Chapitre 1 - L'anniversaire de Blair
Les baffles crachaient une musique assourdissante. Une banderole bariolée sur laquelle s'inscrivait en lettres capitales « Happy birthday » pendait lamentablement à travers le salon. Des verres vides traînaient un peu partout et une odeur d'alcool empestait dans la villa : pas de doute, la soirée touchait à sa fin. Cette soirée, c'était la fête d'anniversaire de Blair. La jeune femme fêtait ses vingt-et-un ans, en tenue sexy et bien trop maquillée, comme à son habitude.
Pour l'occasion, ses parents lui avaient confié la maison et donné carte blanche. Et elle et ses amis en avaient profité.
Oh que oui, bien profité, et certains plus que d'autres ! pensa-t-elle. Et ce con qui va gerber sur le tapis ou pire, sur le sofa... Quel bordel, avec seulement six personnes, non mais vraiment, je vous jure...
Blair coupa subitement la chaîne stéréo :
— Bon les gars, il se fait tard, on va faire l'after sans musique. Tim, tu ne gerbes pas, d'accord ? Sinon ma mère va me tuer !
Le Tim en question acquiesça en silence, ce qui ne rassura pas le moins du monde Blair, soucieuse de garder intacte la confiance que ses parents lui accordaient. Affalés sur un canapé non loin, Jessica, Dylan et Nathan pouffèrent. Blair leur jeta un regard noir, avant de balayer le salon aux allures de rave party des yeux :
— Quelqu'un sait où est Sandra, par hasard ?
***
Il faisait noir dehors. L'obscurité de la nuit engloutissait le jardin, malgré quelques ombres dessinées par la lueur de la lune. La lumière réverbérée par l'astre ne suffisait pas à rendre le lieu accueillant.
Quelques étoiles étincelaient dans la voûte céleste. Ces boules d'hydrogène qui se consumaient pendant des milliards d'années devaient trouver ridicule de fêter une simple année terrienne de plus. Du moins, si elles avaient été dotées de conscience.
Une sombre forme humaine attira l'attention de Nathan, alors qu'il s'était aventuré hors de la bâtisse pour fumer. La rejoignant, il s'assit sur le muret au bord de la piscine et tendit une cigarette à Sandra, qui l'accepta sans broncher.
— Tu ne t'amuses pas ? demanda Nathan sur un ton taquin.
Sandra ne répondit pas. Elle se contenta d'écarter ses cheveux châtains quand Nathan approcha la flamme du briquet pour allumer sa cigarette. Quelques bouffées de nicotine plus tard, et devant l'indifférence de la jeune femme, il poursuivit :
— Tu devrais vraiment te la sortir de la tête, tu sais ça ? Tu te fais du mal pour rien...
— Et toi, tu appliques ce que tu me baratines ? rétorqua malicieusement la jeune femme.
— Écoute, toi au moins tu sais pourquoi elle ne veut pas de toi. Moi...Ben moi je suis un gars, mais je l'intéresse pas.
Sandra encra ses iris dans ceux du jeune homme, d'un brun similaire. De grande taille, son ami possédait un physique anodin et des cheveux châtains coupés courts. Même s'il n'était pas très convoité par la gent féminine, son apparence était loin d'être repoussante. De plus, sa gentillesse et sa sensibilité jouaient en sa faveur.
Mais aucune fille à part Sandra ne semblait s'en rendre compte. Tout simplement parce qu'il avait des airs de gendre idéal, et ce n'était pas ce qui attirait les femmes, bercées par des rêves d'évasion et de bad boy. Dommage, à une décennie près, les princes charmants étaient encore à la mode.
Il avait raté le coche, y comprit avec Jessica. Pourquoi cette dernière ne voulait pas de lui ? Elle n'en savait rien, mais n'en avait, pour ainsi dire, rien à foutre. Si son ami pensait qu'elle allait l'aider à se mettre en valeur alors qu'ils convoitaient tous les deux la même femme, il se fourrait le doigt dans l'œil. L'altruisme avait une limite, et cette frontière infranchissable s'appelait Jessica.
Sandra tira sur sa cigarette et libéra une volute de fumée avant de répondre :
— Je peux pas la sortir de ma tête... Surtout quand je la recroise.
— Ça finira par te passer.
— Et pourquoi tu m'embêtes avec ça ? protesta la jeune femme, sur la défensive. T'as pas autre chose à faire que de me faire la morale ? Genre, te fendre la poire avec les autres à l'intérieur ? Vous m'avez tous laissée, depuis deux mois ! Plus d'invitations, plus de nouvelles, rien ! Si ce n'était pas l'anniversaire de Blair, je ne serais même pas là ! Alors retourne dedans et laisse-moi tranquille.
Nathan détourna le regard, l'air penaud. Sandra avait arrêté de venir en cours il y a déjà plusieurs mois. Depuis, le groupe qu'ils formaient tous avaient continué sans elle, sans que personne ne s'en soucie vraiment. Nathan était son confident, il savait qu'il aurait dû penser à l'inviter plus souvent, à venir la chercher... Peut-être aurait-il même dû la contraindre à poursuivre ses études ?
Avec tout le courage que sa démarche requérait, il se tourna vers Sandra avec un aplomb qui le surprit lui-même et expliqua :
— Quand ta mère est morte, personne ne savait comment réagir. Personne n'a eu le courage de venir te voir. Les autres, ils t'ont envoyé une simple carte de condoléance. Je suis venu à l'enterrement, j'étais là pour toi. J'ai pas envie de me jeter des fleurs, tu vois, mais avoue que tu n'as pas fait beaucoup d'effort de ton côté... Tu aurais pu revenir en cours la semaine d'après.
— Je peux pas te laisser dire ça ! Tu sais qu'après plusieurs années préparatoires en médecine c'était stupide d'arrêter, ce n'était pas ce que je voulais.
— Alors quoi ? Qu'est-ce qui t'as poussé à abandonner, Sandra ? T'aurais été acceptée partout, t'as toujours eu les meilleures notes du groupe !
— Ma mère n'avait pas d'argent de côté...
— C'est pas une excuse, l'interrompit Nathan. Avec tes notes et en tant qu'orpheline, tu aurais eu une bourse. Alors pourquoi tu as abandonné ?
Son ton se faisait plus provocateur, presque menaçant. Sandra le fixa, bouche-bée. Comment osait-il l'accuser de ne pas en faire assez, alors que sa mère venait de mourir ? Sa relation fusionnelle était pointée du doigt quant à son inaptitude à continuer à vivre par elle-même, mais ils avaient tous torts. Tous, même son meilleur ami, et cela lui faisait mal. Alors qu'elle retenait sa peine, les mots sortirent dans un murmure :
— La médecine n'a pas été capable de sauver ma mère...
Nathan, abasourdi, ne dit plus un mot, se contentant d'intégrer les paroles qu'il venait d'entendre. Cette révélation l'ébranla au plus profond de son âme. C'était pourtant une évidence qui ne lui était jamais venue à l'esprit depuis toutes ces semaines.
Sandra regarda sa montre. Le cadran affichait minuit passé de quarante minutes. Une brise légère et agréable éparpilla l'odeur de chlore de la piscine.
Après un moment passé dans le silence le plus total, en communion avec les étoiles qui se moquaient éperdument des déboires d'ici-bas, Blair passa la tête dans l'entrebâillement de la porte qui donnait sur le jardin :
— Ah, vous êtes là ! Écoutez, on va raccompagner Jess jusqu'à chez elle, vous venez avec ?
Jess ne veut pas dormir ici cette nuit, songea Sandra. Sûrement parce que je suis là...
En parlant du loup... Jessica apparut derrière Blair. Ses longs cheveux noirs lâchés, une silhouette on ne peut plus banale, la jeune femme était plutôt jolie. Mais une beauté simple, sans artifices, ce qui offrait un contraste saisissant entre elle et Blair.
— On vous suit, lança Nathan en direction des deux jeunes femmes.
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