XV - Le livre
Assise sur son lit, éclairée par les flammes qui crépitent dans la cheminée et les quelques bougies allumées en amont, Aeria observe la couverture de cuir et passe ses doigts sur les lettrages dorés sur livre.
Nathanael est resté vague et à la fois, semble lui en avoir dit beaucoup.
Doucement, elle ouvre alors la première page sur laquelle est inscrit quelques mots : « Ô grand Dragon mystique, le feu ardent brûle en toi. Toi mon héros, puissant et unique, trépassé par la foi... »
Elle tourne une nouvelle page et entre dans le récit glaçant de ces dernières décennies.
Avant que l'Homme ne devienne ce qu'il est, les Dragons ont conçu chaque Terre. Par le souffle puissant de leurs flammes, les Dragons ont construit les fleuves, les vallées, les Océans. Il est dit qu'un Dragon est un Dieu. Il existe Six Dieux dont Six Dragons, chacun avec sa particularité.
Au fil du temps, les Dragons ont accepté la présence de l'Homme, ils ont accepté qu'ils bâtissent sur leurs Terres, qu'ils utilisent leur feu pour se réchauffer. En contre partie, l'Harmonie devait perdurer.
Les Dragons étaient vénérés par l'Homme, des poèmes, des chansons et des prières ont été écrites en leur nom.
À mesure que les années passaient, les Hommes et les Dragons s'unissaient et se faisaient de plus en plus confiance.
Puis vint le jour où les Dragons décidèrent de donner une part de leur pouvoir à Six Élus. Nous l'appelions, l'Armure du Dragon, chaque armure disposait d'un pouvoir spécifique : survivre aux flammes, vivre plus longtemps, bénéficier d'une force accrue, utiliser les éléments, être doté d'une vitesse surhumaine, se régénérer en quelques heures...
De quoi faire rêver bon nombre d'individus en ce monde, cependant, chaque Dragon choisissait son dragonnier précautionneusement puis lui offrait son armure dès lors que leur confiance était mutuelle et réelle.
Néanmoins, le rêve se transforma en cauchemar au fil du temps. Gorgia, une jeune femme à la chevelure étincelante aux couleurs du feu, montait le dragon le plus puissant des Six. Le Dragon doré, celui qui offrait l'armure de résistance aux flammes. Elle dirigeait les dragonniers et la paix régnait, chaque dragonnier gouvernait une Terre, jusqu'à la Guerre du Feu.
Il a suffit d'un dragonnier jaloux et en quête de pouvoir pour que l'équilibre s'effondre et que la guerre éclate. Il tua tous ses frères et sœurs, avec une arme conçue spécialement pour percer l'armure des Dragons.
Gorgia fut tuée alors qu'elle portait un enfant, sous les yeux de son amant et de son Dragon. Après cela, le Dragon brûla les Terres des Landes et tout individu s'y trouvant. Il disparut rapidement après avoir tout détruit et laissa derrière lui, une terre désolée, sans que celle-ci redevienne fertile. C'est comme si le plus grand de tous les Dragons, avait jeté une malédiction pour tout être humain vivant sur ces Terres, sans punir le dragonnier à l'origine de la mort de son humaine.
Il est dit que le jour ou le Dragon choisira un nouveau dragonnier, le règne du feu reprendra et justice sera rendue.
Ô grand Dragon mystique, le feu ardent brûle en toi. Toi mon héros, puissant et unique, trépassé par la foi...
Sous la chaleur ardente de tes flammes, je te vénèrerai. Moi, ton élu, jouant de ma lame.
A travers la nuit noire, tu me guideras. Tu seras mon espoir, à me montrer la voie.
Ô grand Dragon mystique, le feu ardent brûle en moi. Moi ton élu, puissant et unique, trépassé par la foi...
Au cœur de la guerre, tu me protègeras. Six pieds sous terre, tu me pleureras.
Sous le choc des épées, tu bruleras. Quiconque osera, briser ta foi.
Ô grand Dragon mystique, le feu ardent brûle en toi. Toi mon héros, puissant et unique, trépassé par la foi...
À travers la nuit noire, tu me guideras. Je serai ton espoir, à te guider la voie.
Ô grand Dragon mystique, le feu ardent brûle en toi. Moi ton élu, déchu et trahi, trépassé par leur foi.
Après ce poème écrit à la main sur une page blanche, Aeria demeure immobile, sans savoir pour quelle raison, une larme perle au coin de son œil et elle sent un poids dans sa poitrine.
D'une main hésitante, elle tourne la page. Sa larme coule et tache l'encre qui s'étale sur la feuille.
Ce sont des poèmes, tous ont ce fond tragique qui brise le coeur de la jeune femme. Elle ne connaît pas les Dragons et celui qu'elle a rencontré à tenter de la brûler mais cela peut s'entendre, si ces créatures ont été trahies.
Elle referme le livre, se couche mais ne trouve pas sa place. Elle tourne et se retourne, sans que le sommeil ne vienne la soulager. Elle voit à travers la fenêtre, comme une ombre timide, le sommet de la Montagne du Trépas, l'endroit même où réside la bête.
Dans sa tête, le poème résonne comme une sinistre chanson.
Nathanael lui a dit que le dragon l'avait choisie elle, dit-il vrai ? Doit-elle se laisser embarquer dans cette histoire ? Elle ne souhaite pas être utilisée comme une arme, néanmoins, après avoir lu ces quelques lignes qui lui ont suffit, elle se sent incapable de refuser.
Après tout, si c'est elle qui détient la confiance du dragon, c'est elle qui détient le pouvoir.
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