Adieu

Ce matin là, il est descendu dans son refuge avec un peu d'apréhension. Il avait pensé toute la nuit à ce qu'il allait faire maintenant. Il caresse son instrument du bout de ses doigts meurtris. Il s'installe sur son tabouret, prépare son piano et pose ses doigts sur le clavier.

Il se met à jouer toutes les musiques qu'ils ont aimé. Il lui offre une musique qu'il a composé avec des bouts de tout ce qu'ils ont découverts et appri ensemble. Il joue un bout d'une comptine pour enfant, puis le refrain d'une musique qu'ils écoutaient quand ils avaient dix ans.

Il laisse son âme retrouver la sienne, et même si il a les yeux ouverts parce qu'il doit suivre la partition rapidement crayonée, ils dansent ensemble dans une dernière valse. Il joue pour elle. Tellement fort. Il joue pour eux. Parce qu'ils ont toujours tout fait ensemble.

Ils se rappellent de la veste à carreaux assortie à sa jupe que leur mère leur avait offert pour leur rentrée en primaire. Ils se rappellent de son premier petit copain qu'il détestait et qui l'avait quitée pour sa meilleure amie, une très jolie blonde dont il avait longtemps été amoureux. Ils se rappellent de la tarte à la myrtille que leur père leur avait préparé lors de leur douzième anniversaire.

Et puis il se rappelle que leur douzième anniversaire a été le dernier que Juliette fêtera. Et qu'il fêtera les prochains seuls. Et alors il se met à pleurer.

Et Juliette relève son menton. Elle plonge ses yeux pétillants dans les siens. Et ses lèvres silencieuses forment un message qu'il n'oubliera jamais:

- Jules ne m'oublie pas mais ne me laisse pas t'empêcher de vivre. Je t'en supplie, relève toi, vis.

Il la regarde encore longtemps, même s'il sait que tout cela n'est qu'une fabulation de son esprit malade avant de secouer la tête. Il termine son morceau et attrape doucement le cadre en face de lui.

Il verse une larme en contemplant son visage. Et pour la première fois depuis des mois, il se permet de chuchoter quelques mots, parce que les couleurs sont revenues dans son âmes. Ternes, fatiguées, mais elles sont revenues.

- Adieu ma petite soeur. Je t'aime. Je t'aime tu m'entends? Je vais vivre, je te le promets.

Et ses yeux sont pleins de buée mais il ne s'autorise pas à la laisser se transformer en larmes. Il pose le cadre juste devant sa partition. Et son visage cache désormais l'inscription qu'il a gribouillé cette nuit, juste en dessous de leur mélodie.

À ma jumelle, Juliette

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