VI - Les petits animaux disparaissent bien vite
— Flocon ! crie la jeune femme. Où es-tu...
Elle avance dans la cour du château, des domestiques lui ont dit qu'ils avaient vu la petite boule de poils passer par la porte avant du domaine. Le coeur d'Aeria se serre dans sa poitrine à mesure que les minutes passent. C'est si grand ici et si le chat a pu sortir à l'extérieur du château, peut-être a-t-il quitté la propriété, avec les marées, cela serait très inquiétant.
— Avez-vous vu mon chat ? Il est blanc... demande-t-elle à quelques passants.
Personne ne lui répond. La cour du château laisse vaguement penser à un petit village où le peuple s'affaire, quelques ruelles, quelques chaumières, un grand marché...
Aeria s'avance vers les écuries, le bas de sa robe noirci par la terre humide sur laquelle elle marche depuis quelques heures. Elle se penche en avant, pour vérifier que le chat ne soit pas entrer dans des box, elle espère, à chaque fois, distinguer cette petite boule blanche et la serrer dans ses bras.
— Majesté ?
Elle se relève, souffle sur une des mèches de ses cheveux qui s'est évadée de son chignon et adresse un faible sourire à Harold. Ce dernier plante son râteau dans le sol et s'appuie contre le manche.
— Rares sont les reines qui se promènent près des écuries. Souhaitez-vous adopter un cheval ? Nous en avons quelques uns de très bonne lignée.
— Non, je cherche mon chat... soupire-t-elle.
— Votre chat ? s'étonne le jeune homme.
— Oui et il n'est pas ici visiblement, bougonne-t-elle.
Elle relève sa robe humide et enjambe un tas de paille.
— Attendez ! la retient Harold.
Il lâche son râteau et avance à côté d'elle.
— Comment s'appelle cette petite bête ?
— Flocon... cela fait près de deux heures que je le cherche, en vain et pensez-vous que cela interpellerez mon mari ? Évidemment, non. Il est enfermé dans ce grand bureau et ne m'adresse pas la parole !
Elle s'arrête, se pince l'arête du nez et pousse un profond soupir.
— Excusez-moi, reprend-elle plus calmement. Vous n'y êtes pour rien... c'est juste que... pour les gens ce n'est qu'un chat mais pour moi... c'est bien plus que cela.
— Alors nous le retrouverons, Majesté.
Elle tourne la tête vers lui et lui adresse un sourire reconnaissant. Harold lui semble gentil, à l'écoute. Il porte les habits d'un écuyer, une cotte de maille mais pas l'armure complète. Il s'occupe principalement des chevaux et d'équiper les chevaliers à qui il est attitré, dont le roi, principalement.
— Nous pouvons aller dans Les Landes, hors de la demeure, si vous en avez l'autorisation. Cela vous permettra de voir un petit peu du pays et éventuellement, nous retrouverons Flocon, si vous l'avez perdu il y a plusieurs heures, probablement a-t-il trouvé le moyen de déjouer la marée ?
— Comment serait-ce possible ? Je croyais que c'était des sables mouvants...
— Oui, mais un chat est très léger, ma reine, il est fort probable qu'il ait pu la traverser sans difficulté, sinon, comment les rats et autres petits animaux parviendraient jusqu'ici que ce soit le jour ou la nuit ?
L'idée que Flocon puisse être bien plus loin que la cour du château terrifie Aeria. La pauvre bête se retrouve seule, perdue dans un lieu qu'elle ne connaît pas. Elle inspire profondément puis se tourne vers l'écuyer.
— Très bien, je vais me vêtir convenablement pour monter à cheval.
Le jeune homme hausse les sourcils.
— Ne souhaitez-vous pas monter dans une voiture... ?
— Non, je veux monter à cheval, vous me guiderez.
— Bien, Majesté.
Elle relève de nouveau sa robe et avance rapidement dans la cour du roi. Certains regards se tournent vers elle, la reine qui se montre en public sans aucune pudeur surprend le peuple du château. Elle rentre dans la demeure et monte les escaliers rapidement sans tenir compte du regard outré des domestiques. Derrière elle, elle laisse des traces de boue, ses chaussures étant encrassées.
Elle se rend dans le couloir aux portes condamnées, sauf celle de la pièce du roi. Elle s'arrête devant la porte, relève le menton et frappe trois coups distincts. Un court instant s'écoule avant qu'on ne vienne lui ouvrir la porte. C'est Hervos, qui fait trois têtes de plus que la jeune femme.
— Je veux parler à mon époux, ordonne-t-elle.
— Le roi est occupé pour le moment.
— Je dois lui parler sur le champ.
— Revenez plus...
— Hervos, intervient Natanaël, laisse la entrer.
Le chevalier reste impassible mais se décale sur la droite. Aeria, le menton toujours levé, entre dans la pièce. C'est une grande bibliothèque, les étagères remontent jusqu'au plafond et elles sont si hautes qu'une échelle sur roulette est mise à disposition. Des couloirs de livres construisent un labyrinthe dans la pièce. Un bureau avec une plume et une lanterne se trouve près de la gigantesque fenêtre ronde donnant sur la marée et une grande table de la même forme en bois massif trône au milieu de la pièce. Les murs comme le sol sont fait de parquet brut et sombre.
Natanaël était assis à son bureau, il se lève lorsqu'elle entre, fait le tour de celui-ci puis s'avance vers son épouse.
— Quelle raison vous amène ici ? demande-t-il.
— J'ai perdu mon chat, commence-t-elle.
Natanaël fronce les sourcils et croise les bras.
— Un chat ?
— J'avais emmené mon chat avec moi, car je l'ai depuis toute jeune, cependant, là n'est pas la question. Je souhaite que l'on me fasse porter des habits de cavalier, je vais monter à cheval et retrouver mon animal.
Natanaël la toise un instant, semblant surpris. Il humecte ses lèvres dessinées puis fait tourner l'une de ses bagues.
— Hm... grommelle-t-il, il est hors de question que vous montiez à cheval.
— Pour quelle raison ?
— Je ne souhaite pas que vous vous blessiez.
— Je serai accompagnée d'Harold, un écuyer.
Natanaël lui tourne le dos et s'avance vers la grande fenêtre. Il reste devant celle-ci à observer l'extérieur, il demeure silencieux un instant, tout en jouant avec sa bague qu'il tourne autour de son doigt.
— Harold est un bon écuyer, c'est vrai, reprend-il, mais ce n'est pas votre écuyer ni votre domestique.
— C'est le seul ami que j'ai ici.
— Une reine ne fait pas ami avec des écuyers.
— Je ne suis pas une reine ordinaire, bougonne Aeria.
Natanaël fait claquer sa langue contre son palais, visiblement agacé par le comportement d'Aeria. Il se retourne vers elle, les lèvres retroussées mais garde cet air froid sur le visage.
— Souhaitez-vous me provoquer ?
— Je souhaite retrouver mon chat.
— Je n'étais même pas au courant que vous aviez emmené votre chat ici.
— Nous avons tous des secrets, mon tendre époux.
Il la toise avec intensité avant de s'avancer vers elle, décroisant les bras par la même occasion. Aeria relève la tête et lui fait face. Il plonge son regard glacial dans le sien, il est grand, imposant et semble puissant, cependant, Flocon est tout ce qu'elle a.
— Ne me provoquez pas, Aeria, gronde-t-il.
— Alors ne m'enfermez pas, souffle-t-elle.
— Faites donc, vocifère-t-il. Nous aurons une discussion à votre retour.
Il lui tourne le dos et s'avance vers son bureau.
— Je vous souhaite de retrouver votre chat, Les Landes sont cruelles et les animaux disparaissent bien vite.
Le coeur de la jeune femme s'emballe à cette entente.
— Hervos, accompagnez la, un écuyer ne pourra pas la protéger du danger, ordonne-t-il.
Le garde accompagne Aeria à la sortie et referme la porte derrière lui. Rapidement, elle aura la possibilité d'enfiler les habits de cavalier : des pantalons marrons, accompagnés de bottes épaisses, une chemise blanche, un corset de la même couleur que son bas et une veste en velours.
Par la suite, Hervos, qui demeure silencieux, l'accompagne jusqu'aux écuries. Harold semble étonné de voir le garde du roi, cependant, il ne s'en plaint pas. Il présente à Aeria leurs chevaux, un bel étalon noir comme l'ébène et haut sur pattes, une jument à la robe chocolat, une tache blanche en forme d'étoile sur la tête. Aeria choisit celui-ci, Harold habille la jument puis aide la reine à grimper dessus. Elle tient les rennes, peu rassurée cependant, elle est déjà montée à cheval avec un Duc autrefois.
Une fois tous équipés d'un cheval, ils peuvent quitter l'enceinte du château, sous l'oeil attentif des membres de la cour. La marée est basse, mais seulement pour quelques minutes. Celle-ci s'abaisse parfois une fois dans la journée et d'autres plusieurs fois, personne n'a jamais su pourquoi ni comment ce phénomène se produit.
Pour Aeria, c'est une nouvelle découverte qui l'attend, visiter Les Landes à cheval n'est pas donné à tout le monde cependant, les dernières paroles de son époux trottent dans sa tête. Elle craint qu'il ne soit arriver malheur à Flocon.
Quelle créature pourrait bien faire disparaître les autres animaux ?
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