Chapitre 9/ partie 2 - Retour de bâton


***


Sandra profita du trajet pour se reposer. La froideur de la nuit dans le désert était contrée par la chaleur agréable qui s'échappait des aérations du véhicule. En d'autres circonstances, la jeune femme serait incapable de s'assoupir, mais l'atmosphère chaude et réconfortante eut raison de sa volonté de ne pas fermer les yeux.

Ce fut en sursaut qu'elle émergea de son sommeil, son corps s'écrasant brutalement contre une surface dure et froide.

— Debout, princesse au désert dormant, se moqua Sydney, qui la surplombait de toute sa hauteur.

Sandra la fixa, assise sur le sol, éberluée. Est-ce que la destructrice venait d'ouvrir la portière alors qu'elle s'était assoupie contre ?

La jeune femme se redressa et s'épousseta, avant d'analyser son environnement. Le soleil se levait à l'horizon, illuminant des dizaines de bâtiments en bois clair. Un sol de terre battue parsemait les allées. Rien ne ressemblait à ce dont elle se souvenait de Plainfield.

— On est où ? demanda Sandra, qui installait Archimède Junior dans son porte-chiot.

Cow City, répondit machinalement Sydney.

— Pourquoi on n'est pas à Plainfield ?

— Pourquoi on serait à Plainfiel ? rétorqua la destructrice, exaspérée.

— Peut-être parce que c'est là que tu habites ? railla Sandra.

Tout convergeait en faveur du fait qu'elle avait atterri dans la mauvaise dimension, malgré ce que pouvait en penser Sydney. Tout était si différent. Trop différent.

Sandra balaya les alentours du regard. Les habitations - plus précisément des bars surmontés de chambres - s'érigeaient au bord d'allées qui formaient les bras d'une étoile. Le cœur du village, l'endroit où elles tenaient, était constitué d'une place sur laquelle se dressait un gigantesque poulailler. Dedans vagabondaient des centaines de volatiles, et un grillage aux mailles fines empêchait les poules de s'aventurer au-dehors. Les rayons du soleil avaient réveillé ses habitants. Les coqs entonnaient leurs cris matinaux sous la chaleur à peine atténuée de ce début de journée.

À la place des vastes champs cultivés qui entouraient Plainfield se trouvaient des prairies de taille impressionnante. L'herbe était jaunie et paraissait en très mauvais état. Plus morte que vive, la végétation était brûlée par un soleil trop ardent. Des abris en planches permettaient aux animaux de s'abriter le jour. 

Le cheptel qui peuplait les prairies était majoritairement composé de vaches, mais quelques chèvres et moutons pointaient le bout de leurs cornes. La masse de bovins était si dense qu'elle masquait le désert. Des centaines, des milliers ? Impossible pour Sandra d'estimer leur nombre, mais c'était une image similaire à ces vaches dans les feed lots texans. Aux abords des abris, des mangeoires et des abreuvoirs, aucun brin d'herbe ne recouvrait la terre à cause du piétinement intensif des bi-ongulés.

La poussière qu'une légère brise soulevait saturait l'air déjà chargée des odeurs de bétail.

Tout dans cette ville paraissait moins austère qu'à Plainfield : pas de fils barbelés ceinturant la ville, ni de murs de briques gris, pas de bâtiments vétustes, pas de travailleurs misérables dans leur bleu de travail vieux et sale. Le chant des coqs était bien mélodieux en comparaison avec les aboiements féroces des grands chiens noirs de l'autre ville barrière.

Peu de personnes arpentaient les rues à cette heure matinale. Un cavalier, vêtu d'une tenue de cow-boy, passa avec sa monture à côté de Sandra. Le cheval palomino marchait d'un pas nonchalant, tête baissée, résigné à supporter docilement le poids de l'homme sur son dos.

Quelques autres hommes et de rares femmes défilaient dans les allées et pénétraient dans l'un des bars, dont les portent battantes rappelaient celles des saloon.

Un second cavalier salua d'un hochement de tête Sydney. Cette dernière, munie de son katana et d'une besace foncée, ferma son pick-up garé à côté d'autres voitures et s'éloigna dans l'une des artères sans un regard en arrière. Cette attitude, bien que vexante, était dans la continuité de son comportement jusqu'à présent.

Alors que Sandra faisait son possible pour effacer ces souvenirs, des bribes de paroles de Sunset lui revinrent en mémoire. Elles ne se remémorait plus les mots exacts employés par le vampire, mais ils sous-entendaient que la destructrice ne faisait les choses que par intérêt. En cet instant, Sandra ne pouvait pas lui donner tort.

Cependant, elle était ce qui se rapprochait le plus d'un allié. Cette idée était peut-être étrange, car un allié ne vous braquait pas avec une arme, ne vous abandonnait pas dans un milieu hostile, et surtout ne vous traitait pas de la sorte. Mais Sandra s'accrochait à cette enveloppe physique lui évoquant Sydney.

— Attends, lui lança Sandra qui la rattrapait au pas de course. Je m'excuse pour tout. Je n'essayerai plus jamais de t'embrasser, tu as ma parole. Mais est-ce que tu peux m'héberger pour la nuit ? J'ai juste besoin de dormir. Et je ne connais personne d'autre que toi ici...

Sydney, le visage presque inexpressif, la toisa de haut en bas avant de lâcher :

— Rectification : tu ne connais personne ici, point.

— Je t'en supplie ! Juste une nuit...

Sydney hésita. L'espace d'une fraction de seconde, sa détermination à se tenir loin des ennuis se fissura. Contre toute attente, la destructrice capitula sans que son vis-à-vis ne doive insister plus ardemment :

— Une seule nuit. 


https://youtu.be/JGCsyshUU-A

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