rien. Je ne parvins même pas à déchiffrer un seul mot. Tout n'était que nuages de lettres mouvantes.

- Tu n'y parviens pas, n'est-ce pas ? demanda doucement Junia en posant sa main sur la mienne.

- Si ! Si, j'y arrive !

- Non, tu n'y arrives pas, contra Mercot en récupérant le carnet. Essaie celui-là.

- Pourquoi ?

- Fais-le.

Je pris le carnet et l'ouvris, furieuse d'être ainsi humiliée. Mon cœur loupa un battement lorsque je vis un enchaînement de mots qui faisaient sens. C'était un dictionnaire basique et fait main. Un dictionnaire qui traduisait l'ancien langage.

- Là, par contre, tu parviens à lire, affirma le médecin sans ciller.

Je ne sus que répondre en lui rendant son carnet.

- C'était ce que nous soupçonnions depuis que nous avons appris que tu avais été trouvée dans un terrier de renards bleus. Tu es de la famille Aderleen.

Je cillai, perdue. La famille Aderleen ? La famille de monstres ? C'était impossible. Je ne pouvais pas venir de cette famille.

- L'histoire des Aderleen est bien plus complexe que l'on ne le pense. Ce ne sont pas des monstres comme la légende le prétend. Ils étaient tous bel et bien humains. Regarde-toi. Tu n'as rien d'un monstre, n'est-ce pas ?

- Pourquoi pensez-vous que je vienne de cette famille ? Qu'est-ce qui vous le dit ?

- Tu sais lire l'ancien langage mais pas la langue royale. Même si tu ne le comprends pas, tu sais le lire. Et, si je suppose bien, les lettres se mélangent lorsque tu essaies de lire la langue royale ?

Je hochai la tête, rendue muette par tout ce qu'ils savaient déjà sur moi.

- Cela est dû au fait que ton cerveau est fait pour lire l'ancien langage et pas la langue royale. Je vais t'expliquer la véritable histoire des Aderleen et pas ce ramassis de mensonges fantasques que les gens ont répété depuis des années.

- Je vais aller refaire du thé. Je pense que nous allons en avoir cruellement besoin.

- Amène aussi du vin. Le bien corsé. Je pense qu'elle va en avoir besoin, lui dit Jedrek tout en mâchonnant un biscuit.

Je lui jetai un regard noir en lui envoyant un biscuit à la tête. Il heurta sa tempe. Cela ne le perturba pas le moins du monde puisqu'il croqua dans le biscuit sans un regard de plus pour moi.

- La famille Aderleen remonte sur une dizaine de générations du côté humain, dirons-nous. Sinon, elle est aussi vieille que la race Fae. Car, à l'origine, les Aderleen étaient des Faes.

- Pardon ?!

Junia poussa un verre de vin devant moi. Je le descendis cul-sec. L'alcool me brûla la gorge et échauffa mon sang. Jedrek rigola dans son fauteuil.

- Oui, la famille Aderleen est originellement une famille Fae. Mais dix générations plus tôt, le dernier fils s'est enfui hors de la Faerie pour retrouver une humaine dont il était tombé amoureux. Il a eu des enfants qui ont eu des enfants et ainsi de suite. Jusqu'à toi.

- Donc je serais... quoi ? Je ne peux pas être Fae.

- Tu l'es en partie. Une concentration infime de sang Fae demeure dans ton sang. La magie s'est certes diluée à force d'être mêlée aux gênes purement humains mais je suis sûr qu'il en reste.

- D'où cette tendance irrépressible au chant dont m'a parlé Ryker, lança soudain Jedrek.

Je lui jetai un regard. Il ne semblait pas perturbé mais tout de même plus vigilant.

- Il t'en a parlé ?

- Évidemment. Il voulait que je te surveille au cas où tu recommencerais. Il ne veut pas que tu t'attires de problèmes. Je doute qu'il ait compris que tu es un problème ambulant

Je lui jetai le couvercle de la boîte de biscuit, le faisant éclater de rire. Si j'avais pu, je l'aurais assommé.

- Chut ! ordonna sèchement Mercot.

Le silence tomba aussitôt. Je vis même Jedrek poser la main sur la garde son épée. Le chahut de la taverne ne masqua pas les cris. Junia ferma les yeux, lasse et épuisée.

- Que se passe-t-il ? chuchotai-je.

- La vie banale de Phyre : des gens meurent ou se font agresser. Surtout les femmes. Leurs cris sont plus audibles de nuit, c'est tout.

Le ton détaché de Mercot n'était qu'une façade et je m'en rendit bien compte. Il était aussi affecté que moi, que sa femme, que son fils adoptif.

- Reprenons. Ta tendance à chanter est un signe qui ne trompe pas. Une expression Fae dit « the blood sings » ou « le sang chante ». Ils disent cela lorsque deux membres d'une même famille se ressemblent fortement. La magie chante dans vos veines.

- En dix générations, elle a dû disparaître, protestai-je. Je n'ai aucune magie en moi. Je suis humaine et rien d'autre.

- C'est là une idée fausse que tout le monde a. Je ne sais pourquoi. Qu'est-ce qui peut bien te faire penser que la magie se dilue au fil des générations et du mélange des gênes ?

Je haussai les épaules, n'ayant pas de réponse concrète à lui donner. Pour moi, cela paraissait logique. Si un gène était transmis à un enfant, cet enfant transmettrait une version réduite à ses propres enfants. Pour moi, cela fonctionnait comme une craie de charbon : à mesure qu'on l'utilisait, elle se réduisait.

Visiblement, j'avais tort.

- La magie ne fonctionne pas comme le reste. Elle ne se dilue pas, ne s'estompe pas, ne disparaît pas. Elle est dans vos gènes depuis toujours et elle est aussi forte que pour vos ancêtres. La seule différence tient dans cet oubli de vos origines.

Je m'appuyai sur la table, me servant de moi-même un second verre de vin.

- Ce qui t'est arrivé t'a empêchée de connaître la vérité sur les Aderleen. Tu étais trop jeune pour voir ce qu'il se passait sous tes yeux. Tu n'étais qu'une enfant et le traumatisme a dû enfouir le peu que tu savais.

- Je ne me souviens de rien avant le meurtre de ma famille. Je ne me souviens même pas de leurs noms ou de leurs visages.

- C'est normal. Le choc t'a fait oublier tout ce qu'il s'est passé avant pour te protéger. Y compris la magie qui vit en toi. Pour survivre, elle s'est logée dans ta voix. Elle s'est faite discrète.

- Vous en parlez comme si elle avait un cerveau.

- Vois la magie comme... le vent. Il souffle lorsque la nature en a besoin mais pas lorsqu'il n'est pas nécessaire. Ta magie s'est repliée en toi parce que tu n'avais pas besoin d'elle, qu'elle te mettrait en danger. Elle reviendra lorsque l'heure sera venue.

- Je ne veux pas de cette magie. Qu'elle existe ou non. Je ne suis pas une Aderleen. Je n'ai rien de Fae.

Mercot leva les mains avec un faible sourire. Il se moquait de moi. Je vus mon verre de vin avec un regard noir et je me levai.

- Je refuse d'entendre d'autres trucs dans ce genre. Je m'en vais. Je suis venue parce qu'il – je désignai Jedrek – me l'a demandé mais si j'avais su qu'on me dirait que j'étais à moitié Fae, je ne serais jamais venue !

- Tu ne devrais pas le prendre ainsi, intervint le Capitaine de la Garde en se levant.

Il se plaça entre moi et la sortie, les mains sur mes épaules.

- Et pourquoi cela ? criai-je.

- Il n'y a rien de mal à être à moitié Fae. Tu ne l'ai même pas vraiment. Tu as la magie Fae mais pas le reste. Tu imagines la puissance que cela te donne ?

Où voulait-il en venir ? Que tentait-il de me dire ? Je ne suivais pas du tout son raisonnement.

- Tu es déjà une femme dangereuse avec ton esprit tordu. Avec une simple dague, tu peux faire de sacrés dégâts. Alors si, en plus, tu viens à posséder de la magie Fae ? Tu seras invincible parce que personne ne se doutera de ce dont tu es capable. Tuer le Roi deviendra une promenade de santé.

Je le regardai dans les yeux. Il y avait plus que ce qu'il acceptait de me dire. Il y avait autre chose.

- Qu'est-ce que tu me caches ?

Il soupira en baissant les yeux. Il jeta un coup d'œil en arrière, sûrement à ses parents adoptifs. Il y avait bien quelque chose de plus qu'il me cachait.

- Nous ne pouvons pas te le dire pour le moment, Sixtine, dit doucement Junia. Nous pouvons te dire ta vérité mais...

- Vous ne me faîtes pas confiance.

- Il est trop tôt pour que nous te confions des secrets, affirma Mercot. Pas quand il pourrait nous mettre en danger. Nous connaissons les gens comme toi. Ton objectif est de tuer le Roi et tu es prête à tout pour cela. Même trahir tes alliés. Aussi ne te donnerons-nous pas d'armes contre nous. Nous sommes dans le même combat mais pas dans la même position.

C'était logique. Ils étaient prudents. Pourtant, quelque chose en moi me disait que je ne serais pas capable de les trahir. Quoi que ce fut que cela m'apporte dans ma volonté de tuer le Roi. Je ne pourrais pas trahir Jedrek qui était ce qui s'apparentait le plus à un ami désormais.

- Bien. Mais cela ne me fera pas rester plus longtemps. Je n'ai rien de Fae, vous vous trompez, point final. Sur ce, bonne nuit.

Je poussai Jedrek pour passer. Je repoussai la porte d'entrée d'un coup de pied, remontant l'allée sans l'attendre. La nuit était profonde et je n'y voyais presque rien. Cependant, je savais par où nous étions venus. Cela me suffisait.

Jedrek trottina derrière moi, prenant son temps. Sa simple présence avec cette torche parut suffire à éloigner les dangers qui rôdaient dans Phyre. Malgré tout, je vis les yeux dans les allées, dans les ombres. Ils guettaient des proies faciles.

- Tu n'as vraiment aucune peur, souffla Jedrek lorsque nous atteignîmes les allées des Jardins. Qui croirait qu'une petite donzelle dans ton genre oserait se balader dans la ville basse sans lumière et sans protection.

- Je suis protégée.

Je repoussai un pan de ma cape pour lui montrer mes dagues.

- Je n'ai pas besoin de plus.

Le regarder était loin d'être nécessaire pour savoir qu'il souriait. Je commençais à trop bien le connaître.

Une fois seule dans ma chambre, je me changeai seule et me laissai tomber sur mon lit. Je me blottis sous mes couvertures, réfléchissant à tout ce qu'il s'était passé cette nuit.

L'hypothèse de Mercot sur du sang Fae dans mes veines, je la refusais. C'était impossible. Si ça avait été le cas, je m'en serais rendue compte. De plus, je doutais que la magie ait sa volonté propre, comme le suggérait le médecin royal. Ce n'était qu'un ramassis d'élucubrations basées sur du vent.

Mes quelques heures de sommeil furent emplies d'yeux rouges voguant à hauteur humaine mais sans corps pour les soutenir.

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