Chapitre 13


Mot de l'auteur : Tout d'abord, désolée de ne pas avoir posté depuis un moment mais on va dire que les jours qui précédent les vacances sont souvent... fous XD Mais me revoilà avec de nouveaux chapitres postés comme avant, tous les mercredis et dimanches !

Je vous laisse avec le chapitre 13 ! Dites-moi ce que vous en pensez ! :D

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La princesse Addy m'attendait dans la salle d'étude. Elle bondit sur ses pieds et se pendit à mon bras. Elle tira dessus, forçant mon intérêt.

- Oui, Votre Altesse ?

- Apprenez-moi. Apprenez-moi à me battre.

Je posai mes mains sur ses épaules, la regardant droit dans les yeux.

- Êtes-vous sûre, Votre Altesse ? Vous sembliez plus que décidée à ne jamais vous battre.

Elle hocha la tête.

- Je veux être comme vous. Je veux que vous m'appreniez à me défendre. Je veux être forte aussi.

- Votre mère a le même souhait. Elle m'a ordonné de vous apprendre à survivre.

- Mère vous a ordonné cela ? J'ai du mal à y croire. Elle n'accepterait jamais que je me batte ! Mère n'est pas ce genre de personne.

- Pourtant, elle me l'a ordonné.

- Alors faites-le. Faites-de moi une femme aussi forte que vous.

Je ne l'avais jamais vue aussi décidée. Elle avait l'air bien plus forte qu'elle ne l'était avec cet air sur le visage. Peut-être pourrais-je en faire une guerrière.

- Très bien, Votre Altesse. Il faut tout d'abord une tenue de combat. Et que vous gagniez en muscles. Vous avez besoin de plus de forces si vous voulez pouvoir soulever une épée.

Je m'assis et elle prit place à côté de moi. Elle saisit ma main avec une familiarité rafraîchissante.

- Cela va prendre du temps, Votre Altesse. Et cela va être dur.

- Je sais. J'ai vu mon frère apprendre à manier l'épée quand j'étais petite.

- Aujourd'hui, nous allons aborder la théorie. Les exercices que vous pouvez faire tous les jours pour vous endurcir un peu.

Elle parut plus attentive qu'elle ne l'avait jamais été. Et ce durant toute l'après-midi. Elle insista même lorsque le tailleur vint, demandant des tenues de combat. Elle en demanda pour moi aussi. Sa propre mère la laissa faire.

Je vis dans le regard de la Reine une douleur sous-jacente, latente. Un regret mêlé de fierté. Ses émotions étaient à vif face à l'évolution de sa fille. J'ignorais si c'était sa propre situation qui lui faisait autant de mal ou si c'était autre chose. Il se passait tellement de drames cachés dans les couloirs et les ombres que deviner ce qui tourmentait l'âme de chaque personne.

J'avais toujours compris la nature humaine. Pour avoir connu presque toutes les difficultés imaginables, j'avais gagné un sens peu commun de compréhension. J'avais appris à jouer avec les gens. À les manipuler.

La Reine était entourée d'un mur opaque que je ne parvenais pas encore à totalement percer. Malgré tout, je savais que sa fille était sa faiblesse. Elle n'avait qu'elle. Peu importait le reste.

La Reine et sa fille quittèrent mes quartiers pour aller dîner. Je demeurai seule. Ignorant mon propre repas, je regardai par la fenêtre, scannant les arbres des Jardins, cherchant un signe de la présence de Gallagher. Rien. Soit il ne savait rien, soit il n'avait pas su se glisser dans les Jardins.

La seconde option était improbable. Gallagher était une ombre. S'il voulait entrer dans les Jardins, il y parviendrait et personne n'en saurait rien.

Du bruit résonna derrière ma porte avant qu'on ne frappe. Mon instinct hurlait. Quiconque était derrière ma porte ne me voulait aucun bien.

Je récupérai le couteau posé à côté de mon assiette et le glissai dans l'échancrure de mon corsage. J'allai ouvrir la porte, l'entrebâillant à peine.

Je fus poussée en arrière. Je tombai droit sur la table. Sonnée, je me redressai sur mes coudes.

- Eh bien, elle est pas aussi moche que je l'aurais cru ! lança l'un des trois hommes.

Un vieux balafré ferma doucement la porte et s'appuya contre en croisant les bras. Un sourire mauvais flottait sur ses lèvres fines.

Les deux autres étaient plus jeunes mais plus baraqués. Ils avaient tous un regard si lubrique que je sus parfaitement ce qu'ils avaient en tête.

- Allez, viens par ici, chérie. On va bien s'amuser.

Je me relevai et époussetai mon pantalon sans paraître leur prêter attention. Je surveillai chacun de leurs gestes. Les deux jeunots se rapprochèrent, m'encadrant, me prenant en tenaille.

- Qu'est-ce que vous voulez ? demandai-je sèchement.

- Comme si tu ne l'avais pas compris, chérie. Tu sais très bien ce qu'on va faire de toi.

- Et vous croyez que je vais vous laisser faire ?

- Comme si tu pouvais quoi que ce soit contre nous, railla l'autre.

Je roulai des yeux. Ils me pensaient tous incapable de me défendre, faible femme que j'étais.

Ou plutôt, qu'ils pensaient que j'étais.

Je n'étais pas étonnée qu'ils ne sachent pas de quoi j'étais capable. Le Roi devait avoir tu tout ce qui me concernait. Il était si peu ravi qu'une gouvernante sauve la vie de son fils qu'il devait avoir fait taire tous ceux qui étaient au courant.

Aussi ces pervers ignoraient dans quoi ils mettaient les pieds. Je n'avais toujours pas récupéré ma dague mais je n'étais plus désarmée. Un simple couteau me suffirait à les tuer.

Et ils pensaient pouvoir faire ce qu'ils voulaient de moi !

Un sourire fleurit sur mes lèvres, les faisant échanger un regard surpris. Ils haussèrent les épaules et s'approchèrent de moi. L'un d'eux tenta de m'attraper le bras ; j'esquivai. Le second heurta mon épaule en essayant de faire pareil.

Je sortis mon couteau et ils se mirent à rire.

- Tu essaies de te défendre ? C'est mignon.

- Essaie de me toucher et tu verras si c'est mignon.

Ils rirent de plus belle. Le premier, le plus crasseux, m'attrapa les cheveux et me tira vers lui. Je donnai un coup en aveugle, lui égratignant à peine le flanc. Il me projeta sur le sofa que je heurtai tête première.

Il se greffa à mon dos, me faisant bien sentir son... excitation. Ses mains se posèrent sur mon ventre et remontèrent, son souffle puant glissant dans mon cou.

Son complice tenta de m'attraper les bras pour m'empêcher de me débattre. J'en profitai pour planter mon couteau dans sa main. Il hurla comme une fillette.

Profitant de la confusion, je donnai un coup de coude dans le visage du crasseux, le faisant reculer. Je me retournai, le frappant en plein visage avec mon pied. Il s'effondra sur le flanc, brisant ma table.

Assommé, il grommela. L'autre agrippa mes cheveux et me tira en arrière. Le vieux entra dans la bataille. Usant de la prise de son acolyte sur mes cheveux, je les fis se heurter l'un l'autre. Ils titubèrent et m'écrasèrent sous leur poids. Mon couteau se logea dans le flanc de celui qui m'écrasait. Il beugla à mon oreille.

Le vieux se releva et tira son compagnon en arrière. Je roulai et me relevai, récupérant l'épée du second homme. Je la posai sur le torse du crasseux, prête à l'enfoncer.

- Bouge un cil et je le tue.

Ça ne sera pas une grosse perte, railla le vieux. Vas-y si tu l'oses, gamine. Tu sais peut-être te battre mais tu ne sais pas tuer.

- J'ai tué plus d'hommes que toi.

- J'en doute, chérie, ricana son ami.

J'enfonçai l'épée dans le torse du crasseux sans les lâcher du regard. Le choc se peignit sur leurs traits. J'eus un sourire.

- À qui le tour ?

- Tu vas payer ça !

J'écartai les bras.

- Viens.

Comme un idiot, il chargea. Je l'esquivai d'un pas chassé, fis tourner l'épée et la lui plantai dans le dos. Il beugla avant de s'effondrer contre le mur.

- Tu es douée, je l'admets. Ça ne te sauvera pas. Tu t'es attirée des ennemis puissants et ils n'attendent que le moment de te mettre une corde autour du cou.

Je compris directement ce qu'il voulait dire. Je faillis en lâcher mon épée.

Le Roi avait commandité cette attaque.

Il avait envoyé ces hommes dans mes quartiers pour me violer. Il avait pensé que cela me soumettrait, m'imposerait sa puissance.

- Tu ne sais pas avec quel feu tu joues, gamine. Tu vas te brûler et je me réjouirais de te voir réduite en cendres.

- Vous croyiez que je n'étais pas capable de vous mettre la pâtée et pourtant...

Je désignai ses deux camarades morts.

Il n'eut pas le temps de répondre que des gardes déboulèrent, toutes épées sorties. Le vieux réagit aussitôt et courut jusqu'à la fenêtre. Il sauta du balcon et s'écrasa sur les pavés de l'allée.

- Que s'est-il passé, milady ?!

- Ils... Ils sont entrés et ils ont... Ils ont essayé de...

Le Prince entra dans la pièce et s'approcha. Il posa sa cape sur mes épaules et me prit l'épée des mains. Je la lui cédai, cherchant comment l'esquiver.

- Venez. Sortons d'ici. Nous allons vous attribuer d'autres quartiers.

Je le laissai m'emmener avec lui. Son bras autour de moi était rassurant. Plus que tout, son épée heurtait ma hanche à chaque pas. Il me suffirait de l'attraper pour embrocher quiconque tenterait à nouveau de me toucher.

- Est-ce que ça va, milady ? Vous tremblez.

Je me raidis.

- Je vais bien, Votre Altesse.

Ses yeux pesèrent sur moi. Il n'y croyait pas un seul instant. Il fallait dire que j'avais déjà été plus convaincante dans mes mensonges. Je ne me serais pas crue moi-même avec ma voix vibrante de trémolos.

Il poussa une porte et me fit entrer.

- Vous n'êtes pas blessée ?

- Non. Je ne pense pas.

- Je vais vous envoyer votre femme de chambre.

- Merci, Vot...

- Ryker. J'en ai assez des titres pour ce soir.

Je secouai la tête, serrant les paupières.

- Je ne peux, Votre Altesse. Je ne peux pas.

Il saisit mes mains, tentant d'attirer mon attention. Je voulus les lui retirer ; il les retint.

- Pourquoi agissez-vous si froidement envers moi soudain ?

- Je ne peux...

- Que se passe-t-il ? Dites-moi ! Ne me poussez pas à vous l'ordonner, milady.

Je cessai de lutter – si tant est que je puisse appeler cela lutter – contre sa prise sur mes mains.

- Dites-moi.

- Sa Majesté... Il me tuera s'il me voit vous parler... Votre père me pendra sur la place publique s'il...

Il laissa mes mains glisser entre les siennes. Je lui jetai un rapide coup d'œil. Le choc était lisible sur ses traits. Ses poings se serrèrent et la colère enflamma ses iris.

Cependant, il s'adoucit vite. Il posa une main sur mon visage, faisant glisser ses doigts jusqu'à mon menton. Il m'obligea à lever la tête vers lui.

Mon cœur bondit dans ma poitrine. Le sang vint battre mes tempes, mes joues rosirent malgré moi. Un sourire fleurit sur ses lèvres.

- Je vais lui parler. Ne craignez rien, milady. Il ne vous touchera pas. Je vous le promets.

Je ne sus quoi répondre. Je cherchai un moyen de détourner le regard mais il ne me laissa pas faire. Son pouce caressa ma mâchoire avec douceur.

- Vous êtes sûre d'aller bien, milady ?

- J-Je vais bien, Votre Altesse.

- Que vous ai-je dit, milady ? Arrêtez un peu avec ce titre. Appelez-moi...

Des coups furent frappés à la porte, légers et discrets, l'interrompant. J'aurais pensé que le Prince me lâcherait et reculerait mais il n'en fit rien. Au lieu de cela, il lança un vague « entrez ».

Ma femme de chambre entra, s'inclinant profondément. Son sourcil se haussa discrètement. Ryker laissa son pouce caresser ma peau une dernière fois avant qu'il ne laisse sa main retomber contre son flanc.

Ma joue était chaude de son contact, presque brûlante. Je ne savais pas trop ce qu'il se passait en moi mais je n'aimais pas du tout.

- Je vais vous laisser vous reposer, milady. Des gardes resteront devant votre porte toute la nuit. Ne vous inquiétez pas. Il ne vous arrivera rien. C'est une promesse.

- Merci, Votre...

Son regard se fit insistant et je me mordis la langue.

- Merci.

Le silence se poursuivit. Il finit par comprendre que je ne prononcerait pas son prénom. Sa langue claqua avant qu'il ne se détourne.

- Bonne nuit, milady.

- Bonne nuit, Votre Altesse.

Je fermai la porte avant qu'il ne puisse répliquer. Pourquoi avais-je le feu aux joues et le cœur battant si fort ? Ça ne me ressemblait pas. Ce n'était pas moi.

- Je vous ai ramené une tenue pour la nuit, milady, me dit ma femme de chambre.

- Merci... Quel est ton nom ?

- Judeen, milady.

Elle m'aida à me changer.

- Quel âge as-tu, Judeen ?

- Seize ans, milady.

- Tu es jeune pour être femme de chambre.

- Ma mère est femme de chambre de la princesse Addy. J'ai appris à faire comme elle depuis que je suis enfant, milady.

Soudain, je compris pourquoi le Prince m'avait demandé de l'appeler par son prénom. Lui aussi en avait assez qu'on répète son titre sans cesse.

- Cesse de m'appeler milady. Je ne suis pas une lady.

- Son Altesse le Prince vous appelle milady...

- C'est lui qui a lancé cette mode. J'ai l'éducation d'une lady, selon lui. Cela ne veut pas dire que j'en suis une.

Changée dans une robe légère de satin, je m'assis devant la coiffeuse. Je me forçai à lever les yeux vers le miroir. Judeen prit une brosse et commença à me brosser les cheveux. Elle les démêla avec précaution pendant que j'observai mon reflet.

Je détestais me regarder dans le miroir. Des centaines de questions s'élevaient en moi. Quelles parts revenaient à mon père et quelles parts revenaient à ma mère ? À qui ressemblais-je le plus ?

Je baissai les yeux, mes doigts froissant la soie sur mes cuisses.

L'hématome sur mon coude était devenu violacé, plus étendu que je ne l'aurais cru. Mon estomac se noua.

- Vous tremblez, miss. Tout va bien ?

- Je vais bien, Judeen. Je vais bien.

Je caressai l'hématome, ne me rappelant que trop bien la douleur qui avait explosé, engourdie par l'adrénaline. Je sentais encore la toxine pulser dans mon sang. Elle se raréfiait maintenant que j'étais posée.

Judeen n'insista pas et me tressa les cheveux. Elle alla ouvrir mon lit dans lequel je me glissai, frémissante face à la fraîcheur des draps.

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, miss, n'hésitez pas à sonner.

- Merci, Judeen.

Elle s'inclina et me laissa seule après avoir soufflé les bougies.

Allongée dans le noir le plus complet, le silence pesant sur moi comme une enclume posée sur ma poitrine, je sentis mon estomac faire des nœuds. Je m'enroulai sur moi-même, mes genoux collés à ma poitrine.

Judeen avait raison. Je tremblais. Je ne pouvais pas m'en empêcher. La peur était là, sous ma peau, rampante, réveillant la sensation des mains sales sur mon corps.

Les larmes débordèrent et allèrent imprégner mon oreiller. Je reniflai, tentant de garder les sanglots à l'intérieur. Ils m'étouffaient, désireux de m'humilier, de me rabaisser.

Pleurer ne t'apportera rien, Sixtine. Tu veux être forte ou rester à pleurer dans ton coin comme un bébé, inutile et faible ?

Je serrai les paupières, luttant contre les pleurs. Il y avait des gardes devant ma porte. Ils m'entendraient si je me laissais aller.

Malgré tout, les sanglots explosèrent, étouffés au dernier moment par l'épais édredon que Judeen avait remonté sur mes épaules.

Pour me calmer, je m'enroulai dans mes bras et chantonnai la berceuse que Patsy m'avait chanté toute mon enfance.

Depuis mon enfance

Je suis force

Je suis puissance

J'avance vers mon destin

Sans jamais faillir

Je vaincrais mes ennemis

Je détruirais les obstacles

J'achèverai mon but

Personne ne pourra m'abattre

Depuis mon enfance

Cent fois je me suis relevée

Plus rien ne m'effraie

Quoi qu'il arrive, je vaincrai

Mon sang brûle,

Mon cœur bat

Et rien ne m'arrêtera.

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