XVI - Trois Dragons

— Regardes, n'aies pas peur, il suffit de tendre ton bras et de ne pas bouger... souffla Natanaël en soutenant le bras de Theodora.

Au bout de son bras tendu se trouvait un morceau de viande crue, et devant elle, deux bébés dragons. Ils étaient moins frêles qu'une semaine auparavant. Ils avaient déjà grandis, grossis légèrement. Le plus gros des deux, celui aux écailles pourpres et aux yeux bleus, saisit le bout de viande et l'arracha des mains de la petite fille. Il laissa tomber le morceau sur le sol et son frère vint en grignoter des portions à son tour. Rapidement, les deux bêtes se chamaillèrent leur repas.

Theodora ne put s'empêcher de sourire, tout en restant près de Natanaël.

— On devrait leur donner un nom ! s'enthousiasma la jeune fille.

Natanaël esquissa un faible sourire. Ils avaient disposé les bébés dragons dans la grange de la chaumière, là où ils stockaient habituellement la paille, principalement pour éviter d'éventuels dégâts dans la maison.

— Le gros Dragon s'appellera Filërys et le petit vert s'appellera Hystërys.

— Pourquoi ces prénoms ? demanda Natanaël.

— Je ne sais pas, ils me sont venus comme ça. Filërys, parce qu'il semble vif et Hystërys parce que le plus petit a l'air d'être très impulsif, comme un hystérique. Et en plus, papa m'a toujours dit que les Dieux devaient porter un prénom qui se terminait par la même syllabe.

— Uniquement les plus grands Dragons, lui souffla Natanaël en songeant à Thearsis.

C'était le seul Dragon qui portait ce prénom, et un prénom que le Dragon confia uniquement à ses plus fidèles, lorsqu'elle le jugeait nécessaire. Il eut droit de connaître son nom, peu avant la Guerre du Feu et ne comprenait toujours pas pour quelle raison Thearsis avait accordé à Gorgia d'échanger l'Armure pour protéger un Dragonnier qui n'était pas le sien.

Tout deux observaient les bébés Dragons se nourrir du morceau de viande, il n'en restait plus beaucoup et avec leurs petites dents aiguisées, ils en arrachaient des bouts rapidement. Ils demeuraient petits, frêles et ne crachaient pas encore de feu. Ils ne paraissaient même pas effrayés par eux, puisqu'ils étaient la première chose qu'ils avaient vu en venant au monde.

— Natanaël, reprit la petite fille, est-ce qu'on pourra les garder ?

Ce dernier inspira profondément, sans lâcher des yeux les deux bêtes devant eux, finalement, il expira tout l'air lentement par le nez.

— Ils vont devenir plus grands et plus gros, ils ne pourront pas rester ici, ils auront bientôt besoin de voler.

Theodora se tourna vers lui, alors Natanaël lui jeta un regard bienveillant. Il appréciait beaucoup la petite fille et même toute la famille d'Hervos. Ils étaient accueillants, chaleureux, il leur était mille fois redevable.

— Alors ça veut dire que tu vas partir toi aussi ? demanda-t-elle le menton tremblant et cet air triste sur son visage d'enfant.

Elle arborait de jolis cheveux bruns, de beaux yeux noisettes et des petites tâches de rousseur sur sa peau métissée. Il s'accroupit face à elle et posa ses mains sur ses épaules frêles, ainsi, il sonda son regard.

— Je ne pourrai rester éternellement ici, et les bébés non plus.

Theodora, la lèvre inférieure en avant, baissa la tête et croisa les bras.

— Je sais que cela ne te plait pas, reprit Natanaël, mais tu es grande maintenant et tu dois comprendre que ces bébés dragons risquent d'être en danger et de mettre ta famille en danger par la même occasion.

— Mais moi je veux que tu restes et je veux que Filërys et Hystërys restent aussi...

— Nous n'en sommes pas encore à partir, ne t'en fais pas. Profitons du moment présent.

Elle releva ses yeux boudeurs vers lui.

— Allez, fais moi un petit sourire, lança Natanaël en la bousculant doucement.

Elle se pinça les lèvres, gardant cet air boudeur.

— Sinon, je serai obligé de t'attaquer et de te faire des chatouilles jusqu'à t'arracher ce sourire !

Il approcha ses mains d'elle, alors elle se recula d'un pas et rigola.

— Non, pas les chatouilles !

Natanaël avait toujours rêvé d'être père, malheureusement, il n'avait jamais réussi à donner à Gorgia un enfant, et n'en eut plus jamais l'occasion. Ce fut pour lui un grave échec que de ne pouvoir donner la vie, de ne pouvoir voir sa progéniture grandir, lui apprendre des choses, veiller sur elle... Alors il appréciait passer du temps avec Theodora.





À des centaines de lieux d'ici, Aeria s'était réfugiée dans une grotte, dans le Vide, entre deux Terres. Avec un silex, elle s'efforçait de tenter de faire un feu. Elle avait chassé un lapin et souhaitait en donner une partie au bébé Dragon qu'elle avait arraché à sa mère et l'autre, la cuir pour se sustenter.

— Bon sang, je suis censée contrôler le feu ! gronda-t-elle.

Même avec ses mains au dessus du petit tas de bois qu'elle avait ramené, elle ne parvenait pas à allumer le feu. Il faut dire qu'elle était frigorifiée, fatiguée par sa course et stressée à l'idée d'être retrouvée.

Finalement, alors qu'elle jeta le silex contre la paroi de la grotte tout en poussant un grognement de frustration, une petite flamme jaillit dans l'obscurité et embrasa les bois. Aeria tourna la tête vers le bébé Dragon, posté non loin d'elle. Ses petites ailes fines étaient déployées et il venait de cracher un jet de flammes sur le bois. Elle esquissa un faible sourire.

— Tu es incroyable, souffla-t-elle.

La bête tourna sa gueule vers elle et la pencha sur le côté. Ses yeux étaient dorés, comme sa mère, ses écailles : noires, avec un reflet identique à la couleur de ses yeux. Aeria saisit le lapin qu'elle avait chassé et en coupa un morceau qu'elle tendit au dragon.

— Je me doute que depuis une semaine, tu dois mourir de faim... c'est pour toi, prends-le.

Le dragon sembla hésiter un instant, il replia ses ailes et s'avança, légèrement branlant vers elle. Finalement, il attrapa le morceau de lapin et l'arracha des mains d'Aeria pour le dévorer plus loin. Elle le laissa tranquille et se fit cuir la viande, dans un silence monotone. Elle gardait ses jambes recroquevillées contre elle, le bras tendu avec au bout de celui-ci, un morceau de bois qu'elle tournait au dessus des flammes pour dorer sa viande.

Elle était pensive, se demandait ce qu'elle devait faire à présent. Retrouver Natanaël et Hervos ? Retrouner à Epinasse ? Elle avait agi à la hâte, mais il lui fallait protéger ces bébés Dragons, elle était persuadée que c'est ce que Natanaël aurait fait. Si Lauan gardait ce bébé, il pourrait contrôler Thearsis et contrôler sa progéniture, cela annoncerait une catastrophe à venir dans les années futures.

Après manger, Aeria s'était allongée sur la pierre froide, son épée près d'elle, la tête posée sur son baluchon à moitié vide. Elle lisait la lette de Natanaël, uniquement éclairée par le feu qui commençait, lentement, à s'éteindre.

— Par tous les Dieux, montrez-moi le chemin, je vous en conjure... murmura-t-elle.

Elle se tourna sur le côté, se recroquevilla sur elle-même et ferma les yeux, gardant la lettre contre sa poitrine. Alors que le sommeil commençait à l'emporter, elle sentit une présence près d'elle, de la chaleur et une petite masse se blottir au creux de ses jambes, près de son ventre. Aeria rouvrit un oeil, pour apercevoir le bébé dragon se coucher en boule, collée à elle. Elle esquissa un faible sourire, attristée de le savoir loin de sa mère. La bête releva sa gueule pour la toiser un instant, de ses yeux brûlants.

— Je te promets que tu retrouveras ta mère, très bientôt... lui souffla-t-elle.

Après l'avoir toisé un instant, le bébé posa sa gueule sur sa minuscule petite queue et replia ses ailes sur lui, certainement pour se sentir plus en sécurité. Aeria referma alors les yeux et se laissa emporter dans les bras de Morphée.


Au petit matin, le feu était éteint mais elle n'avait pas froid, le printemps arrivait petit à petit et le dragon dormait toujours près d'elle. Lorsqu'elle se leva, la créature prit peur, elle se redressa brusquement, hérissa ses piques et montra ses dents aiguisées. Elle ouvrit grand sa petite gueule, les ailes déployées et cracha du feu, aux pieds d'Aeria.

— Tout va bien, tenta Aeria la main en avant, je ne te ferai aucun mal, excuse-moi de t'avoir fait peur...

Elle s'accroupit et garda sa main tendue vers la bête.

— Je suis ton amie...

Le dragon pencha sa gueule d'un côté, puis d'un autre, avant d'avancer vers elle. Il renifla sa main avant de se coller à elle quelque peu hésitant, il glissa ses écailles sur la paume de sa main, jusqu'à la pointe de sa queue et recommença, plus enjoué, une deuxième fois, une troisième fois... Ce contact fit rire Aeria, elle appréciait cette innocence qu'avait encore le bébé, trop jeune pour comprendre le danger qu'il encourait. Elle récupéra son baluchon qu'elle ouvrit grand en face de son nouvel ami.

— Il faut que tu retournes là-dedans, nous allons retourner à Epinasse, j'ai une armée et je vais faire en sorte qu'ils te protègent toi et ta mère. Tu dois me faire confiance.

Le dragon hésita un instant, les ailes repliées, les piques hérissés. Finalement, il entra dans le sac qu'Aeria garda près d'elle. Elle récupéra sa monture et partit au galop en direction d'Epinasse, là où elle espérait retrouver son père et son armée.


Le voyage fut rude, et pendant qu'Aeria tentait de survivre et éviter les soldats du roi, tout en gardant le Dragon caché de tous, Natanaël observait les deux bébés grandir, se découvrir. Ils commençaient à voler, à courir dans les champs de blé, à s'intéresser aux poules et aux chèvres qu'Hervos gardait. Difficile de leur courir après et de les empêcher de vouloir dévorer les autres animaux, leur faim grandissait et leur curiosité n'avait aucune limite.

Il n'était pas rare de voir Theodora, au soleil couchant, jouer avec les deux bêtes. Elle courait, les Dragons, eux, volaient derrière elle, comme s'ils la chassaient mais dès qu'ils lui tombaient dessus, ils se posaient au sol, sautillaient autour de la jeune fille, comme des enfants, ils jouaient avec elle, se cachaient dans les champs, se roulaient par terre...

Cependant, malgré toute cette sérénité qui semblait prendre place, Natanaël savait qu'il ne pourrait s'éterniser. Les Dragons avaient grandi avec les jours qui passaient aussi rapidement que des heures. Ils faisaient déjà la taille de Theodora, bientôt, ils ne pourraient même plus les porter à mains nues et il deviendrait difficile de les cacher de la population de Valmont. Heureusement, ils ne volaient pas haut, ne partaient pas, mais jusqu'à quand durerait cette docilité ? Un jour ou l'autre, ils chercheraient leur mère, et Natanaël savait que si Thearsis ne s'était pas encore montré malgré la naissance de ses bébés, c'est qu'elle était déjà sous emprise avec l'oeuf perdu.

Pour lui, hors de question que Lauan mette la main sur ces deux Dragons et s'il devait cavaler jusqu'à leur taille adulte, il le ferait, car savait que pour le moment, Filërys et Hystërys n'étaient pas capables de se défendre face à une armée.


Aeria, quant à elle, parvint à atteindre Epinasse après quatre semaines de voyage solitaire. Cela signifiait que le Dragon avait déjà plus d'un mois. Il avait grossi, mais écoutait Aeria au doigt et l'oeil. Il se cachait, restait discret et ne volait jamais. Peut-être même ne savait-il pas voler encore. Elle savait que cela lui porterait défaut et qu'il fallait lui apprendre rapidement, cependant, tant qu'elle ne savait pas si son armée la suivrait, elle ne souhaitait pas le mettre en danger.

Elle avait attaché son cheval à un arbre, derrière le fleuve qui traversait Epinasse. Le Dragon restait à côté, la gueule penchée sur le côté, observant Aeria avec attention.

— Tu ne dois pas bouger d'ici pour le moment, tu ne pourras venir que lorsque je sifflerai, pour t'indiquer que tu peux me rejoindre, d'accord ?

Le Dragon poussa un faible grognement. Ses écailles devenaient plus épaisses, son corps aussi et ses ailes plus longues. Il savait manier le feu, mais ne savait pas chasser, ni voler.

— Quand tu entends ça...

Aeria enfonça ses doigts dans sa bouche et siffla, ce qui interpela le Dragon qui hérissa ses piques. C'était étrange, elle n'avait encore jamais vu cela. Les piques de ce Dragon se hérissaient puis s'aplatissaient sur son corps lorsqu'il n'était pas interloqué, effrayé ou en colère.

— Tu dois venir, mais uniquement lorsque je siffle, tu comprends ?

La créature fit claquer ses mâchoires et une faible flamme en sortit. Aeria esquissa un sourire, elle caressa son nez puis le haut de son crâne avant de traverser le fleuve sur les pierres apparentes, escalader la rambarde du pont et atteindre son château non loin de là en traversant les jardins. Cela faisait longtemps qu'elle s'était absentée, elle craignait que le roi ait déjà ébruité sa fuite.

N'apercevant aucun garde à l'entrée, Aeria fronça les sourcils. Elle dégaina son épée, avança prudemment et poussa les portes du château. C'est alors qu'elle aperçut tous ses domestiques, allongés au sol, dans le vestibule, baignant dans une mare de sang pourpre. Elle entrouvrit la bouche, le coeur palpitant.

Elle enjamba certains corps, remarquant que la plupart avaient été égorgé. Elle entra alors dans la salle principale, la porte se trouvait en renfoncement, entre les deux escaliers qui trônaient de part et d'autre du vestibule. La salle à manger était grande, la cheminée était éteinte, de la nourriture périmée et couverte de mouches trônaient encore sur la table. Une seule personne se trouvait à table, les autres chaises étaient renversées et un valet était mort dans un coin de la pièce, empalé sur une lance.

Aeria serrait le manche de son épée, les mains moites. L'homme en bout de table avait la tête posée dans son assiette, des cheveux grisonnants. Elle s'arrêta près de lui et le poussa légèrement pour voir son visage. Elle le lâcha aussitôt et posa sa main sur sa bouche, les yeux embués de larmes, celles-ci se mirent à couler à flot lorsqu'elle poussa un cri étouffé, tentant de maîtriser ses émotions.

— Père... sanglota-t-elle.

Elle posa son épée sur la table, s'appuya sur celle-ci et posa son autre main libre sur l'épaule froide de son père. Sa peau était grisâtre, ses lèvres violettes, il était mort depuis plusieurs jours déjà.

— Qu'ai-je fait... marmonna-t-elle. Oh non... pardonne-moi, pardonne-moi...

Elle colla son front contre le dos de son père, le pauvre avait la tête appuyée dans son assiette et probablement la gorge tranchée, vu le sang séché qui s'était infiltré dans les tissus de la nappe et dans les joints du carrelage.

Aeria pleura de longues secondes, le coeur lourd, la gorge nouée, l'estomac retourné.

Elle passa ses doigts tremblants sur les yeux de son père pour les lui fermer, frotta ses mains sur son pantalon et avança, les jambes flageolantes, dans la pièce. Lorsqu'elle traversa le vestibule, elle regardait droit devant elle afin de ne pas assister de nouveau à ce massacre. Elle avait rangé son épée dans son fourreau et une fois à l'extérieur, là où l'air était plus respirable, elle enfonça ses doigts tremblotants dans sa bouche et siffla à plusieurs reprises, de manière saccadée.

Elle put entendre le rugissement du Dragon et le vit traverser à la hâte le fleuve au loin, s'accrocher au pont pour le grimper et la rejoignit rapidement, battant des ailes et courant sur les pavés. Cependant, alors qu'il courait vers elle, un filet fut lancer sur lui, à l'aide d'une catapulte probablement. Le Dragon roula sur le sol et se débattit, tout en poussant des gémissements plaintifs.

— Non ! Cria Aeria.

Elle dégaina son épée et se précipita vers lui, des soldats sortirent de leur cachette, derrière la bâtisse et se jetèrent sur elle. Elle se défendit tant bien que mal, en touchant un premier adversaire à la jambe et le second au visage, car il ne portait pas de casque. Elle para le coup d'épée qu'un troisième tenta de lui asséner mais reçut un coup de pied dans les lombaires. Aeria fut comme propulsée en avant et tomba sur ses deux genoux, elle gardait cependant son épée bien en main. Elle serra les dents et se retourna brusquement, prête à empaler son ennemi, cependant, une lame aiguisée et dorée vint lécher la peau de son menton, qu'elle releva légèrement, le souffle coupé. Elle croisa alors le regard de Lauan, le fameux soldat qui tenait l'épée. Elle pouvait entendre les cris plaintifs du Dragon derrière lui, l'entendre battre des ailes et cracher des jets de flammes sur quiconque tentait de l'approcher.

— Dis à ton petit bébé de cesser immédiatement, grogna Lauan, et lâche cette épée.

Aeria menaçait de transpercer le ventre de Lauan, cependant, en bougeant simplement les yeux et regardant autour d'elle, elle put constater que les soldats la cernaient et la tueraient sur le champ, alors qui protègerait ce bébé si elle mourait ?

Elle écarta doucement ses bras, lâcha l'épée qui retomba sur le sol, un soldat donna un coup de pied dedans pour qu'elle soit suffisamment loin pour qu'elle ne puisse s'armer de nouveau. Aeria ne lâchait pas du regard Lauan et pouvait cependant voir, derrière lui, la pauvre bête s'épuiser.

— Arrête... souffla Aeria sans conviction, les larmes aux yeux.

Le dragon arrêta aussitôt de se débattre, à plat ventre, le menton à plat sur les dalles. Aeria poussa un cri, les dents serrées, lorsqu'elle vit un soldat appuyer sa semelle sur le nez du Dragon. Cependant, lorsqu'elle voulut bouger, Lauan entailla le côté de son cou, ce qui la fit grimacer et s'immobiliser.

— Pitié, ne lui faites pas de mal, c'est un bébé !

— Relevez-la, ordonna Lauan à ses hommes.

Ils saisirent Aeria par les aisselles et la relevèrent de force, Lauan continuait de la menacer de sa lame. Elle grogna, tenta de se défaire de leur étreinte puissante et douloureuse cependant, on lui asséna un méchant coup au visage, ce qui la fit cesser. Elle fusillait du regard le roi, hargneuse, la lèvre supérieure fendue.

— Je n'ai plus besoin de toi, Aeria, déclara Lauan de sa lourde voix, toujours habillé de son fidèle masque doré. J'ai ce qu'il me faut dorénavant.

— Pitié, Lauan, ne faites aucun mal à ces Dragons...

— Bien-sûr que je ne leur ferai aucun mal... souffla Lauan, le Dragon doré cherche désespérément son bébé et je lui ai promis de lui ramener, je lui ai promis de me racheter suite à mes actes terribles. Tu sais, Aeria, une mère est prête à tout pour son bébé... même à s'allier à son ennemi.

Aeria demeura muette, les lèvres retroussées. Lauan, quant à lui, l'observa de longues secondes avant de baisser son épée et de hausser les épaules tout en soupirant.

— Tuez-la, ordonna-t-il à ses hommes. Mais ne le faites pas devant le bébé.

— NON ! hurla Aeria.

Les hommes la soulevèrent pour l'éloigner du bébé. Elle gesticulait dans tous les sens, se débattait, les frappait, tout en hurlant alors que Lauan lui tournait déjà le dos pour s'approcher du Dragon maîtrisé sous son filet. Elle put voir ses yeux dorés, cet air apeuré et triste dans le regard de la bête. Le dragon la regardait s'éloigner, la semelle d'un soldat appuyée sur son nez, elle put seulement le voir entrouvrir sa gueule difficilement pour laisser s'échapper une faible plainte, comme un dernier appel.

— LÂCHEZ-MOI ! hurla-t-elle les larmes dégringolants sur ses joues. JE VOUS TUERAI ! JE VOUS TUERAI TOUS !

Sois fort, pensa-t-elle comme si le bébé pouvait l'entendre. Je serai toujours présente près de toi. Je ne t'abandonnerai pas.

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