Ophélie restait sans rien faire depuis des heures, regardant Murainan'Ta débattre avec les membres de l'Assemblée d'un air à la fois consterné et attendri. Elle n'avait aucune idée de la direction que prenaient les discussions, ou même de leur sujet véritable. La jeune femme décida de rentrer au vaisseau et prévint rapidement Clara avant de prendre le chemin vers ses quartiers. Une fois entrée dans Jérôme cependant, elle hésita un instant à aller dans sa chambre et prit le chemin de l'infirmerie. Elle y salua le garde présent et regarda par la vitre de la chambre de Kaltessy. Sans comprendre pourquoi, la pirate exerçait sur elle une sorte d'intérêt qui rendait Ophélie curieuse.

À l'intérieur de la chambre, Kaltessy était toujours allongée, la majorité de son corps couverte de bandages. Cependant elle était maintenant réveillée et n'avait pas tardé à la regarder à son tour une fois Ophélie arrivée devant la vitre. D'un ton légèrement agressif malgré sa faiblesse, elle articula :

«Quoi ? Ça te plaît de me regarder dans cet état ?»

Ophélie serra furtivement les poings, tendue par la vue de celle qui avait tenté par trois fois de la tuer. Un goût amer lui restait, mais une sorte de satisfaction et de sentiment de puissance la prenait, de par sa position de force. Elle inspira pour reprendre contenance et tenta de répondre avec autant d'aplomb que son interlocutrice :

«Peut-être bien, c'est la moindre des choses après ce que tu m'as fais.»

Kaltessy serra la mâchoire et se redressa difficilement avant de la fixer, un éclair de rage au fond de ses yeux. La mâchoire serrée, la respiration sifflante, elle cracha rageusement :

«Tu crois que ça m'a plu ?»

Ophélie recula légèrement. La colère qui émanait de la jeune femme malgré ses blessures et sa faiblesse l'impressionnait et elle ne sut pas quoi répondre. Le sentant bien et souhaitant visiblement clarifier définitivement les choses, Kaltessy se mit encore à parler, sans modifier sa posture. Une colère sourde semblait gronder en elle et seule sa faiblesse l'empêchait certainement d'exploser. Un mélange de tension, d'angoisse et de haine se bousculait dans sa voix quand elle continua :

«Alors, t'as plus rien à dire ? Tu pensais quoi, que je me suis levée un jour et que je me suis dis "Tiens, si je me mettais aux ordres d'un taré meurtrier pour buter des gens, ça devrait être épanouissant" ? Tu penses que j'ai pris plaisir à tirer sur tes potes ou à défoncer ton vaisseau de merde ? Que ça m'a amusé de me dire que j'allais devoir t'exploser le crâne ?

- Non, non, bien sûr que non... je...

- Tu pensais quoi alors ?

- Je... enfin»

Elle baissa la tête, honteuse. Kaltessy hocha la tête, satisfaite et se rallongea normalement, contractée par l'effort demandé et la douleur.

«Lâche moi. J'ai pas besoin de toi ici, j'ai déjà assez de problèmes.»

Ophélie la regarda, culpabilisant, et lâcha à contrecœur un petit :

«Pardon»

Kaltessy la regarda un instant et esquissa un sourire amer.

«C'est bon, dégage je t'ai dis. J'ai pas besoin de ta pitié débile alors que tu sais même pas ce que tu dois plaindre chez moi.»

Ophélie continua de l'observer un instant, pétrifiée, et se détourna avant de rentrer véritablement dans sa chambre. Elle se sentait incroyablement stupide, même si son animosité à l'égard de la pirate n'avait pas véritablement baissé. La jeune femme se coucha sur le dos dans son lit et fixa le plafond. Elle s'était sentie humiliée tout le long de la courte confrontation, écrasée par la colère de Kaltessy dans ses mots comme dans son attitude. La jeune femme se massa les tempes en fermant les yeux, dans un énervement constant, avant de se dire qu'il y allait rapidement avoir des choses à clarifier avec la pirate.