Prologue (3) : Tous les chemins mènent à une seule solution

Il a fallu après cette triste réalisation qu'on mette au point un plan d'action.

Ansgar, au bout de quelques minutes de discussion avec Sachiko en un japonais que seul Emerens semble avoir compris, s'est éloigné.e. Seul.e. Sans doute dans le but de chercher d'autres Ultimes de son côté, vu que nous, nous sommes un peu limités.

Je suis assez surpris que Sachiko soit encore avec nous. Désagréablement. Parce que vu l'affection qu'elle témoignait à l'égard d'Ansgar, comparée à nous pauvres pégus, je me serais dit qu'elle l'aurait suivi.e, et dieu que ça m'aurait fait des vacances. Sauf que non, je n'ai décidément pas de chance, et maintenant je suis obligé, pour m'épargner d'avoir mal à la tête à cause de leurs insultes constantes et des babillements d'Alannah, de m'éloigner de mon côté.

Au moins, je suis enfin en mesure de réfléchir. Donc. Cinq Ultimes identifiés dont moi, huit confirmés, seize au maximum. Et on en a pour sans doute quelques milliers de mètres carrés par personne, vu le temps qu'on a passé rien que pour trouver Alannah et Ansgar. Rappel, une heure et demie. C'est long, une heure et demie, et moi, j'ai faim.

On est coincés dans un lieu immense, et pour couronner le tout, ce n'est ni dans la Fédération du Nord, puisque Ansgar est prisonnière, ni au Japon ou en Belgique, ou même aux Pays-Bas ou en Irlande, au vu de l'air tropical. Donc, aucun moyen pour n'importe lequel d'entre nous quatre de se repérer en cas d'échappée miraculeuse. Un hélicoptère est à notre disposition, mais actuellement, aucun des cinq Ultimes confirmés n'est en mesure de le piloter. En tout cas, ni moi, ni Sachiko, je doute fort qu'Emerens cache ce genre de talent dans sa manche, et Alannah et Ansgar ne m'ont pas l'air de savoir non plus.

« Thibault ? »

Gardons ça en tête, un hélico nous permettrait peut-être au moins de rallier un pays allié, ou pas encore sous le contrôle des Monokuma. Je vais demander à Alannah de le surveiller, autant se servir du fait qu'elle ait des mouches littéralement partout. En plus, puisque nous sommes au moins huit, je compte encore trois chances sur huit pour que l'un d'entre nous sache piloter ce genre de machines. Après, si c'est le cas, nos geôliers ont sûrement prévu le coup. Inutile de se rattacher à un faux espoir.

« Ahem. Thibs. On te parle. »

J'ai comme un bourdonnement dans l'oreille, là... On appelle mon prénom ? Non, pas possible, ni Sachiko ni Emerens ne se seraient concentrés sur moi, et je dois pas être si intéressant que ça pour Alannah, quand même. En plus, c'est chiant, ça m'empêche de réfléchir. Essayons d'en faire abstraction...

Du coup, j'en conclus qu'on est : Dans un lieu extrêmement urbain qui refoule autant la jungle que le béton, qu'il est visiblement accessible par hélico et bonjour les gros moyens, et qu'on a un espace faramineux pour quelques Ultimes. Une situation exagérément ironique, dans le comique d'hyperbole. Mais cela reste un indice supplémentaire. Je ne connais qu'un groupe terroriste qui met de tels moyens, et l'autre entité excessive ne se préoccupe pas de nous autres les Ultimes pas encore passés par une Tuerie.

Conclusion logique de la chose–

« Thibs, tu as deux secondes pour te réveiller avant que je ne prenne des mesures efficaces. Allez, debout ! »

...

BORDEL DE MERDE !!!!

Qui. Sur cette PLANÈTE. Cet UNIVERS, même. A permis à ce monumental CRÉTIN. De se mettre aussi près de mon visage !!!!

En plus, il fait claquer ses doigts juste sous mon nez et putain ce que je déteste ça, ça brise absolument toute ma concentration ! Merde, Emerens, l'air qui sort de ma bouche est si attirant que ça pour que tu viennes le respirer d'aussi près ?

J'suis sûr que je pue de la gueule en plus. Vraiment, je le comprends pas.

Plusieurs choses se passent en simultané. Un, voyant sans doute qu'il est arrivé à ses fins, Emerens recule son visage, assez pour que je puisse voir l'expression agacée de ses traits ; deux, ma main, mue par un réflexe de survie obligatoire, part en plein vers sa joue avant que je ne bondisse en arrière. Et trois, hélas pour moi Emerens n'a rien perdu de ses réflexes surhumains. Parce qu'il chope mon poignet en moins de temps qu'il n'en faut pour le traiter d'enculé.

Ah, et, quatre, j'ai chaud. Et pas à cause du vent tropical.

Ça sent pas bon ces histoires.

Sachiko ricane, visiblement ravie de la tournure que ça prend.

« Oh non c'est pas du jeu ! j'aurais bien voulu que tu la lui colles, la baffe !

— Le jour où il arrivera à m'en mettre une, soupire Emerens, c'est que je lui aurai demandé. En attendant, on avait autre chose à voir, je crois, Thibs.

— Ta GUEULE. C'est mon espace vital que tu envahis sans pression, mon pote.

— Mes excuses, je pensais que tu avais repris l'habitude, pouffe Emerens sans la moindre pression. Mais bon en attendant, Thibs, mon trésor, ça fait cinq fois qu'on essaie de t'appeler. Au bout d'un moment, c'était ça, ou les chatouilles. »

Pitié pas les chatouilles, j'ai de mauvais souvenirs de l'internat. Je devrais être content qu'il en soit pas arrivé là, vu à quel point je crains, le souci étant que je cuis encore du souvenir de son visage à deux centimètres du mien, et que je crois bien que je vais mourir d'embarras. Donc bon, autant ne pas manifester mon soulagement. Ça vaut mieux pour ma pomme.

« C'est ça. J'aurais préféré que tu t'abstiennes tout court, j'étais bien dans mon coin. Fin bon, vous vouliez un truc ?

— Oui, savoir ce qu'on fait, intervient Alannah. On est un peu coincés en fait... »

Comme toujours depuis tout à l'heure. Mais bon, ils doivent bien avoir compris l'évidence, on ira pas bien loin avec les deux Némésis. Autant ne pas en rajouter, et écouter Alannah continuer.

« Du coup, Sachiko veut camper devant l'hélico que vous avez repéré, Emerens, lui, il veut continuer à avancer, et moi, euh... Je sais pas en vrai. Du coup on voulait avoir ton avis ? »

Quand je disais qu'on allait être coincés. Pour qu'on en arrive à avoir besoin de moi, c'est vraiment qu'on touche le fond du trou, et j'ai aucune envie de leur donner la pelle. Mais du coup, puisque visiblement je suis le seul à réfléchir, eh bien, allons-y, réfléchissons.

« Mon avis ? Personne ici ne sait piloter. La ville est putain d'immense. Si on campe dans un coin, on prend le risque d'y passer plusieurs jours dans des conditions précaires, et ça je crois que ça va vite finir en meurtre, n'est-ce pas, Sachiko, Emerens. »

Les deux concernés lèvent les yeux au ciel. C'est ça, c'est ça, faites genre. En attendant vous savez que j'ai raison.

« Du coup, je continue, je vois pas trente-six solutions. Il faut qu'on cherche d'autres Ultimes, comme Ansgar, et de préférence sans se séparer. Cette ville est immense, si on commence à se répartir dans tous les sens, on va se perdre.

— C'est un plan de merde, me coupe immédiatement Sachiko. On a un hélico à portée de main qu'on risque de perdre, tu veux vraiment qu'on prenne ce risque ? »

Je lève les yeux au ciel.

« Sachiko, ça fait une heure et demie qu'on a quitté la station, si l'hélico est encore là, il y restera. Mais puisque tu y tiens tant, autant qu'Alannah foute un de ses drones en surveillance, puisqu'on a la chance d'en avoir sous la main !

— Enfin quelqu'un de raisonnable, soupire Emerens. Merci, Thibs. »

De rien pour avoir exprimé l'évidence. Mais au moins, la mention des drones semble avoir calmé Sachiko, qui laisse Alannah programmer sa machine en lui indiquant une direction, celle dont on vient. Heureusement qu'elle est là, d'ailleurs, parce que moi, je serais bien incapable de retrouver ce foutu hélico.

D'ailleurs, je me demande bien pourquoi il n'y avait que nous à son pied, sachant qu'Emerens s'est réveillé dans une maison. Par quelle logique avons-nous été répartis ?

Il va falloir que je demande aux autres. Pour avoir une meilleure idée de ce qui nous attend.

« Allez. On met les voiles ?

— Pas trop tôt, grommelle Sachiko. Je commençais à m'enraciner.

— Aux dernières nouvelles, siffle Emerens en réponse, c'est toi qui faisais des difficultés, Kimura. Donc aies au moins la politesse de fermer ton clapet avant que je ne m'en charge moi-même. »

Oh, ça va être pénible. Heureusement, la petite main d'Alannah qui se referme dans celle de Sachiko et l'entraîne au loin me permet d'avoir un temps de répit, et miraculeusement seul avec Emerens. Dont l'éloignement de la belligérante semble l'avoir bien calmé.

« Enfin on avance. Il serait temps qu'on fasse progresser cette histoire...

— Coopère, un peu, la prochaine fois, je soupire en lui tendant une main. Si à chaque fois qu'elle t'insulte, tu réponds, on ira pas bien loin non plus. Tu veux pas être sage un peu ? »

Il me prend la main avec un léger sourire, avant de se rapprocher de moi.

« Oh, je peux être très sage, trésor, il suffit de demander. Tu veux que je sois sage ?

— j'vais t'arracher la gorge à coups de dents si tu continues.

— J'aime ce plan. Allez, sois gentleman, on ne fait pas attendre les demoiselles. Tu t'occuperas de mon cas plus tard... »

... Eh bé le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a des choses qui ne changent pas dans la vie. A commencer par mon incapacité totale à faire porter une menace, qu'il se gênait pas pour retourner à chaque fois contre moi ; mais si en plus il rajoute la voix suave et les sous-entendus d'adulte à son charme et ses mots doux d'enfant, je vais pas m'en sortir, moi. Déjà gamin j'arrivais pas à encaisser, alors maintenant... Joie.

« Tu crois vraiment que c'est le moment de flirter ? Je grommelle, sans néanmoins lui lâcher la main. On est potentiellement dans une situation de vie où de mort et toi tu fais quoi ? Tu dragues !

— Je reprends les bonnes habitudes, tu veux dire, il pouffe. Sache, Thibs, qu'il y a toujours un bon moment pour de la drague, surtout quand je suis en ta merveilleuse présence. Et puis, tu peux parler, ce n'est pas moi qui t'ai tendu la main... »

Oui, et je commence à avoir des regrets, tu vois. En plus de la fort inconfortable chaleur en train de me prendre les joues, très certainement d'énervement face à ses compliments qui frappent en-dessous de la ceinture. Et pas de quoi que ce soit d'autre, compris ? J'ai vraiment pas envie d'y repenser maintenant.

J'ai suffisamment de choses à encaisser avant de devoir très sérieusement enregistrer le fait que j'ai retrouvé mon meilleur ami, qu'il est beau et n'a aucun scrupule à me faire du charme comme au bon vieux temps et que je crois que je n'ai pas tout à fait enterré cette année de ma vie.

Nous voilà donc à poursuivre Sachiko et Alannah, qui parlent de... Je crois que c'est des ressorts de la mécanique que je ne maîtrise pas. La pratique, c'est vraiment pas mon truc, moi je suis doué en formules mathématiques et en établissement de modèles, pas en normes de construction et en méthodes d'usinage. Me voilà donc exclu de leur conversation, ne me laissant qu'Emerens pour discuter, puisque, et heureusement pour mon ego, sa grimace fort éloquente m'indique qu'il y comprend encore moins quelque chose.

Enfin, si j'avais espéré pouvoir rattraper ces huit ans perdus, voilà mes attentes déçues. Un léger bip émane de l'espèce de manette de commande d'Alannah, et cette dernière bondit sur place, avant de se tourner vers nous, un large sourire aux lèvres.

« Enfin ! J'en tiens un, les gars !

— Un quoi ?

— un Ultime, crétin, me répond Alannah avec un gonflement des joues. Deux, même. C'est pas ce qu'on cherche ? »

Je lève les yeux au ciel. Oui, Alannah, mais derrière, je dois te signaler que juste dire « j'en ai trouvé un » peut autant signaler la présence d'un singe que d'un être humain, et si on a pas de chance, cet être humain est un Monokuma. Donc bon, pas si évident que ça, sale gosse.

Emerens me retient par le poignet avant que je n'aie eu le temps d'exprimer ma pensée. Foutu radar à sel.

« Génial. Et ils sont où, ces deux fameux Ultimes ?

— Cent mètres à droite à partir de cette rue. Je crois que c'est les deux tas de muscles dont je vous parlais tout à l'heure, elle continue. Vu les signaux renvoyés, c'est certainement pas des crevettes...

— Dix contre un que Yoon est là-dedans, marmonne Sachiko. Allez, on presse, j'ai une sale gueule de coréen à démonter. »

Je ne suis pas certain que même avec ton étrange force physique tu puisses démonter un mastodonte, Sachiko, mais si ça te fait plaisir. De toute façon, je crois que vu le sourire sur le visage d'Emerens, il serait ravi que tu te fasses péter la gueule. De toute façon, moi, ça m'arrange qu'on aille les voir, donc, bon.

Alannah nous guide, et c'est presque au pas de course qu'on parcourt les cent mètres qu'elle nous avait prédit. Au bout desquels se trouvent, effectivement, nos cibles, les deux fameux grands baraqués, un typé arabe et l'autre, sans doute le coréen dont parlait Sachiko au vu de son regard noir. Qui semblent trop occupés pour nous remarquer, puisque, comment dire... Ils chassent les mouches ?

J'ai une soudaine envie de rire en voyant ces deux grands dadais agiter les bras dans tous les sens et claquer des mains dans le vide, mais Alannah ne semble pas vraiment animée du même amusement que moi. Lâchant sa manette, qui retombe autour de son cou, elle se précipite en poussant des cris de colère vers les deux tas de muscles, une moue fort fâchée sur le visage.

« Hey hey hey ! Laissez mes mou-mouches tranquille ! Elles valent sûrement plus que votre propre vie ! »

Ah bah d'accord. Très aimable à dire dans une situation pareille, Alannah, bien, bravo, le tact ? Certes, les nanorobots tels que les tiens, ça doit valoir une fortune, mais quand même, s'il y en a un des deux qui décide que tu es dangereuse à cause de ça et que ça vaut de démolir le bitume avec ta tête, t'es très mal barrée, ma poulette.

Heureusement pour elle que les deux colosses ont l'air plutôt accommodants. Le premier cesse immédiatement son entreprise de meurtre d'insectes robotiques pour s'excuser auprès de l'adolescente, tandis que l'autre se contente de hausser les épaules, agitant encore une fois le bras avant d'abandonner. Il jette un dernier regard agacé aux mouches avant de nous remarquer derrière Alannah, et son visage devient instantanément plus blanc que neige.

« ... Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fous ici, Emerens ?!?

— Trop aimable, Seo-jun, ricane ce dernier. On dit pas bonjour à son camarade de classe préféré ? Quel malpoli !

— Laisse tomber les politesses, putain, tu te rends compte du bordel dans lequel on s'est– »

Fourré, je suppose, mais je ne peux que le deviner, puisque le fameux Seo-jun n'a pas le temps de finir sa phrase. La terreur aux cheveux noirs qui porte le doux nom de Sachiko vient littéralement de lui bondir dessus, mains refermées autour de son col, et le secoue avec une telle force que je suis prêt à revoir toutes mes hypothèses sur l'écart de force physique entre ces deux-là.

« Toi ! Tu me causes de bordel, mais tu te retrouves à laisser Ansgar Kasjasdottir se faire kidnapper, c'est pas un peu l'hôpital qui se fout de la charité, triple con ? Reviens pas me causer de bordel avant d'avoir bien compris que t'as merdé ! C'est quoi, ton deuxième patron qui se fait kidnapper ?!? Et tu oses te prétendre le meilleur dans ton domaine ?

— Ouch, grimace Emerens. Autant que j'adore voir Kimura se faire éclater la tronche, là, elle a frappé en-dessous de la ceinture. »

Ouais enfin c'est pas elle qui se fait éclater là- Ah, j'ai rien dit, le dénommé Seo-jun vient de se dégager d'un coup sec de son col et je n'ai même pas le temps de compter jusqu'au logarithme de un que Sachiko est déjà par terre, le coude de l'autre dans sa gorge et les deux bras coincés sous une basket. Effectivement, j'avais raison sur leur écart de force physique.

« Lorsque j'aurai besoin de tes leçons, je te les demanderai, Kimura, gronde l'autre, visiblement très en colère. En attendant, ferme ta gueule, on a d'autres problèmes.

— Lâche-la, Seo-jun, soupire l'autre gars. Tu as raison, on a d'autres problèmes, mais se disputer avec elle ne sert à rien. »

Seo-jun lève les yeux au ciel, mais desserre sa prise sur Sachiko avant de se décaler et de venir frapper un caillou du bout du pied. On a vu mieux comme première impression.

« ... Qu'est-ce que c'est que ce bordel...

— C'est ce que j'aimerais bien savoir, siffle Sachiko. Personne ne se rend compte d'à quel point c'est grave d'avoir Ansgar ici ?

— On s'en rend très bien compte, Kimura, mais si elle est là, c'est pour une raison, siffle Emerens. Inutile de commencer à se taper dessus, on ne fera que se desservir ! »

Dit-il. Et en attendant, je suis toujours paumé. L'un d'entre vous va-t-il répondre à ma question ? Non ? Bon. On dirait que je n'ai pas d'autre choix que de me renseigner auprès des deux autres, qui ont l'air au moins un peu plus calmes. D'ailleurs, le type arabe vient de se retourner vers moi.

« Excuse-moi, il demande dans un anglais ma foi très propre. Je ne crois pas savoir qui tu es ?

— Thibault Laangbroëk... Ultime Théoricien, » je soupire, résigné à devoir présenter mon Ultime à chaque fois. « Tu peux m'expliquer ce qu'il se passe ? Pourquoi il monte sur ses grands chevaux, l'autre ?

— Kimura a été très peu sympathique, soupire mon interlocuteur. Seo-jun ici présent est l'Ultime Garde du Corps, mais depuis son arrivée à Hope's Peak, il a eu le malheur d'être engagé par deux Ultimes. L'un d'entre eux est Kichiro Tamura, et... Je pense que tu sais comment ça s'est fini. L'autre est Ansgar Kasjasdottir. Qui, visiblement, se trouve ici, avec nous. »

Oh. Chouette. Donc je suis en présence non seulement d'un autre ancien d'Hope's Peak, voire deux vu que ce gars-ci est au courant du triste destin de Tamura, mais en plus, il a perdu un camarade dans une autre Tuerie. Son patron, en plus de ça. Un vrai bonheur.

Est-ce que tous ceux passés par cette maudite école sont en proie au même deuil ?

Est-ce que je dois poser la question à Emerens, aussi ?

Foutues Tueries.

« Oh, mais j'en oublie mes bonnes manières, reprend l'autre, un léger sourire aux lèvres. Enchanté. Je suis Ibrahim Nassaoui, Ultime Soldat. »

Ibrahim... Ibrahim, Ibrahim, Ibrahim, ça me dit un truc, mais quoi...

La révolution du Laos. Un coup d'état. La retransmission des mots d'un Révolutionnaire désabusé.

Oh, merde.

Donc, je tombe sur le garde du corps de Tamura, et l'ennemi juré de Nakano. Que des gars importants des Abysses. Il y a des pointures ici, et je ne suis pas certain d'apprécier ce que je vois. Parce qu'à n'en pas douter, eux, ils savent comment ça fonctionne, et si Tuerie il y a, ils vont comprendre immédiatement que je suis un véritable danger sur pattes.

Le fameux Ibrahim, en tout cas, ne semble pas avoir l'intention de me tuer tout de suite. Il se contente de se tourner vers Seo-jun, toujours passablement de mauvaise humeur, avec une expression attristée sur le visage.

« Ne fais pas cette tête. S'il s'agit bien des Monokuma, n'importe quel Ultime n'a aucune chance contre eux.

— Bien sûr, gronde Sachiko, et mon cul c'est du poulet. Ils ont fait quoi, Kizoku et Kita ? Un jeu de shogi avec leurs Monokuma ? »

Emerens se raidit, mais ne réplique rien. C'est Seo-jun qui est le premier à réagir, fixant Sachiko d'un regard embrasé. Et pas dans le bon sens.

« Mais tu veux pas fermer ta gueule, bordel ?!?

— Okay, stop, j'ai aucune envie que ça recommence, j'interviens. On fait la paix et on enterre la hache de guerre, yada yada, vous avez compris le principe. Seo-jun, c'est ça ? »

Ce dernier pousse un profond soupir.

« ... Ouais, c'est moi. Seo-jun Yoon, Ultime Garde du Corps. Ravi, les politesses de base, voilà. »

Ah bah voilà, c'est mieux. Je me présente une nouvelle fois puisqu'à mon avis, il ne m'a pas écouté, suivi par Alannah. Les deux nouveaux paumés, comme on dit. Et Ibrahim, voyant que la situation se désamorce enfin, me jette un regard de remerciement soulagé tellement brillant que j'en ai le cœur qui bat, d'un coup. C'est humain, pour les soldats, d'avoir un tel halo de calme ? J'ai l'impression qu'il a une auréole d'ange tant il...

... Merde, c'est pas qu'une impression. L'étrange reflet qui fait halo autour de sa tête, c'est le soleil qui se couche.

« ... Chier, jure Seo-jun. On a perdu trop de temps.

— Je ne sais pas à quelle heure on s'est réveillés, soupire Emerens, mais au moins maintenant, on est certains d'une chose, c'est qu'il est le soir. Quelque chose me dit qu'on va encore passer beaucoup de temps dans cette phase de l'histoire. »

Sachiko grommelle, mais a le bon goût de ne pas s'exprimer à voix haute. C'est Alannah qui prend la parole après lui.

« Au fait ! On a un hélico, apparemment, donc est-ce que l'un d'entre vous sait le piloter ? On sait jamais...

— Moi, oui, répond le Soldat, mais vous croyez que ça va nous servir ?

— Il y a au moins un hélico dans la ville, j'annonce, donc je préfère savoir. Ça promet d'être un moyen d'échappée facile, si on gère bien... »

Ibrahim grimace, tandis que Seo-jun, lui, se mord la lèvre.

« Ouais, j'ai eu mon content de faux espoirs depuis 2018. Vous avez pensé à le surveiller, au moins, cet hélico ?

— Ouaip, par drones, annonce Alannah. Donnez-moi juste le temps de retrouver la bonne caméra, et... »

Elle se tait. Les yeux plissés, les doigts serrés sur sa manette de commande. Je vois, sur sa tempe, une goutte de sueur rouler.

Je crois que j'ai déjà ma petite idée de ce qu'il va se passer.

De ce qu'Alannah va dire.

« Alannah, demande calmement Emerens. Est-ce que tu trouves l'hélico. »

Elle déglutit.

« Alors, oui, mais euh... On est d'accord que... Personne n'a rien entendu ?

— Que dalle, répond Seo-jun. En tout cas, pas de gros bruits. Pourquoi ? »

Alannah tourne son écran vers nous. J'y reconnais la station où je me suis réveillé. Ce sont les mêmes lignes peintes au sol, les mêmes barrières de sécurité, les mêmes escaliers. Mais d'hélico ? Point de trace.

Sachiko marmonne entre ses dents, des mots que cette fois j'identifie comme un « je vous l'avais bien dit » bien amer. Mais je m'en branle. Parce qu'il y a quelque chose d'extrêmement louche dans cette histoire.

« ... Comment c'est possible ? Un décollage d'hélico, ça se loupe pas quand on est à l'extérieur, et ils peuvent pas cacher un engin pareil, la station était surélevée...

— Désolé, mon vieux, grimace Seo-jun, mais si on a vraiment affaire à qui je pense, ils reculeront devant rien en termes de moyens. Je te parie ce que tu veux que là où t'étais, y'a un putain de sol ascenseur à la James Bond, ou même un truc à la con comme une grue. C'est une preuve supplémentaire qu'ils y mettront les moyens pour nous empêcher de dégager. »

Fais chier. J'aurais dû y penser, bordel, je sais que j'aurais dû y penser, mais mon esprit était déjà trop occupé par l'immensité de la cité et la quantité de problèmes que je me paye. Tu parles d'un Ultime Théoricien.

Et en attendant, on est coincés sans retour possible. Tu parles d'un désastre...



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top