IV - Mon époux

Les festivités battaient leur plein, la moitié des convives étaient ivres et l'autre moitié continuait de s'empiffrer de nourriture. Natanaël avait disparu bien tôt dans la soirée, sans un mot pour Aeria ni personne d'autre. Il faut dire qu'au vu de l'altercation plus tôt dans la journée, il n'était pas étonnant qu'il lui faille un plan pour agir et défendre ses terres.

Aeria, son verre à la main qu'elle n'avat pas encore entamé, s'avança vers ses parents qui discutaient avec des membres de la cour du roi. Ceux-ci se tournèrent vers elle, abandonnant leurs convives au passage.

— Père, mère... souffla Aeria.

Sa mère saisît son bras en remarquant la mine déconfite de leur fille et l'écarta du groupe afin que personne ne profite de leur conversation.

— Qu'il y a-t-il Aeria ? Ne peux-tu pas te réjouir un minimum ? pesta sa mère.

— Comment, Mère ? Expliquez moi, comment devrais-je me réjouir d'être mariée à un tyran ? Vous avez vu et entendu, tout comme moi, que le roi des Cinq Terres n'est pas pour ce mariage et qu'il lui déclarera la guerre s'il demeure marié à moi ! Comment pouvez-vous me laisser ainsi ?

Remarquant que sa fille haussait le ton, ils la firent sortir de la pièce, dans les couloirs sombres et froids du château. Son père ferma les portes doucement, les voilà alors éloignés du brouhaha, éclairés par quelques bougies bien consumées.

— Je t'interdis de me parler sur ce ton, grogna sa mère.

— Père... commença Aeria en se tournant vers lui. Par pitié, ne m'abandonnez pas ici.

Il inspira profondément par le nez, lui jeta un regard compatissant mais pas suffisamment pour comprendre sa peine.

— Aeria, nous ne pouvons revenir sur notre décision, répondit-il.

— Bien-sûr que si, vous le pouvez ! Je ne me sens pas à l'aise ici, cet homme me fait peur, je n'aime pas Les Landes... je... je veux rentrer à la maison, s'il vous plaît. Nous pourrions recommencer ce que nous faisions, nous avions de très bons clients et ils étaient généreux avec vous.

Sa mère la toisa un instant, les lèvres retroussées, elle ne semblait que peu touchée par les propos de sa fille. Son père paraissait plus impliqué mais probablement trop influencé par sa femme pour oser dire quoi que ce soit.

— Je vous en prie... insista Aeria.

— Nous partons demain, dès que la marée sera basse, rétorqua sa mère.

Elle marqua une pause, jaugea Aeria dont le visage sembla s'illuminer à l'idée de rentrer chez elle.

— ... Mais tu ne viendras pas avec nous.

Le menton tremblant, Aeria dévisagea sa mère, déçue, blessée, trahie et abandonnée.

— Vous n'êtes qu'une vipère sans cœur ! vociféra-t-elle.

Aussitôt, la main de sa mère heurta sa joue avec violence. Aeria tourna la tête, vexée par ce geste, la joue rougie par la brutalité de son coup. Ses larmes coulèrent sur ses joues, elle jeta un dernier regard haineux vers ses parents puis quitta le château pour prendre l'air. Elle avança sur le chemin gravillonné, le cœur battant à tout rompre, les larmes ruisselantes sur ses joues. Elle s'arrêta finalement non loin d'une parcelle d'herbe carbonisée qui n'avait jamais repoussé. Elle posa sa main sur sa poitrine, sanglota sans s'arrêter. Elle délaça son corset afin de respirer et se laissa tomber à genoux, le cœur brisé.

Comment pouvaient-ils l'abandonner ainsi ? Sans aucune conscience du danger qu'elle encourait ? Elle les détestait, elle se convainquait par tous les moyens que ce n'était pas de leur faute, néanmoins, ce soir, elle les détestait.

— Et bien, on dirait que vous avez un gros chagrin. Je trouve cela fort triste pour une jeune mariée.

Aeria releva la tête, un homme s'avança vers elle. Il s'accroupît à sa hauteur et à travers la faible lumière de la lune et celle qu'émettait le château, elle aperçut un visage juvénile. Un homme habillé comme un domestique lui adressa un sourire courtois. Il arborait des cheveux blonds, des yeux noisettes et un visage bien plus doux que celui du roi.

— Je suis peut-être trop curieux mais... qu'est-ce qui vous fait tant de peine ?

Aeria renifla et essuya ses larmes d'un revers de la main tout en secouant la tête.

— Rien du tout...

— Vous pleurez de joie alors ?

Elle sourît légèrement.

— J'aimerais bien...

— Il n'est jamais facile de se marier, surtout si ce mariage n'est pas consenti.

Elle releva ses yeux vers lui.

— Enfin, je dis cela mais... moi je n'ai jamais été marié donc, ce ne sont que des suppositions, reprit-il.

Il lui tendit finalement la main, qu'elle attrapa et l'aida à se remettre debout. Il garda sa main dans la sienne et lui souriait, cet homme était chaleureux, bien plus que ses parents ou Natanaël.

— Je me nomme Harold, je suis écuyer. Et vous, vous êtes Aeria Astassard dorénavant, pas vrai ?

Elle hocha la tête. Il lâcha finalement sa main et croisa les siennes derrière son dos.

— L'altercation entre le roi et le porte-parole du roi des Cinq Terres n'a pas dû vous convaincre, cependant, rassurez-vous, il fait bon vivre ici. Il y a plein de petits villages aux alentours qui pourraient vous plaire. Vous pourrez visiter les lieux, afin de connaître votre peuple et tenter d'aimer Les Landes.

Elle haussa les épaules et passa les quelques mèches de cheveux qui s'échappaient de son chignon derrière ses oreilles.

— Je n'aurai d'autres choix que de m'y accommoder... soupira-t-elle.

— Je serai votre ami, si vous le voulez bien. Peut-être qu'ainsi, vous vous sentirez moins seule.

Elle sourît à nouveau et hocha la tête.

— Ce serait avec joie.

Le clocher sonna, ce qui fit sursauter la jeune femme. Il sonna quatre coups, elle leva la tête vers celui-ci, un petit peu plus loin dans la gigantesque cour du roi. Harold se posta à côté d'elle et croisa les bras.

— Il est minuit, le clocher sonne minuit avec ses quatre coups, lorsqu'il est midi, il sonne trois coups.

— Qui fait sonner les cloches ? s'intéressa Aeria.

— Un domestique aux ordres du roi.

Le roi... Aeria songea à la nuit de noces qui l'attendait avec appréhension.

— Je dois... je dois rentrer, je suppose. Alors, merci de m'avoir remonté le moral et je suis ravie de vous avoir rencontré Harold.

— Moi de même Majestée.

Elle esquissa un faible sourire, plutôt amusant d'entendre quelqu'un l'appeler ainsi mais elle devait s'y faire dorénavant. Elle rentra dans la demeure et s'arrêta devant un domestique, gardant sa main derrière son dos. Il semblait l'attendre.

— Suivez-moi, ma Reine. Je vais vous conduire à vos appartements.

Aeria suivit docilement le domestique à travers les immenses et interminables couloirs de la demeure. Le vestibule spacieux les mena jusqu'à de grands escaliers décorés de tapis bordeaux. Il lui ouvrit une porte au deuxième étage et la laissa entrer dans une grande chambre. Les bougies étaient déjà allumées et parsemées aux quatre coins de la pièce, un pichet de vin et deux verres en Crystal étaient posés sur une petite table près du lit à baldaquin habillé de voiles blancs.

— Bonne nuit, ma Reine, déclara le domestique.

Aeria se tourna vers lui, il ferma la porte au même moment. Elle demeura un instant immobile au milieu de cette pièce. La lune se reflétait à travers la grande fenêtre qui surplombait la chambre. Elle se dévêtît nonchalamment et posa ses vêtements sur le dossier de la chaise tournée vers un bureau sur lequel était posé une plume et une feuille. Elle resta en chemise, souple, transparente, laissant entrevoir ses courbes pour lesquelles les hommes étaient prêts à payer.

Elle se plaça devant le lit, détacha ses cheveux et inspira profondément. Comment agir face à cet homme qui la tétanisait ? Elle entendit ses pas lourds se rapprocher dans le couloir, ce qui fit davantage accélérer son cœur. Elle avait espéré toute sa vie un mariage digne d'une princesse et elle eut droit à une triste soirée décevante et déchirante.

— Je me fiche de savoir que le roi des Cinq Terres en a après mon Royaume. Ce qu'il veut par dessus tout, c'est exploiter mes terres à la recherche de MON trésor. Alors faites lui parvenir une missive dans laquelle il lui sera indiqué que si l'un de ses hommes ose de nouveau pénétrer mon Royaume sans mon autorisation, alors nous le punirons en conséquences et ferons envoyer au roi, le reste de ses membres encore en état, gronda Natanaël.

— Bien, Majesté, acquiesça un serviteur.

Du moins, c'est ce que pensa Aeria, depuis sa chambre, avec comme seul allié, son ouïe.

Puis la poignée de la porte tourna, alors son coeur battit encore plus fort et le roi entra dans la pièce tout en poussant un profond soupir. Il releva la tête tout en refermant la porte derrière lui et s'arrêta en voyant la petite tenue de sa femme. Il laissa  pendre ses bras le long de son corps et observa celui de la jeune femme. Il n'était pas difficile d'apercevoir sa poitrine délicieuse ou ses hanches généreuses.

— Rhabillez-vous, grommela-t-il.

Il détourna le regard et s'avança vers la table pour se servir un verre de vin. Aeria le suivit des yeux et joua avec ses longs cheveux roux.

— Mais... ne devons-nous pas consommer notre mariage ?

Natanaël but une grosse gorgée de son vin.

— Je ne me suis pas marié avec vous pour profiter de votre corps.

Il reposa le verre vide et posa ses yeux glacials sur elle. Elle croisa les bras, afin de cacher sa poitrine visible sous sa chemise.

— Je ne suis pas aussi assoiffé de chair que tous ces hommes à qui vous vous êtes vendue. Alors couvrez votre corps ou mettez-vous au lit. De plus, vous devez être dans vos appartements à minuit, jamais plus tard.

Aeria fit le tour du lit et se glissa sous la couette, là où elle se sentit plus à l'aise, le corps dissimulé sous les couvertures. Elle observa Natanaël boire un second puis un troisième verre de vin.

— Le mariage vous a-t-il plu ? Demanda-t-elle.

— Navré de ne pas avoir été présent. Je suis un homme occupé. Je vous retourne la question.

Il dit cela, le pichet dans une main et le verre vide dans l'autre.

— Et bien... je...

Il esquissa un faible rictus puis remplît son verre, ce qui vida le pichet. Il le but d'une traite, le posa puis s'avança vers le lit. Il retira sa ceinture qu'il déposa sur le bureau, puis ses chaussures.

— N'en dites pas plus, reprit-il pour lui répondre. Comment auriez-vous pu apprécier ce mariage ?

Il se ôta de son long manteau sombre puis détacha les lacets de sa chemise qu'il sortit de son pantalon.

— Je ne vous en veux pas, mais il faudra vous accommoder de cette nouvelle vie.

Le voilà dorénavant sans vêtements, Aeria haussa les sourcils et détourna le regard. Elle l'entendit marcher jusqu'au lit, là où il se coucha à ses côtés. Elle lui jeta un regard rapide du coin de l'œil, remarquant que son corps n'était plus exhibé, elle put enfin respirer normalement. Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle était en apnée.

— Je m'y accommoderai... souffla-t-elle.

— Fort bien, je ne reviens jamais sur mes décisions. Ce mariage est donc irréversible.

Elle le regarda et lui aussi, ses yeux bleus sont perçants la transperçaient de tout son être, comme s'il pouvait lire son âme.

— Vous êtes dotée d'une incroyable beauté, lui murmura-t-il.

Il l'observa ainsi un instant, durant lequel elle n'osa plus bouger. Puis finalement, il se coucha et tira la couette.

— Pourquoi m'avez-vous choisie ? Marmonna-t-elle.

Il lui tourna le dos. Un dos nu dessiné et sculpté, lequel arborait des cicatrices qui interpellèrent Aeria.

— Dormez donc Aeria, grogna-t-il.

Elle se coucha à son tour, sur le dos, les mains croisées sur le ventre, elle fixa le plafond ainsi une bonne partie de la nuit.

Qui était son mari ?
Qui était Natanaël Astassard ?

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