XII - Les oeufs de Dragon
Les Landes, autrefois l'une des plus belles Terres en ce monde, visitée par tous, Les Landes étaient idylliques. Puis vint la guerre du Feu, la mort du Dragon Noir nommé Ébène détruisit les Terres des Landes. Depuis ce jour, l'herbe, les feuillages, les fleurs, plus aucune végétation ne poussait. Les animaux avaient fuit l'endroit, comme la grande majorité de ses habitants.
Aujourd'hui, même sans le roi des Landes, ces Terres restaient infertiles, carbonisées et parsemées de nuages.
Ici, la neige avait fondu, ce qui rendait le sol boueux, il faisait froid, le soleil ne perçait point les nuages et la nuit tombait rapidement en hiver.
Hervos et Natanaël étaient enfin parvenus à rejoindre Les Landes, après un long voyage de trois semaines, ils étaient dorénavant sur les Terres des Landes. Natanaël avait cependant un pincement au cœur que de remettre le pied ici.
Ils avaient navigués avec des marins, Hervos les avait payé gracieusement pour qu'ils gardent le silence. Natanaël eut de quoi se restaurer, se laver et se reposer. Le bateau prenait régulièrement des voyageurs et chacun avait droit à sa couchette personnelle. Hervos et Natanaël avaient partagé leur couchette et s'étaient fait passé pour des gardes du roi pour monter à bord du navire.
Natanaël s'était décrassé comme il l'avait pu, avait attaché ses cheveux trop longs et espérait trouver le repos prochainement, pouvoir prendre un vrai bain, se raser, s'emmitoufler dans des couvertures... Durant ces trois semaines de voyage, il dormit de nombreuses heures, et n'émergeait que très rarement. Cela lui permit de récupérer de la force, de panser ses blessures et de retourner, lentement, à la réalité.
Il savait qu'à présent, jamais plus il ne pourrait s'enfermer dans ce rêve idyllique, qu'il ne verrait plus jamais Gorgia ou ses autres amis Dragonniers. Il comprit également qu'il ne reverrait jamais les Dragons. Il était temps, aujourd'hui, après cent longues années, de faire son deuil et d'accepter leur mort. Il lui fallait tourner la page et avancer, protéger ce pour quoi il vivait encore aujourd'hui ; les œufs du Dragon.
Cachés sous leurs armures, Natanaël et Hervos furent déposés dans Les Landes, là où ils entreprirent de se rendre jusqu'à l'ancienne demeure de Natanaël. Ce dernier savait où il avait caché les œufs et précisa à Hervos qu'ils se trouvaient dans le château.
— Cela ne semble guère une bonne cachette... je suppose que c'est ici qu'ils ont fouillé la première fois, commenta Hervos en gravissant la grande colline.
Natanaël tentait de suivre le rythme, maigre comme il l'était, il lui fallait du temps pour reprendre des forces.
— Pourtant, en un an, ils n'ont toujours pas mis la main dessus, rétorqua-t-il.
Il forçait sur ses jambes pour gravir cette grande colline glissante à cause de la boue, de la condensation sortait de leur bouche lorsqu'ils respiraient, afin d'imprégner au maximum leurs poumons d'air et garder un rythme de marche correct. Ils portaient les casques, ce qui leur permettrait de passer inaperçu, du moins, ils l'espéraient.
— Alors tu as dû trouver une très bonne cachette... supposa Hervos.
— Parfois, lorsqu'on cherche quelque chose et qu'on l'a sous les yeux, c'est à ce moment là qu'on ne le trouve pas.
— Insinues-tu que tu ne les as pas caché ?
— Si, mais pas autant qu'ils ne le pensent.
Hervos esquissa un sourire. Ils dévalèrent l'autre côté de la colline, vers les marées. Avec le froid, le givre, il était facile de les traverser sans craindre de se retrouver coincés dans les sables mouvants.
— Dis-moi, reprit Hervos, à quoi ressemble un œuf de Dragon ? Que je sache ce que je dois récupérer.
— Ils sont plutôt gros comparé aux œufs de poules que l'on peut récupérer. Dans mes souvenirs, l'œuf était blanc, puis une sorte de membrane étrange et dur comme du béton a recouvert une partie de l'œuf. Sur cette membrane, on y retrouve quelques écailles dorées, et c'est plutôt incroyable car, dans le noir, ces petites écailles dorées et leur membrane semblent briller comme des lucioles...
— Et bien, souffla son ami, les Dragons n'arrêteront jamais de nous surprendre. Cependant, je me posais une question... comment ces œufs peuvent-ils être encore viables ? Je veux dire... cent ans après...
— Parce qu'un Dragon peut dormir des années durant sans se réveiller, tout son corps est au repos et cesse de fonctionner, alors il ne demande plus autant d'énergie. Par la suite, si la mère les couve et les brûle, alors, arrivé à maturité, les œufs peuvent éclore sans aucun risque. Du moins, c'est ce que j'ai insinué avec toutes les recherches que j'ai pu faire... je ne suis pas un scientifique, je n'ai jamais vu d'œufs de Dragon éclore et c'est bien les premiers que je vois également alors...
— Alors ça reste plutôt impressionnant, l'interrompit Hervos, je suis impatient de les récupérer et de les mettre en lieux sûrs.
Ils rentrèrent dans l'enceinte du domaine, comme si de rien était. Des caisses étaient entreposées ici et là, des charrettes étaient remplies de babioles et d'objets précieux que conservaient Natanaël chez lui. Plus d'une cinquantaine d'hommes se trouvaient sur les lieux, des trous avaient été creusés tout autour des remparts, même en dehors. La demeure de Natanaël était vidée de fond en comble, comme si toute sa vie, tous les efforts qu'il avait mis dans son château, avaient été piétiné.
C'est à cet instant précis que Natanaël se rendit compte qu'il n'avait plus rien désormais. Il avait tout perdu.
Habillés comme tous les soldats présents, Natanaël et Hervos passèrent inaperçus. Alors ils s'avancèrent sur le porche, grimpèrent les quelques marches cependant, un garde se posta devant la porte grande ouverte. Natanaël put apercevoir son vestibule complètement vide, plus aucun tableau, plus aucun objet ne reposaient dans cette pièce, le sol carrelé noir et blanc était souillé.
— Halte, grommela le garde, nous sommes suffisamment nombreux dans l'enceinte du château. Allez creuser au Sud du domaine plutôt.
— Pourtant le roi nous avait bien demandé de nous charger du château, rétorqua Hervos.
— Le roi n'est pas là et je vous dis qu'il y a suffisamment de monde à l'intérieur du château.
Natanaël tourna le dos au garde et descendit les escaliers. Après lui avoir jeté un regard noir, Hervos fit de même. Ils avancèrent dans la cour avant du château, observant chaque soldat s'affairer. Des tentes avaient été monté, afin d'y passer la nuit. Après des mois et des mois de recherche, ils ne mettaient toujours pas la main sur les oeufs.
— Comment allons-nous faire ? soupira Hervos.
— Je connais un passage, viens.
Ils quittèrent l'enceinte du château et longèrent les remparts, à l'extérieur, là où les marais semblaient remonter, malgré le froid. Leurs pieds s'enfonçaient dans la vase, ce qui ne cessait de faire râler Hervos. Il pestait chaque fois qu'il prenait du temps à retirer son pied de la vase. Avec le froid, la boue, l'humidité et l'air, un effet ventouse les forçaient à rassembler leurs forces pour avancer sans se retrouver ensevelis par les marais.
Ils s'arrêtèrent du côté Ouest du domaine, là où Natanaël tira sur les barreaux d'une vieille meutrière. Ils se délogèrent facilement, ce qui interloqua son ami. Natanaël les jeta sur le côté et lui jeta un regard.
— Ces meurtrières datent d'il y a bien plus de cent ans, et elles donnent sur les souterrains du donjon, alors nous pourrons rejoindre le château et récupérer les oeufs.
— À quoi servait ce passage ?
— Aucune idée, je l'ai découvert quand je posais mes pièges, nous remettrons les barreaux en partant.
Ils entrèrent à l'intérieur et avancèrent dans l'obscurité la plus totale. L'écho de gouttes d'eau qui tombaient en continu rebondissait sur les murs autour d'eux. Malgré tout, un silence macabre pesait, les souterrains étaient vastes, creusés sous terre à la construction du château, ils eurent bon nombre de fonction ; la fuite, les secrets, les rendez-vous nocturne, les pièges...
Lorsqu'ils rejoignirent le donjon, Natanaël poussa la lourde porte en bois qui grinça sur ses gonds puis observa les lieux. Ils pouvaient entendre les soldats, cependant, ils semblaient se trouver dans une autre salle, à un autre étage.
Alors, doucement, ils avancèrent dans le donjon.
— Où m'emmènes-tu ? chuchota Hervos.
— À l'endroit où j'ai caché les oeufs.
— Je croyais qu'il n'y avait plus rien dans le donjon. C'était ce que tu m'avais dit...
— Un secret est un secret Hervos...
Ce dernier poussa un soupir. Ils durent gravir toutes les marches pour se retrouver tout en haut de la tour, là où Natanaël invita son ami à entrer dans le poste d'observation. Il y avait une petite table en guise de bureau, sur laquelle était posé un globe couvert de poussières, comme tous les ustensiles présents dans cette pièce. Hervos retira son casque et ramassa la longue vue, la déplia puis observa les soldats dans la cour en train de travailler par la fenêtre.
— Si seulement ils savaient... s'amusa le chevalier.
Natanaël esquissa un faible sourire, il retira son casque à son tour, le posa sur la table couverte de crasse puis se saisit de son épée. Il commença alors à frapper le mur derrière le bureau. Hervos lâcha la longue vue et se tourna vers le roi des Landes.
— Que fais-tu ? Tu vas abîmer l'épée.
— J'essaie de casser le mur, rétorqua-t-il.
Il frappa plusieurs fois, la pierre s'effritait, lentement.
— Tu fais beaucoup trop de bruit.
— Je n'ai pas le choix, Hervos, gronda Natanaël.
Ce dernier jeta un coup d'oeil à l'escalier, puis par la fenêtre, pour être certain que personne n'était alerté par le bruit. La lame de l'épée finit par se briser, cependant Natanaël continuait de frapper la pierre, jusqu'à réussir à la creuser suffisamment pour utiliser ses mains. Il en démonta une première, puis continua ainsi, jusqu'à creuser un trou dans le mur.
— J'ai emmuré les oeufs de Dragon, grogna Natanaël en retirant une pierre. La salle était bien plus grande avant cela...
— Tu ne les avais pas du tout caché sous les yeux de tous.
— Bien-sûr que si, une personne un minimum observatrice se serait rendue compte que cette pièce n'était pas symétrique et aurait forcément compris que quelque chose était caché ici. Combien de gardes ai-je eu qui travaillaient dans ce donjon ? Mais jamais personne n'a compris et c'était là l'effet recherché.
Natanaël s'agenouilla devant le trou, les pierres empilées à côté de lui. Il poussa un profond soupir, sous l'oeil attentif de son ami. Finalement, il y plongea le bras et sortit un premier sac de tissu, poussiéreux, quelques toiles d'araignées l'entouraient, des insectes morts et séchés s'y étaient accrochés, ce fut la même chose pour les deux autres sacs. Hervos se laissa tomber à genoux près de Natanaël lorsque ce dernier ouvrit l'un des sacs pour en sortir un oeuf.
Il était encore en parfait état, blanc, avec une membrane poussant tout autour et quelques écailles dorées qui semblaient briller, exactement comme l'avait décrit Natanaël.
— Penses-tu qu'ils sont encore capables d'éclore ?
— Je ne sais pas... cela fait très longtemps.
— Et s'ils éclosent, imagine le danger que ces bébés encourront..
— Nous ne donnerons pas ces oeufs à Thearsis tant que mon père sera en vie.
— Mais le Dragon les voudra...
— Oui, je te l'accorde Hervos mais... Thearsis comprendra que l'avenir de ses bébés dépend des mains entre qui ils tombent.
Natanaël remit l'oeuf dans le sac lorsqu'ils entendirent des soldats monter les escaliers. Hervos se redressa, enfila son casque, tout comme Natanaël et au moment même où il se remit debout, deux soldats entrèrent dans la pièce. Ils s'observèrent un instant avant que l'un d'entre eux ne porte son attention sur les trois sacs posés au sol.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda le second en sortant lentement son épée de son fourreau.
— Rien du tout, grogna Hervos son arme en main.
— Retirez vos casque, ordonna le soldat.
Hervos et Natanaël se jetèrent un regard, ils n'avaient nul besoin de se parler pour comprendre que pour se sortir de là, il était nécessaire de tuer ces deux soldats. Alors Natanaël brandit son épée cassée à son tour et asséna une attaque de sa lame à son adversaire, Hervos l'imita mais les soldats parèrent leurs coups. Un combat prit place au sein de cette petite pièce. Natanaël esquiva de justesse un coup mortel, l'épée du soldat se planta dans la table par la force de son attaque et le temps qu'il tente de la retirer, Natanaël en profita pour enfoncer sa lame sous son aisselle, là où le plastron ne le couvrait pas. Le soldat ouvrit la bouche, recula de quelques pas, ce qui retira l'arme de sa plaie. Il se mit alors à saigner abondamment, en reculant, il se cogna dans la porte et tomba à la renverse dans les escaliers. Par la suite, c'est Hervos qui tua son ennemi en lui tranchant la gorge, il s'écroula sur le sol, se vidant de son sang.
Les deux hommes restèrent un instant immobiles. Natanaël retira son casque afin de respirer, il ramassa les sacs avec les oeufs et quitta la pièce à la hâte, son ami sur les talons. Il ne fallait plus traîner, l'alerte serait donnée d'une minute à l'autre.
Ils coururent le long du donjon mais Natanaël posa son bras libre contre le torse d'Hervos, afin qu'il se plaque contre le mur. Ils restèrent immobiles, le temps que les soldats n'entrent dans le donjon et ne s'affolent en découvrant le corps inerte de l'un de leur camarade, dans les escaliers.
— Pourquoi ne pas reprendre le tunnel ? grogna Hervos à voix basse.
— Parce que nous avons besoin d'un cheval, il faut quitter les Landes, et rapidement.
Les deux hommes reprirent leur ascension, en toute discrétion, jusqu'aux écuries. Cachés derrière le mur, Natanaël se pencha légèrement en avant, afin de voir les soldats discuter entre eux dans la cour avant. L'un d'eux les rejoignit en courant, la main sur le manche de son épée.
— Une attaque a été lancée au donjon et un mur tout en haut a été démonté, je crois que... je crois que quelqu'un a trouvé les oeufs. Ils sont forcément encore ici, alors ouvrez l'oeil, et tuez-les si vous les voyez.
Natanaël se colla un instant contre le mur et ferma les yeux. Il s'agissait de prendre un cheval et de partir vite, mais en observant les lieux, il y avait quelques archers sur les murailles. Cependant, c'était là leur seul moyen de fuir.
Ils entrèrent dans les écuries, détachèrent un cheval et montèrent à deux dessus. C'était Hervos qui tenait les rennes, il donna un coup de talon au cheval afin qu'il parte au galop et saute la barrière avant de l'écurie. Lorsqu'ils traversèrent la cour, les soldats se précipitèrent sur eux. Natanaël se tenait tant bien que mal, tout en se démenant pour garder les oeufs contre lui.
Des flèches fusèrent, se plantèrent à côté d'eux et firent dévier le cheval.
— Fermez les portes ! Hurla un soldat, ils ne doivent pas quitter l'enceinte du château !
Deux hommes se chargèrent de pousser les lourdes portes des murailles. Alors il fallait accélérer. Un soldat s'accrocha à la jambe de Natanaël, le reste de son corps traînait sur le sol boueux. Natanaël manqua de tomber, il cala les oeufs contre son bras gauche et frappa l'homme avec son poing libre. Cependant, dans cette lutte, un oeuf tomba sur le sol, en même temps que le soldat.
— Non ! cria Natanaël.
Trop tard, ils passèrent les portes avant même qu'elles ne se referment et Hervos ne s'arrêta pas, il traversa les marais, à toute vitesse, évitant les flèches qui leur étaient tirées dessus.
— Hervos ! criait Natanaël. L'un des oeufs est resté là-bas !
— Nous ne pouvons pas y retourner Natanaël !
— Non ! Arrête-toi, arrête-toi !
— C'est trop tard... souffla son ami.
Natanaël regarda par dessus son épaule, il put ainsi voir son château dénaturé, dénudé et pillé, s'éloigner rapidement et l'un des oeufs de dragon avec.
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