Le soir arriva très lentement, pour la plus grande tristesse de Bernard. Les journalistes affluaient dans le QG, les collaborateurs couraient dans tous les sens, les bras remplis de feuilles de papier et Murainan'Ta restait dans son bureau. Quand il en eu marre de ne rien faire, Bernard sorti dans la rue. Cette dernière était uniquement éclairée par des globes lumineux turquoise flottants mollement dans les airs. Il regarda de chaque côté puis entama une ballade pour se vider la tête. Après seulement quelques pas, un homme vint l'aborder. Assez grand, la trentaine, plutôt musclé, il arriva d'un pas décidé. Quand il fut dans la lumière, Bernard le reconnu enfin : un costume noir, la mâchoire carrée, les cheveux courts et noir et surtout un regard dur et pénétrant. Arnold Tuchmeier. Après quelques secondes de silence, il commença à parler, d'un ton menaçant.

«Vous savez qui je suis n'est-ce pas ?

- Disons que ç'aurait été difficile de faire autrement...

- Dans ce cas vous connaissez mon influence. Vous allez dire...

- Ah par contre non, du côté de l'influence, je n'y connais rien.

- ... Sachez seulement que je suis très influent ici. Vous allez dire à Mr 'Ta d'abandonner sa campagne.

- Ça serait idiot non ? Je veux dire... il s'en ficherait.

- Il connait mon influence, il sait de quoi je suis capable pour gagner cette élection.

- Comme le menacer par l'intermédiaire d'un collaborateur car vous n'avez pas le courage de le faire vous même ?»

Déstabilisé, Arnold Tuchmeier mit quelques secondes à répondre, d'un ton rendu moins menaçant par son agacement devant la nonchalance de Bernard.

« Je... non... Mais ça serait une faute politique de le menacer en face à face !

- Moi je ne trouve pas. C'est même plutôt une preuve de courage.

- ... Qui êtes vous en fait ?

- On s'en fiche un peu non ? Honnêtement.

- Dite le moi ! Je dois vous rappeller mon influence ?

- Oui enfin cette influence je n'ai pas tellement de moyens de la vérifier. Vous pourriez être le premier clodo venu que je ne pourrais pas faire la différence.

- Dites moi votre nom !

- Bon... Bernard Berthieux.»

Après quelques instants de réflexion, le visage de Arnold Tuchmeier se durcit et ses sourcils se froncèrent. Il demanda, la mâchoire contractée :

- Le type d'alpha du centaure qui a aidé Mr 'Ta ?

- Je suis si connu que ça ?

- Vous avez fais les gros titres... mais bref... je comprends bien pourquoi vous l'avez sauvé...

- Je l'ai caché sous la contrainte.

- Vous avez le même mépris des autres, la même nonchalance idiote tous les deux. Pas étonnant qu'il vous aime bien.

- Si vous le dites. Vous m'excuserez, j'étais en train de me promener.»

Et il passa à coté de Arnold Tuchmeier. Ce dernier ne se retourna même pas. Quelques secondes plus tard, il entrait dans une limousine d'un blanc jurant avec l'obscurité ambiante qui était arrivée immédiatement après la fin de leur discussion et parti. Une personne qui serait arrivée maintenant n'aura jamais pu deviner qu'un candidat à la direction de la planète se trouvait à cet endroit il y avait encore dix secondes. Quand à Bernard, c'était à peine s'il n'avait pas déjà oublié cette rencontre nocturne pourtant loin d'être banale.