Après une petite heure de promenade dans la tiédeur de la nuit Gliesienne, Bernard rentra au QG. Immédiatement, on lui mit à disposition une chambre tout à fait confortable dans laquelle il eut tout le loisir de déprimer à son aise. Après une nuit d'un sommeil lourd et sans rêve, il fut réveillé par une personne toquant à la porte. Il attendit que les toquements recommencent et cria :

«ENTREZ !»

Un robot entra pour lui donner de nouveaux vêtements et un petit déjeuner. Après avoir tout bien organisé, il se tourna vers Bernard et diffusa un enregistrement de Murainan'Ta. 

«Bonjour Mr Berthieux ! Fit la voix du Gliesien, déformée par la compression des données. J'espère que vous avez passé une bonne nuit !»

Bernard soupira très fort qui aurait été tout à fait significatif de la qualité de sa nuit devant un être vivant, mais face à un enregistrement, autant soupirer devant un mur. Murainan'Ta poursuivit :

«Nous avons organisé la cérémonie de récompense de votre aide (je sais très bien que vous allez protester mais j'insiste) à 15 heures, sur la plateforme en haut du QG. Vous pouvez y accéder par des escaliers ou encore par l'ascenseur qui se trouve au fond du hall. Au plaisir de vous y voir Mr Berthieux !»

Et l'enregistrement se tu. Immédiatement après, le robot sorti de la chambre dans un léger bruit mécanique. Bernard, concluant que soupirer n'allait pas l'aider, préféra se lever et se préparer. Après tout, si aller à cette cérémonie était le seul moyen pour qu'on lui fiche la paix, autant y aller. 

Il passa sa journée à tourner en rond dans sa chambre. Elle était bien plus colorée et décorée que tout son appartement mais cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Il attendait simplement. De temps en temps, pris d'une certaine énergie, il saisissait une livre et le feuilletait, mais arrêtait très vite quand il se rendait compte qu'il n'en lisait rien. Il avait comme une boulle dans le ventre. Contrairement à ce qu'il tentait de se dire, la cérémonie exerçait sur lui une certaine angoisse. 

Enfin, l'heure fatidique arriva. Il se leva, sorti de sa chambre et pris l'ascenseur. La montée vers le haut de la tour fut assez rapide, mais même s'il avait semblé durer une éternité, Bernard aurait souhaité qu'il dure plus longtemps encore. À l'arrêt de la cabine, les portes s'ouvrirent sur une plateforme bondée. Une foule assez conséquente le regardait, un orchestre Gliesien attendait des indication et au centre de tout ça, Murainan'Ta l'attendait. Bernard commença à marcher vers lui et aussitôt, l'orchestre se mit à jouer. Une sonorité bien différente des instruments terriens s'en éleva. On eu dit une sorte de longue note semblable à un chant de baleine, mais tremblant, et accompagné par de nombreuses mélodies accessoires. Le tout était très beau, enfin, pour toute autre personne que Bernard. Murainan'Ta marcha à son tour. Quand les deux furent l'un en face de l'autre, le Gliesien prit la parole pour un bref discour. 

«Quand il m'a permis d'entrer dans son bureau, Mr Berthieux a fait montre d'un altruisme totalement désintéressé, même si influencé par la pression imputable au contexte tendu de notre rencontre. C'était avant tout un acte de gentillesse et d'aide. Sans lui, je ne serais pas devant vous aujourd'hui. Mr Berthieux, Bernard, merci.»

Il fixa alors sur son torse une sorte de coquillage métallique chromé, brillant d'argent et incrusté en son milieu d'une pierre rouge semi-précieuse.

« En donnant cette médaille du mérite à Mr Berthieux grâce aux pouvoirs qui me sont conférés par ma position de sénateur, je ne lui montre qu'un fragment de ma reconnaissance. Encore merci.»

L'orchestre enchaîna alors sur l'hymne de Belzerland. Devant toute cette reconnaissance, l'hymne de sa planète et cette médaille, Bernard fut, pendant quelques secondes, touché par l'émotion, puis redevint déprimé, comme auparavant. Cependant, la cérémonie avait fait changer un petit quelque chose, très profondément en lui. Pendant un temps, il avait été heureux.