Chapitre 25
En percevant la brise fraîche lui caresser le visage, Link rouvrit les yeux et leva la tête pour observer le ciel étoilé au-dessus de lui. Aucun nuage ne le recouvrait et ne filtrait la lumière éclatante de la lune. Il frissonna puis frotta son bras qui tenait la Lame Purificatrice à la verticale dans le but de se réchauffer. Avec la princesse, il n'avait pas eu d'autres choix que de se rendre à la source de la Force le soir pour aller prier. Hélas cette fois-ci, Zelda n'entra jamais en transe. Elle n'y parvenait pas... Les événements de l'avant-veille l'avaient bien trop chamboulée. Après plus d'une heure d'efforts, elle finit par soupirer tristement en regardant la grande statue.
- Se pourrait-il qu'ils aient raison et que... et que je sois une princesse ratée ? murmura-t-elle tandis que son cœur se pinçait dans sa poitrine. Dix ans d'intenses méditations et prières n'ont abouti à rien...
L'oreille de Link frémit, il parvenait tout de même à saisir ce que son amie disait. Certainement qu'au fond d'elle, Zelda désirait qu'il l'entende et la comprenne.
- Impa m'a dit que ma grand-mère percevait les voix des esprits, poursuivit-elle en inclinant légèrement la tête sur le côté. Quant à ma mère, elle me racontait être habitée par une force mystique. Mais moi... Pourquoi n'est-ce pas le cas ?
Les lèvres du jeune homme se pincèrent alors qu'il courbait lentement l'échine. Il ne pouvait rien faire pour elle... La prêtresse royale laissa ses bras retomber le long de son corps, ses mains entrèrent en contact avec l'eau glacée de la source et lui provoquèrent des frissons.
- Toutes ces fois... Toutes ces fois où je suis revenue au château, où j'ai annoncé à mon père que le pouvoir du sceau n'était toujours pas éveillé, toutes ces fois-là, j'ai vu la déception et la honte à travers son regard. À chaque retour, il m'a sévèrement réprimandée et renvoyée dans mes appartements en m'accusant de consacrer tout mon temps à mes recherches et non à la prière.
Maintenant, un poids lui oppressait la poitrine et l'empêchait de respirer correctement. Le poids des remords et de la culpabilité.
- À chaque nouvelle session de prière, ma dévotion et ma ferveur s'amplifiaient, assura-t-elle d'une petite voix. Mais mes efforts ne m'ont jamais permis d'accéder au pouvoir sacré. Suis-je... incapable d'y parvenir ?
Ses lèvres frémirent à cause de sa souffrance intérieure et du froid. Link lui fit enfin face, sans voix.
- Link, je t'en prie. J'ai besoin de savoir...
Doucement, elle se retourna à son tour et lui adressa un regard peiné.
- Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
Le cœur du Héros se fendit pour de bon face à toute la détresse de son amie. Link fit un pas vers le bassin, s'accroupit en posant son épée à côté de lui puis observa Zelda. Il cherchait les mots les plus justes et les plus sincères.
- Votre Altesse, dit-il avec douceur pour ne pas la brusquer davantage, ne pensez pas à ce que tous ces nobles disent sur vous. Ils se fourvoient.
Les yeux de la prêtresse royale s'agrandirent lentement pendant que les larmes de frustration lui montaient aux yeux.
- Je perçois cette force au fond de vous, lui affirma Link en pensant à toutes les fois où son épée entrait en résonnance avec elle lors de ses transes. Vous avez la capacité de sauver Hyrule, je n'en doute pas une seconde. Cependant, c'est en sombrant dans le désespoir et dans une mauvaise estime de soi que l'on ne parvient jamais à atteindre son but.
Le Héros était convaincu de ce qu'il disait. Les sentiments qu'il portait à la princesse intensifiaient sa conviction et le poussaient à la tirer de ce triste état émotionnel. Zelda se déroba à son regard, les lèvres serrées. Face à cela, le jeune homme tendit une main vers elle dans l'espoir qu'elle l'accepte.
- Princesse Zelda, prononça-t-il simplement à l'adresse de son amie, toujours accroupi au bord de l'eau.
La prêtresse royale lui adressa un bref coup d'œil avant d'oser enfin s'approcher de lui. Les ondes de l'eau se formèrent et s'éloignèrent de l'Hylienne au fur et à mesure de son avancée. En dépit de son hésitation, Zelda donna sa main à son chevalier servant qui la posa contre son front pour la deuxième fois de sa vie. Leur rythme cardiaque s'emballa mais ils ne dirent rien à propos de cela.
- Gardez foi en vos capacités, la pria-t-il. Vous pouvez compter sur mon soutien et ma dévotion.
- Je ne veux pas t'impliquer dans mes problèmes, Link...
Zelda avait presque prononcé cela dans un murmure. Le blond esquissa un sourire bienveillant.
- Je crains que cela relève de mon rôle de chevalier servant, Votre Altesse.
Il écarta sa main de son front puis aida son amie à sortir de l'eau. Link lui donna sa cape pour la protéger du froid et pour ne pas qu'elle s'enrhume. Zelda s'excusa de l'avoir accablé de son état d'âme puis elle rejoignit son cheval en affichant un air fermé et peiné. En conséquence, le Héros éprouva le regret de ne pas avoir trouvé les bons mots. Tous deux revinrent au château en plein milieu de la nuit, Impa les attendait de pied ferme. Elle remercia Link pour son escorte puis partit avec la princesse, laissant seul le prodige.
Le jour suivant, ce fut Zelda qui s'enferma dans un profond mutisme. Cet échange de rôle dérouta son chevalier servant car il était très peu habitué à ce silence de sa part. Les heures s'écoulèrent avec lenteur, la prêtresse royale dédiait exclusivement son temps à la prière. Si bien que le soir, Link revint dans sa chambre en se montrant dépité. En l'espace de quelques jours, son quotidien avait pris un nouveau tournant qu'il ne supporterait pas longtemps, il en avait le sentiment. Quelqu'un frappa à sa porte et une servante lui délivra un petit billet soigneusement plié. Elle salua le prodige puis repartit aussitôt sans attendre de réponse. Intrigué, Link déplia le papier et reconnut l'écriture d'Impa.
Ce soir, trouve le moyen de rejoindre la princesse dans ses appartements sans être vu. Prends le strict minimum pour voyager et sois discret.
Le jeune homme fronça les sourcils, rangea le billet dans sa poche puis prépara ses affaires comme il lui était demandé. Un moyen de rejoindre Zelda en toute discrétion... Comme dirait Conrad, « il n'y a pas trente-six solutions ». Pour cela, Link attendit que la nuit soit plus avancée, il mima s'être couché en éteignant ses bougies. Aux alentours de minuit, il ouvrit silencieusement sa fenêtre, se glissa dehors puis longea le mur de la forteresse en scrutant son environnement. Certains gardes de nuit effectuaient leur ronde à la lueur d'une torche, forçant le prodige à se tapir un peu plus dans l'ombre à leur passage. Il leva la tête vers les niveaux élevés du château. La silhouette noire de l'étude de Zelda se dessina devant lui, une trentaine de mètres plus loin. Pour la rejoindre, il allait devoir emprunter des escaliers extérieurs qui montaient jusqu'au rempart supérieur. Link s'accroupit, examina attentivement les alentours puis s'élança vers les marches, le dos courbé. Il les gravit quatre à quatre puis se figea quand il entendit des pas descendre dans sa direction. Sans hésiter, le jeune homme sauta dans le vide, se rattrapa à un bord puis resta suspendu en attendant que le garde s'en aille.
- J'aurais juré avoir entendu quelqu'un... prononça ce dernier à travers une voix nonchalante.
Link resta immobile de longues secondes encore, le cœur battant la chamade, puis se hissa sur le muret avant de sauter silencieusement sur les marches. Plus concentré que jamais sur le bruit de ses déplacements, il préféra ralentir son allure pour rester maître de lui. Lorsque le chevalier parvint enfin sur le rempart, il aperçut le précédent garde qui s'éloignait dans la direction opposée. Le blond en profita pour s'éclipser vers la tour princière et se plaqua contre son mur de pierre. Il regarda partout autour de lui mais ne remarqua rien qui puisse l'aider dans son escalade comme du lierre, par exemple. Link soupira, plaça correctement son sac sur ses épaules malgré la présence de son épée. Il laissa son bouclier par terre : il reviendrait le chercher en repartant.
Le Héros chercha un premier appui à tâtons jusqu'à trouver un bloc de pierre plus en surface que les autres. Grâce à lui, il put commencer son ascension vers le pont qui reliait l'étude aux appartements de Zelda. Après d'intenses efforts et une petite frayeur quand il avait manqué de tomber, le chevalier parvint afin à son but et sauta sur le petit chemin en prenant garde de ne pas être vu à la lueur des torches. Il rasa le parapet de pierre et arriva devant la lourde porte en bois sur laquelle il frappa doucement deux fois. Celle-ci s'ouvrit soudainement, le prenant de court, et une main lui attrapa le poignet avant de le tirer avec force à l'intérieur. Zelda referma vivement derrière elle puis reprit la bougie qu'elle avait apportée.
- Personne ne t'a vu ? s'empressa-t-elle de demander, soucieuse.
- Non, personne.
La flamme tremblotait et donnait une couleur orangée à leur peau. La princesse soupira puis pria son ami de la rejoindre en-dessous, dans sa chambre. Elle le conduisit jusqu'à son bureau où se tenait la tablette sheikah.
- Impa m'a dit que tu voulais toi-même transférer le programme à Vah'Ruta, commença-t-elle avec gravité. Tu es sûr de toi ?
Le blond opina. C'était la seule solution puisque la prêtresse royale n'avait plus le droit de voyager, même pour améliorer les Créatures Divines.
- Soit. Nous sommes les trois seuls au courant. Pour ne pas laisser le temps aux Yigas d'agir, il te faudra partir cette nuit et revenir au plus tôt demain soir, si possible. Impa se chargera de ma protection. Mais avant cela, je dois te montrer comment procéder pour utiliser la tablette.
Zelda attrapa l'objet en question, alluma l'écran puis montra le programme.
- Tu te souviens de ce que je t'avais appris ? Maintenant, ce sera plus complexe alors sois très attentif.
Elle débuta ses explications de façon claire et précise afin qu'il puisse comprendre et assimiler le plus vite possible. Zelda n'oublia aucun détail essentiel à ses propos ; son chevalier servant se contentait d'acquiescer de temps à autre pour signifier qu'il comprenait. Alors qu'elle poursuivait son enseignement, Link fit glisser son regard jusqu'au visage de la princesse et la détailla discrètement. La voir si passionnée et absorbée suscitait chez lui un sentiment de quiétude et d'apaisement renforcé par l'ambiance rendue par la bougie.
- Link, tu m'écoutes ? demanda la princesse qui sentait son regard insistant posé sur elle.
Il cligna plusieurs fois des yeux et détourna la tête quand il sentit ses joues s'embraser.
- Veuillez m'excuser.
Inconsciemment, elle replaça une mèche de ses cheveux derrière ses oreilles puis reprit ses explications, mal à l'aise. Quand elle eut fini, Zelda lui remit la tablette que le prodige accrocha à sa ceinture. Elle le raccompagna jusqu'à la porte et ajouta avant qu'il ne parte :
- Fais bien attention à toi, le gratifia-t-elle d'un sourire reconnaissant. Et n'oublie pas de saluer Mipha de ma part ! Je regrette de ne pas pouvoir la retrouver...
Link s'inclina légèrement et lui rendit un discret sourire, heureux de la revoir comme avant.
- J'y veillerai, Princesse.
Les sourcils de l'Hylienne se haussèrent un court instant tandis que le blond ouvrait la porte et s'en allait rapidement. Il s'empressa de rejoindre et de seller Ciaran puis il quitta le château après avoir prétexté auprès des gardiens qu'il avait une affaire urgente à régler près de Caroc.
oOo
Sur sa route, Link avait croisé un camp de moblins qu'il s'était empressé de nettoyer afin qu'ils ne commettent aucun crime. Il arriva au domaine Zora très tôt le matin, juste avant le lever du jour, et fut aussitôt conduit au roi Dorefah. Ce dernier ne dissimula pas sa surprise quand il constata que la princesse n'était pas venue. Link lui en expliqua très brièvement les raisons puis ne perdit guère de temps. Un soldat zora l'accompagna jusqu'à la Créature Divine pour lui permettre d'y accéder sans y aller à la nage. Le prodige monta à bord de l'immense éléphant puis chercha le terminal de contrôle qui se trouvait dans une salle à l'arrière. Comme le lui avait indiqué la princesse, il posa la tablette dessus, activa l'écran et attendit que les divers programmes s'affichent pour commencer sa tâche.
Peu expérimenté, Link essaya d'assumer sa mission avec le plus de justesse possible car il savait à quel point elle était primordiale pour la suite. Grâce au terminal, il eut accès à toutes les données et tous les mécanismes complexes de la Créature Divine. Sa main tremblait par moments, elle gênait le Héros dans sa démarche. Nul besoin de préciser toutes les difficultés auxquelles il dut faire face... Link se trompa plusieurs fois d'emplacement et avait bien failli enfoncer Vah'Ruta au fin fond de son lac pour toujours. Cependant, après des heures de persévérance, il parvint à achever sa mission après quelques essais pour s'assurer qu'il avait réussi. Le chevalier soupira de soulagement et de fatigue, fit un pas en arrière puis observa la structure de la machine. Il devait avouer qu'il préférait tout de même Vah'Medoh.
- Link, tu es là ! se réjouit le prodige zora qui venait d'entrer dans la salle de commande.
L'Hylien se tourna et vit Mipha accourir vers lui, ravie de le revoir. Elle s'était réveillée il y a moins d'une heure, son père venait de lui annoncer la présence de son ami.
- Je suis contente de te voir, affirma-t-elle en arrivant à son niveau. Viens, allons discuter ailleurs !
Il opina et la suivit à l'extérieur de la Créature Divine jusqu'à arriver sur la trompe dépliée de l'éléphant. Les deux amis montèrent dessus et Mipha ordonna à Vah'Ruta de les élever pour profiter de la magnifique vue sur le domaine. Ils s'assirent pendant qu'ils prenaient de la hauteur. Link retira son canon d'avant-bras puis le tendit à la Zora, dévoilant un hématome conséquent sous sa peau.
- Est-ce que tu pourrais me soigner ? lui demanda-t-il sur un ton neutre.
Les yeux de la princesse se mirent à pétiller, elle s'exécuta et commença à appliquer son pouvoir. Cette blessure superficielle était due à l'attaque puissante d'un moblin, la nuit même.
- Son Altesse Zelda te transmet ses salutations, ajouta-t-il enfin en l'observant faire.
- Tu la remercieras de ma part. J'aurais vraiment aimé la voir pour discuter de Vah'Ruta avec elle...
Lentement, l'hématome disparut pour laisser place à une peau intacte. Link examina son bras puis la gratifia d'un hochement de tête reconnaissant. Cette situation rappelait tant de souvenirs à Mipha que ses lèvres s'étirèrent en un sourire.
- Je me souviens très bien de toutes tes visites au domaine depuis tes quatre ans, avoua la Zora en fixant un point vague à l'horizon. C'était toujours amusant de te voir émerveillé par ma magie. Une fois, j'ai même pensé que tu te faisais sciemment mal pour que je puisse te soigner.
Elle s'attrapa les mains, embarrassée. Ne serait-elle donc jamais à l'aise en présence de son ami ?
- Tu sais, j'ai toujours aimé guérir tes blessures, sourit-elle tristement. Mais vous, les Hyliens, vous grandissez si vite... J'ai l'impression qu'hier encore, tu n'étais qu'un enfant.
Une brise passa sur le lac et créa de petites vagues à la surface de l'eau. Link ne se souvenait pas de sa première visite au domaine, ou du moins cela restait très flou dans son esprit. Mais comme le soulignait Mipha, il avait l'impression de toujours l'avoir vue ainsi, sans vieillir.
- Durant la bataille contre Ganon, les autres prodiges pourront compter sur mon aide pour soigner leurs blessures, continua-t-elle avec détermination. Je te protègerai, Link. Je ne laisserai pas le Fléau te faire quoi que ce soit.
- Merci Mipha, la remercia le chevalier qui s'inquiétait tout de même pour elle.
Elle lui accorda un sourire chaleureux. L'entendre de nouveau parler, cela n'avait pas de prix pour la princesse zora.
- J'aimerais que tu viennes au domaine après la bataille, Link, le pria-t-elle alors que son cœur s'emballait. Je... Je voudrais te donner quelque chose.
Le blond lui adressa un regard interrogateur qui la gêna davantage.
- J'aimerais que tu reviennes me voir, comme quand nous étions des enfants.
Sans qu'il ne sache l'expliquer, cette dernière phrase mit le prodige terriblement mal à l'aise. Il n'était plus un enfant et pourtant, il avait l'impression que son amie le considérait encore comme tel. Tous deux finirent par quitter la Créature Divine pour rejoindre le domaine Zora. Ils descendirent le chemin escarpé menant au pont nord puis l'empruntèrent. Quand ils arrivèrent sur la place principale, une silhouette rouge bondit littéralement sur Link pour venir entourer ses jambes de ses bras. Sidon se suspendait en souriant de toutes ses dents.
- Link, tu es de retour ! s'exclama-t-il avec engouement. Je ne savais pas !
L'Hylien ne put s'empêcher d'esquisser un sourire pendant qu'il posait une main sur sa petite tête humide. Cette scène attendrit la princesse.
- Oui, je suis venu pour apporter des améliorations à Vah'Ruta.
Les yeux du petit Zora s'agrandirent tandis que ses sourcils se haussèrent à cause de l'incompréhension. Pour lui, la Créature Divine était déjà parfaite, nul besoin de l'améliorer ! En plus, il l'avait visitée avec sa sœur il y a quelques mois, Sidon n'avait rien vu d'étrange. Il ne pouvait savoir que les petites défaillances du gigantesque éléphant étaient invisibles à ses yeux d'enfant.
- Je veux revoir ton épée !
Link soupira. Le jeune prince lui prêtait une admiration trop poussée... Sidon le lâcha pour lui permettre de dégainer son arme et la lui montrer. Il hocha vivement la tête avant de proclamer :
- Un jour, je serai meilleur que toi ! Mon peuple érigera une statue pour m'honorer.
- Se battre pour la gloire et la célébrité n'a pas grand sens pour un véritable guerrier, le corrigea immédiatement Link guidé par le Code de Chevalerie. Un chevalier n'attend ni avantage matériel, ni honneur social des causes qu'il a librement décidées de servir.
Sidon fit la moue.
- Mais je ne veux pas être chevalier... souffla-t-il, déstabilisé.
- Peut-être mais tout combattant devrait suivre cette manière de penser. Sinon tu ne pourras jamais révéler ton vrai potentiel. Il y aura toujours une barrière psychologique qui t'empêchera d'aller jusqu'au bout de tes objectifs. Enfin... Tu es un peu trop jeune pour comprendre ça.
- En effet, renchérit Mipha en souriant discrètement. Mais tu as encore quelques décennies devant toi, Sidon ! Ne précipite pas les choses.
Le jeune prince rentra sa tête dans ses épaules afin de se faire plus petit. Il remercia sincèrement Link puis courut en direction de la salle du trône afin de retrouver son précepteur. La Zora proposa à son ami d'enfance de poursuivre leur route jusqu'au pont sud où Ciaran attendait son cavalier, tout au bout. Quand ils s'y engagèrent, Mipha tourna la tête, scruta les alentours et ne vit aucun garde pour le moment. Sans doute effectuaient-ils un tour pour vérifier qu'il n'y avait aucun problème ? Le rythme cardiaque de la princesse ne se calmait toujours pas. En vérité, elle était en proie à un terrible dilemme. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'elle y pensait et méditait dessus. Mais en ce jour de la visite de Link, la Zora s'y trouvait véritablement confrontée.
Mipha entremêla ses doigts pendant qu'elle fixait ses pieds, terriblement troublée. Elle devait lui dire une bonne fois pour toute. Lui faire comprendre. La princesse ne supportait plus cette situation ; elle ne supportait plus de le voir partir et de s'absenter durant de longs mois. Elle le désirait à ses côtés. La présence de Link était devenue une nécessité pour elle.
Soudainement, elle releva la tête d'un air décidé, attrapa les mains du chevalier puis se mit sur la pointe des pieds en s'approchant rapidement de son visage. La surprise paralysa le jeune homme le temps qu'il comprenne ce que son amie s'apprêtait à faire. Les lèvres de la Zora allaient se sceller avec les siennes lorsqu'il la prit par les épaules et la repoussa vivement, choqué par son geste. Link la lâcha presque aussitôt en reculant de quelques pas, son visage témoignait de son immense déroutement. Mipha chercha désespérément son regard mais le prodige préféra détourner la tête en déglutissant. Il... Il ne pouvait pas. Elle était son amie d'enfance et seule Zelda était parvenue à allumer cette flamme dans son cœur.
- Je... Je suis désolé, lui articula-t-il difficilement avant se retourner pour partir rapidement, en proie à l'incompréhension totale.
Link ne pouvait pas donner à Mipha ce qu'elle désirait et attendait de lui. Ce serait mentir à la Zora et trahir les sentiments qu'il portait à Zelda. Pourtant... Mipha comptait tant dans son cœur que l'Hylien ne pouvait pas se permettre de la blesser. Et c'était pourtant ce qu'il venait de faire.
Mipha cligna des yeux pour refouler les larmes qui les lui piquaient. Quelle idiote... Elle le savait, au fond... Son cœur ne cessait de lui hurler que c'était un amour impossible. Une Zora et un Hylien, impensable. La princesse se tint au balustre quelques instants pour éviter que ses jambes ne cèdent. En cet instant, elle s'en voulut tant qu'elle aurait volontiers rejoint Vah'Ruta pour s'enfuir le plus loin possible du royaume.
- J'ai tout détruit... murmura-t-elle en serrant les poings, la gorge nouée.
Pourtant, elle avait eu espoir que ce soit réciproque... Tout à l'heure, quand il n'était que tous les deux sur la trompe de la Créature Divine, elle avait pensé sentir la réciprocité de ses sentiments chez Link. Alors... Cela voulait-il dire qu'elle interprétait tout mal depuis le début, aveuglée par son propre amour ? Les yeux de la Zora se plissèrent à cause de la peine. Bien sûr... Si Link aimait quelqu'un, ce ne devait pas être elle... Même si Mipha savait cela égoïste, elle espérait qu'il n'aimerait jamais personne. Cela lui ferait trop mal.
De son côté, le chevalier marchait d'un pas soutenu vers sa monture pour rentrer au plus vite au château, ne sachant pas quoi faire d'autre. Ce que Mipha venait de tenter... Link plaqua une main contre son front en fermant les yeux. Il était si aveugle ! Pourquoi n'avait-il rien vu ? S'il avait su plus tôt pour ses sentiments, le jeune homme aurait pu l'éconduire avec bien plus de délicatesse et de bienveillance. Mais après l'avoir repoussée ainsi, il avait l'impression de briser cette amitié qui lui tenait tant à cœur. Le visage de Zelda apparut dans son esprit et le prit de court. Link accéléra le pas pour rejoindre Ciaran à l'entrée du domaine. Sur le chemin le menant à son cheval, la princesse hylienne ne cessa de hanter ses pensées. Sa voix, son sourire, son regard...
Le blond posa brusquement ses mains à plat contre le balustre en pierre bleue et regarda le lac sous ses pieds. Bon sang, il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Trop de choses se bousculaient dans sa tête, Link était perdu. Il avait besoin de réfléchir, de prendre conscience que ses sentiments étaient vraiment loin de lui apporter le bonheur. Au contraire, ceux-ci le mettaient dans une très mauvaise posture où il ne savait plus les différencier avec son devoir.
Protégeait-il Zelda car c'était son rôle de chevalier servant ou bien parce qu'il s'était épris d'elle ?
Le devoir est la plus forte obligation des chevaliers. Il passe avant tout, même avant sa propre famille, résonna la voix de son père dans son esprit. Il lui avait dit ceci quelques années plus tôt, cette valeur avait une place très forte dans le cœur du Héros. Son devoir avant toute chose. Link inspira profondément pour calmer le martèlement de son cœur, son air impassible revint sur son visage. Toutes ses valeurs qu'il tenait de son père, le chevalier voulait les respecter à tout prix.
Elles représentaient son seul héritage.
oOo
Ce ne fut qu'en fin de soirée que Link foula de nouveau le sol de la citadelle d'Hyrule. Son voyage lui était apparu comme interminable, sans cesse tourmenté par de multiples questionnements sans réponses. Le jeune homme n'osa pas aller voir la princesse car il pressentait qu'il n'aurait pas le courage d'affronter son regard après ce qu'il s'était passé avec Mipha. Sa chambre devint son dernier refuge, comme à son habitude. Link se laissa tomber sur son lit, dos au matelas, et il cacha ses yeux de son bras. Il n'aimait pas son état émotionnel, cela le troublait bien trop à son goût. Pourtant il s'endormit étonnamment vite. Le lendemain, il irait voir Impa pour lui annoncer le succès de sa mission.
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