Chapitre 35

Elle déambulait dans les rues de la ville, sans aucune envie de rentrer chez elle. Sandra marchait encapuchonnée dans son sweat noir. A cette heure tardive, les rues abondaient de groupes de jeunes. Pour certains, il s'agissait de la fin de la soirée, mais pour la plupart, ce n'était que le début en ce vendredi soir. La jeune femme traversa la rue, toujours sans but précis. Ses larmes marquaient ses joues et ses yeux étaient embués. Elle passa dans une rue où se situaient la plupart des bars, proche du campus universitaire.

Dépassant un groupe de trois hommes, qui ne devaient plus être étudiants car ils avaient dans la trentaine, l'un d'eux la siffla. Les personnes seules la nuit, surtout les femmes, se faisaient régulièrement ennuyer par des abrutis. Comme si siffler une femme pouvait avoir une raison valable, qu'elle allait soudainement ressentir une folle envie de se joindre à eux.

Alors que d'habitude, elle aurait continué son chemin sans relever ce manque de décence, elle s'arrêta et resta plantée à quelques mètres du groupe. Les gars rigolèrent, cigarettes au bec, devant ce bar plein à craquer de gens bourrés.

Hé ! Poupée ! Tu vas où comme ça ? lança l'homme qui avait sifflé.

Leur façon de rire et de parler fort trahissait leur état d'ébriété. Sandra resta impassible, toujours immobile. Elle entendit les pas de l'homme s'approcher et se raidit. Il posa sa main sur son épaule pour la forcer à se tourner et à lui faire face :

— Hé ! Je te parle. On t'a jamais appris la politesse ?

C'était l'hôpital qui se foutait de la charité...

Ses deux copains gloussèrent. Son haleine puait l'alcool, ses yeux étaient rougis par les breuvages alcoolisés. Alors que Sandra le fixa sans rien dire, le gars recula d'un pas :

Putain, t'es une zarbe toi ! Tu fais flipper, meuf, cracha-t-il en retournant vers son groupe.

Et toi t'es qu'un pauvre con, répondit sèchement Sandra.

Qu'est-ce que tu viens de dire ? s'emporta l'homme, qui avait fait demi-tour et jaugeait Sandra de haut en bas.

Laisse tomber, Mike ! s'écria l'un des amis de l'énergumène.

Hé ! Connasse, redis-le-moi en face si tu oses ! aboya le Mike en question, qui avait rapprocher son visage de la jeune femme, dans l'unique but de l'intimider.

C'est ce moment que choisit Sandra pour lui envoyer un violent jab dans le ventre, suivi d'un uppercut dans la tête. L'homme s'écrasa au sol dans la douleur, le nez en sang. Ses deux potes s'élancèrent sans réfléchir vers la jeune femme. Elle tenta un coup de pied, mais le premier homme l'évita et le second la ceintura.

Tandis que le gars au sol se releva, il lui envoya son poing dans les côtes à plusieurs reprises. L'homme qui la tenait la lâcha et elle tomba à quatre pattes. Les coups avaient été donnés avec une violence inouïe, elle n'avait pas l'habitude de subir les assauts d'un homme, surtout quand ce dernier faisait deux fois son poids.

Elle réalisa pourquoi les poids lourds en boxe n'apprenaient pas à encaisser, mais à esquiver. Qu'à cela ne tienne, cela lui apprendra à s'en prendre à n'importe qui. Qu'est-ce qu'elle croyait, qu'elle allait tenir en respect trois mecs ?

C'est bon, elle a son compte, on se casse, les gars.

Son corps s'affaissa sur le côté contre le béton froid du trottoir. Quelques personnes avaient assisté à la scène, mais aucune d'entre elles ne vint l'aider. La douleur était si intense, surtout quand elle respirait, qu'elle se diagnostiqua une côte cassée. Dans un effort ultime et en serrant les dents, elle se redressa et parvint à tenir sur ses jambes. Chaque mouvement envoyait des décharges électriques à son cerveau. Mais ce n'était que des messages, des informations, des connexions synaptiques qui s'activaient suite au traumatisme, rien de plus.

Elle se concentra sur sa mère décédée une semaine auparavant. N'avait-elle pas subi bien pire qu'une simple fracture ? Sa souffrance n'était rien comparée à la sienne. C'est avec cette idée en tête qu'elle prit la direction d'un taxi pour se rendre à l'hôpital.


***


Il faisait sombre dehors, les rayons du soleil ne filtraient plus à travers le verre opacifié. Sunset s'était préparé à se battre : il avait retroussé ses manches, et chose surréaliste, il avait mis son orchidée en sécurité dans un coin de la pièce. Contre toute attente, cette fleur devait avoir beaucoup d'importance pour lui. Le vampire surprit l'humaine à fixer la plante :

— Tu te demandes pourquoi j'y attache tellement d'intérêt, n'est-ce pas ? Les orchidées sont comme les vampires, elles ont évoluées pour survivre dans les milieux les plus hostiles. Leurs racines stockent l'eau, elles se contentent de presque rien. A l'inverse de nous, seul l'absence de soleil peut les anéantir, ce qui m'oblige à cohabiter avec une espèce parfaitement antagoniste à la mienne : quand je fuis l'étoile brûlante accrochée dans notre ciel, la magnifique merveille de la nature que tu vois ici en a un besoin viscéral. C'est bluffant cette façon qu'à la vie à toujours trouver un chemin pour subsister, alors que la physique des atomes laisse à penser que tout devrait tendre vers cette absence de vie, ce zéro, cette énergie nulle.

— Epargne-moi une nouvelle tirade plaintive, je commence à en avoir ma claque.

Le vampire rigola doucement devant tant d'aplomb. Même s'il voulait paraître serein et maître de la situation, quelque chose l'inquiétait. Et ce n'était pas les boutades sans effet de son otage. Non, il avait une expression plus sérieuse, un pas moins souple. Une voix moins posée.

De ce fait, Sandra en était sûre, la destructrice l'intimidait. Sans cela, il n'aurait pas cette attitude de stress. Il voulait la tuer, pas parce qu'elle avait trucidé sa femme comme il le prétendait, pas non plus parce qu'elle l'empêchait de manger, mais bien parce qu'elle lui fichait la trouille. Détruire ce qui effrayait n'était donc pas seulement le propre de l'être humain dans ce monde.

Subitement, la vitre vola en éclats dans un fracas assourdissant, laissant apparaître Sydney, qui se redressa. La voir enfin, après tant d'heures de doute, ne laissa pas Sandra indifférente. Plusieurs émotions la submergèrent, de la joie à la crainte. Ce n'était pas la fin du cauchemar, mais au moins, elle n'était plus seule. C'est tout ce qui lui importait.

La destructrice dégaina son sabre du fourreau dans son dos. Ses mains se bloquèrent sur le manche de l'arme, déterminée face au vampire, surpris par l'entrée fracassante de son adversaire. Surtout qu'ils se trouvaient au quatrième étage tout de même.

— Alors tu es venue, souligna le vampire.

— C'est impoli de ne pas répondre à l'invitation d'un vieil ami, ironisa Sydney.

— Peut-être est-ce encore moins poli de passer par la fenêtre, au lieu d'emprunter la porte comme toute personne civilisée.

Le vampire se rapprocha de la nouvelle arrivante. Elle resserra sa prise et attaqua d'un geste rapide, mais le vampire esquiva sans l'once d'une difficulté. Pire, il lui sourit en guise de provocation.

La maigre consolation qu'avait ressentie Sandra en voyant un autre humain qu'elle ici s'étiolait peu à peu, à mesure que l'ascendance du prédateur devenait de plus en plus évidente. Sydney était fichue.

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