XXI - Reconstruction

— Tes cheveux sont si beaux ! Et en plus, ils sont tout doux !

Theodora brossait les cheveux d'Aeria qui était assise en tailleur sur une chaise autour de la table à manger. La petite fille s'amusait chaque jour, depuis l'arrivée d'Aeria, à la coiffer. Maria posa une tasse de Thé fumante devant Aeria qui la remercia puis s'assit face à elle.

— Après quelques jours de repos, comment vous sentez-vous, Aeria ? Demanda-t-elle.

— Étonnamment, je vais bien. Je n'ai plus si mal que cela, je tiens sur mes deux jambes, alors oui, je vais bien.

Intérieurement, c'était tout autre chose mais jusqu'à présent, elle était parvenue à le cacher. Natanaël ne lui posait pas de questions, cependant, il n'était pas sot au point de se dire que tout allait parfaitement bien pour elle. Néanmoins, il ne souhaitait pas la brusquer.

— C'est une superbe nouvelle.

Aeria termina tout juste sa tasse de thé et la petite Theodora venait d'achever la longue tresse qu'elle avait faite à la jeune femme.

— Pensez-vous que je peux aller voir les Dragons ? Demanda Aeria.

Les hommes se chargeaient de nettoyer les ruines qu'était devenue la grange et ce depuis près de quatre jours déjà. Les Dragons restaient à l'arrière de la demeure, sans cachette pour se dissimuler cette fois.

— Bien-sûr, Theodora, emmène-la veux-tu.

— Viens, Aeria !

Theodora saisit la main d'Aeria et l'aida à se lever. Elles sortirent de la demeure par la porte arrière donnant sur un jardin et des champs. Les animaux avaient été rentrés dans l'étable pour que les Dragons ne les dévorent pas.

Elles passèrent le petit portillon et s'avancèrent vers les deux Dragons, couchés dans le champ, seuls le haut de leur dos et leurs piques dépassaient des hautes herbes. En les entendant s'approcher, Hystërys et Filërys relevèrent leur gueule en même temps pour observer Aeria et Theodora s'approcher d'eux.

Filërys, le plus gros des deux, habillé d'écailles rouges et arborant de beaux yeux bleus,  se redressa aussitôt et s'avança vers Aeria. Il s'arrêta devant elle, pencha la gueule sur le côté, tout en l'observant avec attention.

Aeria tendit le bras, le Dragon colla son nez contre sa main aussitôt, sans aucune hésitation ce qui arracha un sourire à la jeune femme. Hystërys se leva à son tour pour les rejoindre, plus hésitant, plus peureux, ses écailles vertes brillaient sous le soleil. Finalement, il imita son frère en se frottant à l'autre main d'Aeria.

Elle les trouvait beaux tous les deux. Filërys était rouge, son corps était massif, sa queue couvertes de piques pointues et légèrement dorés. Son nez allongé, deux canines aiguisées sortaient de ses mâchoires, ses yeux bleus étaient hypnotisants. Tandis qu'Hystërys était plus frêle, un corps long, avec une très longues queue, fine et pointue, ses écailles vertes semblaient changer légèrement de couleur en fonction de la luminosité, ses yeux jaunes rappelaient ceux de sa mère et ses pattes étaient habillées de longues griffes acérées.

— Vous êtes incroyables, souffla Aeria sans quitter son sourire.

Elle ne s'était jamais sentie aussi proche des Dragons, quand bien même, chaque nuit, elle en faisait des cauchemars. Depuis cette épisode dans la grange, tout avait changé en elle et son lien avec ces créatures semblaient encore plus fort qu'avant.

— Ils s'appellent Filërys et Hystërys, c'est moi qui leur ait donné ces prénoms ! déclara Theodora en faisant glisser sa main sur les écailles rêches de la queue du plus frêle.

— Vraiment ? s'étonna Aeria. Ils ont accepté ces prénoms ?

Theodora hocha la tête.

— Oui, je pense même qu'ils adorent leur prénom !

Aeria plongea son regard dans celui de Filërys qui restait près d'elle. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire, s'empêcher de le toucher, ressentir ses écailles, sa chaleur, sa force. Il était certain qu'au vu du gabarit de ce Dragon, il serait redoutable une fois adulte. Pour le moment, il était encore bien jeune.

— Je ne doute pas une seule seconde qu'ils l'apprécient.

C'était assez incroyable que de voir à quel point les Dragons s'adaptaient à leur environnement et surtout, pouvait s'attacher comme le faisaient des êtres humains. Ces deux Dragons grandissaient avec la famille d'Hervos et donc les traitaient avec bienveillance. Pourtant, ils n'en avaient point fait leurs élus. Ils les aimaient, simplement, comme ils auraient aimé leur mère s'ils étaient nés auprès d'elle.

— Vous retrouverez votre mère, je vous le promets, souffla Aeria.

Filërys ferma ses beaux yeux et frotta sa tête contre sa main, puis son bras. Dans un premier temps, Aeria espérait pouvoir sauver Thearsis et son bébé rapidement des griffes du roi. Elle craignait qu'il ne soit trop tard s'ils patientaient trop longtemps. Peut-être était-ce déjà trop tard.


Le soir au souper, la discussion tournait autour de la grange, de l'incendie et du fait qu'ils avaient eu de la chance que les gardes du Baron qui gouvernait ces Terres ne se soient pas aperçus de la fumée qui s'était élevée dans le ciel durant plusieurs heures. Heureusement, avec la nuit qui était tombée rapidement, cela avait dû les sauver.

Natanaël demeurait muet, mangeant sa viande sans un mot et écoutant Hervos et Harold discuter. Aeria restait silencieuse elle aussi, elle jeta un regard discret en direction de Natanaël. Un regard qu'il remarqua, elle lui adressa un faible sourire, qu'il lui rendit. Elle détourna le regard, se pinça les lèvres, sans pouvoir cesser de sourire.


Le soir, Aeria libérait ses cheveux de sa tresse, tout en se regardant dans le miroir sur pied posé face au lit. Natanaël frappa à la porte puis l'ouvrit, elle put le voir à travers le reflet alors qu'elle continuait de démêler ses cheveux.

— Comment vous sentez-vous ? Demanda-t-il.

— Je vais beaucoup mieux, aujourd'hui j'ai pu aller voir les Dragons.

Elle se tourna vers lui, les cheveux lâchés puis s'adossa contre la commode à sa gauche sur laquelle était posé un vase avec des fleurs fraîches.

— Ils sont vraiment magnifiques, reprit-elle.

— Ils le sont oui, affirma Natanaël un léger sourire pincé.

— Je suppose que leur mère serait tellement heureuse de les avoir près d'elle... soupira la jeune femme.

— Aeria, grommela Natanaël, soyez patiente.

— Je suis angoissée plutôt...

— Je comprends, mais si nous nous hâtons, nous risquons d'échouer.

— Mais plus le temps passe et plus votre père a le temps de se lier à elle.

— Vous resterez son élue, vous le savez aussi bien que moi.

— Je l'ai trahie...

— Thearsis est loin d'être sotte, elle comprendra votre geste.

— Un geste qui n'a pas sauvé son bébé...

Aeria se pinça les lèvres, inspira profondément puis expira tout l'air par la bouche. Elle balança ses bras d'avant en arrière tout en s'avançant vers le lit.

— Enfin bon, parlons d'autres choses, reprit-elle.

— Oui... je voulais vous demander, passez-vous de bonnes nuits ? L'autre nuit, je vous ai entendu crier.

Elle tira les couvertures puis leva la tête vers lui. Ils n'avaient pas redormis ensemble depuis ce soir là.

— Je dois sûrement parler dans mon sommeil... expliqua-t-elle.

Natanaël hocha la tête.

— Très bien, passez une douce nuit dans ce cas.

Il passa le seuil de la porte alors qu'Aeria l'observait.

— Restez avec moi, le retint-elle.

Natanaël se retourna pour lui jeter un regard plutôt étonné.

— S'il vous plaît ? Insista-t-elle un léger sourire aux lèvres.

— Et bien, je...

— Natanaël, l'interrompit-elle, ne jouez pas à cela avec moi, nous sommes mariés après tout. Je conçois que vous soyez respectueux mais acceptez ma proposition.

— D'accord, je vais dormir avec vous.

Aeria espérait surtout passer une meilleure nuit en sa présence. Alors ils se couchèrent, avec simplement un drap fin pour couvrir leur corps. En effet, la chaleur ne baissait toujours pas et plus l'été avançait et plus il faisait chaud. Ils ne mirent point de temps à se laisser porter par le sommeil, Natanaël avait travaillé toute la journée et Aeria peinait encore à se rétablir complètement.


La ferme toute entière était endormie, les Dragons, les bêtes, Hervos, Harold, les filles et Maria, tout le monde dormait à point fermé. Pour Aeria, c'était tout autre chose, de nouveau emportée dans un cauchemar, ses paupières tremblotaient, elle bougeait d'un côté puis d'un autre, sa respiration s'accélérait de plus en plus, son coeur martelait sa poitrine. Puis finalement, elle se mit de nouveau à hurler, gesticulant dans tous les sens. Natanaël fut réveillé en sursaut, lorsqu'il posa les yeux sur elle, à travers la lumière de la lune, il put la voir, les yeux toujours clos. Il posa ses mains sur ses épaules pour la plaquer contre le lit et la secoua légèrement.

— Aeria, réveillez-vous ! s'exclama-t-il. Réveillez-vous !

Elle finit par se réveiller en prenant une grande inspiration, elle s'assit brusquement, Natanaël eut un léger mouvement de recul, les sourcils froncés. Elle posa sa main sur sa poitrine, tentant de reprendre son souffle puis passa la seconde dans ses cheveux.

— Tout va bien ? s'inquiéta Natanaël.

Elle secoua la tête de droite à gauche, les larmes ruisselants sur ses joues.

— Aeria... souffla Natanaël en posant sa main sur son bras.

Lorsqu'elle releva ses yeux vers lui, il remarqua sa mine déconfite.

— Non, rien ne va, avoua-t-elle.

Il l'enlaça aussitôt, entourant ses bras autour d'elle. Elle resta ainsi, la tête collée contre son torse, tout en laissant ses larmes couler sur ses joues et fixa un point droit devant elle. Il lui frottait le bras et déposa un baiser sur le haut de son crâne.

— Tout va bien, ce n'était qu'un cauchemar, lui souffla-t-il.

— Ils semblent si réels...

— Voulez-vous m'en parler ?

Elle se détacha de lui et plongea ses yeux dans les siens.

— Vous n'y êtes pas obligée, reprit-il.

Elle le considéra de longues secondes, sans un mot avant de poser sa main sur sa joue fraîchement rasée. Un geste qui sembla le surprendre mais il ne cilla pas pour autant.

— Pourquoi êtes-vous si séduisant ? Si gentil, serviable et toutes ces autres qualités... ?

— Hm... je ne sais pas ? Je suppose que vous êtes troublée par votre cauchemar et...

Elle s'empressa de l'embrasser. Natanaël haussa les sourcils mais finalement, il se laissa emporter par sa fougue. Il ferma les yeux et tenta de se détendre. Rares étaient les fois où Natanaël ne tentait pas de tout contrôler, Aeria l'avait déjà remarqué et savait très bien qu'il serait difficile de le changer.

Elle appuya ses mains sur son torse nu, afin qu'il s'allonge sur le dos et se retrouva rapidement couchée sur lui. Elle déposa un nouveau baiser sur sa joue, puis dans son cou. Lui, posa sa main sur ses bras puis l'aida à se redresser légèrement. Elle était belle, penchée au dessus de lui de la sorte, ses cheveux roux d'un côté, le visage dégagé, malgré les larmes qui avaient coulé et souillé ses joues rosies.

— Vous devriez vous reposer.

— J'ai envie d'être près de vous, Natanaël. N'avez-vous pas envie d'être près de moi ?

Il tenait ses bras frêles, perdu dans son regard doré, enivré par la chaleur de son corps, par sa peau douce contre la sienne.

— J'ai envie d'être près de vous, rétorqua-t-il après un instant d'hésitation.

Elle sourit légèrement, sentant que la poigne de son amant se relâchait lentement. Elle l'embrassa de nouveau, bien plus langoureusement cette fois. Natanaël passa ses mains sous la chemise de la jeune femme, afin de caresser sa peau, suivre ses courbes du bout des doigts puis la lui retira complètement. Il observa son corps nu quelques instants, son regard bien plus noir de désir. Il respirait fort, comme Aeria, leur souffle de plus en plus rapide à mesure que la tension montait. Elle le ôta de tout vêtement mais ne put caresser son torse comme elle l'aurait voulu, ni même l'embrasser. Natanaël était abîmé et encore bien trop tourmenté par son année de torture. Elle comprenait tout cela. Alors quand il la retint fermement, elle plongea ses yeux dans les siens, afin de lui faire comprendre qu'elle n'insisterait pas, qu'elle respectait son corps et ses blessures.

Natanaël s'était assis, leur visage si proche l'un de l'autre. Elle colla son front contre le sien, une main sur son épaule puis se lia à lui lentement à l'aide de son autre main. Natanaël ferma les yeux, serra les mâchoires et lorsqu'elle commença doucement à bouger son bassin, il entrouvrit la bouche, laissant s'échapper un souffle non contrôlé. Il rouvrit les yeux, plongeant à nouveau dans ceux d'Aeria.

Elle ne pouvait décrocher son regard du sien, et plus elle bougeait, plus sa respiration s'accélérait. Il glissa ses mains dans son dos, ce qui la fit frissonner, ils s'embrassèrent, puis se serrèrent l'un contre l'autre. Leur coeur battait à l'unissons, leur souffle saccadé chantait sur le même rythme. Aeria se mordit les lèvres puis pencha sa tête en arrière, dévoilant ainsi, ses courbes à Natanaël. Il embrassa sa poitrine ce qui lui arracha un gémissement non contrôlé, puis la retourna sur le dos, ce qui la surprit sur le moment. Il l'embrassa fougueusement à nouveau avant de commencer des vas et vient frénétiques qui firent frémir la jeune femme. Elle se cambrait, respirait fort, s'accrochait aux draps et tentait de rester le plus silencieuse possible. Elle s'agrippa ensuite à lui, saisissant sa nuque et le regardant droit dans les yeux, épris de désir, envoûtée par ses sentiments.

— Serrez-vous contre moi, lui murmura-t-elle.

C'est ce qu'il fit, il colla son corps contre le sien, posa ses lèvres contre son cou et tout deux se laissèrent aller aux plaisirs de la chair, ils prirent le même plaisir, en même temps et s'enlacèrent ainsi de longues minutes, sans un bruit, profitant simplement ensemble, de la présence de l'autre.

À la suite de quoi, la nuit fut plus douce pour Aeria, cependant, cela ne dura qu'un temps, avant que de sombres souvenirs provenant d'une inconnue ne malmène de nouveau son esprit.

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