Chapitre 4
Code d'honneur du chevalier :
2. Il est toujours loyal envers ses compagnons chevaliers et fait preuve de noblesse d'esprit.
oOo
L'heure fut venue pour les quatre prodiges de rentrer chez eux et d'apprendre à manier leur Créature Divine. La princesse Zelda regrettait qu'ils partent si tôt mais il n'y avait plus de temps à perdre. Le jour même, la prêtresse royale partit avec Impa et une escorte pour la source de la Force qui était la plus proche. N'ayant pas encore dix-sept ans, celle de la Sagesse ne lui était pas autorisée. De son côté, Link resta s'entraîner, sur ordre du roi. Il entreprit donc de s'exercer à l'épée.
Pour son entraînement, Link choisit de se rendre à la salle d'armes où se trouvaient quelques mannequins et de nombreuses cibles de tir à l'arc. Habituellement, seuls les simples chevaliers y avaient accès mais en tant que Prodige, il bénéficiait de droits supplémentaires. Lorsqu'il y fit son entrée, les preux ne manquèrent pas de le remarquer et le saluèrent d'un signe de la tête par politesse et respect. Mal à l'aise à cause de toute cette attention qu'on lui portait, Link se dépêcha de descendre l'escalier pour rejoindre le premier palier et choisir un mannequin de libre. Pendant le reste de la matinée, il mania adroitement l'épée de légende en prenant, par moments, quelques pauses pour se reposer.
- Tiens, Link ! se réjouit une voix familière en arrivant par derrière. Dis donc, ça fait un bail...
Le blond se retourna pour faire face à son ami Conrad, toujours accompagné par Gautier. En temps normal, Link aurait été content de les revoir. Mais à cet instant-là, il sentit un poids lui peser dans le ventre.
- C'est vrai qu'avec ton nouveau rôle, on n'a pas vraiment pu venir te voir, poursuivit le brun en souriant à son camarade. En même temps, les simples chevaliers comme nous n'ont pas accès aux parties réservées aux gardes royaux...
Link l'observa sans rien dire. Gautier et Conrad avaient vaguement entendu des rumeurs comme quoi le prodige, le Héros choisi par les déesses, ne parlerait à personne. Et cela les attristait, eux qui l'avaient connu si vif et expressif. Gautier voulut briser le silence qui commençait à peser entre eux.
- Nous avons croisé ton père avant-hier, lui déclara-t-il avec bonne humeur. Il a pris de tes nouvelles mais on n'a pas vraiment pu lui en donner... Je crois qu'il a laissé une lettre pour toi au bureau de la Garde.
Gautier passa une main sur sa nuque, visiblement embarrassé.
- Comme vous n'avez pas le droit de vous voir, c'était le seul moyen qu'il a trouvé.
Les yeux du jeune homme s'agrandirent légèrement et il ressentit la vive envie d'aller chercher cette lettre. D'un simple regard, il remercia ses amis et s'empressa de se rendre au lieu indiqué, dans l'aile ouest du château. Ses parents lui manquaient, Link ne comprenait vraiment pas pourquoi il avait interdiction de les voir. Son devoir était de protéger le royaume et la princesse en personne. S'il devait choisir entre vivre pour revoir sa famille ou mourir pour sauver le futur du royaume, il donnerait sa vie. C'était son devoir de chevalier. Il avait prêté allégeance au roi et juré de servir la famille royale jusqu'à son dernier souffle.
Comme d'habitude depuis que le Héros avait accompli des prouesses sur le champ de bataille, tous les regards se posaient sur lui dans les couloirs. Cela lui déplaisait fort car il était de nature discrète, mais il finirait bien par les oublier. Une dizaine de minutes plus tard, Link parvint au bureau de la Garde. Celui qui l'occupait s'empressa de sortir la lettre en le voyant arriver et de la lui tendre.
- Un courrier de votre père, lui annonça-t-il d'une voix monotone.
Le jeune homme aurait aimé être prévenu plus tôt. Il prit la lettre puis se dirigea vers sa chambre, désormais dans la partie du château réservée aux officiers. Certes, elle était bien plus confortable et spacieuse. Mais l'ambiance des chevaliers, des rires de la salle commune, lui manquait terriblement. Avoir des privilèges n'avait pas toujours de bons côtés. Lorsqu'il fut assis sur l'un des fauteuils aux couleurs de la garde royale, Link ouvrit son courrier et lut avidement le mot de son père. Ce dernier, à travers les nombreuses lignes, prenait de ses nouvelles et lui racontaient quelques anecdotes à propos de leur famille, ou de ce qu'il prévoyait de faire dans les jours à venir. Son père lui apprit aussi, avec une joie immense, que sa mère se rétablissait de la maladie qui la rongeait depuis tant d'années.
Cette nouvelle bouleversa tant Link et sa joie fut si grande qu'il esquissa un sourire pour la première fois depuis sa nomination en tant que capitaine. Lui qui se faisait tant de soucis pour elle, le voilà soulagé. À son époque, les Hyliens mouraient facilement à des maladies. Alors savoir que sa mère guérissait, c'était un véritable cadeau des déesses, certainement pour le remercier d'accepter l'immense mission qu'il devait accomplir.
Link, après être parti manger son repas de midi, revint dans sa chambre pour répondre à son père et digérer. Une fois cela fait, il repartit s'entraîner, le cœur plus léger. À la fin de la journée, il se rendit à la citadelle d'Hyrule pour déposer sa lettre à la poste centrale. Dehors, une légère pluie tombait et obligeait certaines personnes à rester chez elles pour ne pas attraper froid, en dépit de l'approche du printemps. Revêtu d'une tenue hylienne des plus communes, Link rabattit sa capuche pour se protéger et marcha d'un pas rapide vers le bureau de poste où il put déposer sa lettre. Ensuite, il fut contraint d'affronter le mauvais temps une nouvelle fois.
Le vent s'était levé et pliait les fleurs disposées sur les balcons des maisons à colombage. Link tenait sa capuche pour ne pas qu'elle se rabatte en arrière, le vent dans ses oreilles créait un bruit tel qu'il n'entendit pas les pas lourds approcher dans son dos. Un mouchoir de tissu blanc et bleu, venant de derrière, le dépassa en dessinant des spirales dans l'air à cause d'une bourrasque. Il vint s'accrocher à l'une des branches basses d'un arbre sur son chemin. Par courtoisie, Link alla le chercher tandis que des pas accouraient dans son dos. Le jeune homme se retourna pour le rendre à sa propriétaire et reçut le sourire chaleureux mais embarrassé de la princesse. Le ventre du prodige se tordit étrangement en voyant pour la première fois cette expression sur son visage. Malgré la cape qui la couvrait de la tête aux pieds, on pouvait apercevoir sa tenue de prêtresse dessous.
- Merci, le gratifia-t-elle avant de le reconnaître sous sa capuche.
Son sourire s'effaça aussitôt alors que son escorte ainsi qu'Impa la rejoignaient.
- Oh, c'est vous... souffla-t-elle en récupérant son bien.
En effet, ce mouchoir avait appartenu à sa mère, il était l'un de ses derniers souvenirs. En voulant le regarder une fois de plus, le vent l'avait emporté. Impa reconnut à son tour le prodige et en fut soulagée.
- Link, tu es aussi de sortie ! s'étonna la Sheikah en constatant sa tenue de civil. Tu rentres au château ?
Il acquiesça.
- Faisons route ensemble, dans ce cas. Inutile de rester seul.
Zelda voulut répliquer mais elle n'en eut pas le temps car sa nourrice reprit la marche en posant une main sur son épaule. La blonde jeta un bref regard à Link puis se remit en route en serrant fortement le souvenir de sa mère contre sa poitrine. Elle devait avoir froid, vêtue de la sorte. Le groupe revint donc au château, dans un lourd silence. Sur leur chemin, les rares Hyliens dehors les saluaient en s'inclinant avec humilité devant leur princesse avant de reprendre leurs occupations. Une fois au sein de la forteresse, l'escorte retourna dans ses quartiers et Impa souhaita à Link de passer une agréable fin de soirée avant qu'elle ne raccompagne la princesse dans ses appartements.
Ainsi, une semaine passa où Link ne fit essentiellement que s'entraîner. Manier la Lame Purificatrice lui était bien plus simple, il parvenait même à activer son pouvoir dans certaines circonstances bien que cela soit la dernière chose qu'il ne maîtrisait pas complètement. Un après-midi, alors qu'il se désaltérait à une fontaine, un garde royal vint le trouver et l'informa qu'Impa désirait le voir. Surpris, Link le dévisagea quelques instants puis se rendit au bureau de la conseillère sheikah, à quelques étages des appartements royaux. Il se demandait bien ce qu'elle lui voulait. Ce devait être important. Quand il fut devant la porte, le jeune homme frappa doucement puis entra. Impa se tenait devant l'unique fenêtre de la pièce, en train de regarder la cour et ses semblables qui s'y trouvaient.
- Tu as fait vite, remarqua-t-elle en lui faisant face. Je t'en prie, assieds-toi.
Il ne se fit pas prier et prit place sur un siège à côté de lui.
- J'ai eu vent de nouvelles inquiétantes récemment, commença Impa en se dirigeant vers une étagère derrière elle. Tu as sans doute entendu parler du clan Yiga, je présume ?
- Non, répondit-il simplement.
Impa, qui s'attendait peu à l'entendre parler, s'immobilisa mais se reprit bien vite. Il se devait de connaître la situation.
- Je vais te mettre de suite au courant. Il y a dix mille ans, ces anciens membres du clan Sheikah ont trahi la famille royale pour se ranger du côté de Ganon. Ils sont extrêmement doués en camouflage et n'hésitent pas à se faire passer pour de simples voyageurs sur les routes. Leur but premier est de permettre la résurrection de leur maître. Mais il y a autre chose...
Le prodige fronça les sourcils, très attentif à ses propos. Impa leva ses iris rouges vers lui, l'expression grave.
- La princesse et toi êtes leur cible, lui annonça-t-elle alors en déployant devant lui une affiche roulée.
Link put voir le portrait d'un homme, ou d'une femme, masqué, avec une étrange tenue.
- Je ne doute pas que tu réussisses à les vaincre s'ils s'en prennent à toi. Mais la princesse... Certes, il y a toujours une escorte à ses côtés durant ses voyages. Mais elle ne ferait pas le poids, je le crains bien...
Impa replia l'affiche puis la reposa soigneusement à sa place.
- Je pense que tu comprends où je veux en venir.
Elle ancra son regard dans le sien, il ne vacilla pas. Oui, il comprenait parfaitement.
- Ton rôle de chevalier servant va maintenant prendre tout son sens. Le roi a décidé que tu accompagnerais sa fille partout, même ici. Il soupçonne que certains domestiques soient des espions à la solde des Yigas. Je suis du même avis que lui mais il demeure très dur de trouver des preuves.
- Dois-je l'escorter jusqu'à ses appartements ?
Impa esquissa un sourire, amusée en imaginant la scène.
- Non, je prendrai le relais à cet endroit-là du château. Je t'enverrai un garde pour t'avertir de nous rejoindre.
Il acquiesça en méditant sur ses précédentes paroles. Les Yigas... Pour le moment, il ne connaissait rien de leur méthode de combat, ni même de leurs armes. De son côté, Impa se dirigea vers le fond de la pièce et y attrapa un lourd objet de métal qu'elle remit au jeune homme. C'était un bouclier bleu avec la Triforce représentée dessus.
- Voici le bouclier d'Hylia, lui apprit-elle. On raconte qu'il aurait appartenu au Héros précédent.
Émerveillé, Link fit glisser ses doigts sur le métal froid sans le lâcher des yeux.
- Ce n'est peut-être qu'une réplique mais je t'assure qu'il est d'une résistance impressionnante. Certes, tu as déjà un bouclier de garde royal. Mais celui-ci pourrait très bien t'être utile.
- Merci... souffla l'Hylien en relevant la tête vers elle.
Impa sourit de plus belle et finit par lui donner quelques indications supplémentaires vis-à-vis de son nouveau rôle. Le jeune homme fut soulagé de recevoir des conseils. Il ne savait pas du tout comment se comporter en tant que chevalier servant. Mais il y avait une chose dont il était sûr.
Par égard pour la princesse, il se devait de garder ses distances.
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Ce fut ainsi que le nouveau rôle de Link commença véritablement. Vêtu de sa tenue du prodige, il suivait la princesse hylienne partout dans le château en veillant à laisser plusieurs mètres entre eux. Par la même occasion, le jeune homme surveillait le personnel et parfois les chevaliers. Il ne se doutait cependant pas que Zelda lui jetait des regards discrets, le visage fermé. Elle avait beau être accompagnée, elle se sentait tout de même seule. Le peu de conversations que la blonde tentait d'avoir avec Link ne menait à rien. Il ne répondait jamais et se contentait juste de la regarder. Fort heureusement pour elle, Zelda n'avait pas à le supporter jusqu'à ses appartements ni même lors de ses séances de prières.
Justement, un jour où elle priait au temple du château, la prêtresse royale put congédier son chevalier servant. Link, tout naturellement, se rendit à la salle d'armes afin de s'exercer à l'arc ou même à la hallebarde. Sur son chemin, venant en sens inverse, il vit arriver ses deux amis qui se tenaient par les épaules et riaient gaiement. Quand Gautier et Conrad aperçurent leur ancien camarade, ils lui firent signe et Link s'arrêta, malgré tout content de les voir. Tous deux semblaient sur un petit nuage.
- Link ! s'exclama le brun en lâchant son ami. Tu ne connais pas la nouvelle ? Gautier, sacré cachottier...
Il vint vigoureusement frotter les cheveux de son camarade qui le suppliait d'arrêter en riant malgré lui. Conrad prit lui-même la peine d'annoncer l'événement.
- Il s'est fiancé, figure-toi ! Et à une Gerudo ! Tu ne perds pas ton temps, toi.
Gautier rougit légèrement en se frottant l'arrière de la nuque, visiblement très gêné. Link s'y attendait si peu que ses yeux s'écarquillèrent. Voilà donc la raison de ses deux voyages depuis qu'il était adoubé. Gautier avait tout simplement rencontré une Gerudo. Le jeune capitaine se souvint que son ami avait une préférence pour les femmes de ce peuple.
- Félicitations, dit-il calmement en ayant un léger sourire.
Ses deux compagnons cessèrent de bouger. Ils... Ils rêvaient ?
- Tu as retrouvé ta langue, on dirait, lui fit remarquer Conrad avec joie. Je me disais bien que tu ne pouvais pas rester éternellement muet comme une carpe !
Affecté par ce reproche, les sourcils de Link se froncèrent et il dévia le regard avant de s'excuser auprès d'eux et de partir rapidement vers la salle d'armes. Gautier lança un regard noir au brun en le poussant, ce qui lui fit faire quelques pas en arrière.
- Imbécile, répliqua-t-il en se remettant en marche. T'as vraiment un don pour tout gâcher.
Conrad ne comprenait pas. Il se lança aussitôt sur ses pas.
- Pourquoi tu dis ça ?! C'est la vérité, non ?
Le blond se retourna vers lui et ancra profondément son regard dans le sien. Tout cela l'avait énervé en si peu de temps...
- Tu as pensé à ce qu'il pouvait ressentir jusque-là ? lui demanda Gautier avec agacement. Tu penses qu'on arrête de parler du jour au lendemain sans raison ? Parfois, je me demande vraiment ce que tu as dans le crâne.
Gautier l'abandonna dans le couloir et sortit du château, déçu par le comportement de son ami. Il avait enfin pu reparler avec Link, mais Conrad avait tout fichu à l'eau.
Le soir, Zelda quitta enfin la cathédrale où son chevalier servant l'attendait à l'extérieur. Elle le vit effectuer une rapide série de mouvements avec la Lame Purificatrice. Pour la princesse, ce n'était que de la prétention à laquelle elle resta indifférente. La seule chose qui sut attirer son attention fut la lueur bleutée de l'épée qui ressortait d'autant plus au sein de la nuit naissante. On aurait dit qu'elle chassait les ténèbres, en effet. Et encore une fois, cela montrait à quel point lui, il était prêt pour le retour du Fléau. Quand Link la remarqua, il replaça dans son arme dans son fourreau et accourut vers elle, prêt à la suivre.
- Je vois que tu parviens à exploiter le pouvoir de la Lame Purificatrice avec aisance, lui dit-elle sans entamer sa marche. C'est une bonne chose...
Zelda n'osa même pas attendre sa réaction, elle partit en direction de l'entrée principale du château. Par politesse, elle lui souhaita de passer une bonne nuit une fois qu'ils furent au même étage que ses appartements, puis la princesse le quitta et Link se retrouva seul dans le couloir malgré la présence de deux gardes à une vingtaine de mètres de là. Il fixa un court instant la porte par laquelle Zelda venait de passer puis il fit demi-tour pour revenir en silence dans sa chambre.
Un peu plus d'une semaine passa durant laquelle le même rituel se réitéra. Link suivait la princesse partout mais il n'y avait presque aucun contact entre eux. Un matin, il dut seller son cheval à la robe marron car Zelda devait se rendre au village Piaf pour une visite officielle. Dans l'écurie réservée aux montures des gardes royaux, le jeune homme finit de tout sangler. Le jour suivant sa nomination en tant que capitaine de la garde, il s'était vu offrir un cheval qu'il n'aurait jamais pu acheter en temps normal. Au début, l'animal n'avait pas de nom. Puis finalement, Link lui choisit un prénom qui lui évoquait un vague sentiment de nostalgie : Ciaran.
Link tira son compagnon en dehors du box puis rejoignit la princesse, déjà sur le dos de sa monture d'un blanc éclatant. Le jeune homme remarqua d'ailleurs que le cheval de Zelda avait d'étranges mouvements, comme secouer nerveusement la tête ou souffler bruyamment. Une fois à ses côtés, il se hissa sur la selle puis les deux jeunes gens partirent en direction du mont Hébra, à l'ouest d'Hyrule. Pour l'occasion, Link avait emporté le bouclier d'Hylia qu'il appréciait tout particulièrement.
Le chemin se passa sans encombre. Les quelques voyageurs qu'ils croisaient les regardaient avec respect et n'hésitaient pas à les saluer. Au milieu du calme des plaines, la princesse ressentait un sentiment singulier de liberté. Tout cet espace contrastait avec le lieu clos du château. Si son chevalier servant n'avait pas été là, elle serait déjà partie au galop pour profiter de ce moment. Ce dernier chevauchait presque à la même hauteur qu'elle, sans oser s'avancer plus. Zelda repensa à la promesse faite à Impa et elle se retint de soupirer.
- Il existe... une tablette apparentée à la technologie sheikah, commença-t-elle pour briser ce lourd silence entre eux. Tu l'as certainement déjà remarquée à ma ceinture.
Link tourna la tête en sa direction, à l'écoute. Il croisa le regard de la jeune fille mais celle-ci détourna aussitôt la tête.
- Un jour, je percerai tous ses secrets, affirma Zelda avec détermination. Elle est notre seule chance de pouvoir activer les Créatures Divines et d'y apporter des modifications. Seulement... les recherches sont très complexes et nous avançons encore trop lentement, hélas.
Elle fixa un arbre à l'horizon tandis qu'une faible brise se levait.
- Je suis persuadée que cette tablette peut renfermer des modules de grand intérêt. Comme tu as pu le constater, elle permet de figer des images dans le temps. C'est tout à fait incroyable... Pru'ha m'a dit qu'elle pourrait même nous montrer la carte du royaume, mais je n'arrive pas à trouver le moyen de la faire apparaître.
Les mains de la princesse exercèrent une poigne plus forte sur les rênes et elle baissa la tête.
- Et... toi ? demanda-t-elle à Link d'une voix mal assurée. Tu manies avec aisance la Lame Purificatrice, j'ai pu le constater. Mais...
Elle se fit bien plus hésitante.
- Dans les légendes, il est dit qu'elle abriterait un esprit. Est-ce que tu l'as déjà entendu ?
Une voix s'éleva soudainement à leur droite et les deux compagnons tournèrent la tête pour voir un voyageur qui accourait. C'était un homme qui portait péniblement un gros sac de voyage. Les cavaliers immobilisèrent leur monture.
- Excusez-moi de vous importuner... leur dit-il en ralentissant. Je suis un marchand ambulant et je cherche à alléger mes affaires. Seriez-vous intéressés par quelques kilogrammes de fruits ?
Zelda, déroutée par son arrivée, paraissait fort embêtée.
- Je suis au regret de... commença Zelda avant d'être subitement coupée.
En effet, Link éperonna son cheval et se mit d'un coup entre le voyageur et la princesse, le regard glacial. Tous deux se dévisagèrent en fronçant les sourcils mais le jeune homme ne céda pas à l'intensité de leur échange. Derrière lui, Zelda s'offusquait d'avoir été coupée ainsi.
- Passez votre chemin, ordonna Link avec autorité au voyageur.
Pour la première fois, l'Hylienne l'entendit parler. Sa voix était moins grave qu'elle ne l'aurait imaginée et témoignait du jeune âge du Héros. Cependant, au lieu de s'en réjouir, Zelda fut d'autant plus blessée. De son côté, le voyageur foudroya Link du regard puis s'en alla sans demander son reste. Le capitaine de la garde se tourna et vérifia qu'il s'éloignait bien, sans arrière-pensées.
- Je constate que tu préfères parler avec les voyageurs plutôt qu'à la fille de ton roi, déclara Zelda avant de sommer à son cheval de marcher.
Link se tourna vers elle tandis que les traits de son visage se détendaient. Non, ce... ce n'était pas du tout cela ! Il fut déconcerté que la princesse puisse penser une telle chose de lui. Au vu de sa mauvaise humeur, le jeune homme préféra rester en retrait, mais cela ne fit qu'augmenter la frustration de Zelda. Elle espérait au moins des excuses. Mais qu'attendre de quelqu'un qui nous méprise ? Il ne lui parlait pas, il ne lui montrait aucune expression. C'était la seule explication pour la princesse.
Quant à Link, l'allure douteuse de ce voyageur l'avait poussé à agir. Impa lui avait dit que les Yigas étaient doués en camouflage. Le jeune homme n'avait vu aucun fruit parmi ses affaires. Mais il était loin de s'attendre à ce que Zelda réagisse de la sorte... Lui qui pensait bien faire, le voilà honteux. À l'avenir, Link réfléchirait par deux fois.
Plus rien ne perturba leur long trajet vécu dans un silence pesant, jusqu'à ce qu'ils arrivent à destination. Le jeune homme découvrit le village Piaf pour la première fois. Il le trouva tout à fait charmant et agréable. Les deux voyageurs laissèrent leurs chevaux au relais le plus proche puis terminèrent leur route à pieds. À l'entrée du village, les deux gardiens piafs les saluèrent et les accueillirent avec enthousiasme. La princesse Zelda, venue pour une visite officielle, monta au sommet du village, là où se trouvait la maison de leur chef. Naturellement, Link la suivit mais elle le pria de ne pas assister à leur discussion. Le chevalier s'y plia et en profita pour visiter ce lieu si unique.
Le village avait été construit le long d'une immense colonne de pierre qui ressemblait fort à un perchoir. Les maisons, tout à fait ravissantes, abritaient les créatures de ce peuple des cieux. Link fut bien tenté d'acheter une coiffe pour se protéger du froid nocturne. D'après le vendeur, les pierres précieuses qui l'ornaient auraient un pouvoir contre les basses températures. Mais le blond, n'ayant pas assez d'argent sur lui, y renonça et préféra se rendre sur une grande plateforme où les Piafs avaient l'habitude de prendre leur envol. Et très haut au-dessus du village volait Vah'Medoh, la Créature Divine en forme d'oiseau. Link s'approcha ensuite du bord et observa le lac, à une centaine de mètres sous lui. C'était vraiment impressionnant.
- Tiens, mais qui voilà ? demanda une voix qu'il ne connaissait que trop bien maintenant.
Link se retourna pour faire face au prodige des Piafs en personne : Revali. Ce dernier esquissait un sourire provocateur, les ailes croisées dans le dos.
- Eh bien ? La princesse ne semble pas vouloir de toi à ses côtés, on dirait.
L'archer habile s'approcha du jeune homme et en fit le tour en l'observant sous toutes les coutures.
- Ce n'est pas étonnant. Tu n'as vraiment rien de spécial.
Il écarta soudainement les ailes.
- Moi, vois-tu, je peux créer des courants ascendants pour m'élever vers les cieux ! se vanta-t-il tandis qu'un léger vent se formait sous leurs pieds. C'est un avantage considérable et unique en son genre.
Revali émit un petit gloussement en ne manquant pas de toiser son rival. Savoir qu'il devait seulement épauler ce ringard pour le combat final, cela l'irritait. Lui, Revali, était le meilleur guerrier de sa génération. Personne ne pouvait l'égaler.
- Quant à toi, tu n'as que... cette vieille chose rouillée qui te sert d'arme.
Il ricana tandis que Link plissa légèrement les yeux. Que lui voulait ce Piaf, à la fin ?
- J'ai l'habitude de dire que ce n'est pas l'arme qui fait le guerrier, lui affirma Revali en sautant sur le balustre en bois derrière lui. J'ose espérer que tu ne te dégonfleras pas devant ce dénommé Ganon. Mais de toute façon, tu as déjà compris que tu étais un outil de la famille royale, non ?
Les yeux du blond s'agrandirent mais il ne dit rien. Un... outil ? Comment osait-il penser une telle chose ?! Link était un chevalier, il avait lui-même décidé de servir sous les ordres du roi pour protéger son royaume. Le manque de réaction du jeune homme fit tiquer Revali.
- Je vois, tu n'es vraiment pas bavard. À moins que tu me prennes de haut ?
Le Piaf bondit devant lui en bombant le torse, ce qui força Link à reculer d'un pas, les sourcils froncés.
- Tu veux te confronter à moi, c'est ça ? lui demanda Revali avec une pointe de sarcasme dans la voix. Quel dommage... Je ne m'abaisse pas à me battre contre de la piétaille.
Un courant ascendant se créa brusquement et le guerrier fut emporté dans les airs en riant à gorge déployée alors que Link gémit en manquant de tomber à la renverse.
- Je suis un maître des cieux ! s'écria Revali qui battait ardemment des ailes. Je ne combats que dans les airs !
Et sur ces dernières paroles, il s'envola vers sa Créature Divine en perdant son sourire narquois. Il était agacé que Link ne réponde pas à ses provocations. Il avait raison : ce type n'était qu'un pantin de la famille royale. Il n'avait même pas d'émotions. Comment la Lame Purificatrice avait-elle pu choisir un simplet pareil ? Le blond l'observa s'éloigner pendant qu'il méditait sur ses paroles. Certes, Revali était un guerrier hors pair. Mais cela lui donnait-il le droit de critiquer et de mépriser les chevaliers sans raison ? Link ne demandait qu'à bien s'entendre avec les autres prodiges. Mais pour le moment, le Piaf et la princesse semblaient le voir d'un mauvais œil.
Il eut un faible pincement au cœur. Le jeune homme se promit de redoubler d'efforts pour faire de son mieux en tant que chevalier servant. Peut-être n'était-il tout simplement pas apte à assumer ce rôle ? Link leva la tête en direction de la hutte du chef piaf et il l'aperçut parler de vive voix avec la princesse qui n'exprimait aucune expression particulière. Son rang ne lui permettait pas de laisser transparaître la moindre émotion face à un autre dirigeant. Quand elle sentit un regard posé sur elle, Zelda jeta un coup d'œil vers la zone d'envol et vit le prodige l'observer. Immédiatement, un sentiment de malaise s'empara d'elle et la jeune fille se décala sur le côté pour ne plus l'avoir dans son champ de vision.
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- "Et de ses yeux, aussi éclatants que l'émeraude, elle saurait faire plier les dieux." Non, ça ne va pas.
Cassius marchait d'un pas décidé dans le couloir du château en tenant un petit carnet où il notait le moindre vers. Nul doute qu'il était très inspiré par la fille du roi. Un modèle de perfection selon ses dires. Un exemple à suivre pour les jeunes filles nobles.
- "Et de ses yeux, aussi étincelants que l'émeraude, elle saurait charmer n'importe quel preux." Ou les cœurs les plus froids ? se demanda le Sheikah pour lui-même.
Alors qu'il traversait le grand hall, il vit au loin la princesse en personne marcher plusieurs mètres devant son chevalier servant. Ce détail agaça le poète qui souffla de mécontentement.
- Non, pas n'importe quel preux puisque ce chevalier n'éprouve rien. Est-il si peu ouvert d'esprit pour rester aussi indifférent ?
Cassius accourut alors vers elle et l'interpella avant qu'il ne soit trop tard. La princesse fut heureuse de le voir et elle le salua chaleureusement malgré la présence du jeune capitaine.
- Pardonnez mon impolitesse, Princesse, mais j'ai entendu dire que vous iriez demain au sanctuaire près du château.
Elle opina.
- En effet, je dois y mener quelques recherches. Voulez-vous m'y accompagner ?
Un sourire niais apparut sur les lèvres du poète.
- Avec joie, Votre Altesse.
Il fit une révérence presque ridicule.
- Ce serait pour moi un honneur.
- Voyons, ce n'est pas grand-chose... Vous aviez l'air de tant y tenir la dernière fois que nous nous sommes vus.
Cassius le lui confirma et ajouta même que cela pourrait l'inspirer pour de prochains vers. Il jeta un regard à Link qui se tenait derrière elle et il constata son expression impassible. Au fond, cela convenait au poète. Jamais la princesse ne s'intéresserait à un homme comme lui.
- Demain, retrouvons-nous ici à neuf heures, lui proposa Zelda avec bienveillance.
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