Prologue (9) : Le mystère tendu comme un fil de soie
Ce n'était pas une dispute trop sévère, mais il n'empêche que Nako nous a bien tapés sur les doigts, lorsqu'elle est arrivée avec le repas.
On a eu droit ensuite à un bon sermon d'une demi-heure sur la nécessité de bien s'entendre et de se comporter en adulte responsable. Bon, je comprends où elle voulait en venir, je pense qu'elle et moi partageons la même peur, celle que ce genre de disputes bénignes ne finisse par dégénérer en quelque chose de bien plus grave. Mais quand même.
Ruben avait l'air de vouloir s'enterrer dans un trou de souris. Flor, pourtant même pas concernée, a marmonné quelques mots d'excuse devant la toute-puissance maternelle. Et je dois bien le dire, Emerens lui-même n'en menait pas large. Et pourtant, je ne le croyais pas du genre à écouter sa mère.
On va éviter toutefois de s'aventurer sur ce terrain-là.
La cuisine de Nako, délicieuse de surcroit, avalée, nous nous sommes posés dans le canapé pour reprendre les jeux de cartes. Dérangés de temps en temps par Flor, qui fait la chasse à toutes les taches qu'on a laissés derrière nous pour les nettoyer à coup de savon, et par-là j'inclus aussi les blagues crasses d'Emerens.
Le nombre de fois où elle lui a pulvérisé de l'eau en pleine figure...
J'ai bien tenté de lui dire que faire le ménage aussi en profondeur n'était pas nécessaire, mais elle s'est contentée de lever les yeux au ciel et de continuer à frotter. Eh bah bordel, je veux pas faire un cliché sur les filles, mais vraiment, Flor, quelle maniaque, on dirait ma...
Ouais non, je vais pas m'aventurer sur ce terrain là non plus. Emerens n'est pas le seul à avoir des problèmes avec les mamans.
Enfin bref. Du coup, Moanaura a pris sa place dans le canapé, et la communication, bien qu'hasardeuse, se fait. Heureusement pour moi, Moanaura connaît la plupart des jeux de cartes d'ado et ne voit aucun inconvénient à ajouter des règles votées dans les groupes. J'ai fait un peu de trad, évidemment, mais au-delà de ça, le jeu est universel.
« On devrait faire un strip poker, pour le prochain tour, » ricane Moanaura après nous avoir tous écrabouillés à la belote. Enfin, presque tous.
Le seul à ne pas avoir joué, Emerens, a un léger rire après ma traduction.
« T'es sûre que tu veux me défier sur ce terrain ?
— Certainement pas, soupire Ibrahim. Je vous rappelle qu'il y a des adolescents, ici. »
L'adolescent en question, Ruben, hoche vigoureusement la tête, rouge tomate, et jette un regard outré à Emerens qui ne se départit pas de son sourire de travers.
« C'est vrai, quel dommage... Je t'en proposerai un plus tard, alors, Ibrahim ?
— C'est toujours non. »
Le Soldat secoue la tête, l'air amusé malgré la sécheresse de sa réponse. Et j'espère bien qu'il dit non. J'ai vraiment aucune envie de me désaper devant mon meilleur ami et des quasi-inconnus, hein, surtout que je ne suis pas très doué au poker. Et que, vu le talent de Moanaura pour nous plumer à la belote, à mon avis, y'en a au moins une qui nous écrase.
Ruben, qui tient depuis tout à l'heure en ayant eu les quatre as au moins trois fois d'un coup, se gratte le crâne, gêné.
« On peut peut-être changer de registre ? Avant que... Eh bien, que certains proposent... D'autres gages salaces.
— Si on ne peut plus rigoler, pouffe Emerens. Mais je me rends à cet argument. On a des jeux de plateau, ici ? »
Alors là, s'il y a quelqu'un en mesure de nous renseigner, c'est bien Flor, vu à quel point elle astique en profondeur depuis tout à l'heure. Je me tourne vers elle pour lui poser la question, et elle hausse les épaules, avant de reposer ses chiffons.
« Non, rien. Par contre, la grosse fille a dit qu'elle allait chercher une... Je crois que c'est une console de jeux. Pas très bien compris le sens de sa phrase...
— Je suis de retour ! annonce Nako au même moment. Et j'ai trouvé une Switch avec Mario Kart et Mario Party, pour que vous puissiez tous jouer ! »
Mario Kart ? Nako, je vais écrire une ode à ta gloire. Enfin de quoi me venger d'un certain Emerens van Heel qui me fait du charme depuis tout à l'heure. Et de Moanaura et Ruben et leur chance insolente aussi.
En fait, il n'y a que d'Ibrahim dont je ne peux pas me venger. Le pauvre enchaîne les défaites avec une violence inouïe depuis tout à l'heure, je comprends pas comment il fait pour être encore de bonne humeur.
« C'est sympa comme tout, Nako, intervient Emerens alors que ladite Nako installe la Switch, mais on ne peut jouer qu'à quatre sur une seule console... Et en ligne, il nous faudrait plus de Switch comme d'écrans.
— Plus de la thune pour les online, vu que je doute que tout le monde ici ait un abonnement, je rajoute, d'un ton grognon. »
Nako a un petit rire.
« Ne vous en faites pas, je vous ai aussi pris Super Smash Bros Ultimate. A vous de décider ce que vous voulez... »
Décidément, je vais construire un temple à la gloire de Nako. A la sienne, et à celle des trois jeux qu'elle me montre avec un grand sourire en branchant la Switch tant aimée. Eh bé putain, nos kidnappeurs ne sont pas trop des monstres. Quoique, il y avait un nouveau DLC qui allait sortir bientôt... Mon plus grand regret, c'est d'avoir été capturé avant la sortie de Joker.
« Tu crois qu'on va avoir les mises à jour Switch ? Je lance à Emerens pendant que Nako met Mario Kart. Parce que je veux pas dire, mais louper les prochains DLC, ça pète les couilles.
— Si seulement, pouffe Emerens. Mais nos braves amis en noir et blanc ne prendraient pas le risque que l'un d'entre nous se connecte à Internet. Goto se ramènerait en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
— Fais chieeeeeer... Bon ben y'a plus qu'à survivre, je crois. Qui c'est qui joue à Mario Kart ? »
Ruben, visiblement rendu tendu par mon commentaire, secoue la tête de gauche à droite avec une grimace. Flor aussi, se contentant de s'asseoir à côté de nous. Ce qui fait que les préposés aux manettes sont donc Ibrahim, moi, Emerens et Moanaura. Nako, elle, passe son tour avec un sourire, avant de s'asseoir devant un PC de bureau qu'elle a visiblement ramené en même temps que la Switch.
Nous voilà donc tous entassés sur le même canapé devant la télévision, épaules contre épaules, ou presque. Ruben et Flor prennent l'autre canapé, et le Joaillier commence une discussion à voix basse avec la Forgeronne, lui montrant des mots dans son dictionnaire sans se préoccuper de notre gros tas de gens. Ça commence à faire beaucoup de mise à l'aise, là.
Après, est-ce qu'une telle détente est une bonne où une mauvaise chose ? ça se discute, pour plusieurs raisons. L'une d'entre elles étant qu'il sera à la fois plus facile et plus difficile de s'entretuer si on est amis, plutôt qu'inconnus.
Allez, Thibault, puisque Mario Kart c'est, c'est le moment de ton éternelle vengeance. Il est grand temps que tu écrabouilles tout ce beau monde...
Je prends ma voiture et personnage favoris, parce que pas de pitié pour les braves, et nous voilà partis dans le premier grand prix. Et le moins que je puisse dire, c'est que je ne m'attendais pas à ce que ma plus grande adversaire soit Moanaura.
Pourquoi je dis ça ?
Parce qu'elle plafonne à la septième place depuis le début de la course, et bon sang ce que c'est drôle !
J'suis sympa, je leur ai juste mis du 100cc, pour bien commencer. Mais apparemment, même ça, c'est trop pour eux. Ibrahim joue comme un manche, et se maintient pas trop loin du onzième uniquement parce qu'il a le mode antichute. Quant à Emerens... Eh bien, c'est un réel plaisir d'entendre sa jolie voix proférer des jurons tous plus obscènes les uns que les autres.
« Gottverdammt ! Merde, Thibs, les bananes, c'est dans ma bouche, pas dans mes roues !!!
— Oh non, tu t'es pris une de mes peaux de banane, quel dommage, je ricane en même temps que mon personnage sur l'écran fait une petite danse de la victoire. Si près de la neuvième place...
— Mange ça au lieu de m'enculer à sec.
— Oh, non, une carapace bleue. Si seulement je ne gardais pas depuis tout à l'heure pile le bon objet pour les repousser. Et un, et deux, et trois ! »
Mon compte à rebours s'achève au moment où j'utilise l'espèce de haut-parleur chelou dont j'ai jamais le nom, et la belle carapace bleue qu'Emerens voulait tellement me fourrer au fond du cul se retrouve aussi sec repoussée, accompagné du deuxième qui s'était mis trop près de moi.
Non, attendez une minute. C'est Ibrahim, ça. J'ai rattrapé Ibrahim, la bonne blague...
Ce dernier n'en est d'ailleurs absolument pas vexé. Il se contente de pouffer.
« Décidément, je n'ai vraiment pas de chance avec toi. »
J'ai même pas le cœur de me moquer, il est juste trop gentil pour un éternel perdant... Par contre, Moanaura, elle, n'a pas les mêmes scrupules, vu qu'elle rigole.
« La vache, tu nous as déjà mis un tour d'avance ? Mais quelle bande de grosses merdes...
— Eh oui, ça s'appelle le talent. Et maintenant, j'ai plus qu'à atteindre la ligne d'arrivée, et... Oh l'enculé de ses morts ! Emerens, le coup de cul avec la carapace au bout, c'est vraiment dégueulasse, merde ! »
Bon, il y gagne rien, si j'ai un tour d'avance sur lui, c'est bien que j'ai semé tout le monde ; Mais quand même, ça pète les couilles, c'était une de mes meilleures courses jusqu'à présent. Surtout qu'il a bien calculé son coup, parce qu'il vient de me balancer dehors !
Ce dernier ricane.
« C'est ça, bouffe ton seum. Tu disais quoi déjà ? Le talent ?
— Je vais te faire bouffer ton sourire en coin.
— Biologiquement pas possible. Et puis, fallait bien chuter un peu de ton piédestal, Thibs ! »
Ouais bah en attendant, qui c'est qui te met une branlée ? C'est moi. J'arrive premier de très, très loin et savoure le plaisir de poser ma manette en regardant les autres galérer comme des cons. Mais bon, être le meilleur, ça donne soif, et qui a l'idée de profiter du fait que je me lève pour me mettre à profit ?
« Oh, tu vas chercher à boire, le nain ? Ramène-moi un jus de papaye, s'te plaît ! »
Et merde, tant pis pour la discrétion. Moanaura a bien attiré l'attention sur moi comme il faut, et tout le monde ne tarde pas à me passer commande, même Ruben et Flor. Pire encore, même Nako, qui bosse sur son ordinateur depuis tout à l'heure sans bouger un orteil. Décidément, je suis l'esclave de cet bande de cons. Est-ce qu'on appelle ça le karma ?
De retour dans le salon avec un jus de papaye, deux jus de mangue, un d'orange, un Orangina et deux Monster (ce frigo est sacrément bien garni dites-donc), je commence par aller déposer sa commande à Nako. Elle ne semble pas remarquer que je suis à côté d'elle, mais à peine la Monster est-elle arrivée dans son champ de vision qu'elle la prend, la décapsule et s'en enfile une grande gorgée tranquille.
Je jette un œil à son écran pendant qu'elle me remercie. Un modèle de personnage tourne sur lui-même, entourés de sigles que je ne comprends pas. Je préfère m'abstenir.
De toute évidence, pendant que je partais, la course s'est finie. On en est à la fin du grand prix, et ma voiture parade avec deux bots : Sur le classement, Moanaura est arrivée sixième, Emerens dixième et Ibrahim réussit l'exploit de ne pas marquer un seul point. Moi ? Premier sur toute la ligne avec soixante points marqués, évidemment.
Moanaura semble bien se moquer des deux, d'ailleurs, et j'ignore si c'est la non-compréhension du français où la patience d'Ibrahim qui le laisse aussi calme, mais je suis impressionné. Emerens, lui par contre, comprend visiblement très bien qu'on se moque de lui. La seule chose qui ne le fait pas bougonner, c'est qu'il a décroché sa jambe artificielle de son support, et est désormais incapable de se lever. Pourquoi ça le mettrait de bonne humeur ? Il va nous exploiter, voilà pourquoi.
« Du calme, mec, je soupire en lui tendant son Orangina. Tu fais peur à Ruben et Flor. »
Lesdits Ruben et Flor qui le regardent d'un drôle d'air. Enfin, Flor a plus l'air agacée qu'autre chose.
« C'est ça, grommelle Emerens en me prenant son soda et mon bol de chips des mains. Attends un peu qu'on mette Mario Party qu'on rigole.
— Mais oui bien sûr. Allez, je fais en tendant à Ruben, Flor et Ibrahim leurs jus de fruits. Contente-toi de pas être trop dégueu au prochain grand prix. »
Emerens lève les yeux au ciel, mais ne dit rien. Sans doute parce qu'il n'en a pas le temps. Il faut dire, pour sa défense, qu'un solide coup dans la porte suivie d'une voix sonore et bien connue de nous deux, ça te cloue le bec.
— Salut, bande de gros flemmards ! On est rentrés, et avec du monde à accueillir ! »
Bon ben merde pour le prochain grand prix ? Sérieusement, Sachiko, t'as choisi ton moment. En plus de ça, Nako vient de se retourner sur un fauteuil, finissant d'une gorgée son reste de Monster, pour lancer à notre crieuse professionnelle un solide « On arrive, inutile de crier ! » et se tourner vers nous.
« Bon. Qui vient avec moi accueillir les nouveaux ?
— Oups. Eh bien, pas moi, Nako, j'en ai bien peur, pouffe Emerens. Je suis comme qui dirait cloué au canapé. »
Mais bien sûr, et tu ne viens pas du tout de balayer ta prothèse avec ta jambe valide de telle sorte à ce qu'elle soit hors de ta portée. Non. Tu n'oserais pas faire un truc aussi sale, voyons.
Le pire, c'est que le mouvement d'yeux d'Ibrahim m'indique qu'il est à bout de patience, et c'est dire vu le modèle de calme. Même s'il va gentiment lui chercher sa jambe artificielle –et c'est fort dommage pour sa tentative d'échappatoire– il ne semble pas de très bonne humeur. En tout cas, les sourcils un poil plus froncés que d'habitude.
Par contre, du côté des autres, on a Moanaura qui ne capte rien, Flor qui s'est renfoncée dans le canapé sans doute à l'entente de la voix de cette chère Sachiko, et Ruben, finalement le seul à se lever pour aller rejoindre Nako. Et bon, vu que je suis encore debout, autant l'accompagner. J'aime pas l'idée de le laisser seul avec trois potentielles hostilités, plus Ade. Surtout en voyant la raideur de sa démarche.
Je lève donc à mon tour les yeux au ciel avant de me diriger vers la porte, suivant Nako et Ruben. Pourvu qu'on en finisse vite...
Evidemment, je ne pouvais pas voir mes prières exaucées. Parce que devant moi, il y a une véritable troupe commando. Sachiko, évidemment, bras passé autour des épaules d'une Ansgar toujours aussi calme ; le reste du groupe originel, à savoir, Alannah, Seo-jun et Ade, qui semblent prendre avec des taux d'enthousiasme très variés notre grand retour, et trois petits nouveaux.
Les trois petits nouveaux m'inspirent le moins confiance du tas, d'ailleurs. Déjà, un grand dadais aux cheveux verts, qui passe son temps à fixer du regard les insectes qui lui tournent autour : Et ce sont de vrais insectes, pas les mouches d'Alannah. Le deuxième, un... Une... Bon, merde, on va dire une personne. Petite taille, cheveux courts et bruns, genre indéfini, on verra plus tard, qui me fixe avec hostilité. Enfin, pas que moi, d'ailleurs. Tout le reste du groupe ou presque. Et le troisième...
Est-ce que je peux dire que c'est le karma si je sens mon cœur rater un battement ? Non parce que, ledit troisième, jusque-là, était caché derrière Seo-jun, ou plutôt en train de fixer les boiseries de la maison avec un petit air pète-sec, et je n'aimais pas du tout sa manière de se tenir. Mais il vient de tourner la tête pour nous détailler, et évidemment je me retrouve plongé dans les prunelles dorées les plus étincelantes que j'ai jamais vues. Soulignées d'un trait d'eye-liner du même or, pour ne rien gâter.
Et merde. Bien le moment de se sentir aussi gauche.
Heureusement qu'il y a Nako pour accueillir les gens à ma place. Et que je n'ai pas besoin de bouger et par conséquent de me ridiculiser pour servir de cachette à un Ruben peu rassuré.
« Enchantée ! Nako Moriyama, Ultime Game Designer. On a encore quelques malpolis dans le salon, plus loin, elle rit, mais au vu du nombre, cela n'a pas grande importance, on sera probablement obligé de se séparer...
— J'avoue qu'on est nombreux, je marmonne, ayant repris un peu de contenance. Jamais on tiendra tous au même endroit...
— Eh oui, petit humain, c'est pas de la tarte de rassembler tous les Ultimes, ricane Sachiko. Effectivement, on est trop nombreux pour ces p'tites maisons de ville, on comptait s'installer à côté de vous. On vient juste vous voir pour s'assurer de la répartition...
— Parce que j'en ai plus qu'assez de la supporter, lance Ade, froide. Et que j'ai expressément demandé à ne pas me retrouver en sa présence. »
... Eh bien, voilà qui a le mérite d'être clair.
Ça explique aussi la certaine tension que je sens planer dans le groupe. Si vraiment Ade est comme ça depuis tout à l'heure, les pauvres, ça a dû leur prendre la tête.
Ansgar ferme les yeux.
« ... Entre autres problèmes. De plus, j'ai jugé qu'il était bon de présenter Sparrow, Aldéric et Houshang ici présents. »
Iel désigne d'un mouvement de la tête les trois nouveaux. Qui réagissent chacun à leur nom, enfin, si on peut appeler le regard absent du grand type « réagir ». C'est tout juste si sur son visage se dessine un sourire vide, qui ne tarde pas à se parer de coccinelles.
Il me fait peur, lui.
De derrière moi, Ruben, sans doute pas plus rassuré, déglutit.
« Euh... Bonjour... Madame Kasjasdottir... Messieurs... »
C'est bien parce qu'il est mignon que je le laisse s'accrocher à mon bras, hein. Parce que là, il me fait mal, l'enfoiré.
Heureusement, sa présence et son ton semblent rassurer au moins l'un d'entre eux, à savoir, le petit gamin dont je n'ai toujours pas le genre. Ce dernier se racle la gorge, avant de bafouiller :
« ... Salut... Je me présente, Aldéric Lapointe-Chauvin. Ultime Couturier... Est-ce que... Vous savez... Ce qu'on fait là ? »
J'échange un regard avec Ruben, qui s'est raidi. Personne l'a prévenu ?
« On t'a pas fait de topo ? Bizarre, j'aurais pensé que Sachiko l'aurait fait... »
Et c'est pas que j'ai pas envie de dire au gamin qu'on va s'entretuer mais j'ai pas envie de dire au gamin qu'on va s'entretuer. Sans déconner, il a l'air tout fragile, le moindre coup de vent le briserait ! On dirait presque Ruben, sans les douleurs chroniques.
Et si Ruben semble parfaitement conscient de notre situation, ce fameux Aldéric, lui, semble complètement à la ramasse. Et pas beaucoup plus courageux qu'il n'est conscient de sa situation, vu qu'il vient de déglutir.
« Elles me racontent... Des histoires, de Monokuma, de Tueries et d'Ultimes ! ça me fiche la trouille, je comprends pas ! Je sais pas ce qu'il se passe ! »
Ah ben si, visiblement, on l'a prévenu. Sachiko vient de lever les yeux au ciel, et Ansgar soupire, avant de baisser d'un ton pour ne pas être entendu.e d'Aldéric.
« On a essayé de les prévenir sur le chemin. Houshang a plutôt bien assimilé l'information, mais Sparrow semble l'avoir oubliée, et lui, il est plongé dans le déni. Soyez sympathique, il a sans doute une quinzaine d'années... »
C'est un conseil qui est cependant inutile en présence de Nako, qui lui attrape doucement les épaules avant de lui sourire, un sourire rassurant. Ses pouces massant délicatement les épaules de l'adolescent, elle l'éloigne un peu du groupe, avant de lui parler à voix basse.
« Allons, allons. Il est inutile d'envisager le pire, Aldéric, c'est cela ? Ansgar ici présente a simplement émis une hypothèse qu'il faut considérer, rien n'est confirmé. Nous sommes en sécurité, pour le moment, et tu pourras prendre le temps de nous connaître avant qu'on soit réellement en danger... »
Sa voix est tellement douce que moi-même, je me sens instantanément calmé. Ses paroles n'ont rien de rassurant, soyons clairs, j'ai pas envie de m'entendre dire qu'on risque de tous crever d'ici peu ; mais au bout de quelques secondes de ce genre de paroles, Aldéric se détend, et se permet même un faible sourire. Bien joué, Nako. Au moins, il ne sera pas trop surpris lorsqu'on se retrouvera, inévitablement, à s'entretuer.
Nako semble trop occupée avec Aldéric. Je me tourne donc vers les deux autres. Les dénommés Sparrow et Houshang, si je ne m'abuse. Dont l'un d'entre eux continue de jouer avec les coccinelles, et l'autre pousse un profond soupir.
« Eh bien eh bien, en voilà une belle bande de bras cassés. »
Oh j'aime pas son ton. C'est pas parce que ses yeux me donnent envie de m'enterrer dans un trou de souris et que pour couronner le tout il a une superbe voix que je vais me laisser faire, sur ce coup-là. Nan mais sans blague...
« Dis-donc, tu pourrais te présenter au lieu d'être aussi hautain !
— Vous d'abord, si vous le permettez, réplique l'autre du tac au tac. Vous avez mon prénom, mais je crains de n'avoir rien de vous. »
J'aime de moins en moins la tournure que ça prend. Un grognement peu engageant m'échappe. C'est le combientième qui va me faire répéter mon titre ?
« Thibault Laangbroëk... Ultime Théoricien. Ton tour. »
Je ne loupe cependant pas la lueur fort intéressée qui s'allume dans ses yeux à l'énoncé de mon titre. Oh, ça sent pas bon, ça. J'espère vraiment qu'il a pas entendu parler de moi, parce qu'entre Sachiko et Ansgar, ça ferait trois, et trois de trop.
La prochaine fois, je penserai à un titre de couverture, sans déconner.
Si toutefois j'en ai l'occasion.
« Ah... L'Ultime Théoricien. »
Je grimace, mais il se contente de s'incliner, dans un geste gracieux.
« A mon tour de me présenter, donc. Je me prénomme Houshang Cyrus Yazdgard bint Sassan, Ultime Danseur de mon état. Ravi de faire votre connaissance, très cher. »
Marrant comme son attitude à mon égard change tout de suite lorsqu'il apprend mon titre. Et ce n'est absolument pas rassurant. Le seul avantage de cette présentation, c'est que maintenant, je me souviens à peu près de qui il est.
Houshang bint Sassan. Si je me souviens bien, il est iranien, installé en Allemagne depuis... Je ne sais plus. C'est un vidéaste extrêmement célèbre qui gagne sa vie avec ses démonstrations de danse en direct. J'ai vu aucune de ses vidéos, c'est plutôt Maylis qui en était fan, mais son titre ne m'étonne pas réellement, de fait.
C'est qu'on se paye pas le fond du panier, ici. Entre Ansgar Kasjasdottir et lui, ça commence à faire beaucoup de gratin.
« Je ne l'aime pas beaucoup, chuchote Ruben dans mon oreille. Il est froid. »
Ouais, toi comme moi, Ruben. D'ailleurs, je remarque qu'Alannah, Seo-jun et Ade s'en tiennent aussi très éloignés. Honnêtement, vu son côté pète-sec, je peux comprendre pourquoi. Moi, il me fiche juste la trouille. Je n'ai aucune envie de savoir ce qu'il connaît de mon titre.
Ce type-là pourrait me peindre une cible sur le dos juste en lâchant les bons mots.
Malheureusement pour lui, cependant, Ansgar l'a entendu, et son visage se fait réprobateur.
« Monsieur Andersen. Un peu de tenue, je vous prie. Un citoyen de la Fédération doit savoir se comporter de la bonne manière en pleine Tuerie. »
Ruben rougit d'un seul coup.
« Oui, pardon madame Kasjasdottir, désolé, madame Kasjasdottir... »
... Minute. Il est originaire de la Fédération ? Putain, tu m'étonnes qu'il ait la trouille ! Y'a sa cheffe suprême et Ultime Dictateurice à deux mètres de lui, à sa place je me pisserais dessus, moi ! Bon, ça explique pas comment elle connaît son nom, mais j'imagine que si quelqu'un a un potentiel d'Ultime...
Ansgar Kasjasdottir le tient à l'œil jusqu'au bout.
Je grimace. Vite, changer de sujet.
« Et l'autre ? Qui c'est, l'autre ? »
L'autre en question, le fameux grand type en train de jouer avec les coccinelles, m'ignore d'ailleurs royalement. Il se contente de tendre le doigt, sous le regard assez dubitatif d'Alannah et Seo-jun. C'est Ade qui me répond, le ton plein de mépris.
« Inutile de chercher à lui faire la conversation. Il ne nous parle que par monosyllabes. Je ne sais même pas quels pronoms il utilise, jusqu'ici, il a employé les accords féminins comme masculins pour se désigner. »
Et c'est sans doute pas ton mépris qui va aider, Ade. Je fais signe à Ruben d'aller voir Nako et Aldéric, toujours dans leur coin, avant de me planter devant le géant vert. Qui, constatant enfin une présence étrangère parmi ses insectes, penche la tête vers moi.
« ... Tiens. Un humain. Qui es-tu ? »
Monosyllabes, hein, Ade ? Tu parles, il, elle, est juste peu bavard. Je secoue la main devant lui en guise de salut, et je vois son regard la suivre. Ses yeux sont toujours peu focalisés, mais au moins, il me voit.
« Salut. Thibault Laangbroëk, enchanté. Et toi ? Tu as un Ultime, non ? »
Il hausse les épaules.
« Certes. Je ne le comprends pas, par contre.
— Pas d'inquiétude, lance Ansgar, nous le comprenons pour toi. Peux-tu le donner à Thibault ? »
Il sourit, avant de se désigner du doigt.
« Sparrow Davies. Ultime Vétérinaire. »
Bien, on avance déjà un peu plus. Je suis donc en présence des Ultimes Danseur, Vétérinaire et Couturier, qui visiblement sont tous les trois des personnages... Intéressants, si je puis me permettre. Et je dis ça uniquement pour ne pas carrément dire qu'ils sont au mieux paumés, au pire carrément flippants.
Sparrow se désintéresse assez vite de moi. Elle chantonne une comptine pour les coccinelles, visiblement, avec toujours ce grand sourire absent. Je crois qu'on est pas plus intéressant à ses yeux que des insectes, quelle joie...
« Bon, je soupire. Ça, c'est fait. Comment on se répartit ?
— Ce serait sympa qu'on arrive à caser tous les francophones ensemble, intervient Sachiko, que je trouvais étonnamment silencieuse. Toi, Nako, le gamin aux aiguilles, la tarée et la folle au sabre. Pour les autres, après...
— J'aimerais autant éviter de faire maison commune avec un enfant dans le déni, siffle Ade. Et je n'admets toujours pas tes insultes.
— Ha ! Tu t'es reconnue. Et tu veux qu'on fasse comment, génie ?
— Reste avec Ansgar, intervient Nako. Je viens avec vous, et j'emmènerai Aldéric et Moanaura. Seo-jun et Alannah peuvent rester avec nous, elle ajoute en regardant les deux intéressés, qui fixent leurs pieds depuis tout à l'heure. Ça fait sept. Comme ça, on s'évitera les plus gros ennuis... »
Bien pensé, Nako. Elle garde deux des francophones avec elle, Sachiko et Ansgar sont ensemble, Seo-jun sera retenu par sa patronne, Alannah sera sans doute mieux avec elle aussi, et de l'autre côté, je me récupère juste le Danseur hautain et le grand con aux insectes. Et Ade, aussi, mais je préfère Ade loin de Sachiko vu la tension qui règne.
Enfin, la personne que je préfère le plus loin de Sachiko, surtout, c'est...
« Vous en mettez, du temps. Que se passe-t-il, quelque chose vous a glués au sol ? »
... Et merde. Soit Ibrahim a poussé Emerens aux fesses, soit il est devenu curieux de notre retard. Dans tous les cas, il est planté dans l'encadrement du couloir, appuyé contre le mur, et Sachiko de toute évidence n'est pas en état de supporter sa présence vu qu'elle crache instantanément au sol.
« Tiens donc, enfin tu te pointes, salopard de blondasse, elle grogne, les dents montrées. Curieux de voir tes prochaines victimes ? »
Les paupières d'Emerens se plissent instantanément.
« Je ne t'ai pas demandé tes petits commentaires mesquins, Kimura. Plus encore quand ils semblent terrifier lesdites supposées victimes. On ne t'a jamais dit que semer la paranoïa en pleine Tuerie était le meilleur moyen de provoquer un meurtre rapide ? »
... Mais c'est pas vrai, quel crétin ! Aldéric vient de glapir, et Alannah est blanche comme un linge. En plus de ça, s'il pensait calmer Sachiko, c'est raté. Au contraire, je peux voir la veine palpiter sur sa tempe. Si quelqu'un ne fait pas quelque chose, elle va lui enfoncer sa jambe artificielle dans la gorge... Ou un autre trou que je ne citerai pas.
Le pire, c'est qu'Ansgar reste silencieuse. Et qui c'est qu'elle regarde, bien évidemment ? Allez, la devinette est facile.
« On se calme, les gars, je soupire. Vous allez même pas être dans la même maison, calmez vos miches !
— Je me calmerais volontiers, siffle Emerens, mais au vu de son attitude, je crois que cela ne résoudrait en rien la situation.
— Oh, la ferme, fils de pute, crache Sachiko entre deux grondements. Si je voulais entendre une vipère me faire la morale, j'aurais mis la main dans un nid ! Tu n'es pas ma mère, et je n'ai aucune envie de t'entendre parler comme la tienne !
... Oh, merde.
Le visage d'Emerens vient de se crisper net. Ses yeux écarquillés sont un assez bon indicateur de comment il le prend, c'est-à-dire, pas bien du tout, pour les paumés comme Sparrow qui est le seul à ne pas sentir la tension générale.
Il fait un pas en avant vers Sachiko, et je pourrais presque voir ses doigts se tendre, prêts à se refermer autour du cou de la Chanceuse, si dans mon champ de vision gauche, un mouvement ne me distrayait pas.
Une seconde. C'est largement suffisant pour que j'entende un claquement retentissant. Et au son d'un coup de canne contre le sol dont l'écho se répercute jusqu'à mes oreilles, Emerens comme Sachiko se figent sur place. Avant de se tourner, lentement, vers Ansgar Kasjasdottir.
Cette dernière semble toujours aussi calme. Ses yeux, la seule partie de son visage qui exprime une émotion, sont chargés d'un agacement froid. Vrillés sur Sachiko, sur Emerens, qui ne bougent plus d'un poil, ignorant les frissons qui envahissent le reste du groupe.
A l'exception, évidemment, de Sparrow qui joue toujours avec ses insectes.
L'Ultime Dictateurice nous a tous calmés d'un simple coup de canne sur le sol. C'est appuyée dessus qu'iel nous fixe, le dos droit, le menton relevé.
Une reine.
Une reine qui rend son jugement.
« Cessez vos gamineries. Il n'est que contre-productif de se disputer de la sorte, maintenant, devant les autres Ultimes ! »
J'ignore par quel miracle elle réussit ce prodige, mais la bombe que je sentais prête à détoner dans les airs en est aussitôt désamorcée. Sachiko se rétracte aussitôt, sur un juron japonais fort peu aimable, et autour, tout le monde se calme instantanément. Ne reste finalement qu'Emerens. Qui, lui, se contente de tourner les talons et de disparaître dans le couloir sans un mot de plus.
J'exprimerais bien mon soulagement mais le regard froid d'Ansgar me donne envie de m'aplatir au sol et de prier pour son pardon. Même en sachant que j'ai strictement rien fait.
C'est Ansgar, qui, finalement, reprend la parole.
« Je crois que ceci est réglé. Thibault, peux-tu emmener Ade, Houshang et Sparrow avec toi, pendant que Nako ramène votre autre francophone ? Profites-en pour voir comment va Emerens. Il semblait contrarié. »
Sembler, c'est rien de le dire, madame, et contrarier, d'autant plus. Sachiko a mentionné sa mère. Je ne sais pas si c'était volontaire ou un simple coup de malchance de sa part, ce qui serait surprenant de la part de l'Ultime Chanceuse... mais le résultat est le même.
Je me contente de hausser les épaules, et fait signe à Sparrow et Houshang de venir. Ce dernier me suit sans discuter, les yeux toujours vrillés sur moi, mais Sparrow, lui, secoue la tête.
« Non, non. Je vais dormir dehors, avec les insectes.
— ... T'es sûr ? ça va pas être giga confortable, les pavés...
— Il y a un parc pas loin. Je me débrouillerai.
— Effectivement, grommelle Sachiko pendant que Sparrow, visiblement pas décidé à m'écouter, détourne les talons et suit ses chères coccinelles. C'est là qu'Ansgar l'a trouvé. Bon, c'est pas tout ça, mais je m'arrache, moi.
— Eh là, minute. »
Mes doigts se referment autour de son bras. Je ne m'étais même pas rendu compte de mon mouvement avant de l'avoir fait.
« Demain, t'as intérêt à t'excuser. »
Elle siffle.
« En quel honneur ?
— En l'honneur de, je réponds froidement, cette violence n'était absolument pas justifiée. Il y a des limites entre détester quelqu'un et sortir des phrases aussi cruelles, que tu le veuilles ou non. »
Ses yeux se plantent dans les miens. Jaunes. Dorés, même. Mais ses prunelles sont bien plus froides que celles d'Houshang. Sombres. Et je n'aime vraiment pas la lueur qui y brille.
Si les yeux sont le miroir de l'âme, celle de Sachiko doit être bien agitée.
Ses lèvres s'entrouvrent, et s'en échappent des mots qui n'ont jamais pensé si lourd sur mes épaules.
« Ne me donne pas de leçons que tu vas regretter. »
Son poignet s'arrache à ma prise.
Quelques secondes plus tard, la voilà partie. Suivie du reste du groupe, ne laissant derrière moi qu'Ade, Houshang et Ruben. Les trois la suivant des yeux en silence.
Je ne peux m'empêcher de grimacer.
« ... Eh bé putain.
— C'est le moins qu'on puisse dire, soupire Ade. Rentrons, je veux me présenter au reste du groupe. »
Houshang hoche la tête, et nous voilà à l'intérieur.
Rejoindre le salon se fait en silence. Le même silence que celui qui règne dans la pièce quand on y rentre. Flor est calée dans un coin sombre de la pièce, debout, son regard sombre posé sur le canapé ; Moanaura semble avoir débarrassé les lieux assez vite, ne laissant derrière elle qu'elle, Ibrahim et Emerens, les deux derniers sur le même canapé.
Emerens est assis les genoux rentrés. Entre ses bras, un oreiller est serré contre sa poitrine, et ses yeux fixent le vide. Même la main d'Ibrahim qui lui tapote l'épaule ne suffit pas à le calmer. Quelque chose dont le Soldat semble bien conscient, vu que, en nous voyant arriver, il se lève pour se diriger vers Ade et Houshang d'un pas rapide, ignorant Ruben qui va voir Flor.
« Enchanté. Ibrahim Nassaoui, Ultime Soldat. Vous excuserez mon accueil froid, mais...
— Aucune importance, le coupe sèchement Houshang. J'ai eu ma dose de présentations, de toute façon. Comment nous répartissons nous pour dormir ?
— Il y a trois chambres à l'étage, soupire le Soldat même pas chamboulé. Nous avions dormi dans la même pièce la nuit dernière, mais au vu du nombre et des nouveaux, on s'est dit qu'on pouvait s'en servir. L'une d'entre elles est pour Ruben, par contre. Pour ses douleurs.
— J'en prendrai une autre, dans ce cas, réplique Houshang sans même regarder Ibrahim. Je pense avoir besoin d'une certaine intimité, et les personnes qui m'intéressent ici ne sont pas en état de discuter. Sur ce, je vous souhaite bonne nuit. Inutile de m'appeler pour le souper. »
Et le voilà parti. Tant pis, ce n'est de toute façon pas lui qui m'intéresse...
Je me dirige vers Emerens toujours les yeux dans le vide. Ade m'accompagne, mais c'est vers moi qu'il se tourne en entendant nos pas. Et c'est dans ma direction qu'il ouvre les bras, laissant tomber son oreiller.
Je pousse un profond soupir.
« Hey. Tu me permets ? »
Il hoche la tête, et je me cale entre ses bras, le laissant me serrer contre lui comme une grosse peluche. Ça me rappelle des souvenirs, tiens. Et franchement, je ne lui jetterai pas la pierre de vouloir des câlins.
Je le laisse caler sa tête dans mon cou. Et pousse un soupir de soulagement en sentant son pouls se calmer.
« Voilà. Mieux, là, non ?
— ... On va dire. »
Il m'attire un peu plus près dans le canapé, oublieux des autres. De toute façon, la seule qui nous regarde, c'est Ade. Et à ce stade, je me fous pas mal d'Ade.
« Désolé, Thibs, il finit par soupirer. Je ne voulais pas que tu voies ça.
— Nan, t'inquiètes, je comprends l'énervement. Je te connais assez pour savoir qu'il y avait des mots à ne pas dire, surtout concernant ta génitrice. »
Il resserre ses bras autour de moi.
« ... Sans doute... Était-elle vraiment obligée de la mentionner... ? »
Probablement pas.
Je suis épuisé, d'un seul coup. Toute la fatigue de la journée est en train de me rattraper, un peu plus et je vais m'endormir dans ses bras. La tension qui retombe, sans doute. Ou peut-être est-ce, simplement, que je me sens de retour chez moi.
Comme au bon vieux temps...
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