Bernard Berthieux

Comme chaque matin, Bernard Berthieux ouvrit les yeux. Après un court instant de flottement, il se leva : pied gauche sur le sol... Ouh... c'est froid. Pied droit maintenant. Oh... toujours aussi froid. Le sol était froid, rien d'étonnant, c'était comme ça chaque matin. Ça n'allait pas changer, il n'y avait pas de raison pour que cela change : le sol était toujours froid le matin, le serait toujours et le soir il était tiède.

Après ces longues secondes de réflexion sur le sol qui était toujours froid le matin, Bernard Berthieux se leva. Il n'y mit aucune énergie particulière, sans non plus être apathique. Un lever normal, ennuyeux, un lever banal : le lever de Bernard. Il avança vers la porte de sa chambre sobre et grise. Non-pas qu'il fut pauvre : il gagnait assez pour décorer. Il gagnait le salaire moyen, le salaire d'une majorité de personnes. Un salaire somme toute banal. Mais sa chambre n'était pas décorée simplement car il n'en voyait pas l'utilité. Après tout, pourquoi décorer ? Ajouter un pot de fleur sur le bureau et un tableau au mur ne tromperait personne : cette chambre était triste et grise. Ennuyeuse, banale.

Bernard, lui, ne se souciait pas de sa chambre ce matin. Il marchait sans grand engouement vers la porte, son seul objectif pour l'instant. Certains se réveillent pleins d'entrain, avec l'envie de changer le monde. Ils traversent leur chambre en un clin d'oeil et sont dans la cuisine cinq secondes après. Mais pas Bernard : lui n'avait comme seul objectif celui de franchir sa porte, ce qu'il fit après une dizaine de pas ni enjoués ni déprimés. Des pas d'une personne banale qui se lève. On pourrait penser qu'atteindre la porte allait d'une quelconque manière le satisfaire. Et bien non, rien. Pas le plus minuscule sentiment de victoire pour avoir franchit cette porte ne s'éveillait en lui.

Après la lecture de ce périple, vous comprenez sans doute mieux qui est Bernard Berthieux. Un homme banal, vivant de manière banale. Osons le dire : Bernard Berthieux était ennuyeux. Lui-même en était conscient. Cela le dérangeait-il ? Cela lui donnait-il envie de tout plaquer pour partir loin d'ici ? De voyager, de rencontrer des gens ? Non. Il en était conscient et s'en fichait. À la limite, cela faisait naître en lui un vague sentiment de satisfaction car la seule chose qui pouvait rendre Bernard Berthieux moins ennuyeux qu'il ne l'était, sa seule particularité était qu'être ennuyeux le satisfaisait. Il vivait dans sa routine qui en aurait rendu fou plus d'un et en était bien content. Bernard vivait chaque jour le premier couplet de Lonely Day de System of a Down.

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