Chapitre 5

Crédit à l'artiste : Rara (c'est son nom sur twitter).

oOo

Code d'honneur du chevalier :

3. Il est fidèle à la parole donnée ; elle ne peut, ni ne doit être mise en doute.

oOo

- Je n'ai pas besoin de tes services aujourd'hui. Tu es congédié pour la matinée, dit Zelda à l'adresse de son chevalier servant non loin des appartements royaux.

Sur ce, elle le laissa, lui et son incompréhension, au milieu du couloir. La princesse pouvait enfin se sentir libérée de sa présence et être plus à son aise. Au moins, avec Cassius à ses côtés, elle pourrait avoir une conversation et oublier pour quelques heures son statut de prêtresse royale. Elle le retrouva sur leur lieu de rendez-vous et tous deux ne perdirent pas un instant. Mais Link ne pouvait pas se permettre de la laisser sortir sans escorte... Il prit la liberté de les suivre de loin en surveillant les alentours.

Il vit notamment Zelda tenter de décrypter les mots gravés sur le sanctuaire. Quel édifice étrange... Link se demandait bien quelle était la raison de sa présence. Nul ne pouvait entrer dedans, alors à quoi bon ? Sa surveillance se serait parfaitement déroulée si Cassius n'avait pas fini par le remarquer. Le bleu vif de sa tunique semblait l'avoir trahi parmi les hautes herbes. La princesse fut révoltée par ce comportement : se faire suivre de la sorte, c'était... d'un irrespect ! Elle n'avait pas les mots pour qualifier cela. Zelda ne se priva pas pour réprimander son chevalier servant à propos de ses précédents ordres : il devait rester au château et non la suivre. Elle fit remonter cela à son père qui ne manqua pas de lui souligner que c'était le devoir de Link de la protéger et qu'il n'avait fait cela que pour son bien.

De plus, le roi lui reprocha son insouciance et lui rappela maintes fois qu'elle se devait de prier au lieu de jouer les chercheuses. Cela n'était pas digne d'une princesse. Zelda n'osa point répliquer. Elle se sentit bien honteuse vis-à-vis de Link. Toutefois, elle aurait préféré qu'il s'en tienne à son congé. Son père ne manqua pas de lui faire remarquer que le capitaine de la garde avait toutes ses cartes en main pour lutter contre le retour du Fléau, contrairement à elle qui n'arrivait pas à exploiter le pouvoir qui dormait en son sein. Zelda le savait... L'atout de Link dont il parlait était bien la Lame Purificatrice. À elle seule, elle reflétait toutes les capacités et le talent du prodige. Quant à la princesse, elle se sentait le total opposé...

Dorénavant, la prêtresse royale ne daignait même plus lui adresser la parole. Elle savait très bien qu'elle heurterait un mur. Elle ne lui parlait que pour lui donner des injonctions ou des indications. Zelda commença aussi à penser qu'il marchait plusieurs mètres derrière pour se faire oublier. Et depuis son entrevue avec son père, dès que la jeune fille voyait l'épée de légende, un terrible sentiment de honte l'accablait et lui rappelait à quel point elle n'était pas à la hauteur.

Un matin, la princesse fit un étrange rêve. Ou plutôt, elle ne saurait dire si c'était un cauchemar. Dans son songe, elle se voyait courir au milieu d'une plaine, comme si elle fuyait quelque chose. La peur se lisait sur son visage. Mais un individu la tenait par la main et l'entraînait dans sa fuite. Tout était si flou... Elle n'apercevait pas son visage. Seulement le bleu de son vêtement. Puis pendant quelques instants, ce fut un trou noir dans son esprit. Il n'y avait plus que des plaintes et de puissantes détonations. Quand la vision lui revint, Zelda tenait l'individu dans ses bras et le suppliait de ne pas la laisser seule. Bien qu'elle ne vît pas son visage, la princesse sentait à travers son songe que tous deux s'échangeaient un regard d'adieu.

Zelda se réveilla en sursaut, le front en sueur et le souffle court. La peur qu'elle venait de ressentir faisait vivement battre son cœur dans sa poitrine. La jeune fille ne comprit pas comment elle avait pu faire un tel songe. Et le bleu de cette tunique... Elle le reconnaîtrait entre mille. L'Hylienne fronça les sourcils en se rallongeant, ne sachant pas pourquoi son chevalier servant avait figuré dans son rêve. Pourquoi avait-elle été aussi affectée alors qu'il commençait peu à peu à l'insupporter ? Cela n'avait pas de sens.

Elle voulut oublier ce cauchemar pendant sa toilette matinale mais elle ne cessait d'y songer. Cela la perturbait bien trop à son goût. Si bien que, quand elle trouva Link en train de l'attendre comme à son habitude, elle le renvoya aussitôt en prétextant qu'elle n'avait pas besoin de ses services pour la journée. Mais bien sûr, le chevalier continuait de la suivre de loin. Finalement, Zelda lui demanda de revenir auprès d'elle. Cela l'agacerait moins.

Ainsi suivie de près par le chevalier, Zelda se dirigeait vers la sortie du château. Elle avait prévu de prier à la cathédrale dans l'espoir que sa situation s'améliore. Link fut mis au courant et se tint davantage sur ses gardes. Dans la citadelle, tout le monde pouvait être suspect. Alors qu'ils traversaient une cour, un chevalier messager arriva en courant et tendit une lettre à la princesse après l'avoir saluée.

- Un courrier provenant du village Goron, Votre Altesse, lui annonça le preux qui ne tarda pas à s'éclipser rapidement.

Cela intrigua Zelda qui s'empressa de lire les quelques lignes. Ce n'était pas dans l'habitude des Gorons d'écrire sur du papier... En temps normal, celui-ci prenait feu à cause des températures extrêmes.

- C'est une lettre de Daruk, expliqua-t-elle à Link sur un ton neutre. J'ai l'impression qu'il peine à maîtriser sa Créature Divine.

Elle leva le regard vers lui mais se reporta bien vite sur la lettre, peu à l'aise.

- J'essaierai de lui rendre visite la semaine prochaine. J'ai déjà tant à faire pour les prochains jours...

Et sur ces mots, elle reprit la route sans tarder. Dignement, Zelda marchait d'un pas soutenu et se dirigeait vers l'un des bâtiments qui permettait de quitter le château. Par pure bienveillance et courtoisie, Link pensa qu'ouvrir la porte à la fille du roi lui épargnerait un effort supplémentaire. Le jeune homme la dépassa alors, ce qui surprit Zelda, puis il lui ouvrit la porte. La blonde plissa les yeux et croisa les bras, irritée.

- Tu n'es pas un domestique, que je sache, souligna-t-elle sans cacher son agacement. Et je suis tout à fait capable d'ouvrir une porte.

Zelda passa l'ouverture sans même lui accorder un regard, ce qui blessa profondément le chevalier. Lui qui pensait bien faire... Silencieusement, il lui emboîta le pas en scrutant discrètement les alentours. Link ignora royalement les deux jeunes nobles qui se moquaient de lui, non loin de là. Dans le couloir, il dévisageait chaque domestique ou garde qui marchait en sens inverse. Son regard suspicieux, voire froid, les rendit mal à l'aise et effraya même quelques bonnes femmes. Zelda ne tarda pas à remarquer leur étrange réaction à son passage et elle se retourna, les sourcils froncés, pour constater que c'était bien dû à son chevalier servant.

- Qu'est-ce qu'il vous prend aujourd'hui ? lui demanda la princesse avec irritation. Si vous n'êtes pas d'humeur, il fallait accepter votre congé.

Elle l'observa dans l'espoir de le voir rebrousser chemin mais Link resta impassible et immobile. Zelda retint difficilement un soupir et continua sa route en optant une allure rapide. Par Hylia, elle n'avait pas besoin d'un chevalier servant tel que lui. Elle était bien capable de se débrouiller seule. La blonde n'avait jamais eu besoin d'aide jusque-là. Quant à Link, il fut désolé que son comportement soit mal interprété. Mais il ne faisait cela que pour mener à bien sa mission...

Ils quittèrent enfin les murs du château puis s'engagèrent sur le chemin menant jusqu'à la citadelle. Il y avait du monde dans les rues, certains habitants se pressaient pour se rendre au marché de la place centrale et préparer leur repas. Bien évidemment, la princesse ne passait pas inaperçue aux yeux de tous. Chacun la saluait à sa manière en veillant toujours à rester humble devant elle. Les Hyliens lui offraient tous des sourires, ce que remarqua Link. Mais surtout, lorsqu'il la vit parler avec gaieté à une mère et son fils, Link vit bien qu'elle avait grand cœur et qu'elle était très proche de son peuple. Zelda était une bonne personne qu'il se devait de protéger. Seulement... Il aurait voulu comprendre pourquoi la princesse et lui s'entendaient si moyennement.

En vérité, le chevalier comprenait très bien ce qu'elle pouvait ressentir. La princesse portait elle aussi un lourd poids sur les épaules, l'environnement du château ne cessait de le lui rappeler. Cela la rendait peut-être anxieuse. Tous deux parvinrent à la cathédrale et la prêtresse royale alla prier devant la statue de la déesse, dans une zone qui lui était exclusivement réservée. Link patientait dehors. Il observait des enfants jouer ou même des charrettes transporter des marchandises. Le temps n'était pas si mauvais, quelques oiseaux se plaisaient à entonner leurs airs favoris. Deux jeunes femmes nobles sortirent de l'édifice religieux en lançant quelques regards indiscrets derrière elles.

- Je n'arrive pas à croire qu'elle n'ait toujours rien invoqué, chuchota l'une d'elle. Célestine m'a dit qu'elle passerait essentiellement ses journées à vagabonder de droite à gauche.

Sa compère tiqua en replaçant correctement les cheveux.

- Ses privilèges lui sont montés à la tête, répliqua-t-elle froidement avec un certain mépris. Elle pense peut-être que tout se fera seul ?

Les femmes remarquèrent la présence de Link et eurent des frissons de peur, notamment car il les fixait. Elles pensèrent immédiatement qu'il les sermonnerait et qu'il les maudirait pour leurs paroles, mais rien de tout cela se produisit. Elles accélèrent en silence et disparurent quelques instants plus tard. En vérité, leur discussion avait déstabilisé Link. Il avait rarement entendu de tels propos à l'encontre de la princesse. C'était bien la première fois. Mais était-elle seulement au courant ? Et si cela s'avérait être le cas... Ce devait être très dur pour la princesse.

Le jeune homme se retourna et passa la tête à l'intérieur de la cathédrale pour regarder la prêtresse royale. Elle priait avec calme et pudeur, les mains jointes et la tête baissée. Pour Link, il n'y avait aucun doute : elle se donnait corps et âme pour accomplir sa mission. Il la regarda avec une certaine tristesse puis reprit son poste. Le prodige regrettait de ne pas être traité comme les passants. Lui aussi espérait que leur relation s'améliore. Peut-être qu'en se faisant oublier quelques temps, cela irait mieux ?

Plusieurs jours passèrent pendant lesquels Zelda n'hésita pas à faire le moindre reproche à son chevalier servant. Selon elle, Link n'adoptait jamais le bon comportement. Mais loin de se décourager, ce dernier persistait dans ses efforts. Tant qu'il assurait son rôle... Tous deux se rendirent ainsi sur la Montagne de la Mort car Daruk avait quelques difficultés à diriger Vah'Rudania. Zelda trouva par ailleurs le voyage interminable, aliénée par le mutisme de son compagnon de route. La princesse sentait son regard posé sur elle dès qu'elle tournait la tête pour observer le paysage. Une certaine angoisse la tiraillait par moments. Peut-être qu'en faisant part de ce ressenti à son père, celui-ci ordonnerait à Link de suivre moins souvent sa fille.

Arrivés à un certain niveau du volcan, ils durent prendre un remède ignifus pour parvenir à surmonter la chaleur suffocante qui régnait. Au village Goron, les deux jeunes gens saluèrent Daruk et ils partirent en direction de la Créature Divine, à une centaine de mètres de là. Link put l'admirer pour la première fois et même monter dessus. Mais quand il voulut suivre la princesse à l'intérieur...

- Je n'ai pas besoin de ton aide pour effectuer mes recherches, trancha froidement Zelda qui s'empressa d'entrer sans prendre le temps de voir sa réaction.

Link, impuissant, resta immobile devant l'entrée de la Créature Divine, sous le regard déconcerté de Daruk. Le prodige goron ne comprenait pas bien la situation. La dernière fois qu'ils les avaient vus, la princesse n'avait pourtant pas ce comportement avec Link. Elle paraissait distante, certes, mais pas aussi sèche.

- Viens, p'tit gars, lui intima Daruk en essayant de sourire. Je vais te montrer quelle vue on a de là-haut !

Il pointa le dos de Vah'Rudania et Link hocha la tête en signe d'accord. Ils y furent en quelques minutes pendant que Zelda mettait en route la machine immense. Effectivement, la vue était splendide, donnant sur une partie du volcan et sur les lointaines terres du royaume, verdoyantes. Link, agréablement surpris, éprouva de l'admiration pour son pays natal et toutes ses richesses. Raison supplémentaire de protéger Hyrule du retour de Ganon. Le jeune homme ne pouvait pas se permettre de le laisser détruire un tel trésor naturel. Daruk, à côté, se léchait les babines face à tous ces délicieux rochers qui l'entouraient. Cependant, à cause du mutisme habituel de Link, il perdit un peu de son enthousiasme et l'assimila à l'attitude de la princesse.

- On m'a toujours dit que la princesse n'avait pas un caractère facile, même si elle est très tournée vers les autres peuples.

Le Goron se gratta l'arrière de la tête tandis que Link l'observa avec calme.

- Elle m'a l'air tout particulièrement sévère avec toi... C'est bien la première fois que je la vois comme ça, réfléchit Daruk qui essayait de trouver une explication. Tu es un gars sympa, je ne pense pas que tu lui aies porté préjudice.

Link fit un léger "non" de la tête. Jamais il n'aurait fait une telle chose. Daruk finit par hausser les épaules. Décidément, il y avait bien des choses qu'il ne pouvait expliquer.

- Tu sais quoi, p'tit gars ? Avant-hier, alors que je pilotais Vah'Rudania, un bloc de pierre massif s'est détaché du mont de la mort ! lui apprit Daruk en fronçant les sourcils. Heureusement que j'avais mon bouclier pour me protéger... Mais tu peux me croire : ce n'est pas un phénomène normal.

Il croisa les bras en acquiesçant.

- C'est certainement dû à cette saleté de Ganon. Il n'est toujours pas apparu mais il saccage déjà mes belles caillasses. C'est insupportable.

Daruk fit des moulinets avec son bras pour montrer qu'il était prêt au combat.

- Il va voir de quel bois je me chauffe ! s'exclama-t-il avec détermination. Tu peux compter sur moi.

Le vieux prodige donna une petite tape amicale dans le dos de Link, ce qui manqua pourtant de lui briser la nuque. Daruk sourit de toutes ses dents.

- Tu vas lui donner la raclée du siècle, pas vrai p'tit gars ? Toi, tu vas en faire qu'une bouchée de ce Ganon !

Le ventre du chevalier se tordit et sa poitrine sembla se compresser. Bien sûr, Link opina pour le lui affirmer. Mais une fois de plus, il savait toute l'importance de son devoir et toutes les conséquences qui pouvaient en découler.

- Oh, et ne t'inquiète pas pour la princesse, rajouta finalement le Goron en souriant plus sereinement. Tout finit par s'arranger, tu sais ? Enfin j'imagine... Ce serait dommage qu'elle en vienne à te détester.

Les yeux de Link s'agrandirent légèrement et son visage afficha un certain effarement. Aussitôt, Daruk regretta ses paroles et tenta de se rattraper, en vain. La princesse en personne finit par les rejoindre et annonça au pilote qu'elle avait effectué quelques modifications pour que les manœuvres soient plus faciles pour lui, ce qui le ravit d'autant plus. Il était hors de question qu'il se laisse distancer par les autres prodiges ! Zelda lui offrit un sourire pour le rassurer et ce simple geste marqua l'Hylien. Il se demandait si, un jour, lui aussi aurait droit à un sourire de sa part. Quelle que soit la raison.

Quelque part tapi dans l'ombre, un individu méditait sur son futur plan. Tout semblait parfait pour lui. La situation ne pouvait être meilleure. D'après ses espions, la relation entre la princesse et ce satané Héros serait déplorable. Bien... En détruisant leur lien, leur élimination ne sera que plus simple. Il n'était pas encore l'heure de passer à l'action, même si la Finalité approchait à grand pas. Un peu de patience et tous les efforts seraient récompensés... Il n'y a que dans la précipitation que nous échouons.

oOo

Allongé sur son lit dans sa chambre du château, Link fixait le plafond sans vraiment y prêter attention. Une heure plus tôt, la princesse s'était de nouveau énervée contre lui car il n'avait pas répondu à sa question. Ou plutôt, il n'avait pas osé répondre... Pour le jeune homme, il n'en avait pas le droit. De plus, il ne savait pas quelle réponse donner devant autant de monde autour. Zelda l'avait donc renvoyé sans ménagement, terriblement vexée par ce qu'elle considérait comme de l'insolence et du mépris.

Peut-être devait-il en parler à Impa ? Elle pourrait lui donner quelques conseils ou explications. Que faisait Link de mal ? Ses yeux se plissèrent et il quitta son matelas de manière machinale pour se rendre dans le couloir où l'air y était frais. Ses pas résonnaient entre les murs humides. Quelques minutes plus tard, alors qu'il s'apprêtait à monter un escalier, Link entendit la conversation de deux hommes plus haut, ce qui attira son attention.

- Tu ne croiras jamais ce que je vais te dire, dit l'un des gardes royaux à son compagnon qu'il venait de rejoindre. Il y a à peine une heure, j'étais chargé de surveiller la salle du trône avec d'autres camarades. Figure-toi que la princesse est venue demander audience au roi.

L'autre homme ricana.

- Cela ne devrait pas être bien compliqué, c'est sa fille.

- Oui mais écoute la suite, le pria son compagnon. Comme tu le sais, le prodige hylien est son chevalier servant.

- Le type avec ses airs froids et qui ne parle jamais ?

Le premier garde hocha la tête et poursuivit. En les sentant se rapprocher, Link se cacha dans un coin sombre pour écouter jusqu'au bout. Il ne saurait dire pourquoi, mais le jeune homme avait un mauvais pressentiment.

- La princesse a dit à son père qu'elle n'avait plus besoin de ses services et qu'elle pouvait bien se débrouiller seule.

Le souffle de Link se bloqua en entendant cela. Co... Comment ?

- Pis, enfin pis... Elle aurait même demandé à changer de chevalier servant si son père tenait tant à ce qu'elle soit protégée.

- Je la comprends, renchérit l'autre garde alors qu'ils arrivaient en bas de l'escalier. Le roi a accepté ?

Son compagnon lui affirma que la demande avait été rejetée et que la conversation fut close dans les secondes suivantes. L'expression de la princesse aurait fait peine à voir d'après ses dires. Tous deux s'éloignèrent et changèrent de sujet. Quant à Link, il restait adossé au mur glacial, la tête baissée et le visage sombre. Oh, il avait très bien compris le message, oui. Zelda tentait de le rejeter par tous les moyens. Elle ne voulait pas de lui. Même les autres gardes royaux ne semblaient pas le porter spécialement dans leur cœur.

Silencieusement, Link fit demi-tour et se dirigea vers la salle d'armes pour y faire la seule chose où il était bon : s'exercer à l'épée. Et comme une traînée de poudre, la nouvelle à propos de la demande de la princesse se propagea parmi tous les gardes royaux, puis les chevaliers. Le prodige le sentait bien, il était épié partout. Et pour s'en protéger, il n'avait que son expression impassible.

- Link ! l'appela une voix derrière lui qu'il ne connaissait que trop bien.

Ne sachant pas s'il éprouvait réellement de la joie, Link se tourna vers son ami et le vit arriver seul. Conrad n'était pas accompagné par Gautier, ce qui était plutôt étonnant. Le jeune homme replaça la Lame Purificatrice dans son fourreau et attendit que le brun arrive à son niveau. Bien entendu, Conrad avait eu vent de la nouvelle mais il ne venait pas pour demander confirmation. Non, il venait en aide à son ami. Du moins, il voulait l'aider indirectement, à sa manière.

- Hum... Si tu es libre, on pourrait s'acheter une crêpe au miel à la citadelle ? lui proposa Conrad en espérant que son ancien camarade accepte.

Le blond le fixa un long instant sans bouger. Son cœur s'était un peu allégé suite à la proposition de Conrad, une personne sur qui Link pouvait toujours compter. Il accepta donc et ils partirent pour la citadelle, chez l'un des meilleurs crêpiers. Ils s'assirent ensuite à une table et purent déguster leur dessert goûteux.

- Gautier est parti voir sa fiancée, lui apprit Conrad. Il devrait revenir d'ici une semaine. Ce chanceux... Tu sais comment ils se sont rencontrés ?

Link fit non de la tête, attentif. Le brun croisa les bras.

- Dans un relais, vers le plateau du Prélude. Gautier m'a dit qu'il avait eu le coup de foudre.

Conrad claqua de la langue en se grattant nerveusement les cheveux. Il ne croyait pas en ce genre de chose. Quoi qu'il en soit, les deux amoureux avaient passé plusieurs jours ensemble pour apprendre à se connaître.

- La fois où il est revenu et qu'il m'a dit qu'ils s'étaient fiancés, je ne l'ai pas cru !

Le simple chevalier rit puis prit une bouchée de sa crêpe.

- Un de ces jours, si tu es en permission, nous pourrions partir pour la forteresse d'Akkala. Ils proposent une formation de canonnier. Ça pourrait peut-être nous aider, pour plus tard. Tu en penses quoi ? lui demanda-t-il en effectuant des moulinets avec sa fourchette.

Link haussa les épaules. Jamais il n'avait été intéressé par les canons, même si c'était des armes redoutables à longue portée. Le capitaine de la garde se reporta sur son plat et se plut à le finir, ravi de le savourer. Conrad, par pure sympathie, lui rappela qu'il pouvait toujours lui parler de ses problèmes.

- T'es un bon gars, Link, le rassura son ami en souriant. N'en doute jamais, d'accord ? N'écoute pas ce que les autres peuvent dire sur toi. Ils ne sont pas à ta place, ils ne te comprennent pas.

Le blond baissa la tête vers son assiette.

- Merci, Conrad... murmura-t-il, soulagé par ses paroles.

Son ami ne put s'empêcher de sourire et fut content d'avoir pu lui venir en aide. Il décida donc de lui payer une autre crêpe. Ce n'est pas ça qui allait le ruiner, non plus ! Et ça lui faisait plaisir, donc Conrad n'avait rien à perdre.

oOo

Il serait presque inutile de préciser à quel point la princesse fut froide et distante avec son chevalier les jours qui suivirent. C'est à peine si elle lui accordait un regard. Pourtant un matin, elle le congédia et partit avec Cassius pour inspecter un sanctuaire récemment découvert par des voyageurs. Cela fit bien rire le poète sheikah qui avait assisté à ce renvoi. Ils partirent pour l'ouest sans escorte. Link trouva cela aberrant, surtout que les Yigas pouvaient entrer en action n'importe quand. Au moment où il s'apprêtait à y faire part à Impa, le roi en personne vint trouver le jeune prodige et lui ordonna de rejoindre sur-le-champ sa fille malgré son congé.

Sans plus attendre, Link sella son cheval et partit au galop en espérant qu'il ne se soit rien passé. Au loin, il discernait la colline sur laquelle la princesse se serait rendue et le jeune homme poussa une exclamation pour que son cheval accélère. Durant un long instant, il imagina même que Cassius pouvait être un Yiga infiltré. Cependant Link se reprit rapidement. S'imaginer les pires scénarios ne le mènerait nulle part. Zelda avait déjà pris beaucoup d'avance, alors il fallait la rattraper au plus vite.

Ce ne fut qu'une heure plus tard que Link parvint enfin aux colonnades antiques. Devant le sanctuaire, Zelda inscrivait ses observations sur un petit carnet pendant que le poète essayait de déchiffrer d'anciennes écritures. Quand elle entendit un cheval arriver au galop, la princesse se retourna, étonnée, puis fronça les sourcils en reconnaissant le chevalier. Cassius leva les yeux et observa ce qui allait se passer. Link sauta à terre et accourut vers la blonde, soulagé de constater qu'il n'y avait rien à signaler.

- Puis-je savoir ce que tu fais ici ? lui demanda sèchement Zelda en croisant les bras. Il me semble t'avoir demandé de rester au château car je n'avais pas besoin de toi.

L'expression impassible du prodige manqua de la faire grimacer mais réussit à accroître son agacement. Il n'y avait que le roi pour lui envoyer ce garçon.

- Peu importe que tu sois aussi sous les ordres de mon père, continua-t-elle en le regardant durement. J'en ai assez que tu me désobéisses de la sorte. Tu penses sûrement avoir toutes tes libertés avec moi ?

Face à son silence, elle planta ses doigts dans ses bras pour ne pas éclater. Mais contenir sa colère semblait bien plus dur que prévu.

- Retourne au château, je n'ai pas envie de te voir.

Zelda tourna les talons pour revenir vers le sanctuaire. Mais lorsqu'elle entendit des pas la suivre, sa colère monta d'un cran et signa le début de son explosion. Brusquement, elle se retourna, plus qu'énervée, et déversa sa mauvaise humeur sur le pauvre chevalier.

- Cesse de me suivre ! cria Zelda en serrant les poings, ce qui fit sursauter Cassius derrière. Ne comprends-tu donc pas ce que je te dis ? Je n'ai pas besoin de ta protection, ni même de ta présence ! Comment pourrais-je être plus claire, dis-moi ?!

Link ne répondit pas et garda la même expression faciale pour éviter de montrer son incompréhension et le fait qu'il se sentait vexé. La princesse s'approcha à grands pas de lui, ce qui le fit un peu reculer pour garder des distances convenables. Mais tout ce qu'il faisait pour essayer de respecter le titre de la princesse ne faisait qu'augmenter la colère de cette dernière.

- Je te somme de me répondre, pour l'amour d'Hylia ! s'écria Zelda, hors d'elle. Pourquoi est-ce que tu ne daignes pas m'adresser la parole ? Tu penses sûrement que ton titre de Prodige et de Héros, élu des déesses, te permet de me snober de la sorte ?

L'air déconcerté de Link ne l'atteignit même plus ; Zelda attendait des explications de sa part. Mais comme d'habitude, rien ne vint. Seul Cassius osa intervenir afin de la calmer, pour le bien de tous.

- Votre Altesse, ne vous emportez point ainsi... la pria-t-il d'une petite voix. Toutes ces recherches vous ont fatiguée, nous devrions rentrer.

Zelda offrit un dernier regard noir à l'Hylien puis elle finit par soupirer afin de se reprendre.

- Tu as raison, dit-elle en rangeant son carnet dans sa sacoche. Quant à toi...

Elle ne prit pas la peine de faire face à Link et le dépassa.

- Je ne veux plus te voir, déclara la princesse d'une voix glaciale.

La bouche du jeune homme s'entrouvrit, il se sentit comme foudroyé par ses derniers mots qui portaient atteinte à son devoir même. Son cœur se serra de façon désagréable, signe que Link était profondément blessé. Ce rejet fut pour lui le plus violent de toute son existence. Et le pire était qu'il n'en comprenait pas les raisons. Zelda monta sur son cheval et appela Cassius figé à quelques mètres du prodige. Pour la première fois, le poète regarda Link d'un air désolé et vint poser une main sur son épaule.

- Tu devrais attendre un peu avant de partir, lui conseilla-t-il à voix basse.

Link hocha lentement la tête et l'observa s'éloigner puis disparaître avec la princesse. Pour lui, c'était dur. Terriblement dur, même... Comme si tout venait s'opposer à lui juste parce qu'il avait retiré une épée de son socle.

oOo

Assis sur le lit de sa chambre, Link nettoyait le fourreau de l'épée de légende dans un silence presque oppressant. L'ambiance qui régnait était pesante. Depuis la veille, il ne cessait de repenser aux paroles de la princesse. Tout tournait en boucle dans son esprit, comme pour le blesser davantage. Le jeune homme avait beau faire tous les efforts du monde, rien ne fonctionnait. Il commençait peu à peu à perdre espoir. Quelqu'un frappa doucement à sa porte puis un garde royal fit son apparition en tenant un petit paquet dans ses mains.

- Un colis de votre mère, annonça-t-il d'une voix monotone.

L'homme ne laissa pas le temps au jeune capitaine de réagir, il alla de lui-même déposer le paquet sur le bureau puis il sortit sans rien ajouter. Link posa doucement son fourreau sur le côté, quitta son matelas puis se dirigea vers la table, le cœur lourd. Ses parents... Ils lui manquaient tellement. Ne pas être autorisé à les voir représentait pour lui une punition injustifiée. Le roi en avait-il vraiment pris la décision ? Comment pouvait-il séparer un enfant de sa famille ? Le blond déglutit avec difficulté, la gorge sèche.

Dorénavant seul dans sa chambre, il resta immobile de longues minutes en fixant le vieux colis. Finalement, il approcha sa main, déballa ce qu'on lui avait amené au bureau de la Garde et découvrit un portrait miniature où figuraient sa mère et Karl, joliment orné pour l'occasion. Une perle d'eau tomba à côté, suivie de plusieurs autres incontrôlables. Link s'essuya maladroitement les yeux et dut s'appuyer sur la planche de bois pour éviter de s'asseoir. Pour lui, c'était la goutte de trop. Les rejets de la princesse, ses devoirs, l'absence de sa famille, l'amour de sa mère... Le prodige ne put s'empêcher d'éclater en sanglots bien que ça ne lui ressemblait pas. Mais il n'y avait qu'ainsi que sa peine pouvait être extériorisée.

Après s'être assis, Link s'essuya les joues en reniflant puis contempla ces deux visages connus et aimés. Face à tant de beaux souvenirs qui lui revenaient en mémoire, il posa une main sur ses yeux et se retint de fondre encore plus en larmes. Sur le lit, son épée émit un bruit métallique qui ne le tira pas de son chagrin mais capta son attention.

- Ne vous laissez pas abattre, Maître, le pria l'esprit de la Lame Purificatrice.

Ce fut tout ce qu'elle dit mais cela suffit à calmer légèrement Link. Cette voix qui résonnait dans sa tête avait raison. Peu importe ce qu'il arrivait, le Héros devait aller jusqu'au bout de sa mission. Il ne pouvait pas se laisser emporter ainsi... Link accomplirait son devoir. Et une fois que tout sera fini, il rejoindrait sa mère et son père pour participer à la sécurité d'Elimith, et surtout pour s'excuser de sa longue absence.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top