XVIII - Des corps enlacés

Lorsqu'Aeria prononce ces quelques mots, Nathanael la toise un instant. Il pose finalement sa main chaude sur la joue de la jeune femme, admirant sa beauté un instant et oubliant sa colère le temps de quelques secondes. Aeria n'attend plus qu'une chose ; que le roi presse ses lèvres contre les siennes. Elle sait qu'elle avait ressenti cette même envie en présence d'Harold, mais pas la crainte qui tord son estomac en ce moment même. Nathanael est différent, elle ne sait toujours pas si elle peut lui faire confiance mais le fait de l'avoir fréquenté chaque jour pendant plus d'un mois semble l'avoir rapprochée de lui. Ce soir, en le voyant en colère, vexé et blessé, il lui a paru bien plus humain que ce qu'elle n'imaginait.

Est-ce là toujours un stratagème pour connaître tous ses secrets ? Ou est-ce cette faiblesse que certains aiment appeler amour ?

Nathanael dépose un baiser sur les lèvres de la jeune femme, c'est un baiser doux et bref, qui fait frémir son corps. Elle s'accroche à son cou, toujours sur la pointe des pieds et presse ses lèvres contre les siennes. Elle l'embrasse fougueusement, le roi ne la repousse pas pour autant. Ce baiser procure dans leur deux corps, une décharge électrique qu'elle n'avait pas ressenti avec Harold et qu'elle n'a même jamais senti auparavant, cette même décharge que le roi n'a plus ressenti depuis des années si ce n'est des décennies.

Nathanael passe son bras autour de sa taille, la soulève et l'assoit sur le bureau, quelques babioles tombent mais cela ne les importe peu, l'endroit est déjà sans dessus dessous. Aeria se détache de lui et l'observe un instant. Dans la fougue, elle lui retire son manteau et commence à détacher son veston. Il pose sa main sur les siennes, ce qui l'arrête dans la foulée. Elle relève ses yeux vers lui, des yeux emplis de désir. Nathanael dégage une étrange énergie, qu'elle ne ressent qu'en sa présence, une énergie qu'elle veut ressentir davantage, encore plus forte qu'à cet instant.

— Il est préférable de nous arrêter maintenant, déclare-t-il de sa lourde voix.

Elle secoue la tête.

— Pourquoi ? Nous sommes maris et femmes.

— Je n'ai pas envie de profiter de vous, je ne vous ai pas épousé pour cela.

— Bien, vous ne profitez pas de moi.

Ignorant la main de son époux, Aeria détache son veston et le lui enlève puis elle tire sa chemise qui était rentrée dans son pantalon, ainsi, elle passe ses mains en dessous, afin de toucher son torse. Nathanael semble avoir un passé trouble, puisqu'une large cicatrice trône sur la longueur de son ventre, néanmoins, sa peau est chaude, dure, son corps svelte anime de désir la jeune femme.

— C'est moi qui profite de vous, souffle-t-elle.

Elle se redresse légèrement et détache le laçage de son corset, jusqu'à le retirer complètement, libérant son souffle par la même occasion. Ainsi, elle peut laisser glisser sa robe pour dévoiler sa poitrine à son époux, pour la première fois depuis leur mariage.

— Je veux que vous me touchiez, reprend-elle, s'il vous plaît.

Il serre et desserre ses mâchoires, il semble hésitant et pourtant, ses yeux parcourent son corps tout entier, l'éclat qui les traverse laisse entrevoir son désir pour sa femme. Un désir qu'il semble vouloir contrôler.

Il passe le bout de ses doigts sur l'épaule frêle d'Aeria, ce qui lui hérisse les poils mais finalement, il recouvre son corps de sa robe et lui tourne le dos. Il passe une main sur son visage et se pince les lèvres.

— Rhabillez-vous et allez vous coucher... grommelle-t-il.

Aeria se rhabille à la hâte, sans prendre la peine de remettre son corset. Elle descend du bureau et croise les bras sur sa robe débraillée.

— Je ne vous attire donc pas ? s'offusque-t-elle quelque peu vexée par ce rejet.

— Bien-sûr que vous m'attirez...

— Pourquoi me repousser dans ce cas ?

— Cela fait bien longtemps que je n'ai pas eu de contact avec une femme...

Aeria fronce les sourcils, elle décroise les bras et prend la main du roi, le forçant à se tourner pour la regarder. Il relève le menton, afin de rester fier, comme il le fait toujours et la regarde de haut, comme à chaque fois.

— Combien de temps ? s'intéresse-t-elle.

— Je ne sais pas...

Nathanael semble troublé, quelque peu perdu.

— Allez vous coucher, souffle-t-il en passant une mèche de ses cheveux roux derrière son oreille.

Ce geste attentionné fait frissonner Aeria.

— Je vous rejoindrai, reprend-il.

Elle esquisse un faible sourire.

— Je l'espère, oui.

Elle quitte la pièce, un léger sourire ne quittant pas ses lèvres et laisse la porte se refermer derrière elle. Nathanael s'assoit à son bureau et observe la pièce et le désordre qu'il a causé tout en poussant un profond soupir. Il ouvre le tiroir qu'il ferme à clé à chaque fois et en sort une broche, celle-ci est en or sculpté, en forme de Dragon avec deux rubis à la place des yeux. Il serre la broche dans sa main, tourné vers la grande fenêtre ronde par laquelle les rayons de la lune passent.

— Pardonne-moi, mon amour... murmure-t-il en serrant la broche jusqu'à ce que les extrémités entrent dans sa chair et lui procure la douleur qu'il attendait.


Aeria, de son côté, avance dans les couloirs, tenant sa robe qui n'est dorénavant plus maintenue par son corset. Elle fut vexée de ce rejet mais à la fois, Nathanael est noble et le fait qu'il lui résiste l'encourage à poursuivre sur cette voie, le rendant encore plus attrayant qu'il ne l'est déjà.

Alors qu'elle tourne dans l'aile ouest du domaine pour rejoindre sa chambre, elle croise la route du Comte d'Epinasse, ce dernier s'arrête devant elle, il empeste l'alcool à plein nez et ne semble plus vraiment en état de penser par lui-même.

— Majesté, je pensais vous avoir fait fuir lors du dîner.

— Je souhaitais m'entretenir avec mon mari, maintenant, je vais me coucher.

— On dirait que cet entretien fut mouvementé à en voir votre accoutrement.

Aeria serre sa robe, les bras croisés.

— Je vais me coucher, bonne nuit, grogne-t-elle.

Elle passe à côté de lui, cependant, Alecsi lui saisit le bras fermement et le tire vers lui.

— Je ne vous permets pas de me toucher comme ça ! s'exclame-t-elle.

— Allons, je n'ai jamais vu une reine fidèle à son roi et croyez-moi, j'ai déjà eu vent de ce que vous avez fait avec son garde, alors pourquoi me résister ?

— S'il vous plaît, vous me faites mal, souffle-t-elle.

— Oh oui, croyez-moi, je peux faire mal, espèce de petite cochonne ! Je savais que les femmes des Landes étaient comme ça.

Il la plaque contre le mur, si brusquement que sa tête cogne celui-ci. De sa main grasse, il appuie sur sa joue pour que son visage reste collé au mur. Aeria ouvre grand les yeux, tente de se débattre mais ses oreilles sifflent.

— Pitié, arrêtez !

— Vous ne vous êtes pas mariée à la bonne personne, bougonne le Comte, il n'a ni armée, ni protection, vous finirez comme la plupart des gens ici, à errer dans les marées, lorsqu'il se sera lassé de vous et qu'il vous aura jetée, comme toutes ses autres femmes.

En disant cela, le Comte se libère de ses pantalons.

— Non... non ! Nathanael ! cri-t-elle.


Ce dernier restera assis à son bureau, à boire de l'alcool, jusqu'à ce que son estomac ne le supporte plus, la broche de son ex épouse dans la main.

Lorsqu'il rejoint Aeria dans sa chambre, la nuit est déjà bien entamée. Il titube, ôte ses vêtements difficilement et sans aucune discrétion. Il se laisse finalement tomber sur le lit, là où est allongée Aeria, dos à lui, les yeux fixés sur le mur et ses reflets qu'émet la lune, le visage humide de larmes.

Nathanael se tourne vers sa femme qu'il prend dans ses bras. Elle ferme alors les yeux, laissant de nouvelles larmes ruisseler sur ses joues, se repassant le cauchemar qu'elle vient de vivre en tête. Le fait de le sentir près d'elle la rassure quelque peu mais à la fois, la rebute. De quoi parlait le Comte ? Qu'a-t-il fait à ses autres épouses ?

— Vous empestez le vin, souffle-t-elle de sa voix tremblante.

— Veuillez m'excuser... rétorque-t-il à voix basse, je ne suis probablement pas le prince charmant que vous espériez.

Elle se mord les lèvres et tente de garder ses sanglots pour elle. Nathanael dépose une baiser sur l'épaule dénudée d'Aeria et se redresse légèrement.

— Je sens que vous pleurez, déclare-t-il, alors ne vous cachez pas et dites-moi ce qu'il se passe.

Elle se tourne sur le dos, le roi est appuyé sur sa main et la toise à travers les reflets de la lune et ceux des flammes dans la cheminée. Il remarque alors son visage marqué, ses larmes et ses yeux gonflés à force d'avoir pleuré.

— Je veux... tous les détruire, marmonne-t-elle.

Il l'observe durant de longues secondes, sans un mot, étonné par ses propos.

— Je peux aller le tuer, je peux le castrer si vous le souhaitez, je peux le faire souffrir.

— Non, s'empresse-t-elle de répondre, cela engendrerait une guerre.

— Vous êtes ma femme et cette vermine d'Epinasse vient de vous prendre toute dignité, vocifère Nathanael.

— Je sais, mais je ne veux pas que cela se passe de cette façon. Laissez le croire qu'il a le pouvoir sur nous.

Aeria s'assoit à son tour et ramène ses jambes contre sa poitrine qu'elle entoure de ses bras pendant que son époux la considère sans un mot.

— Il nous faut terminer cette selle et je monterai sur ce dragon, reprend-elle, je veux me venger moi, je ne souhaite pas que ce soit vous qui vous en chargiez.

Nathanael hoche la tête en signe de compréhension. Aeria le jauge, bien que ses doutes sur lui ne la quittent pas, si elle détient le dragon, elle détient le pouvoir sur quiconque.

— Je veux également que vous m'appreniez à manier l'épée.

Elle marque une pause.

— Je veux devenir Dragonnier.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top