Devant le spectacle de cette pièce sans issue, Kaltessy se retourna vers la porte d'un air rageur, imaginant au travers leurs ennemis approchant. Elle utilisa le boitier de commande situé de leur côté pour verrouiller grâce à l'energie nouvellement créée par la cellule énergétique de son arme puis se retourna et inspecta rapidement la pièce, avant de repérer un baril, qu'elle fit rouler jusqu'à la porte et posa devant pour la bloquer. Dehors, des coups se mirent à retentir, assénés violement sur la porte, puis des tirs. Même bloquée et verrouillée, elle ne tiendrait pas dix minute et bientôt, Ophélie et Kaltessy seraient à la merci de leurs ennemis, sans issue et sans armes.

Kaltessy alla s'assoir de l'autre côté de la pièce, fixant la porte avec une grande anxiété, les poings serrés et prête à bondir pour défendre sa peau jusqu'à la fin. Ophélie la regarda, déboussolée, sentant monter en elle un mélange de peur et de résignation, puis alla s'assoir à côté de son amie avant de demander doucement :

《C'est fini tu crois ?

- On a aucune chance... on va y passer dans cinq minutes.》

Les deux baissèrent la tête et Kaltessy lâcha :

《Ça me met la haine. On étais prêtes à partir mais il a fallu que ces mecs se ramènent et maintenant on est bloquée à attendre de crever, sans solution.》

Ophélie la regarda et avant d'avoir pu dire quoi que ce soit, Kaltessy dit piteusement :

《Au moins d'ici dix minutes je vais voir ma famille.

- Kaltessy...

- Essaie pas de me consoler ou je sais pas quoi, tu sais comme moi que y a plus rien à faire.》

Ophélie baissa les yeux, luttant pour ne pas céder à la terreur qui montait en elle. Pour ne pas y penser, elle prit soudainement la main de Kaltessy, qui ne la repoussa pas et la serra même encore plus fort. Après une légère inspiration de surprise devant cette réaction, Ophélie dit doucement, sans laisser sa voix trembler :

《Si... si vraiment c'est la fin, ça a été un honneur de t'avoir connue et d'avoir pu être ton élève. Et je suis...pas vraiment heureuse mais...d'être à tes côtés maintenant est une chance.》

Kaltessy esquissa un léger sourire et répondit :

《Moi aussi je suis contente de t'avoir connue, tu es une bonne élève...》

Ophélie sourit légèrement et Kaltessy la regarda un instant, semblant hésiter à ajouter quelque chose. Un nouveau tir retentit contre la porte, plus audible que les précédents, et elle se décida finalement :

《Et merde de toute manière on va y passer dans cinq minutes ça sert à rien de faire la fière. Tu es pas juste une bonne élève, tu es une amie comme j'en ai jamais eu, j'ai jamais pu compter sur quelqu'un autant que toi, j'ai jamais aimé quelqu'un autant que toi, et quitte à crever je veux crever en te l'aillant dit.》

Ophélie sentit des larmes monter dans ses yeux et elle se mit également à vider ce qu'elle avait sur le coeur, sans parvenir cette fois à empêcher sa voix de trembler :

《J'éprouve la même chose pour toi... je n'ai jamais autant admiré, respecté, eu confiance en quelqu'un à ce point avant. Tu es bien plus qu'une amie, même si c'était pas gagné au début. Je... je ne sais pas comment faire pour te dire à quel point j'éprouve une affection si forte envers toi, au point où je suis presque heureuse de mourir à tes côtés plus que n'importe où dans la galaxie. Je... enfin si, je sais comment te le dire... je...》

Elle expira, tremblante devant l'imminence de l'ouverture de la porte et devant ce qu'elle s'apprêtait elle même à dire, puis lâcha :

《Voilà, Kaltessy, je t'aime.》

Kaltessy ouvrit ses yeux, comme émerveillée, et des larmes se mirent à couler sur ses joues. Après une inspiration, elle dit dans un souffle :

《Je n'y croyais même plus... je ne pensais pas que tu me le dirais un jour, je ne savais plus quoi penser en fait. Je suis tellement heureuse !》

Elle essuya rapidement une de ses larmes, provoquée à la fois par la joie de l'annonce des sentiments que par la tristesse que le temps leur soit compté, puis dit à son tour :

《Moi aussi je t'aime Ophélie》

Les deux amoureuses se regardaient maintenant comme si elles se voyaient vraiment pour la première fois. Ophélie avança légèrement son visage puis s'arrêta, hésitante, et Kaltessy sourit légèrement avant de poser ses lèvres sur les siennes. Les tirs derrière la porte se mirent soudainement à redoubler d'intensité et les deux jeunes femmes se séparèrent le temps de se lever avant de se tenir la main face à la porte, prêtes à se battre. D'autres tirs retentirent encore et après un silence, la porte fut comme enfoncée par une masse imposante, avant de s'effondrer dans un fracas métallique sur le sol. Dans l'embrassure se tenait non pas un soldat du Savoir, mais Kreyt'Ohm et quelques uns de ses hommes. L'humanoïde dit alors :

《Bon vous sortez de là ? Il reste encore du boulot pour nous, y a encore de la vermine dans la base, on va pas vous attendre des heures.》