Bernard continuait de regarder Lania, attendant d'un air maussade qu'elle continue de parler. Elle l'observa quelques secondes avant de placer gracieusement un bras dans son dos et de le pousser doucement mais sans alternative vers une porte située sur le côté, qui s'ouvrit sur un petit hall. Ils y entrèrent, passant de ce hall à de jolis appartements restants dans cette ambiance mauve et sombre avec de nombreuses drapures fines flottant doucement et de l'eau ruisselant sur divers endroits. Lania prit la parole d'une voix toujours aussi aimable :

«Je voulais vous voir depuis longtemps, j'ai diverses propositions à vous faire. Mais d'abord la politesse. Comment allez vous ? Votre voyage n'a pas été trop désagréable ?

- Qu'est-ce que je fais ici ? Vos hommes sont venus, m'ont embarqué alors que j'avais rien demandé et je me retrouve ici.

- Tout ne s'est pas merveilleusement bien passé alors. Votre attente n'a pas été trop longue sur cette planète ?

- Non. Faites-m'y retourner.

- Bon, monsieur Berthieux, j'aimerais passer aux choses sérieuses maintenant. J'ai des questions sur vos amis et une proposition à vous faire. Asseyez vous donc.»

Elle lui indiqua d'un geste délicat un fauteuil à l'air moelleux dans lequel il s'assit, s'enfonçant d'une dizaine de centimètres dans l'épaisseur des coussins. Elle fit de même sur son propre fauteuil et appuya sur un bouton, qui fit venir deux verres posés sur une table flottante.

«D'abord, vos amis. Je sais que vos relations ne sont pas dans leurs meilleurs termes avec Murainan'Ta, et c'est également mon cas. Avez vous connaissance, cependant, de ses plans contre l'Alliance ?

- Je suis parti avant qu'il s'y mette.

- L'Alliance est jeune et encore en évolution constante. Des problèmes seraient dangereux à ce stade, et c'est exactement ce que crée Murainan'Ta.

- Je n'ai aucune idée de ses objectifs et pour tout vous dire j'en ai pas grand chose à faire.»

Lania sembla étonnée pendant un bref instant par l'attitude de Bernard mais se ressaisit rapidement.

«Fort bien...je ne vous dérangerais plus avec ça. J'aimerais vous proposer un poste, également. Sans trop de responsabilités, mais tout de même important : Garant du débat.

- Non.

- Attendez, je vais vous exposer la situation complète et je vous laisserais choisir ensuite. Nous sommes une Alliance composée de centaines de planètes ou de petites fédérations, réunis dans une assemblée. Cependant, ce sont les dix planètes majoritaires qui ont un pouvoir supérieur et des droits de veto. Celà est critiqué, par des arguments que j'entend. Ce serait mauvais pour la démocratie. De mon point de vue, la démocratie n'est pas utile si elle ne propose rien et débat des heures sur un rien. Cependant, il est vrai que ces planètes majoritaires peuvent agir d'une manière injuste ou égoïste. C'est un fait, c'est envisageable. Ainsi, ce poste de Garant du débat consiste en une sorte de surveillance des décisions majoritaires. Quand une décision est prise et semble injuste, il est possible à l'assemblée de faire un appel au garant, qui juge alors cette décision et peut la faire invalider ou la réduire.

- Et donc ? Quel rapport avec moi ?

- Vous êtes indépendant, monsieur Berthieux. Ni dans l'assemblée, ni dans l'Alliance, ni dans aucune fédération. On sait seulement vos anciens liens avec un opposant politique, qui semblent très compromis actuellement. Avec vous à ce poste, personne ne discuterait de la légitimité des décisions prises, et bien sûr vous seriez logé, nourris et nous pouvons même vous fournir un vaisseau. Ce travail n'est pas contraignant, mais cependant essentiel.

- Je vois le genre. Je ne sais pas.

- Réfléchissez-y bien. Vous avez tout votre temps pour y penser. Vous serez conduits vers le logement que vous occuperez si vous acceptez. Je vous laisse vingt-quatre heures renouvelables deux fois pour y réfléchir. Au plaisir, monsieur Berthieux.»

Elle se leva et lui sourit avant d'indiquer à deux majordomes de lui montrer le chemin.