Chapitre 16

Personne ne me parla de l'attaque dans les Jardins. J'ignorais si Jedrek avait fait taire les gardes ou si le Roi préférait détourner le regard. La seconde option serait plutôt étonnante, à vrai dire. Il préférerait saisir l'occasion pour me pendre haut et court. J'étais sûre qu'il en rêvait.

Les jours passèrent calmement. La princesse commençait à prendre assez de muscle pour pouvoir envisager les premières leçons de combat. Elle ne saurait probablement pas faire grand-chose mais si je ne l'autorisais pas à passer à la seconde étape, elle allait baisser le bras. Addy était impatiente d'en arriver au point essentiel. La préparation n'était pas son domaine de prédilection.

Le pied de Jedrek guérit grâce aux onguents de sa famille adoptive. Junia l'avait couvé comme un œuf jusqu'à ce qu'il puisse marcher sans boiter. Aussi insista-t-il pour prendre part à l'entraînement de la princesse.

Je me souvenais de la première fois que Jon m'avait forcée à soulever une arme. J'avais détesté ça. À sept ans, j'étais plutôt petite et l'épée était presque aussi grande que moi. Le voir lever la sienne m'avait terrifiée.

Le même jour, j'avais pris la décision de ne plus jamais pleurer. Il m'avait tellement humiliée, rabaissée que la cicatrice pulsait toujours.

Toutefois, depuis ce jour, j'étais plus forte que je ne l'avais jamais été auparavant. J'avais vite appris à compenser mes faiblesses pour pouvoir affronter Gallagher, l'adversaire que Jon choisissait toujours.

En vérité, Gallagher et moi avions appris en même temps, devenant imbattables lorsque nous unissions nos forces. Nous nous complétions en terme de combat.

Je levai les yeux vers les arbres. Je n'avais toujours pas vu un seul signe de Gallagher depuis cette sortie fracassante hors des murs du château. Ça ne lui ressemblait pas. Il n'était pas le genre à me laisser dans le noir aussi longtemps sans une bonne raison. Il devait s'être passé quelque chose.

Être inquiète pour Gallagher me semblait déraisonnable. Il savait se débrouiller. Je le connaissais par cœur et je savais que quoi qu'il arrive, il saurait sortir son épingle du jeu et rester en vie. Si je suivais cette logique, ce n'était pas si étrange qu'il ne m'ait pas contactée. Il faisait profil bas et ne prenait aucun risque.

Sauf que Gallagher ne savait pas ne pas prendre de risques. Selon lui, les risques étaient ce qui nous gardaient vivants. Ils étaient sa raison de vivre.

Le connaissant, il avait dû prendre un risque de trop et, maintenant, il devait s'en dépêtrer. Je ne pourrais pas l'aider, cette fois. Je ne serai pas celle qui se jetterait dans la fosse aux loups pour le tirer du piège. J'avais plus important à faire.

Depuis ma dernière entrevue avec le Roi, j'avais commencé à fomenter un plan. J'avais presque tout ce qu'il me fallait pour le mener à bien. Le Prince m'avait rendue ma dague, plus aiguisée que jamais, m'avait offert la sienne. Ce cadeau était inattendu et bien que j'eusse tenté de le refuser, il m'avait forcée à l'accepter.

Tout d'abord, j'avais pensé que ça me serait utile. Jusqu'à ce que je réalise qu'il présentait plus de risques qu'il ne m'avantageait. Je l'avais donc glissée sous mon matelas en cas de dernier recours.

Grâce à Judeen, j'avais réussi à récupérer des vêtements noirs. Elle ne posait pas de questions et se contentait de faire ce que je lui demandais depuis que je l'avais tirée des griffes du vieux cuisinier. Sa loyauté était désormais sans faille et c'était exactement ce dont j'avais besoin.

Il ne me manquait plus que le cycle des rondes des gardes sur les coursives. Je savais me dissimuler dans les ombres, certes. Les vêtements noirs que m'avaient apporté Judeen m'y aiderait. Au demeurant, si j'ignorais la façon de bouger des gardes, tout mon plan serait réduit à néant et je serais pendue avant d'avoir pu réagir. Je ne pouvais improviser que jusqu'à un certain point. Tuer un Roi n'était pas une question d'improvisation mais de plan. Et mon plan n'était pas encore complet.

Addy et Jedrek étaient déjà dans la salle d'entraînement lorsque j'arrivais. La princesse regardait par la fenêtre et Jedrek polissait la lame de son épée. Il ne leva même pas la tête vers moi. Mais il savait que j'étais là, pour sûr.

La jeune princesse me rejoignit et s'accrocha à mon bras. La voir habillée d'une tenue de combat qui épousait ses formes était un changement incroyable comparée à ses robes froufroutantes, énormes. Rien que ses cheveux attachés en une simple queue de cheval était une surprise. Elle était bien plus fine et menue qu'elle n'y paraissait.

- Que faisons-nous ? me demanda-t-elle.

- Pour l'instant, nous allons déjà voir si nous trouvons une arme qui puisse vous convenir.

- J'ai déjà sorti l'épée la plus légère que nous ayons. Elle n'est utilisée que par les gamins qui commencent l'entraînement.

La voix de Jedrek nous surprit toutes les deux. Nous nous tournâmes vers lui. Il me tendit une fine épée avec une garde minimale. Je la pris, la soupesant. Il était vrai qu'elle était légère. Je la donnai à la princesse. Elle parut surprise de parvenir à la tenir.

Je lui expliquai comment la tenir correctement pour ne pas faiblir au premier coup. Je frappai dans la lame, la faisant partir sur le côté, titubant. Au bout d'un moment, sa lame échoua dans le sable. Des gouttes de sueur coulaient sur ses tempes et sur ses joues.

- Je suis nulle, gémit Addy.

- C'est votre première véritable leçon. Vous ne vous attendiez pas à savoir vous battre, tout de même ?!

Elle rougit, secouant la tête.

- Bien sûr que non. Malgré tout, je pensais pouvoir faire mieux que ça.

Je me mordis la langue pour ne pas me montrer cynique. Je faisais face à une princesse. Il fallait que je m'en souvienne. Toute sa vie, tout lui avait été acquis sans qu'elle ait eu à demander. Forcément qu'elle devait penser que sa capacité à se battre lui serait acquise sans effort.

- Combien de temps avez-vous mis avant de pouvoir dire que vous saviez vous battre ? m'interrogea Jedrek.

- J'ai commencé à huit ans. J'ai battu mon instructeur lorsque j'en avais... dix, il me semble. Il m'a offert ma dague en récompense.

- Deux ans ?

- J'étais entraînée tous les jours pendant six heures. Cela a tendance à accélérer l'apprentissage. Combien de temps avez-vous mis, Capitaine ?

- Sept ans. Mes premières années, j'ai appris quand j'ai pu. Les trois dernières années, j'ai été entraîné par les Chevaliers.

- J'ai appris plus vite que vous, donc, dis-je, fièrement.

- Voyons de quoi vous êtes capable.

Il me jeta une épée. Elle me percuta et je fus bien décidée à me venger. J'allais avoir le dessus. Il ne pouvait en aller autrement.

Il sortit la sienne et lança la première attaque. Je la parais, le repoussai et nous commencèrent à tourner comme deux lions prêts à se jeter l'un sur l'autre.

Je le laissai attaquer une seconde fois. Je donnai un grand coup dans sa lame en retour, le prenant par surprise. Ses bras tremblèrent et il partit en arrière.

J'enchaînai les attaques qu'il évita et para au mieux. Je me fatiguai vite et ce n'était pas son cas. Il avait la technique et l'endurance. Ce n'était pas la bonne façon de faire. Il allait m'avoir avant même que je puisse réagir.

Je le repoussai vivement et reprit mon souffle à l'écart. Il arborait un sourire qui ne me dit rien de bon. Lui était encore à fond et j'avais déjà les bras en marmelade. Il fallait que j'opte pour autre chose.

Je l'observai, esquivant ses attaques pour récupérer. Il était endurant et il avait de la force. Je me doutais qu'il avait l'esprit pour comprendre les différentes techniques que je pouvais utiliser.

Le meilleur moyen de le battre était donc d'être complètement erratique.

Je me figeai soudain et lançai mon arme vers lui quelques secondes avant qu'il ne s'apprête à attaquer. Il fit quelques pas en arrière, surpris. Je reculai, le regardant. Il m'observa, les sourcils froncés.

J'appuyai ma lame sur mon épaule pour libérer un peu mes muscles. Il saisit l'occasion. Je l'esquivai et frappai son épaule avec la mienne. Il faillit lâcher son épée, vacillant sur ses jambes.

Je me glissai derrière lui et le poussai vivement. Cette fois, il lâcha son épée et tomba à genoux, tête première dans le sable. Je pointai ma lame contre sa gorge.

- Gagn...

Je n'eus pas le temps de finir qu'il donnait un coup dans ma jambe. Je m'écroulai sur lui. La lame tomba à côté de la sienne.

- Vous disiez ? souffla-t-il, enfin essoufflé.

Je le frappai sur la tête en tendant la main vers mon épée. Il bloqua mon bras, le tordant méchamment, me faisant rouler à côté de lui. Il parvint à récupérer sa lame et il l'appuya sur ma gorge.

- Gagné, haleta-t-il.

Je serrai les deux en lui donnant un coup de genou dans le ventre. Il éclata de rire en l'évitant.

- Acceptez votre défaite, milady. Vous vous êtes bien battue.

- Laissez-moi me relever, balourd.

Il ne rit que plus. Malgré tout, il se releva et me tendit la main pour m'aider. Je la frappai pour me hisser sur mes jambes seule. Je récupérai l'épée dans le sable en pestant. J'avais été stupide. Je n'avais pas pensé qu'il pourrait me frapper dans les jambes. C'était idiot de ma part. J'aurais dû mieux le maîtriser.

- Vous êtes vraiment intelligente quand vous combattez. Vous vous adaptez très vite. Je suis impressionné.

Je grimaçai.

- Je suis sincère, milady. Vous savez vraiment bien vous battre. Mais je reste le Capitaine de la Garde. J'ai été entraîné comme le sont les Chevaliers.

- Pourquoi n'êtes-vous pas un Chevalier, Jedrek ? questionna innocemment Addy.

- Les Chevaliers sont de haute naissance, Votre Altesse. Je ne le suis pas.

- Oh. Désolée.

- Ce n'est rien, votre Altesse.

Pour dénouer la légère tension, nous commençâmes à analyser le combat. La princesse n'avait absolument aucune idée de ce qui comptait dans un combat et n'avait rien vu d'autre que deux gens cherchant à se trancher la gorge.

Elle avait tellement de choses à apprendre que je sentis que la tâche allait être très dure et très longue. Ce fut au point où je lui conseillai de prendre de quoi noter la prochaine fois.

Le cours se poursuivit de façon assez théorique même si la princesse mania encore un peu l'épée. Elle semblait plus décidée que jamais à apprendre. C'était un soulagement pour moi. Si elle avait renoncé parce que ça ne lui venait pas naturellement, j'aurais été celle qui aurait abandonné.

La Reine vint chercher sa fille pour le thé. Il fallait qu'elle se change et autres. Je fus abandonnée avec Jedrek dans la salle d'entraînement. Je soupirai.

- Comment veut-elle que sa fille sache se battre avant qu'elle ne soit trentenaire si elle ne lui laisse pas le temps de s'entraîner ? Ce n'est pas quelque chose qui s'apprend avec une à deux heures par semaine !

- La royauté ne voit que rarement l'aspect pratique de leurs désirs. Ils veulent, ils exigent mais ils ne comprennent pas que certaines choses demandent du temps et du dévouement. Sauf peut-être le Prince.

- Vous dites cela parce que c'est votre ami.

- Non. Je le connais depuis longtemps. Croyez-moi, il sait que certaines choses demandent de l'engagement. Sa vie est basée sur l'engagement envers sa nation. Depuis l'enfance, il veut le meilleur pour son peuple et il a compris très jeune que pour devenir un bon roi, il a besoin d'apprendre.

Je haussai un sourcil, ne croyant pas un seul instant à ce qu'il me racontait. Il pouvait penser ce qu'il voulait mais je ne croyais pas que le Prince puisse être aussi réfléchi et dévoué à son peuple. C'était impossible. Aussi appréciable qu'il soit.

- Je veux une revanche, Capitaine. Oserez-vous me la refuser ?

- Maintenant ?

- Pourquoi pas ? Vous avez peur ?

- Je n'ai jamais peur.

- Je sais que c'est faux. Vous avez eu peur dans le désert de feu. Je l'ai vu.

Il me fusilla du regard. Il fit tourner habilement son épée entre ses doigts ; je roulai des yeux.

- Je n'ai jamais compris pourquoi tous les épéistes s'acharnaient à faire cela. C'est d'un ridicule ! Vous ne m'impressionnerez parce que vous savez faire cela.

Il attaqua dès que j'eus refermé ma main sur la garde de l'arme qu'avait abandonné la princesse. Je me baissai pour éviter le coup, le laissant se faire entraîner par son élan. Il savait que j'avais une forte propension à parer dès qu'une lame venait vers moi mais il avait oublié que j'apprenais vite.

Et s'il y avait une chose que j'avais apprise, c'était qu'il comprenait vite ses adversaires. Plus je serais incompréhensible dans ma façon de lutter, plus j'aurais de chances de compenser mes faiblesses.

Je virevoltai et lui assenai un coup de pommeau dans le dos. Il gémit en chutant par-dessus le banc. Ce combat n'allait pas durer longtemps...

Je sautai sur son dos, chassant tout l'air de ses poumons. Je tapotai sa tête de la lame de mon épée en souriant.

- Gagné, chantonnai-je.

- Descendez... de là ! Vous m'écrasez !

- Chacun son tour !

Un éclat de rire résonna derrière nous. Jedrek se démantibula le cou pour regarder. Je me retournai, faisant grogner le Capitaine.

Le Prince se tenait debout, appuyé contre le chambranle de l'entrée. Son sourire était si grand qu'il en devenait éblouissant.

- Que se passe-t-il ici ? Que faites-vous, tous les deux ?

Je sautai sur le banc, infligeant un dernier grognement à Jedrek.

- J'ai pris ma revanche sur votre Capitaine. Il semblait me croire incapable de le battre.

- Vous avez été très rapide pour le faire. Je suis impressionné par vos talents.

- Un coup de chance. Elle a perdu la première fois, me nargua Jedrek en s'appuyant sur mon épaule.

Je le repoussai, lui donnant un grand coup qui le fit grimacer. Il se frotta l'épaule en me fusillant du regard.

- Vous vous battriez contre moi, Sixtine ?

Visiblement, la présence de son Capitaine de la Garde ne le perturber plus que ça. Son amitié avec lui devait le faire entrer dans ce cercle d'intimité où il se permettait de m'appeler par mon prénom.

Le regard de Jedrek se ficha sur moi, un sourcil haussé. Il devait se poser des questions sur cette familiarité dont le Prince usait envers moi.

- Si vous voulez.

Je ne parvenais toujours pas à prononcer son prénom. Être irrévérencieuse, insolente était une chose. Appeler un membre par son prénom en était une autre. J'étais déjà prête à me faire pendre par son père, mieux valait que j'évite de faire un impair qui signerait mon arrêt de mort.

Il sortit son épée avec un sourire. Jedrek recula, nous laissant de la marge pour combattre. Je ne savais pas quelle position tenir face à cet affrontement. Si je le battais, cela aurait-il des conséquences néfastes ou le prendrait-il à la rigolade ? La fierté blessée d'un homme pouvait tuer et je ne l'ignorais pas.

Il attaqua enfin et j'esquivai, cherchant à comprendre comment il fonctionnait. Chaque personne avait des techniques qui lui étaient propres. Une façon de penser récurrente. Si je parvenais à déduire la sienne, je pourrais le battre.

Je pris avantage de ma taille et de ma flexibilité pour esquiver la plupart de ses coups. Dès qu'une ouverture se présenta, je frappai, le déstabilisant. Il parut surpris mais ravi en même temps.

Nous commençâmes à croiser le fer furieusement, rivalisant d'agilité et de force.

Il était plus lent que moi. Ce n'était que de quelques millisecondes mais c'était suffisant pour avoir raison de lui. Pour compenser, il savait frapper fort. Bien plus fort que je ne frapperais jamais.

Il assena un dernier coup qui fit faiblir mes bras. J'en lâchai mon épée. Je n'avais plus de force. Ce n'était pas pour autant que j'étais abattue.

- Souhaitez-vous vous rendre, Sixtine ? sourit-il.

- Vous me croyez si dépourvue de ressources ? Avoir perdu mon épée ne fera jamais me rendre.

Il sourit. Je profitai de sa certitude d'avoir le dessus pour lui décocher un coup de pied retourné qui fit voler son épée. Je me jetai dessus en même temps que lui. Je parvins à la saisir et à me retourner. Il échoua sur moi, à quelques millimètres de sa propre lame.

Son nez effleura le mien, nos yeux s'ancrèrent. Mon cœur se mit à battre si fort dans ma poitrine que je fus certaine qu'il pouvait l'entendre. Mon sang bouillonnait dans mes veines. Son parfum était enivrant. Un puissant mélange de cannelle et de sueur. Une odeur riche et royale.

Je cillai, perdue. La lame dans mes mains me rappela ce que je faisais dans une telle position. Le combat. Ma victoire.

Bougeant légèrement le bras, j'appuyai la pointe de mon épée contre son torse.

- Vous avez... perdu... Votre A...

- Si vous terminez, j'exigerai une revanche, me prévint-il.

Son haleine sentait le thé et les œufs. Le petit-déjeuner de la famille royale. Ma bouche s'assécha et déglutir devint difficile. Il fallait qu'il recule. À tout prix.

Il se redressa sur ses mains, prenant de la hauteur. Un sourire vint illuminer son visage.

- Si vous prononcez mon prénom comme je vous dis de le faire depuis longtemps, je vous offre cette victoire. Sinon, nous reprendrons ce combat qui est loin d'être fini.

- Je ne veux pas d'une victoire facile !

- Vous êtes plus fière qu'un Chevalier !

Sa main s'enroula autour de la garde de son épée et il tira. Je m'y agrippai, refusant de lâcher. Il tira sèchement, me projetant droit contre lui. Il tomba en arrière et je tombai sur lui. L'épée tomba à côté de nous. Je tendis le bras pour la récupérer ; il intervertit nos positions, me bloquant sous lui.

Je lui donnai un coup de genou dans le bas-ventre. Il se plia en deux en gémissant.

- Ouch.

À pieds joints, je le repoussai. Il tomba sur le dos, soulevant du sable. Je projetai son épée au loin, récupérant la mienne, plus légère et maniable.

Et sans que je comprenne quoi que ce fut, il me la prit des mains et la pointa sur ma gorge. Il avait agi si vite que je n'avais pas eu le temps de saisir ses gestes.

Il m'avait dupée tout du long.

Il repoussa la mèche qui lui collait au front avec négligence et amusement.

- Gagné, dit-il, amusé.

- Je vous déteste, pestai-je. Vous vous êtes joué de moi depuis le début !

- C'est le propre d'un bon combattant, ne pensez-vous pas ?

Je ne pouvais le nier. Il était un combattant hors pair. Il m'avait totalement bluffée depuis le départ. Dès ses premiers mouvements, il m'avait trompée et avait su quoi faire pour prendre le dessus en toute aisance.

- Vous êtes une admirable combattante, Sixtine, mais vous avez encore beaucoup à apprendre. De même pour vous, Jedrek. Vous êtes notre Capitaine de la Garde et une femme vous a battu.

- C'est qu'elle est douée, répliqua le concerné avec humour.

Je fis la moue en me laissant tomber dans le sable. J'étais épuisée. Je ne demandais plus qu'un bain brûlant, un bon dîner et une bonne nuit de sommeil. Je voulais juste... me reposer.

- Venez avec nous, Sixtine, m'enjoignit Ryker en rangeant son épée dans son fourreau. Vous semblez avoir besoin d'un petit remontant.

- Cela ne serait pas de refus.

Jedrek et moi rangeâmes les épées dont nous nous étions servis et gagnâmes la bibliothèque privée du Prince. Il sortit une bouteille de liquide ambré d'un guéridon près des causeuses et trois verres. Il les servit et nous en tendit un chacun. Je réceptionnai le mien à deux mains, ne faisant pas confiance à mes muscles.

L'alcool me brûla la gorge mais eut un effet revigorant bienvenu. Je me sentis bien mieux. Après quelques verres, je décidai qu'il était temps que je m'éclipse. Je devais retrouver la princesse pour une leçon d'histoire et je ne pouvais pas le faire dans cet état.

Toutefois, je restai dissimulée derrière une bibliothèque quelques minutes pour écouter ce qu'ils comptaient se dire. Et ma patience fut récompensée.

Un sourire aux lèvres, je fis appeler Judeen pour qu'elle me prépare un bain et une robe pour ma leçon avec la princesse.

Sans le savoir, les deux hommes m'avaient donné la dernière pièce de mon plan. L'alcool abattait toute leur méfiance et grâce à eux, j'allais enfin pouvoir mettre un terme au règne de Quinten Madsen, Roi du Grand Royaume.

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