Shaak'N'Tala

Une pluie battante frappait violemment le sol. Une averse habituelle sur Shaak'N'Tala.

Shaak'N'Tala. Un nom bien compliqué pour ce caillou quasi stérile. L'averse ne s'arrêtait pas. Elle durait depuis déjà une bonne semaine et allait certainement continuer longtemps encore. Au loin, rendues floues et incertaines par le rideau diluvien, des montagnes noires déchiquetées parcouraient l'horizon. Il était d'autant plus difficile de les apercevoir que le ciel même était incroyablement sombre, alors qu'au dessus, le soleil était certainement à son zénith.

Sous ce ciel menaçant, dans cette plaine vide se trouvait la ville pauvre Frisha'L'a. Une grande tour grise et froide contenant l'administration et les hangars reliés par des corridor humides et glacés, entourée de maisons fades et ternes, le tout protégé par de nombreuses et parfois immenses toiles orange et marron, délavées et ruissellantes. De véritables torrent en coulaient, se déversant bien plus bas, à l'extérieur de la ville, mais trouvant le moyen de s'infiltrer tout de même en de minces filets qui tombaient inlassablement sur le sol froid.

Ophélie Séfyraas regardait ce triste spectacle par la fenêtre de sa maison. Dans un coin de la pièce, un seau bientôt plein recueillait l'eau d'une vieille fuite venant d'un trou dans le toit jamais réparé. Le hurlement du vent, mêlé à la pluie, couvrait presque le son de la ville. Ophélie finit par se perdre dans ses pensées, malgré le vacarme environnant.

Que faisait elle dans ce lieu ? Elle avait vingt ans, avait toujours vécu ici sans jamais avoir l'espoir de faire autre chose. Elle savait pourtant que la galaxie était vaste, pleine d'endroits fantastiques et de personnages rocambolesques à rencontrer. Souvent, les vieux vaisseaux qui dormaient dans la tour centrale lui faisaient de l'oeil. Dès que l'un d'entre eux sortait, en une occasion exceptionnelle telle qu'un défilé militaire, elle se surprenait à rêver de le conduire, délaissant sa planète, partant dans les étoiles pour pouvoir enfin voir de ses yeux ces gens dont elle avait tant entendu parler en cour depuis ses cinq ans. Murainan'Ta, Bernard Berthieux, Clara O'Maley, Mohamed Slimani ou Lee-NA. Ces personnes à la réputation incroyablement mauvaise, dont elle était intimement persuadée qu'ils n'étaient pas si méprisables que ce qu'elle apprenait en cours.

Elle sortit de ses pensées, revenant à la réalité. Elle se remit à observer vainement le paysage, attendant l'alarme qui ne tarderait bientôt plus, lui signifiant que les commémorations allaient commencer. Ça serait alors parti pour des heures de discours grandiloquents, de défilés militaires, en bref un concours de gros bras. Et comme d'habitude, elle devrait chanter un hymne dont elle était censée être fière et se tenir droite, sans poser de questions dérangeante.

L'alarme sonna enfin, crissement aiguë déchirant les tympans. Ophélie se boucha les oreilles le temps qu'elle s'arrête et enfila les vêtements pour sortir. Plusieurs épaisseurs de capes, rapiécées, déchirées, loin d'être agréables, un gros pantalon militaire informe, des bottes inconfortables en un matériaux soit disant imperméable et des lunettes électroniques lui permettant de bien voir malgré la pénombre omniprésente de la ville, incapable d'alimenter correctement ses éclairages publics. Ophélie rabattit sa capuche sur ses cheveux chatain rasés sur un côté du crâne et ouvrit la porte de son habitation. Elle donnait sur un escalier extérieur grinçant, bringuebalant dans le vent qui lui n'était pas atténué par les grandes bâches.

Elle descendit les marches glissantes, tentant de ne pas toucher les rembardes pour épargner à ses mains leur froid mordant et trotta dans les rues obscures aux murs couverts d'affiches de propagande, puis arriva sur la grande place, où une foule plutôt conséquente attendait déjà, rassemblée autour d'une estrade branlante. Un homme d'une cinquantaine d'années y monta, habillé de noir mais à peine moins miteux que les autres habitants. Il attendit un instant, pris son inspiration et commença son discours.

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