Tristesse
Les larmes refusent de le libérer aujourd'hui. Elles refusent de couler, comme sa bouche refuse de laisser passer des paroles. Même s'il s'acharne sur son piano, même s'il hurle à l'intérieur de son crâne, même si ses doigts ont gonflés. Rien n'y fait, il n'arrive pas à pleurer.
Peut-être parce qu'aujourd'hui il est vraiment triste. Peut-être parce qu'aujourd'hui son âme est si lourde qu'elle n'a pas le courage de se libérer de ses larmes. Peut-être parce qu'aujourd'hui il a l'impression que tout est terne.
Il a choisi une mélodie lente parce qu'il a mal aux mains. Parce qu'il a mal au coeur. Et ses lèvres sont toujours closes. Et ses lèvres sont toujours sombres, colorées par l'éclairage diffus et par le froid.
Sur le piano, sur les touches comme sur son coeur, ses empreintes se dessinent, sur son âme comme sur la matière. Partout, sa trâce subsiste, flotte dans l'air comme planerait un fantôme.
Il joue une mélodie douce, et les notes rebondissent. Et une seule perle s'écrase sur son cou. Une seule qui semble porteuse de tant d'espoirs et de tantde douleur. Une seule qui témoigne de sa tristesse.
La porte de son refuge s'ouvre délicatement. Il lève la tête, sèche sa larme, et s'arrête de jouer. Sa mère s'approche doucement de lui, et fait mine de ne pas être dérangée par la lumière terne. Elle le pousse un petit peu et s'assoit à côté de lui, sur le tabouret orné du coussin écarlate.
Elle l'entoure de ses bras et enfin les pleurs lui viennent. C'est en respirant l'odeur du jasmin de son parfum mêlé à celle de leur lessive qu'il se met à sangloter. Il appuie sa tête contre l'épaule de sa mère et entoure faiblement son torse de ses bras meurtris.
- Mon petit garçon... Je t'aime tu sais? Je t'aime. Fort.
Il acquiesce contre sa peau. Il renifle et attrape le cadre qu'il a posé sur son piano, pour avoir son visage devant lui à chaque fois qu'il joue. Parce qu'il joue autant pour elle que pour lui. il caresse ses joues, son front, à travers le papier glacé.
Sa mère pose sa main sur ses doigts gonflés.
- Je sais que tu l'aime. Moi aussi je l'aime. Mais il faut qu'on passe à autre chose mon chat.
Il acquiesce à nouveau mais il sait que demain il reprendra sa place en face de son piano et qu'il jouera à nouveau. Mais pour l'instant il profite de la présence de sa mère.
- Pour l'instant, allons manger mon ange, d'accord? Et cet après midi, nous irons nous promener pour nous changer les idées.
À nouveau, il hoche la tête. Il n'a pas faim, et encore moins envie de sortir, mais il suit sa mère qui le guide à la lumière de l'étage. Peut-être qu'elle le guidera à la lumière qui éclairera les abysses dans lesquelles il a plongé aussi?
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