Chapitre 1


Depuis des milliers d'années, le royaume d'Hyrule vivait en paix et prospérait. Un jour, le roi et la reine eurent une fille qu'ils nommèrent Zelda, comme le dictait la tradition. Seulement, quelques temps après cet heureux événement, un présage leur fut adressé : Ganon le Fléau, leur éternel ennemi, s'apprêtait à revenir une fois de plus pour détruire le royaume. Rhoam Bosphoramus Hyrule, le souverain, décida de lancer des recherches avec des membres du clan Sheikah afin de retrouver d'immenses machines : les Créatures Divines. Dix mille ans plus tôt, elles auraient aidé la princesse et le Héros choisi par l'épée de légende dans leur combat contre le Mal. Elles furent trouvées quatre ans plus tard, à divers endroits du royaume.

Pendant ce temps, la jeune princesse apprenait à éveiller son pouvoir auprès de sa mère. Seulement, quand la dauphine eut six ans, la reine fut brusquement emportée par une maladie, laissant derrière elle un royaume en danger et une enfant dévastée par sa mort.

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À plusieurs lieues du château vivait la petite famille d'un chevalier dans le village d'Elimith. Ils n'étaient pas issus de la noblesse, certes, mais ils appréciaient le calme de la campagne ainsi que ses ressources. Le père, le chevalier Karl, se rendait au château toutes les deux semaines pour servir la famille royale, puis revenait plusieurs jours plus tard pour assurer la sécurité du village. Il avait épousé la douce Adélaïde, la fille du charpentier, aux cheveux châtains et aux yeux bleus uniques. Tous deux avaient eu un fils, Link. Depuis qu'il savait marcher, le garçon se plaisait à attraper une branche d'arbre pour imiter son père lors des combats. Rapidement, Karl remarqua l'aisance de son fils malgré son très jeune âge et il décida de lui apprendre les bases de la chevalerie.

Dans le village, des rumeurs commencèrent à circuler : à quatre ans, le jeune Link aurait battu des chevaliers du château dans un combat singulier. Était-ce vrai ? Certains l'affirmaient. D'autres, plus sceptiques, se contentaient de froncer les sourcils ou de glousser. Quoi qu'il en fut, le garçon avait un potentiel indéniable.

Un soir, assise dans un coin de la bibliothèque familiale, Adélaïde cousait tranquillement une chemise pour son fils qui ne cessait de déchirer celles qu'il portait. C'était une petite femme aux yeux bleus semblables à ceux de son enfant. Lorsque son mari revint enfin du château, la châtaine leva la tête vers lui et lui adressa un sourire pour l'accueillir.

- Bonsoir, Karl. Comment s'est passé ton séjour à la citadelle ? lui demanda-t-elle en poursuivant sa tâche.

Le blond vint prendre place devant le feu de cheminée pour réchauffer ses mains.

- Bien, comme d'habitude, lui répondit-il chaleureusement. Tu as pu rendre visite à ta sœur ?

Adélaïde hocha doucement la tête puis rit après avoir soupiré, ce qui intrigua le chevalier qui demanda quelques précisions.

- Sache que notre fils n'a cessé de répéter qu'il deviendra chevalier et qu'il se montrera digne de toi. Tout se serait bien passé s'il n'avait pas voulu faire une démonstration de ses capacités avec une branche d'arbre...

- Il n'a que cinq ans, ma tendre.

Tous deux s'échangèrent un regard, installant un léger silence durant quelques instants. Pensant comprendre, Karl fronça les sourcils, amusé.

- A-t-il fait sa démonstration sur une cocotte ?

- Je le crains...

Cela provoqua l'hilarité du preux chevalier en imaginant son garçon poursuivi par un groupe de poules. Bien qu'il eut déjà accompli des exploits pour son âge, Link restait tout de même très inconscient par moments.

- Karl, je crois que Link désire vraiment emprunter la même voie que toi. Mon beau-frère m'a dit qu'il pourrait très facilement devenir chevalier avant ses quinze ans.

Le blond se leva, s'approcha de sa femme puis s'agenouilla devant elle pour lui prendre les mains, l'air sérieux.

- Est-ce que cela t'inquiète ? Après tout, les jeunes gens d'aujourd'hui veulent tous devenir chevaliers pour servir la jeune princesse.

- Ce n'est pas ce qui a l'air de préoccuper le plus notre fils...

Adélaïde soupira tandis que ses mains se crispèrent, désemparant son mari.

- Link fait souvent des cauchemars depuis quelques temps, lui apprit-elle avec une légère anxiété. J'ai peur que tout cela n'ait un impact néfaste sur lui.

Derrière eux, le parquet grinça et attira immédiatement leur attention. Ils tournèrent la tête vers la cage d'escaliers mais ne virent rien. Malgré cela, ils comprirent que leur jeune garçon ne dormait toujours pas et écoutait probablement leur conversation.

- Nous en reparlerons une autre fois, proposa Karl. Tu devrais te reposer, je n'aimerais pas que ton état...

- Ne t'inquiète pas, je finis de coudre la manche et je pars me coucher, le coupa-t-elle de peur qu'il soit entendu.

Karl ne dit rien et accepta simplement de la laisser finir son ouvrage. Il savait sa femme malade depuis quelques mois, sans pour autant connaître l'origine de la maladie. Les médecins parviendront certainement à la soigner.

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Pendant qu'elle parcourait l'une des grandes avenues de la citadelle lors d'une visite, Adélaïde tenait la main de son jeune fils, entourée par la foule animée. Le jeune blond semblait peu apprécier de rester immobile, ses pieds étaient parfois écrasés par inadvertance.

- Maman, je veux rentrer... maugréa-t-il en lui tirant plusieurs fois le bras.

- Non, Link, répondit-elle durement. Le cortège royal va bientôt passer. Nous ne pouvons pas rater ça.

- Mais j'ai faim !

Son insistance manqua de l'agacer.

- Voyons, penses-tu que ce soit plus important que de voir la reine et sa fille ? Ce sera peut-être la seule fois de ta vie où tu les verras...

Le blond lâcha sa main pour croiser les bras en faisant la moue. Autour de lui s'élevèrent des exclamations quand le carrosse dépourvu de toit fut enfin en vue. Des gardes royaux empêchaient les Hyliens de trop s'approcher. Adélaïde paraissait tout aussi heureuse d'entrapercevoir sa reine.

- Par les déesses, quelle femme resplendissante ! dit-elle à voix haute. Et quelle magnifique enfant... Oh, Link, regarde ! La jeune princesse nous observe !

Mais il ne daigna même pas lever les yeux, bien trop agacé de ne pas rentrer à l'auberge pour assouvir sa faim. Il ne put voir le regard intrigué de la princesse vis-à-vis de lui, comme si elle ressentait une étrange aura venant de sa part. Mais la reine la pria de saluer les habitants puisque c'était sa première excursion en dehors du château. Ce fut ainsi que les deux élus des déesses se rencontrèrent pour la première fois, à l'âge de cinq ans.

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Quatre années plus tard, le jeune garçon s'entraînait au tir à l'arc dans son jardin, sous le regard pesant de son père. Ce dernier avait les bras croisés et tapait nerveusement du pied. Finalement, il claqua de la langue puis posa ses mains sur ses hanches, le visage grave.

- Fils, je t'ai déjà dit maintes fois que la paume de la main qui tient la corde doit se trouver à l'intérieur ! le sermonna-t-il durement. Je ne comprends pas pourquoi tu la tournes vers l'extérieur.

Link décocha sa flèche qui vint se planter à quelques centimètres du centre de sa cible.

- Je me sens plus à l'aise en tirant ainsi.

Karl soupira.

- Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi... Tu n'écoutes même pas les conseils de ton père.

L'enfant plaça une nouvelle flèche dans l'encoche, le banda en fermant un œil, puis lâcha la corde après avoir bloqué sa respiration. Elle vint se loger à côté de la précédente.

- Je reconnais que tu as du potentiel pour ton jeune âge. Si tu continues sur cette voie, peut-être pourras-tu devenir chevalier avant l'heure.

Immédiatement, Link baissa son arme et courut vers son père, réjoui.

- C'est vrai ? Je pourrai suivre tes pas ?!

Karl écarquilla des yeux avant de rire fortement en posant une main sur l'épaule de son garçon.

- J'aime cette ambition dans ton regard ! C'est bien. Tu iras loin dans la vie, Link. Je te propose quelque chose.

Karl s'accroupit devant lui et lui sourit avec bienveillance. Il n'était pas peu fier de son enfant, leur complicité résultait d'un lien profond qu'ils avaient tissé au fil des années.

- Si tu parviens à devenir chevalier, je te promets de te léguer mon épée.

-Vraiment ?! s'écria le jeune blond dont les yeux pétillaient d'excitation.

Son père hocha la tête.

- Oui, elle se transmet de père en fils depuis mon arrière-grand-père. C'est un bien très précieux. Tu devras en prendre grand soin et l'employer à bon escient pour ne pas l'émousser inutilement.

Il frotta avec vigueur la chevelure de son fils qui tombait jusqu'à ses omoplates.

- Et attache-moi ces cheveux. Je n'ai pas envie de te confondre avec un balai.

- Eh !

Le père se releva en riant à gorge déployée, puis s'éloigna afin de laisser son fils s'exercer convenablement. Link tira la langue à son père quand il eut le dos tourné et reprit son entraînement sans plus tarder.

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- Link ! cria une fillette en accourant avec son ami.

Le fils de Karl, accroupi sur le sable de la plage derrière le village d'Elimith, creusait le sol avec un morceau de bois dans l'espoir de trouver des crabes cachés. Au loin, par-delà les vagues, le soleil disparaissait lentement, laissant derrière lui un ciel orangé. Quand il entendit Florine, la fille du teinturier, l'appeler avec force, Link leva la tête et la vit arriver avec Jeannot, leur ami en commun. Tous trois avaient onze ans, ou presque, et restaient très souvent ensemble notamment pour faire des petites bêtises ou explorer les environs.

- Mon père a dit que tu allais partir pour la citadelle !

Confronté à leurs expressions déconcertées, Link dévia le regard en se relevant. Florine était une jeune villageoise aux cheveux bruns mi-longs tandis que Jeannot possédait une chevelure courte et rousse.

- Seulement l'année prochaine, répondit-il simplement en époussetant son pantalon.

- Mais pourquoi ? lui demanda aussitôt Jeannot.

Link leur rappela qu'il désirait devenir chevalier et que pour cela, il devait s'inscrire à l'École de Chevalerie. Son père et sa mère économisaient pour payer ses études depuis son plus jeune âge. Dans quelques mois, la somme serait intégralement réunie.

- Tu comptes épouser la princesse ? lui railla Florine en croisant les bras.

Sa question indigna Jeannot, mais Link se contenta de froncer les sourcils.

- Je veux épouser personne. Je veux juste être chevalier.

Il attrapa une fine épée de bois qu'il avait accroché à sa taille puis fendit l'air avec, en souriant grandement.

- Comme mon père ! finit-il en effectuant une série de mouvements précis.

Bien que Florine resta indifférente, Jeannot fut époustouflé et complimenta le garçon en sautillant sur place.

- Tu devrais déjà grandir, lui dit-elle tout de même un peu soucieuse. Tu es le plus petit d'entre nous... Pour porter une armure de chevalier, ce ne sera pas facile.

Link lui tira la langue et une dispute s'engagea entre les deux compères, sous le regard dérouté de Jeannot qui tentait de les calmer du mieux qu'il put. Cela s'arrêta quand Adélaïde vint chercher en personne son fils pour qu'il vienne dîner. Elle posa chaleureusement sa main à l'arrière de la tête de son enfant alors qu'il évitait de regarder Florine.

- Jeannot, ta mère t'attend chez ton oncle, lui dit la châtaine en souriant.

- D'accord...

Link et sa mère s'en allèrent alors sous les yeux des deux autres enfants qui les observèrent s'éloigner petit à petit, montant le long du chemin. Adélaïde énumérait à son fils tout ce qu'elle avait préparé pour le repas, et cela semblait le ravir au plus haut point. Elle savait comment le faire changer d'humeur ! Une fois qu'ils furent chez eux, Link sauta sur sa chaise et attendit que sa mère le serve. Il regarda alors devant lui la place de libre, ce qui le fit froncer les sourcils. Le garçon se retourna vers sa mère aux fourneaux.

- Papa ne devait pas rentrer ce soir ?

- Non, le roi a envoyé son régiment au nord-est pour surveiller les frontières.

Déçu, le blond reporta son attention sur son assiette.

- Ah... Il m'avait promis de me parler des Bois Perdus, pourtant.

Adélaïde arriva à ses côtés et déposa une petite marmite de soupe fumante devant lui avant de le servir.

- Les Bois Perdus ?

Elle sourit.

- Cela ne m'étonne pas de lui. Il a toujours été fasciné par la Lame Purificatrice.

À ce nom, Link ressentit une étrange sensation dans son cœur et ses yeux s'agrandirent de curiosité.

- La Lame Purificatrice? répéta-t-il, tout ouïe.

- Oui, l'épée qui pourfend et scelle le Mal, lui apprit-elle en s'attablant à son tour. Une arme magnifique et d'une puissance rare ! Mais personne n'est en mesure de la manier. Les quelques malheureux qui ont tenté de la retirer de son piédestal en sont morts.

Le garçon déglutit difficilement pour avaler sa soupe, sans lâcher une seconde sa mère du regard. Quelle était donc cette épée, capable de prendre la vie d'un homme ? Cela lui paraissait impensable.

- Ton père est passionné par cette arme, crois-moi, rit-elle avant d'entamer son repas. Elle est liée à une légende que j'ai oubliée, malheureusement... Il saura mieux t'en parler que moi à son retour.

- J'aimerais bien la voir ! s'exclama Link en frappant le bout de sa cuillère contre la table de bois.

N'ayant pas encore mué, sa voix partit dans un son étrangement aigu qui les firent écarquiller des yeux. Le blond eut aussitôt honte de s'être ainsi emporté, mais sa mère le rassura avant d'ajouter :

- Tant que tu ne fais que la regarder, cela me va.

- Je ne suis pas assez fou pour toucher une épée qui ôte la vie à ceux qui la touchent...

Ainsi, les mois passèrent, Link continua de s'améliorer en testant divers entraînements et jeux, notamment. Son grand-père, le charpentier, lui avait fabriqué un bouclier de bois bien rond et y avait peint le symbole de la famille royale dessus. Link en était très fier. Alors chaque matin, il s'en équipait en le positionnant dans son dos avec une petite épée, son petit arc de chasse et son carquois, puis il partait dans la forêt juste sous le village. Il apprenait ainsi à être discret pour approcher le gibier et s'exerçait à tirer sur une cible en mouvement. Ainsi il pouvait ramener de la viande et la déguster avec ses parents le jour même. Lors de ces parties de chasse, Link se sentait comme un véritable chevalier avec tout son équipement, bien que cela puisse paraître ridicule aux yeux d'un observateur.

En cachette, il n'hésitait pas à se battre contre de vieux épouvantails à l'abandon sur des champs inexploités. Mais les moments que Link appréciait le plus étaient sans doute ceux passés à se battre contre son père. Cela faisait déjà quelques temps qu'il l'avait dépassé sur le plan technique, mais Karl parvenait toujours à gagner les derniers combats de la journée grâce à sa force et son endurance, celles-ci étant les points faibles de son fils.

Dissimulé derrière un buisson, Link guettait l'arrivée du lièvre qu'il suivait depuis près d'une heure. Silencieusement, il attrapa son arc et tendit sa main vers son dos pour y attraper une flèche. Son carquois, rouge aux divers motifs, était l'un de ses biens les plus précieux, cadeau de sa mère pour ses onze ans. Le jeune Hylien en prenait grand soin. Doucement, Link banda son arc en direction du lièvre, puis la flèche fusa et se planta dans sa chair. La créature gémit avant de tomber à la renverse. Satisfait, le garçon sortit de sa cachette, alla chercher son futur repas puis partit en direction du village. Sous l'arche à l'entrée d'Elimith, il trouva Jeannot en train d'analyser une sauterelle. Il avait l'air... passionné.

Link emprunta les escaliers de bois à moitié recouverts de terre, pour monter jusqu'à sa demeure où il découvrit son père en train de planter un arbre, à quelques mètres de là. Intrigué, le garçon s'approcha, la tête légèrement penchée sur le côté et manifestement intrigué.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il à son père.

- Tu comprendras un jour, fiston.

Karl tourna la tête vers lui et lui offrit un sourire triomphant.

- Tu viendras me voir quand tu en auras la réponse.

Link entrouvrit la bouche pour répondre, mais il ne sut quoi dire. Ce n'était pas dans les habitudes de son père de planter des arbres. Il les frappait plutôt avec son épée d'exercice lors des entraînements.

- Oh, jolie prise ! le félicita Karl en se relevant.

Il pointa le lièvre du doigt.

- Tu l'as tué d'une flèche ?

- Oui... J'ai dû la traquer une heure.

Cela fit rire son père, ce qui déplut fortement à Link. Il n'y voyait rien de drôle, surtout que c'était presque son record en temps. Karl finit par poser une main sur l'épaule de son fils et il ancra son regard dans le sien.

- Tu ferais un excellent chasseur, tu sais ?

- Que...! s'indigna Link avant que son père ne le coupe.

- C'est fort dommage, j'ai déjà prévu de t'emmener à la citadelle d'Hyrule pour tes douze ans.

Les yeux du garçon s'agrandirent de stupéfaction alors qu'un sourire niais se dessinait sur ses lèvres. Il lui semblait que sa journée prenait une couleur bien plus vive et chaleureuse.

- Alors ça y est ?! s'exclama-t-il, fou de joie. Tu vas me présenter à l'École de Chevalerie ?

Karl hocha vigoureusement la tête tandis que sa femme sortait de la maison pour voir ce qu'il se passait.

- Oui, il est temps que tu commences à apprendre véritablement le métier, petit bonhomme.

Le chevalier frotta avec vigueur la tête de son fils qui ne cessait de pousser des cris étouffés pour manifester sa joie.

- Et j'ai même prévu une surprise juste avant de t'y rendre ! Tu vas voir, elle sera inoubliable.

Le père et le fils se donnèrent des coups amicaux en riant de bon cœur, ce qui arracha un sourire à Adélaïde qui les rejoignit.

- Du calme, les garçons, les pria-t-elle, les doigts entremêlés devant son tablier. Vous allez ameuter tout le village.

Elle remarqua alors l'animal dans les mains de son fils et ses yeux se mirent à pétiller.

- Tiens, avec ce lièvre, je vais vous préparer un civet pour ce soir ! J'inviterai ma sœur et son mari pour partager ton butin.

Link en fut ravi et tous trois retournèrent dans leur maison en discutant de vive voix à propos des ingrédients pour l'accompagnement.

De nombreuses semaines plus tard, Link eut douze ans. Malheureusement, son père fut appelé par son officier supérieur pour contenir une invasion d'ennemis, au nord du royaume. Depuis quelques années, des créatures démoniaques faisaient peu à peu leur apparition et menaçaient des petits villages. Tout le monde était au courant du futur retour de Ganon le Fléau, et Link voulait à tout prix devenir chevalier pour pouvoir protéger ses terres et le futur des Hyruliens. Il savait que d'immenses créatures avaient été découvertes afin de combattre le jour venu, mais il ne les avait jamais vues et ne connaissait pas leurs capacités.

De ce fait, Link ne put se rendre à la citadelle comme prévu et il en fut fort triste. Le garçon s'inquiétait beaucoup pour son père aussi. Karl était parti pour une durée indéterminée. Bien qu'Adélaïde demeurait très soucieuse, elle tâchait de ne pas le montrer à son fils pour qu'il garde espoir de voir revenir son père. Presque tous les jours, Link se positionnait sur la butte la plus haute du village et regardait en direction du château pour essayer de discerner la moindre silhouette remontant les chemins vers Elimith. Mais il n'y avait personne.

Trois longs mois s'écoulèrent avant le retour de Karl. L'émotion fut vive dans sa famille comme au sein du village. On lui demanda des nouvelles à propos des troupes ennemies, de leur nombre... On voulait savoir comment on les avait repoussées et s'il y avait eu des pertes du côté des Hyliens. En effet, il y avait eu quelques pertes, mais le nombre d'ennemis n'avait pas dépassé les quelques centaines. Durant ces trois mois, les chevaliers avaient monté un camp pour protéger la frontière et repousser les attaques des êtres maléfiques. Finalement, après une longue bataille, les Hyliens avaient triomphé des ennemis et ils purent revenir au château.

Link écoutait le récit de sa figure paternelle avec beaucoup d'admiration et de respect pour lui. Même s'il n'était pas noble, même s'il venait d'un petit village, son père restait un grand homme. Le soir de son retour, Karl eut une conversation importante avec son fils au sujet de l'École de Chevalerie et de l'avenir du royaume.

- Je dois te prévenir, Link, commença-t-il d'une voix grave. Les prochaines années s'annoncent très difficiles et sombres. Les jeunes chevaliers inexpérimentés comme toi risquent d'être les premières victimes des batailles futures.

Un voile de tristesse passa sur le visage du chevalier, ce qui provoqua un pincement au cœur du garçon.

- Je sais que tu as hâte de servir le roi et d'intégrer ses troupes. Mais reste toujours vigilant. Ton impatience pourrait te perdre...

Il prit son fils par les épaules et le regarda avec tant de sérieux que Link en eut des frissons.

- Tu as beaucoup de talent, crois-moi. Peut-être même trop... Si tu l'exploites mal, cela te mènera à ta perte, répéta Karl avec insistance car il voulait garder à tout prix son garçon en vie. Lors de tes entraînements, reste humble face aux autres. N'essaie jamais d'impressionner pour recevoir de la reconnaissance en retour. Viens en aide à tes frères d'armes s'ils sont en danger, mais surtout n'oublie pas une chose.

Les yeux de l'adulte s'embuèrent alors et la gorge du jeune Hylien s'assécha désagréablement. Karl baissa la tête.

- Sur un champ de bataille, tu n'es qu'un homme.

Les lèvres de Link se pincèrent quand il comprit l'ampleur des mots de son père. Karl le dévisagea un long instant, esquissa un sourire serein puis tapota la joue de son enfant pour le rassurer.

- Allez, mon fils. Va préparer tes bagages. Demain nous partons pour la citadelle.

Le blond hocha la tête puis se dirigea vers l'espace derrière l'escalier, qui s'avérait être sa chambre. Il prit une petite malle et y mit sa tenue d'entraînement, ses sous-vêtements ainsi qu'un livre, du papier à lettre et une plume. Sans oublier sa petite bourse où il rangeait ses rubis. Dans la salle principale, Adélaïde discutait à voix basse avec son mari pour lui manifester son inquiétude.

- Karl, il n'a que douze ans... S'ils en viennent à manquer de chevaliers, ils l'enverront à son tour à la bataille et il se fera tuer !

Elle émit un hoquet d'horreur et plaqua ses mains sur sa bouche. Sa plus grande peur était bien de voir un chevalier arriver et lui rendre l'épée de son fils... Le blond lui prit les mains pour la consoler.

- Voyons, ils n'enverraient jamais un apprenti. Tout se passera bien, Adélaïde, murmura-t-il en la prenant dans ses bras. Si j'en crois les mots de mes supérieurs, la guerre devrait être finie avant que Link ne soit adoubé.

- Tu ne comprends pas. Il est si petit pour son âge, si fragile...

Ce dernier mot fit rire son mari.

- Il est tout sauf fragile, notre garçon ! lui affirma-t-il avec conviction. Et puis il finira bien par grandir, je ne m'en inquiète pas.

Il hocha la tête et poursuivit :

- Link sera peut-être loin de nous, mais j'irai le voir lors de mes séjours au château. Tu pourras m'y accompagner aussi.

Adélaïde lui fit signe que ce n'était pas possible pour elle car son état de santé ne le lui permettait pas pour le moment. Mais quand Link se ferait adoubé, elle voyagerait malgré tout. En tant que mère, elle le devait.

- Nous partirons aux premières aurores. Il te faudra lui dire au revoir ce soir.

À ce moment-là, Link revint les voir, sa malle sous le bras. En voyant l'état émotionnel de sa mère, il laissa son bagage tomber au sol et se précipita dans ses bras pour l'étreindre. Quitter sa famille, et notamment sa mère, lui déchirait le cœur. Link avait conscience qu'il ne la reverrait pas avant longtemps. Ses mots, ses repas, ses étreintes, son parfum allaient lui manquer. Mais c'était un sacrifice à faire pour parvenir à son but.

- Surtout, ne fais pas n'importe quoi à la citadelle, le prévint Adélaïde sur un ton faussement autoritaire. Mange et dors correctement. Ne t'avise pas de vouloir te pavaner devant les citadines mais fais-toi des amis.

Tout cela, le garçon le savait bien. Mais le fait que sa mère le lui répétait le rassurait, d'une certaine manière.

Le jour suivant, aux premières lueurs rosées naissantes à l'horizon, Karl et son fils partirent à pieds pour le château. Le cheval familial qui les accompagnait portait l'équipement du jeune et intrépide Hylien ainsi que sa malle. Le voyage devait durer environ un jour. Le soir, à quelques lieues de la citadelle, ils s'arrêtèrent à un relais près de la rivière Hylia où ils purent se reposer et dormir. Ce n'est qu'au matin suivant, légèrement frais, où Link comprit qu'il prenait un chemin différent.

- Papa, le château n'est pas dans cette direction... lui fit-il remarquer alors qu'ils passaient à travers un petit bois.

- Je le sais bien.

Link leva les yeux vers le chevalier et le vit étrangement sourire. Il ne comprenait pas ce que prévoyait son père. Face à lui, il remarqua enfin la cime d'un arbre immense ; un cerisier, plus précisément, qui se trouvait au sein d'une forêt immense. Le garçon fut impressionné par sa hauteur. Ils arrivèrent devant une arche en pierre à l'orée de la forêt et Karl s'arrêta.

- Voici les Bois Perdus, fils ! Je voulais te les montrer plus tôt mais qu'importe, nous y sommes enfin.

Les yeux de Link se mirent à briller d'excitation. Alors ça y est, il pouvait enfin voir ce lieu mystique ! Une aura singulière en émanait.

- Jeune Maître, résonna subitement une voix féminine dans sa tête, ce qui fit bondir son cœur au sein de sa poitrine.

Link se retourna mais ne vit personne. Il ne venait pas de rêver, pourtant... La voix l'appela une nouvelle fois et il se figea, les yeux écarquillés, face à cette forêt qui semblait vouloir l'attirer. Karl remarqua alors l'immobilité de son fils et fut quelque peu étonné par son expression. Il pensa que c'était à cause d'un écriteau qui incitait les voyageurs à passer leur chemin car c'était dangereux. Surtout avec cette brume inquiétante qui planait entre les arbres.

- Allez, Link. Il est temps de repartir pour le château.

Le chevalier fit demi-tour en tirant l'étalon par la bride bien qu'il s'arrêta lorsqu'il sentit son fils toujours figé. Karl se tourna pour l'appeler mais il le vit commencer à marcher en direction de la brume, comme hypnotisé.

- Non, Link ! s'exclama-t-il, les sens en alerte. Tu risques de te perdre !

Le jeune blond se mit soudainement à courir sans même écouter son père.

- Link !! s'écria Karl en se lançant à sa poursuite.

Son fils était dans un état second. La seule voix qui lui parvenait était celle d'une femme qui ne cessait de répéter la même chose, comme pour le guider. Link courait entre les arbres, s'arrêtait par moments pour tenter d'entendre la voix de nouveau, puis se remettait aussitôt en route. C'est alors qu'il arriva sur un petit chemin où le brouillard se dissipait. À ce niveau, il ralentit l'allure, le souffle court, et reprit ses esprits. La réalité le rattrapa brusquement et l'Hylien se sentit terriblement seul dans un territoire inconnu. Pourtant, là devant lui, une force, une aura l'appelait.

Le cœur battant à tout rompre, Link avança sur ce chemin parsemé de fleurs et de diverses plantes. Il avait l'impression d'être surveillé. Le jeune garçon, au détour d'un arbre, découvrit un espace dégagé où s'élevait vers le ciel une magnifique épée. Son aura entrait en résonnance avec l'âme de Link. Un rayon de soleil venait la mettre d'autant plus en valeur en l'illuminant.

- Jeune maître, répéta la voix mystérieuse.

Link s'approcha lentement de la magnifique épée sans parvenir à la quitter des yeux. Quand il fut face au piédestal, le garçon tendit la main vers la fusée de l'arme, la bouche entrouverte.

- NON, LINK ! hurla Karl en arrivant, épouvanté. Elle va te tuer !!

Le chevalier se précipita vers son fils tandis que son cœur s'apprêtait à sortir de sa poitrine. Link ne devait pas la toucher ! Mais le jeune Hylien ne prêta aucunement attention à son père. Au moment où ses doigts se refermèrent sur la fusée, l'air se densifia intensément et Karl fut mis à terre par une force provenant de l'arme légendaire. Cependant, Link ne vacilla pas. Au contraire, il sentait un immense pouvoir traverser tout son être et le transcender. Sa deuxième main s'empara à son tour de la fusée puis ses forces parurent être aspirées par l'arme.

Link émit un faible gémissement quand sa tête se mit brusquement à tourner, il manqua de sombrer dans l'inconscience mails il ne laissa pas l'épée prendre le dessus sur lui. Car le blond sentait qu'elle le mettait à l'épreuve. Link serra les dents en fronçant les sourcils puis commença à tirer l'épée de son socle. Elle était anormalement lourde. Mais il devait essayer ! Link s'aida de ses pieds en se donnant une impulsion, ce qui finit par la déloger de sa prison de pierre. Pris dans son élan, il tituba en reculant mais sans perdre l'équilibre. D'un coup, la lame de l'épée émit une vive lueur bleutée qui aveugla le jeune garçon et fut semblable à un flash lumineux pour Karl.

Le chevalier, agenouillé, assistait avec impuissance à cette scène impensable. Il n'y croyait pas... C'était tout bonnement incroyable que son fils, aussi jeune, puisse être reconnu par la Lame Purificatrice... Karl vit son fils retourner l'épée de sorte que sa pointe soit tournée vers le ciel puis il la regarda avec une admiration sans limite.

- Je vous retrouve enfin, Maître, reprit la voix qui s'avérait être celle de l'esprit de l'épée.

La Lame Purificatrice émit un bruit que seul Link entendit. Un son métallique. Devant lui, les branches de l'immense cerisier se mirent à se mouvoir et un grondement grave fit vibrer le sol. Effaré, Karl leva la tête mais ne remarqua rien. Il n'y avait que son fils pour voir le véritable visage de l'Arbre Mojo.

- Tu es de retour, Héros, prononça la divinité sur un ton solennelle. Je t'attendais.

Link ne ressentit aucune peur. Il était si impressionné qu'il n'eut pas les mots. C'était incroyable... Comme si un très fort lien, enfoui au plus profond de lui, le reliait à ce lieu.

- Ton devoir est grand, une fois de plus, poursuivit l'Arbre Mojo dont le devoir était d'expliquer au Héros son immense mission. En retirant la Lame Purificatrice de son socle, tu t'es montré digne de la manier et de sauver le royaume du Mal qui le ronge peu à peu.

Le cœur du jeune Hylien se serra fortement, une boule se forma dans son ventre en signe de pression psychologique. Étrangement, il avait l'impression de déjà tout savoir sur son rôle... Son devoir l'appelait.

- Va, jeune Link. Il faut que tu partes rejoindre la prêtresse royale et que vous combattiez la Malice, côte à côte. Unissez vos forces et sortez vainqueur de la guerre qui approche. Je crains que le destin de ces terres ne repose une fois de plus sur vos épaules.

Quel poids à porter pour un garçon d'un si jeune âge. Le destin de plusieurs peuples dépendait de lui ? N'était-ce pas trop pour un simple fils de chevalier ?

- Link... l'appela son père, derrière lui.

Sa voix tremblait et trahissait son état de choc. Le visage de Karl avait pâli et ses traits étaient marqués par une inquiétude profonde. Link lui fit face, attristé que cela puisse autant atteindre son père.

- Il... Il faut que nous partions sur-le-champ pour le château.

Le jeune Hylien hocha la tête puis le rejoignit en traînant péniblement l'arme au sol. Il n'avait plus la force pour la soulever... Et Karl ne pouvait la toucher, de peur de se faire tuer puisqu'il n'en était pas digne. En réunissant ses maigres forces, Link souleva la Lame Purificatrice et la cala sur le cheval, entre la selle et sa malle. Avec quelques liens, il lui permit de ne pas tomber.

Sur le chemin vers le château, aucun d'eux ne parla. Karl éprouvait des émotions bien trop vives pour parvenir à parler. Quant à Link, il ne cessait de penser à ce futur qui lui était d'office désigné. Sa vie prenait un nouveau tournant, ses buts venaient d'être modifiés. Il ne devait pas simplement devenir chevalier. Non, il se devait aussi d'apprendre à utiliser l'épée de légende. S'il y parvenait, il pourrait ainsi servir pleinement la prêtresse royale et combattre à ses côtés le moment venu. Mais en était-il seulement capable ?

Link déglutit difficilement. Il n'était pas noble. Il partait du plus bas échelon. Sa tâche ne devait pas être prise à la légère. Sauver le royaume... L'élu de l'épée avait conscience de tout ce que cela impliquait. Il espérait sincèrement être à la hauteur. De son côté, Karl prenait peur. En retirant la Lame Purificatrice de son piédestal, son fils devenait un élément clé pour le roi. Le chevalier s'épongea le front. Bon sang... Maintenant, tout lui paraissait à la fois évident et improbable. Son fils possédait un immense potentiel depuis bien des années. Il le surpassait, certes. Mais il était bien trop jeune. C'était bien trop tôt pour lui. La Lame Purificatrice aurait dû choisir un homme bien plus expérimenté et plus robuste ! Cela coulait sous le sens, pourtant...

Une heure et demi de marche plus tard, ils arrivèrent enfin à la citadelle d'Hyrule. Les rues étaient manifestement animées. Ils les traversèrent rapidement et parvinrent jusqu'à deux immenses portes où les gardiens avaient pour but de filtrer les arrivants.

- Halte ! dit l'un d'eux à l'adresse du chevalier. Oh, c'est toi, Karl... Pardonne-moi, je ne t'avais pas reconnu en civil.

Karl s'approcha de lui, le visage fermé.

- Je dois impérativement paraître devant le roi. C'est une urgence absolue.

Cela fit rire les deux gardes. Lui, un simple chevalier ? Le roi ne voudrait jamais le voir. Karl s'impatienta et fit avancer son cheval jusqu'à ce que la selle soit sous leurs yeux. Il souleva une fine couverture puis dévoila l'objet qu'elle cachait aux yeux de tous. Les deux hommes virent alors la Lame Purificatrice et ils écarquillèrent les yeux, bouche bée. Elle ressemblait trait pour trait aux représentations qui se trouvaient au sein même de la forteresse.

- Par les déesses, mais c'est...! s'exclama le second puisque le premier demeurait estomaqué.

- Oui. Vous comprenez pourquoi la situation est délicate ?

Les deux gardes peinaient à y croire.

- Karl, c'est... c'est toi qui l'as retirée ?

Le blond se tourna alors vers son fils et ils comprirent. Le premier garde se remit à rire de plus belle tant cela lui parut absurde, mais son compagnon lui donna une tape à l'arrière de la tête, plus que sérieux. Il fit face alors face à Karl et son fils.

- Suivez-moi, il n'y a pas de temps à perdre. Nous garderons tout cela secret.

Tous trois se mirent en route vers le château en adoptant un pas soutenu, sous les yeux de quelques chevaliers qui faisaient leur ronde. Une fois entrés, ils montèrent un très large escalier et débouchèrent dans le grand hall. Link, tenant son épée contre son torse et toujours dissimulée sous la couverture fine, fut émerveillé par la grandeur et la splendeur du lieu. C'était la première fois qu'il venait ici, jamais encore il n'avait vu pareille architecture. Le garde s'adressa à l'un de ses supérieurs en lui dévoilant l'intégralité de la situation dans un chuchotement. L'épée dans les bras de Link en était l'ultime preuve. L'officier fut tout autant choqué mais ne perdit pas une seconde. Il le mena immédiatement à la salle du trône.

Le couloir qui y accédait était très large et éclairé par de nombreux lustres. Link n'osait marcher sur le tapis rouge de peur de le salir. Tout ce luxe le dépassait. L'officier poussa les portes au bout et une immense salle s'offrit à eux. Face à Link, en hauteur, se dressait une grande sculpture représentant la Triforce où se tenait le roi en-dessous, accompagné de ses deux magistrats adjoints. Quand ils firent leur entrée, Rhoam Boshoramus d'Hyrule fronça les sourcils et les dévisagea avec sévérité. Mais lorsque tous virent ce que Link agrippait entre les mains, la surprise fut totale. En effet, il avait timidement retiré la couverture pour l'exposer à tous.

- Par Hylia ! s'exclama Impa, l'un des magistrat adjoint.

C'était une jeune femme sheikah qui servait la famille royale et qui s'occupait de la princesse. Un grand chapeau surplombait sa tête et cachait une dense chevelure blanche. Elle s'était brusquement rapprochée du balustre en marbre pour mieux voir l'épée de légende dans les mains de ce garçon. Le roi reprit rapidement ses esprits et descendit du balcon, suivi par ses conseils, pour venir voir de plus près l'élu qu'il attendait depuis des années. En voyant son souverain approcher de lui, Link crut que ses jambes allaient le lâcher. Mais si ce n'était que cela... La paralysie avait gagné tout son corps. Le roi l'intimidait bien trop. Rhoam Hyrule se plaça face à lui et le dévisagea de la tête aux pieds avec un œil critique.

- Comment t'appelles-tu, jeune homme ? lui demanda-t-il d'une voix grave.

Dans son dos, Oswald, son deuxième magistrat adjoint, regardait le blond d'un mauvais œil.

- L... Link, Votre Majesté, bredouilla le jeune Hylien devenu pâle. Fils du... du chevalier Karl.

Le roi leva les yeux vers le père.

- Je suppose que c'est vous. Quand votre fils a-t-il retiré la Lame Purificatrice de son socle ?

Karl se mit au garde-à-vous pour lui répondre.

- Ce matin même, Monseigneur, déclara-t-il sur un ton assuré.

- Je vois. Votre fils sait-il manier l'épée ?

Karl hocha vigoureusement la tête.

- Oui, Monseigneur. J'ai commencé à lui enseigner l'art de la chevalerie dès son plus jeune âge. Nous nous rendions justement à la citadelle pour l'inscrire en tant qu'apprenti.

Le souverain hylien reporta son attention sur l'élu des déesses. Qu'il fût aussi jeune lui paraissait presque impensable. Mais il tenait en ses mains la preuve même qu'il était la réincarnation du nouveau Héros.

- Je vois, reprit le roi en fermant un instant les yeux. Qu'il en soit ainsi. En tant que porteur de la Lame Purificatrice, tu suivras la formation pour devenir chevalier. Tu dois cruellement manquer d'expérience, mon garçon.

Link plissa les yeux en baissant légèrement la tête et Oswald choisit ce moment pour intervenir. C'était un homme d'environ soixante-dix ans, aux cheveux gris presque blancs, et qui se déplaçait en courbant le dos. Les traits de son visage témoignaient d'une fatigue due à la vieillesse et aux épreuves de la vie. Ses iris, d'un marron clair, rendaient son regard perçant à cause de ses yeux plissés mais aussi de ses cernes.

- Votre Altesse, si je puis me permettre, cette épée a bien plus de dix mille ans. Il se peut que son pouvoir se soit altéré depuis.

Impa, offusquée par ses propos, tourna prestement la tête vers lui mais le conseiller poursuivit :

- Les Créatures Divines ont été construites pour pallier ce défaut. Il faut se rendre à l'évidence, Votre Majesté. Ce garçon est bien trop jeune pour être celui que vous attendiez.

- Comment osez-vous dire cela, Oswald ?! s'indigna Impa en le foudroyant du regard. Cette épée a été forgée par la déesse Hylia elle-même !

L'Hylien haussa les épaules en la toisant de haut.

- Seriez-vous aveuglée par votre foi, Dame Impa ? répliqua-t-il avec une certaine condescendance dans la voix. Vous ne parvenez plus à voir la réalité en face, il se peut.

- Il suffit ! trancha le roi, ce qui fit sursauter Link. L'élu de l'épée entrera à l'École de Chevalerie. Moi seul déciderai s'il est en mesure de sauver le royaume ou non. Nous aurons tout le loisir de vérifier vos dires, Oswald.

Ce dernier s'inclina face à son roi.

- Il en va de soi, Votre Altesse.

Impa tiqua en croisant les bras. Elle n'aimait pas ses manières.

- Dame Impa, conduisez ce jeune homme au chevalier Edward, lui ordonna Rhoam Hyrule. Mais avant cela... Gardes !

Le roi ordonna d'aller chercher la pièce manquante. Quelques minutes plus tard, au fond, une petite porte s'ouvrit et deux hommes entrèrent en tenant un fourreau aux ornements dorés et aux couleurs de la famille royale. Cela faisait des milliers d'années qu'il était précieusement conservé, à l'abri des dommages du temps. Le fourreau fut donné à Link qui y glissa maladroitement la Lame Purificatrice.

- Bien, termina le roi en tournant les talons. Chevalier Karl, vous pouvez disposer.

Le chevalier s'inclina humblement puis suivit son fils et Impa en dehors de la salle du trône. Quant à Oswald, il les observait s'éloigner, les sourcils froncés. Ce garçon de ferme ne pouvait pas être l'élu des déesses. Ce n'était qu'un moins-que-rien, un usurpateur. Le pouvoir de l'épée de légende s'était terni, très certainement.

Dans le couloir, Impa jetait de rapides coups d'œil au garçon et ne manqua pas de remarquer les efforts qu'il fournissait pour tenir l'arme. La Sheikah soupira avant de prendre le fourreau dans les mains, ce qui fit écarquiller les yeux de Link et son père. Impa ne comprit pas leur réaction.

- Voyons, ce n'est pas un fourreau qui va me tuer. La Lame Purificatrice absorbe l'énergie vitale de ceux qui la tiennent. Son étui est totalement inoffensif, leur apprit-elle en reprenant sa route.

Elle avait ainsi permis au jeune Hylien de se reposer un peu et il l'en remercia. Impa voulut alors en savoir plus sur lui.

- Quel âge as-tu ?

- Douze ans.

Cela ne parvint pas à étonner la Sheikah. D'après les récits transmis dans son clan, il y aurait déjà eu une réincarnation du Héros en possession de l'épée à un âge aussi jeune.

- Il est certain que tu n'arriveras pas à manier cette arme avant quelques années, lui dit-elle en empruntant un petit escalier. Elle est bien trop grande et trop lourde pour toi. Pour le moment, elle restera dans le coffre fort de la famille royale. Je te la remettrai en temps voulu. Tâche seulement d'être assidu à tous tes entraînements.

Pour la première fois, elle lui accorda un sourire, ce qui rassura un peu Link.

- Tout se passera bien pour toi, je n'en doute pas une seconde.

Impa poussa alors une porte et ils débouchèrent sur une petite cour où des enfants frappaient des mannequins en paille à l'aide d'épées de bois. Ils avaient très certainement l'âge de Link, peut-être un an de plus. Leur professeur, le chevalier Edward, s'approcha des nouveaux arrivants et retint une exclamation en découvrant l'épée dans les mains d'Impa. Celle-ci restait légèrement en retrait pour ne pas être vue des autres apprentis.

- Dame, Impa ! Ce garçon serait...?

- Oui, c'est bien lui, confirma-t-elle en le coupant immédiatement. Je compte sur votre silence pour ne pas éveiller la jalousie des autres apprentis. Son nom est Link.

Edward posa une main au-dessus de son cœur et baissa légèrement la tête.

- Vous pouvez me faire confiance, affirma le chevalier honoré de devenir le maître du porteur de la Lame Purificatrice. Je veillerai à ce qu'il s'intègre parfaitement.

- Bien.

Impa se tourna vers Link et l'observa un instant. Il paraissait intimidé bien que cela fût dissimulé derrière son expression devenue impassible.

- Link, si tu as la moindre question, mon bureau te sera toujours ouvert. Il se situe dans l'aile est du château, au quatrième étage.

Link hocha la tête pour lui signifier qu'il avait compris, puis il reporta son attention sur ses nouveaux camarades. Impa s'adressa alors à son père.

- Je vais vous conduire au bureau d'inscription. Certes, votre fils est l'élu mais ce n'est pas pour autant qu'il peut avoir des privilèges.

- Je l'entends très bien, croyez-moi, lui certifia Karl. J'ai avec moi tout ce qui est nécessaire.

La Sheikah sourit.

- Alors c'est parfait.

oOo

Un peu plus tard dans la journée, assise au bureau de son étude, la princesse Zelda travaillait assidument sur l'utilisation des Créatures Divines en se demandant comment elles avaient été utilisées par le passé. Alors qu'elle méditait sur cette question, Impa fit irruption dans la pièce, le souffle court. La blonde fut déroutée par son arrivée ainsi que par son état.

- C'est... C'est à propos de l'élu... souffla la Sheikah en tenant la porte ouverte à ses côtés.

La princesse se figea en pensant comprendre.

- Il a été choisi ce matin même, termina Impa alors que la respiration de la jeune fille se bloquait.

Un instant interminable s'écoula, pendant lequel Zelda n'eut point les mots. Elle se demanda tout d'abord si elle ne rêvait pas. Mais quand la réalité la rattrapa, elle secoua vivement la tête et se leva presque d'un bond pour rejoindre son amie.

- Je désire le voir ! s'exclama-t-elle avec détermination.

- Votre père ne vous l'autorise pas.

Cette annonce arrêta brusquement l'Hylienne, outrée.

- Il m'a priée de vous dire que vous deviez impérativement vous concentrer sur votre devoir et vos prières. Il ne veut pas que vous le rencontriez pour le moment.

- C'est absurde ! s'indigna Zelda en contournant sa nourrice. Pourquoi en a-t-il décidé ainsi ?

- Je pense qu'il veut laisser le temps à l'élu de l'épée de se former. Il doit prendre connaissance de son devoir et montrer qu'il est digne de sauver le royaume.

Sur le chemin menant à sa chambre, Zelda s'arrêta et fronça les sourcils. Bien sûr qu'il en était digne ! Après tout, la Lame Purificatrice l'avait choisi. La blonde s'avança vers le parapet et posa ses mains dessus avant d'observer l'un des kiosques, au loin. Elle soupira.

- Que va-t-il penser de moi quand il apprendra que mon pouvoir n'est pas encore éveillé ?

- N'ayez crainte, lui assura sa nourrice. Je l'ai rencontré, il m'a l'air d'un garçon tout à fait gentil. Mais s'il ose vous faire la moindre remarque, soyez sûre que je ne manquerais pas de le réprimander sévèrement.

Zelda tourna la tête vers elle, soulagée de recevoir son soutien. Elle lui sourit.

- Merci, Impa. J'ose espérer que cela ne soit pas nécessaire.

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