Chapitre unique
Je suis désemparé.
En fait, ça fait des mois que je suis désemparé, que je ne sais plus quoi faire. Elle m'a interdit d'en parler à qui que ce soit, et, que ce soit bien ou pas, j'ai tenu ma promesse.
Mais elle va tellement mal que parfois, je passe la nuit a me retourner dans mon lit et a me demander si elle va mourir. Et c'est une sensation horrible. Parce que je suis impuissant, totalement. Je ne sais pas - plus - quoi faire, ou dire. Je sais seulement que je ne suis pas suffisant, et que pourtant je suis sa dernière chance.
L'art de consoler, cet inconnu. Je ne sais jamais quoi répondre a quelqu'un qui me dit qu'il souffre, qu'il va mal, ou même que quelqu'un dans sa famille est mort. Je ne sais pas comment réagir, même quand quelqu'un me dit « j'ai passé une mauvaise journée ».
Ça me donne juste envie de vomir. De souffrir, d'avaler toute sa peine. Ça me donne envie de pleurer. Juste pour un enfant qui fait tomber sa glace dans la rue. Pour un vieil homme qui fait la manche. Pour un personnage, au fin fond d'un livre, qui a perdu sa grand-mère.
L'art de consoler, cet inconnu. Je ne sais jamais quoi répondre à quelqu'un qui me dit qu'il a besoin de moi, de mes mots. Pourtant, je ne les manis pas si mal, mais j'ai peur des phrases bateaux. Quand j'écris quelque chose a quelqu'un, je ne supporte pas de lui dire « je te promets que ça va aller », ou « je sais ce que tu ressens, mais c'est contre-productif ».
Parce que la personne en face sait toujours, au moins, trois choses : la première que je ne peux rien lui promettre, la deuxième que je ne sais absolument pas ce qu'elle ressens, et la troisième que, bien entendu, ce qu'elle fait est contre-productif.
Et je regarde son numéro dans ma liste de contacts. Son prénom, que j'ai calligraphié avec un clavier de lettres spéciales, avant de coller un coeur a côté. Le petit bouton pour appeler.
Non. Je n'en suis pas capable. Je vais envoyer un message. Peut-être « je pense à toi », ou « j'espère que ça va aujourd'hui ». Mieux : « passe une bonne journée ».
Seulement, dans cette quête vaine de suffisance, je sais qu'avec un message, je vais droit dans le mur. Il faudrait que je trouve le courage de la voir en vrai, de lui parler en vrai. De la regarder dans ses vrais yeux noirs, quitte a supporter de voir de vrais larmes monter dedans.
Je ne saurais dire pourquoi elle est si mal. Mais je sais que j'ai mille fois plus de chance qu'elle. Elle est racisée, je ne le suis pas. C'est une femme, je suis un homme. Elle se fait menacer par des gens qui veulent la voir mettre du tissus sur ses cheveux, et craché dessus par d'autres qui voudrait voir ses tresses brunes. Elle n'a pas de père, moi j'ai le repas de famille de Noël édition Prenium. Et si seulement sa mère était la vierge Marie, pas celle abandonnée. Elle aurait même pu être une Marie a la peau noire et aux mains calleuses, si ça avait pu rendre Alice heureuse. Enfin, elle est plutôt une Silène qu'une Marie, mais qu'importe.
Tout ça, toutes ces différences, c'est là ou réside le problème. C'est fou d'être tellement plus lâche qu'une fille qui en a mangé cent fois plus. Qui devrait se cacher au fond de son lit pour le restant de ces jours, de peur de se faire manger les pieds par le gollum caché sous son lit.
Oui, il faut que je fasse un effort. Encore un, pour elle, parce qu'elle en fait cent fois plus. Le soucis, c'est que ces efforts, j'en ai déjà fait. Et que les siens, ils ne sont que dans son propre interêt. Et je comprends, c'est normal, elle fait bien de se préserver. Je pense que si elle ne le faisait pas je lui demanderais de le faire, d'oublier mon bien être à moi. Notre bien être à nous. Mais c'est épuisant, de porter deux personnes - dont soit même - et une relation toute entière à bout de bras pendant des mois.
L'art de consoler, cet inconnu. Je sais que j'aurais beau avoir peur, j'aurais beau être fatigué, j'aurais beau passer des nuits entières à me retourner dans mon lit et a penser aux meilleurs mots pour lui dire combien j'aimerais qu'elle aille mieux, il faudra bien m'y jeter, dans cet inconnu.
Un papier, un crayon, une gomme, c'est tout ce qu'il me faut. Et après... eh bien, il me suffira de lui lire ce que j'ai écris, en relevant le plus souvent les yeux vers elle comme dans un exposé, histoire de paraître déterminé.
***
Je rêve de te promettre que je vais trouver une solution a tout tes problèmes, que tu ne dois pas perdre espoir, et que la vie ne se résume pas a un très long malheur qui commence un jour de malchance et se termine avec la mort.
Seulement ces jours, ces heures, ces secondes ou tu perds espoir, moi aussi je l'ai perdu. Il m'a filé entre les doigts comme tes mots trop détachés se sont écoulés de tes lèvres. Ces jours ou tu es grise et froide, parce que c'est la seule manière pour toi de ne pas te plier en deux de douleur. Ces jours ou tu ne réponds pas à mes « je t'aime », ni même à mes « bonjour ».
Ces jours ou j'ai envie de te traiter d'ingrate devant ton indifférence, ton inconscience de mes efforts. Ces jours ou j'ai envie de t'agiter sous le nez tout ce que je sacrifie, toute l'énergie que je brûle dans l'espoir de te réchauffer, que ma flamme, si proche de tes braises encore fumantes, les rallument. Ces jours ou ça ne marche pas, ou elles rougeoient avant de devenir grises. Elles aussi.
Je ne peux rien te promettre, je n'en ai ni le pouvoir ni la force. Peut-être que ce n'est pas juste moi, que personne ne peut le faire, mais je le prends personnellement, mine de rien. Tu étais chaleur, flamboyante. Parfois tu me brûlais à ta flamme trop forte, mais te pardonner était facile quand je t'en voulais que le temps de me rendre compte que je ne t'en voulais pas. Tu es cendres.
Et j'ai mal de le voir. Je ne supporte plus de le voir.
Ça me donne juste envie de vomir. De souffrir, d'avaler toute ta peine. Ça me donne envie de pleurer. Juste pour un enfant qui fait tomber sa glace dans la rue. Pour un vieil homme qui fait la manche. Pour un personnage, au fin fond d'un livre, qui a perdu sa grand-mère.
Juste pour toi. Parce que je suis désemparé.
En fait, ça fait des mois que je suis désemparé, que je ne sais plus quoi faire. Tu m'as interdit d'en parler à qui que ce soit, et, que ce soit bien ou pas, je vais tenir ma promesse.
Mais tu vas tellement mal que parfois, je passe la nuit a me retourner dans mon lit et a me demander si tu vas mourir. Et c'est une sensation horrible. Parce que je suis impuissant, totalement. Je ne sais pas - plus - quoi faire, ou dire. Je sais seulement que je ne suis pas suffisant.
Et je croyais que j'étais ta dernière chance.
Maintenant, je sais que j'ai tort. D'abord parce qu'il n'y a pas de dernière chance, pas plus que de première, ou de chance manquée. Tu es ta chance, et tant que tu iras mal, elle sera là. Tant que tu auras besoin de la saisir, en somme. Et peut-être même après.
Ça va mieux maintenant. J'ai compris. Tu vas te sauver, tu n'as pas besoin de moi pour ça. Et depuis tout ce temps, c'était toi qui te tenais à bout de bras.
Alors je vais juste rester assis, ici, a boire ma limonade, et a t'attendre. Et à être là. Pour te dire « je t'aime », et pour te dire « bonjour ». Et pour me répondre a moi-même si tu n'en as pas la force, et en t'imitant avec une voix un peu caricaturale, si tu veux rire.
***
Note de fin : c'est un personnage fictif qui parle. il a ses propres opinions, sa propre façon d'appréhender les choses et ses propres expériences qui le construise, indépendamment de moi.
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