Le vaisseau de Lania volait maintenant depuis plusieurs heures, et Bernard était contraint d'attendre dans le poste de pilotage tandis que les autres dirigeants de la Nouvelle Alliance étaient partis vaquer à leurs occupations. Goupolum revenait de temps en temps, semblait-il simplement pour gratifier Bernard de quelques mots doux, avant de repartir. Lania finit par revenir afin de contrôler les trajectoires et demander quelques clarifications aux pilotes, et s'apprêtait à repartir quand Bernard l'interpella :

«Lania ? Excusez moi mais je ne comprends pas d'où vous vient, à la base, votre animosité contre moi.»

Elle s'arrêta en plein mouvement et se tourna vers lui, avant de répondre sèchement :

«Je n'avais rien contre vous, au contraire. C'est votre refus de collaborer qui m'a mise en colère.»

Bernard fronça les sourcils, déjà agacé :

«Je n'ai jamais refusé de collaborer ! Quand je disais tout ignorer de Murainan'Ta, c'était vrai du début à la fin.

- Ça vous arrangeait bien, surtout.

- Mais enfin arrêtez ! Ça fait des jours que je me tue à vous dire que j'ai rien, enfin presque rien contre votre Alliance !»

Lania s'avança vers lui.

«Vous ? Proche de ce graaand démocrate qu'est Murainan'Ta et dont la galaxie chante les louanges ?

- Oui. Je suis un adepte de l'efficacité. Votre manière de faire est plus rapide et mieux organisée, ainsi que plus efficace. Et vous gardez de la démocratie dans une certaine mesure.»

Lania sembla surprise, comme si elle écoutait vraiment l'avis de Bernard pour la première fois. Elle répliqua :

«La démocratie n'est plus d'actualité aujourd'hui. Elle reviendra peut-être, mais en cette période troublée, c'est la sécurité qui doit primer au détriment de la liberté.

- Justement, on arrive là où je vous suis moins. Autant la réduction des libertés pourquoi pas, c'est sûr que c'est plus efficace sans opposition. Mais les violences par contre...

- Oui ?

- Ben c'est pas nécessaire.

- Sans répression des avis et de l'opposition, pas d'ordre. Et c'est l'ordre, qui est important. La sécurité. Vous préférez peut-être vivre dans un monde où Shekafdala aurait gagné ? Où, certes vous aurez de la liberté, sans Etat pour vous contraindre, mais où tout ordre et toute sécurité auraient disparus ?»

Bernard se tu, agacé de ne pas savoir quoi répondre. Lania le regarda puis se détourna, quand il demanda :

«Vous faites tout ça pour quelle raison ?»

Elle se figea à nouveau et revint vers lui avant de s'expliquer :

«Pour quelle raison je ferais ça selon vous ?

- Je ne sais pas... Comme Shekafdala, le pouvoir.

- Non !»

D'un air outré, les yeux grands ouverts, elle continua :

«Je fais ça pour tous, pour les peuples ! La galaxie est divisée, et un régime autoritaire est la seule manière de la rassembler durablement. J'en ai l'intime conviction.

- Et ça va jusqu'à tuer les opposants politiques ?

- Murainan'Ta sembla avoir rejoint un groupe terroriste, ou du moins s'y être allié. Nous avons une raison de vouloir le neutraliser, et nous ne nous en priverons pas.

- Vous avez besoin d'autant de forces ?

- Oui. Nous savons que Murainan'Ta est tenace, toute la galaxie le sait. Avec ce vaisseau et les chasseurs qu'il embarque, c'est près d'un quart des forces de l'Alliance qui sont en chemin vers lui. Les forces de l'Alliance seule bien sûr, les soldats enrôlés sur des planètes et y restant ne comptent pas dans ces chiffres.

- Pour lui seulement ? Il n'y a pourtant aucune preuve de sa culpabilité dans l'attentat.

- Peut-être, mais de sa complicité au moins, et l'élimination de cet opposant, si farouche et si important nous placera à coup sûr en position de force. La Nouvelle Alliance pourra enfin commencer efficacement à régner.

- Malgré les groupes terroristes ?

- Nous les retrouverons et les détruirons.»

Bernard s'apprêtait à poser de nouvelles questions quand un signal s'éleva dans tout le cockpit. Lania s'assit immédiatement dans son siège, bientôt rejointe par les autres dirigeants. Un pilote cria depuis ses commandes :

«Approche finale de Oblidio 5, mise en orbite dans T moins trois minutes.»

Lania souriait à pleines dents. La victoire était proche, et celà créait en elle une sensation grisante.