Chapitre 19

L'enfant s'élança dans la maison. Son père était venu la chercher à l'école et ils avaient fait un crochet par le magasin. Comme d'habitude, il ne lui avait rien acheté de spécial, ne lui avait même pas prêté attention. C'était une fille sage, alors l'attention qu'elle n'obtenait pas de sa part, elle l'obtenait autrement : les inconnus, les vieilles dames, et même parfois les autres mamans la complimentaient. Tous ces gens lui disaient qu'elle était mignonne avec ses magnifiques yeux verts, qu'elle était sage. Ça la rendait heureuse.

— Maman ! hurla-t-elle dans l'immense demeure.

Aucune réponse.

Alors qu'elle parcourait le rez-de-chaussée à toute vitesse, la fillette ne trouvait pas sa mère. Elle s'aventura alors dans les escaliers, jusqu'à la salle de bain : vide. Elle s'avança jusqu'à la chambre de ses parents :

Maman ?

Alors qu'elle franchissait la porte entrouverte, son petit corps se raidit. Là, sur le sol, devant ses yeux, le corps de sa mère gisait juste devant le lit. Elle était sur le côté, le visage vers le plancher et caché par ses longs cheveux noirs.

Une forte odeur d'alcool émanait de la chambre. Des boites de médicaments étaient éparpillées sur le lit, et une bouteille de vodka presque vide était renversée sur le parquet, empreignant le bois d'une forte odeur d'éthanol.

— Jess ! Sydney ! Vous êtes où ? gronda son père de la cuisine où il venait de finir de déposer les courses.

La fillette se rapprocha du corps. Elle entendait les pas lourds de son père dans les escaliers et puis progresser vers la chambre. Sa petite main toucha celle plus grande de sa mère, allongée à plat ventre sur le sol. Lorsque sa peau entra en contact avec celle de sa mère, un choc violent la parcourue toute entière. Ce froid. Jamais elle n'oublierait ce froid.


***


— Tu penses à quoi ? questionna Sandra.

— A rien, mentit Sydney.

Le soleil commençait à monter dans le ciel et l'air devenait étouffant. Il n'y avait que du sable à perte de vue. L'horizon était cependant brisé par des dunes, et Sandra espérait secrètement qu'elles cachaient leur destination. Ou à la limite n'importe quoi qui ne soit pas des particules de quartz.

— On va s'arrêter, annonça la destructrice en déposant son sac et son sabre à terre.

— Merci mon Dieu !

Sandra se laissa tomber au sol. Sydney sortit un drap foncé de son sac à dos et des sortes d'arceaux métalliques, qu'elle assembla en une espèce de paravent improvisé qui créa une large zone ombragée. Elle s'y allongea, ainsi prémunie des rayons brûlants du soleil bientôt au zénith. Archimède et Sandra la rejoignirent.

— Il boite ton chien, rapporta Sandra.

— Je sais. Il a eu la patte cassée étant tout petit. C'est pour ça que je n'aurais jamais dû le prendre avec nous, c'est trop difficile pour lui.

— Ben pour moi aussi, se plaignit la jeune femme. Et puis tu peux me rappeler pourquoi on marche dans un désert déjà ?

— Je rentre chez moi. Sans ramener tes nouveaux copains avec nous, puisqu'ils sont trop cons pour se rendre compte qu'on aurait pu quitter SteelCity à pied. Ils sont sûrement encore en train d'arpenter la ville à notre recherche à l'heure qu'il est.

— Très chouette plan, si on exclut le chien boiteux, le temps caniculaire et les ampoules à mes pieds, ironisa Sandra. T'aurais dû laisser Archimède avec Nathan, au moins il aurait eu autre chose à penser que de sauter Jessica.

— Mon chien n'est pas une ceinture de chasteté. Et tes amis sont grands, ils font ce qu'ils veulent.

— Merde, moi qui pensais que t'étais de mon côté ! De toute façon, le sevrage à la nicotine provoque des sautes d'humeur et une baisse de la libido, avec un peu de chance...

— ...il va tuer ton amie ? acheva Sydney. Arrête de te torturer l'esprit, je ne pense pas qu'ils vont finir ensemble.

— D'accord Madame Irma, mais ne l'appelle pas "mon amie". C'est pas une amie, c'est un crush, c'est celle avec qui je rêve de sortir. C'est pas une fille comme les autres.

— Elle n'a rien de spécial pourtant, se hasarda Sydney.

— Si, elle a un truc. Elle est peut-être physiquement assez banale, mais y'a un truc très fort qui émane de son être. Je sais pas l'expliquer, c'est comme si je pouvais la comprendre, même si elle ne dit rien. Comme si il existait une connexion entre nos âmes.

— Euh... Y'avait une connexion quand elle t'a balancé sa main dans la figure ? questionna Sydney, visiblement amusée.

— Nan... En fait y'a une connexion entre nous,mais c'est un peu comme si il y avait un bug dans la matrice, puisqu'elle est hétéro. tu comprends ?

— Absolument... pas ! Ça n'a aucun sens. Elle te plaît physiquement quand même ?

— Oui, admit Sandra. Elle est jolie, mais j'en connais de bien plus jolies qui ne me plaisent pas pour autant.

— OK. Ce sont juste les phéromones alors. T'es jeune, t'as tes récepteurs tout émoustillés par ses molécules de séduction voilà tout.

— C'est... scientifiquement exact. Comment tu connais ça ?

— Je dois avoir l'air bête pour que tu me poses ce genre de question, argua Sydney.

— Non pas du tout, juste que ce monde, par rapport au mien, semble si misérable, je pensais pas que ses habitants puissent être si cultivés. Puis j'ai tendance à penser que les femmes ont une intelligence inversement proportionnelle à leur beauté.

— Je vais prendre ça pour un compliment... Ma mère était médecin. J'ai lu ses cours, lui révéla Sydney.

Sandra la regarda longuement, comme si elle avait appris le truc le plus important de tout l'univers, avant de demander :

— Quelle spécialité ?

— Chirurgie cardiaque.

Sandra ne répondit rien. C'était la branche de la chirurgie vers laquelle Jessica voulait s'orienter. Et elle n'avait plus envie de penser à elle en ce moment. Car c'était un peu à cause de Jessica si elle était au milieu de ce désert, alors la rancœur commençait à l'envahir. Autant changer de sujet :

— Je meurs de faim... On mange quoi ?

— Rien.

Sandra resta bouche bée devant cette réponse. Sydney lui tendit alors une gourde qu'elle saisit rapidement et s'empressa d'ouvrir.

— Ne bois pas tout, la mit en garde la destructrice.

— Rassure-moi, t'as pas que ça comme eau ? Et tu plaisantes pour la bouffe, pas vrai ?

— Non, je suis pas d'humeur à plaisanter. Et oui, c'est toute l'eau qu'on a. Désolée, mais je suis toute seule à porter nos affaires, je n'ai pris que le nécessaire. On reprendra la marche quand le soleil déclinera. On va rejoindre Plainfields en moins d'une journée, tu survivras.

— J'avais quelques kilos à perdre, ça tombe bien, la taquina Sandra. Tu veux que je porte quelque chose ?

— Non, tu as déjà du mal à déplacer ton propre poids. Et puis la bretelle du sac va frotter sur ta blessure, je tiens pas à ce qu'on doive te couper le bras.

— Moi non plus... Puis je perdrais tout mon charme avec un bras en moins, sourit Sandra.

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