Chapitre 7/partie 2 - Jet lag


Le cerveau en ébullition, Sandra constata qu'une lame aiguisée la tenait en joue, et surtout, que cette voix ne lui était pas étrangère. Lentement, elle se tourna vers son assaillante sans faire de mouvements brusques. Ses yeux croisèrent les mêmes yeux verts qui hantaient ses nuits.

— Sydney ?

Cette dernière se redressa en entendant ce nom, mais sans baisser son katana. Au contraire, Sandra avait l'impression qu'elle avait refermé son étreinte plus fermement sur la fusée du sabre en signe de défi.

— C'est moi ! Tu ne me reconnais pas ?

Sydney demeura impassible, toisant la jeune femme de haut en bas, avant de lâcher :

— Comment tu connais mon nom ?

Sandra resta consternée. Comment la destructrice pouvait-elle lui poser une telle question ? Et pourquoi agissait-elle ainsi à son égard ?

— Mais enfin, c'est normal que je connaisse ton nom, c'est toi qui me l'as dit ! Tu ne t'en souviens pas ? Tu ne te souviens pas de moi ? s'emporta presque Sandra, sous le choc.

Sydney baissa peu à peu la lame de son arme et son vis-à-vis apprécia ce geste, puisqu'elle put relâcher ses muscles sans manquer de finir égorgée.

— Je ne sais pas qui tu es. Si je te connaissais, je m'en souviendrais.

— Mais enfin ! D'accord, ça fait deux ans, j'ai un peu maigri et mes cheveux sont légèrement plus longs, mais tu ne peux pas ignorer à ce point qui je suis ! T'es tombée sur la tête ? Tu souffres d'amnésie ou d'un truc du genre ?

Devant l'emportement soudain de son interlocutrice, Sydney, d'un geste vif, repositionna le tranchant de son sabre près de la jugulaire de la jeune femme. Ce geste eut pour effet de calmer Sandra rapidement, mais surtout de la faire heurter en arrière la carrosserie du pick-up. Le chiot, jusqu'ici muet, glapit de détresse alors que son corps était compressé.

Sandra s'éloigna aussi vite que possible du véhicule, et par chance le katana ne la tua pas. Comme si sa détentrice avait eu le réflexe de suivre ses mouvements et n'avait nullement l'intention de la blesser.

— C'est quoi, dans ton sac ? questionna Sydney.

— Oh ! Ça, c'est Archimède Junior. Parce que je me suis dit qu'Archimède devait peut-être s'ennuyer, tout seul... Alors un copain serait le bienvenu !

Sydney rengaina son sabre dans son dos et fixa Sandra, interrogative.

— Il est mort, c'est ça ? s'enquit Sandra.

— Qui est Archimède ?

— Tu te fous de moi ? C'est une blague, une caméra cachée ?! Archimède, ton pitbull. C'est le même que celui-ci, mais en format adulte !

Sandra avait sorti le chiot de son sac et le brandissait sous le nez de Sydney. Cette dernière croisa les bras et plongea ses yeux dans ceux de Sandra. Ce qui auparavant n'avait aucun effet sur elle, la déstabilisait désormais. 

Sandra prit le temps de la détailler, sans un mot. Elle était toujours aussi belle, avec de longs cheveux noirs raides et de magnifiques iris verts, un corps musclé. Un détail cependant la perturba. Cela faisait deux années qu'elle n'avait pas revu Sydney, mais cette dernière semblait avoir rajeuni. Ce n'était peut-être qu'une impression, mais la jeune femme voulut s'en assurer :

— Tu as quel âge ?

— Pourquoi cette question ? se rembrunit Sydney, sur la défensive.

L'idée de subir un interrogatoire ne plaisait guère à la destructrice. En plus, elle était armée contrairement à son interlocutrice. Mais Sandra persévéra :

— Je te dirai tout ce que tu veux savoir, mais dis-moi ton âge.

— Pourquoi est-ce important ? Et qu'est-ce qui te dit que je veux savoir quelque chose sur toi ?

Pas faux... Sandra avait omis cette possibilité. Alors elle passa au plan B, celui qui marcherait à tous les coups : être plus têtue que n'importe quel être vivant sur cette terre... Peu importe la terre en question.

— J'ai tout mon temps, sourit Sandra.

Elle s'assit dans le sable en tailleur et déposa Archimède Junior à ses côtés.

— Tu sais où tu te trouves ? la défia la destructrice, lançant des coups d'œil furtifs aux alentours, signifiant par cette attitude leur statut de proies.

— Oh oui, lui assura Sandra. Je suis dans un putain de monde post-apocalyptique, avec un fichu soleil qui brûle la journée, des goules prêtent à me bouffer à la moindre occasion et des mecs à la gâchette facile. Tout ça pour revoir quelqu'un qui ne se souvient même pas de qui je suis !

Sydney chercha une réponse, mais rien ne lui vint. La destructrice était visiblement mal à l'aise, peu habituée à côtoyer quelqu'un avec autant d'assurance envers elle. Pas qu'elle soit particulièrement crainte, mais sa réputation la précédait. Beaucoup d'humains l'adulaient pour ce qu'elle accomplissait, même si d'autres voyaient d'un très mauvais œil sa place dans la hiérarchie, appartenant au sexe féminin.

Cette femme, devant elle, n'était peut-être qu'une fan hystérique, au point d'être persuadée de la connaître en personne.

Cependant, au milieu de ce désert, dans ce lieu si reculé et seule, comment avait-elle survécu ? Lorsqu'elle l'avait surprise, les alentours étaient exempts de toute autre présence.

Le doute l'assaillait. Une question qu'elle ne put retenir franchit ses lèvres :

— Tu viens de l'ascenseur ?

— Tout comme toi, rétorqua malicieusement Sandra.

— Comment... Comment tu le sais ? On se connaît ? Tu m'as connue dans l'autre monde ?

— Non, c'est ici que je t'ai connue. Il y a deux ans. Tu es Sydney, la destructrice. Je pourrais dire plein d'autres choses encore...

— J'ai vingt-cinq ans, la coupa soudainement Sydney. Et toi ?

— Vingt-trois. Mais on s'en fiche... Qu'est-ce que j'ai fait, putain !

Sandra se releva en donnant un violent coup de poing dans le sable. Elle enfouit sa tête dans ses mains. La situation était absurde. Comment Sydney pouvait-elle avoir vingt-cinq ans alors qu'elle avait trente-huit ans il y a deux ans ? Elle s'était trompée de monde... Oui, ça devait être ça ! Les mondes-parallèles, ces feuilles qui glissaient les unes sur les autres, il devait y en avoir une multitude.

À travers tous ces mondes, comment retrouver la vraie Sydney ? Et celle-ci, elle n'était pas fausse... C'était une copie ? Il existait d'autres Sandra ? Sa tête devenait douloureuse à force que les données s'y bousculent. Tout cela était irréaliste.

La jeune femme ne put retenir ses larmes. C'était plus fort qu'elle. Elle ne voulait pas pleurer, pas ici, pas comme ça, pas devant celle qui n'était qu'une inconnue. Mais c'était irrépressible.

— Je dois retourner à l'ascenseur, annonça Sandra en attrapant le chiot.

Un cri strident émana des immeubles en contre-bas. Ce son fut rapidement rejoint par une cohorte d'autres. Les deux femmes se regardèrent. Bien sûr, Sandra avait deviné que cela ne présageait rien qui vaille.

— Les goules ont senti ta présence, expliqua Sydney devant l'air déconcertée de la jeune femme.

— Je retourne à l'ascenseur. Je me fiche des goules.

— Attends, t'es sûre que tu viens de l'ascenseur ? Tu donnes plutôt l'impression d'être très sûre de toi pour quelqu'un qui n'as pas grandi ici. Tu ne feras pas deux mètres dans ces décombres avant qu'elles ne te tombent dessus.

Sandra essuya les larmes qui avaient maculé ses joues. Plantée devant Sydney, elle ne put réprimer un sentiment... Celui qu'elle n'avait plus connu depuis deux ans. Cette sensation de bien-être. La présence de Sydney, ses mots, l'apaisaient. Tout était plus facile quand elle était là, même si des monstres prêts à les réduire en charpie arpentaient les bâtiments à moins d'une centaine de mètres d'elles.

Pour s'assurer de ce qu'elle éprouvait, Sandra se pencha pour embrasser Sydney.


https://youtu.be/8UVNT4wvIGY

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