Chapitre 38

Sydney saisit la main que Sandra lui tendait. Non sans mal, elle se redressa sur ses pieds. D'un regard, elle questionna sa complice. Le corps sans vie de Sunset gisait au sol, la griffe de son pouce enfoncé loin dans sa carotide, le bras tordu dans un angle droit anormal.

Sa gorge la brûlait, son esprit n'assimilait pas encore ce qu'il venait de se produire. Pourtant, elle avait assisté au spectacle. Alors c'était comme ça que ça devait se finir ?

— Merci, murmura Sydney, les cordes vocales douloureuses suite à la strangulation.

— De rien. Tu es blessée ? demanda Sandra.

— Pas physiquement. Mais mon ego pourrait aller mieux. Surtout que tu as fait ce que je voulais faire depuis des années... Il faut y aller. C'est le moment idéal pour aller jusqu'à l'ascenseur, je pense que mon plan a marché et que la plupart des goules sont mortes ou trop occupées à fuir.

Sydney se précipita pour ramasser son sabre, talonnée par Archimède. Le chien ne cessait de regarder sa maîtresse avec une expression de joie qui agitait tout son corps. Il s'approcha aussi de Sandra pour lui sauter gentiment dessus. Elle le repoussa doucement. S'il pensait qu'elle allait le féliciter alors que c'était elle qui avait presque fait tout le boulot, il se trompait. Alors que Sydney marchait rapidement vers la cage d'escalier, Sandra l'interpella :

— Attends deux minutes. J'ai patienté des heures à t'attendre, à écouter ce vampire psychopathe débiter des conneries. Me torturer psychologiquement...

— Oui, je suis désolée, j'ai un peu tardé, s'excusa Sydney en se rapprochant de la jeune femme, de toute évidence pour la réconforter du calvaire qu'elle venait de subir. J'ai fait aussi vite que j'ai pu.

— Oh, non, c'est pas pour ça que je dis ça... J'ai longtemps cru que tu ne viendrais pas. Ce que j'essaye de te dire c'est : bordel de merde, tu m'as menti !

A ces mots, Sandra venait de plaquer Sydney contre le mur à l'aide de son avant-bras. La destructrice grimaça de douleur, les séquelles du combat à peine terminé lancinait ses muscles et ses articulations.

— De quoi tu parles ? s'enquit Sydney, qui ne s'opposait nullement à la contrainte qui s'exerçait sur son corps.

— Tu viens de l'ascenseur ! explosa Sandra.

— Oh... Ça.

— Oui, ça ! Quand est-ce que tu comptais nous le dire ? Et pourquoi tu m'as menti ?!

— Je n'ai pas menti, rectifia la destructrice. Tu ne me l'as pas demandé. Et ça ne change rien.

— Bien sûr que si. Ça explique pas mal de choses, notamment le fait que tu nous aies crus et que tu nous sois venue en aide.

Sydney rit doucement :

— Si tu penses que je vous ai aidés pour cette raison, tu te trompes. Ça n'a rien à voir. En plus, excuse-moi, mais j'utilise les mêmes mots que vous, mon prénom est celui d'une ville qui n'existe pas ici et j'ai un pitbull, alors ce n'est pas de ma faute si vous n'êtes pas très observateurs.

Sandra la lâcha. Elle n'avait pas tort, comment avait-elle pu passer outre tous ces détails qui pourtant sautaient aux yeux ? Sydney avait grandi dans leur monde, elle était comme eux. Mais la jeune femme détestait qu'on inverse les rôles, d'être prise au dépourvu, alors qu'elle n'avait rien commit de répréhensible.

— N'empêche, on est quitte, s'empressa d'ajouter la destructrice, qui ne voulait pas laisser trop de temps à son interlocutrice pour réfléchir à la tonne de questions qui lui traversaient probablement l'esprit. J'ai menti par omission, mais je suis venue te sauver. Même si tu ne semblais pas vraiment avoir besoin de mon aide...

Les deux femmes se tournèrent vers le corps sans vie du vampire. Le sang imbibait désormais un large cercle autour du cadavre. Juste à côté, l'orchidée écrasée commençait à être souillée par le liquide vital. Ces pétales étaient panachés de rouge.

Sydney était stupéfaite qu'une femme sans arme soit à l'origine de la mort de Sunset. Cela aurait dû être elle, cela aurait du être la lame de son sabre qui tranche la gorge de cet infâme être sans âme. Mais le destin en avait voulu autrement. Soudain, la destructrice fut prise d'une inquiétude :

— Tu as vu Hannah ?

— Oui. Elle va bien, elle est partie avant que les choses ne dégénèrent. Tu savais que Sunset était son père ? J'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop.

— Ne t'en fais pas pour ça, sourit Sydney. Elle le détestait. Un vampire n'est pas un vrai père pour les jeunes goules, c'est juste un chef froid et sans cœur. Hannah n'est pas comme eux, j'espère qu'elle trouvera mieux désormais.

— Je ne comprends pas, Sunset est le père de toutes les goules ? Mais comment il procrée alors ? Ne me dis pas qu'il... engrosse ses propres filles ?

— Non, pas du tout. La consanguinité n'est pas une pratique courante chez les vampires. En fait, quand ses enfants atteignent un certain âge, en fonction du sexe, soit ils sont envoyés coloniser si ce sont des mâles, soit échangées contre les femelles d'un autre vampire pour les individus de sexe féminin. C'est ce qui attendait Hannah, échangée comme une vulgaire marchandise. Mais maintenant, elle peut disposer de son destin, même si ce ne sera pas facile de vivre en paix avec tous les dangers du désert.

La femme qui était presque morte sous les assauts du vampire baissa les yeux, pour cacher sa peine. D'aucune manière elle ne pourrait aider la goule, car les humains n'accepteraient jamais qu'un individu de son acabit ne rentre dans l'une de leur ville. Le plus triste, c'était que c'était compréhensible. Le conflit qui animait les deux espèces était trop virulent pour qu'il n'y ait la moindre exception.

— Excuse-moi, tenta timidement Sandra.

— Pourquoi ? interrogea Sydney, relevant la tête.

— De t'avoir jugée, sur le fait que toutes les goules ne méritent pas de mourir. Ce sont juste des humains, comme nous, après tout. Enfin, d'une certaine manière. 

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