Chapitre 33
NdlA : Je sais, je sais ! Vous me détestez pour ne pas avoir posté depuis un petit moment ! Je suis désolée ! Je n'ai juste vraiment pas trouvé le temps. La vie est devenue un peu (beaucoup, en fait) dingue ces temps-ci entre le boulot, les problèmes, la famille, les fêtes, mon entraînement et tout ce qui gravite autour... Je mène pas mal de trucs de front et il m'a fallu un peu de temps pour réussir à trouver un petit moment pour vous poster un nouveau chapitre. Mais le voilà enfin ! J'espère qu'il ne vous décevra pas trop pour me faire pardonner !
Bonne lecture !
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Le rêve me prit par surprise. Je m'étais habituée à ne plus avoir ces images atroces dans le crâne. Ces visions de sang, de tortures, de hurlements d'agonie. J'avais oublié ce que ça faisait de voir Ryker en sang, battu, mourant à mes pieds, mes mains pleines de son sang. Sans pouvoir rien faire. J'étais totalement impuissante face à ce qui se déroulait. Mon corps ne me répondait plus.
Il cracha à mes pieds, un jet épais de sang. Ma main vola pour heurter sa joue. Il était si faible qu'il échoua sur le flanc. Je commençai à le rouer de coups de pieds. Il toussa, retenant ses cris. Je continuai, frappant encore et encore et encore sans jamais cesser alors même que ses côtes cédaient.
Ce fut une grande gifle qui me réveilla. Je cillai, réalisant que j'étais prise au piège sous Naseok. Ses genoux étaient collés à mes hanches et ses mains appuyaient sur mes épaules.
- Mais qu'est-ce que tu fais ?! m'écriai-je en tentant de le repousser.
- Je t'empêche de faire une connerie, grinça-t-il en me plaquant contre le sol.
- De quoi tu parles ? Je dormais !
- Tu as attaqué Ryker, dit doucement Addy. Heureusement, Naseok a vite réagi.
- Quoi ? C'est impossible ! Je dormais. J'étais en plein cauchemar...
- Le Sort, énonça calmement le Traître. Tu étais bien endormie. Mais tu ne peux pas résister au Sort, ma jolie. Que tu le veuilles ou non, tu finiras par céder.
Naseok se recula et s'assit à côté de moi, me laissant me redresser. Je cherchai Ryker du regard pour le voir assis à l'opposé de moi, le visage fermé, un fin filet de sang coulant le long de sa tempe.
- Je suis désolée, soufflai-je.
Sans répondre, il détourna la tête. Je baissai la tête. Je jetai un regard de côté à Naseok lorsqu'il me pressa l'épaule.
- Allez, debout. On a de la route à faire.
J'opinai silencieusement en saisissant sa main pour qu'il m'aide à me mettre debout. Je récupérai mon sac et frottai les feuilles qui s'étaient collées à mes vêtements.
- Il y a une chose que je ne comprends pas, lâcha soudain Naseok, sûrement pour combler le silence pesant. Pourquoi le Roi Noir veut-il tuer Ryker ? Honnêtement, il y a des moyens plus sûrs et plus directs de faire. En plus, le Grand Royaume n'a aucun intérêt pour lui !
- En vengeance, répondis-je. Envers le peuple qui a enfermé la Faerie dans la Cage, envers les Madsen qui ont orchestré cet enfermement et envers moi pour avoir résisté.
Le Traître secoua la tête, un rictus amusé sur les lèvres. Naseok lui jeta un regard agressif.
- Vous avez tout faux, se moqua-t-il.
- Pourquoi vous dites ça ?
- Parce que je connais le Roi Noir. Et il n'en a absolument rien à faire de notre petit prince ici présent. Ce n'est qu'un pion.
- Expliquez-vous, exigea froidement Ryker. Un pion de quoi ?
- De son petit jeu avec Sixtine, évidemment ! Il aurait pu kidnapper n'importe qui dans ce château. Vous, votre mère, une servante, une lady... N'importe qui. Et pourtant, il a choisi Sixtine. Et, juste au cas où, personne ne s'échappe des Cours si les Rois ne l'ont pas décidé.
Ryker s'arrêta et se tourna vers lui, les bras croisés. Lui aussi avait énormément maigri. Ses traits s'étaient creusés, surtout dans le visage, faisant saillir ses pommettes et sa mâchoire. D'épais cernes soulignaient ses yeux, les assombrissant. Ses cheveux étaient d'une telle saleté que leur couleur en devenait indéfinissable.
- Donc, selon vous, le Roi Noir m'aurait laissé entrer dans les Cours pour faire sortir ma sœur et Sixtine ? Qu'est-ce qu'il y gagne ?
- Beaucoup plus que vous ne croyez. Il a maudit Sixtine parce qu'il savait que tu allais venir la chercher. Il le savait et il t'a laissé l'emmener avec toi parce que c'était exactement ce qu'il voulait. Il sait que Sixtine lui reviendra.
- Vous pouvez répéter ?
- Tu m'as compris, jeune Aderleen. Le Roi Noir se moque que ton Prince vive ou meurt. Ce n'est pas la donnée qui importe, pour lui. La guerre contre les humains aura lieu. Qu'il meure ou non, cette guerre aura lieu.
- En quoi ce sort me ramènera-t-il vers lui ?
- Parce qu'il te brisera. Soit tu retourneras auprès de lui pour le supplier de t'en débarrasser, soit parce que tu auras tué l'homme que tu aimes.
- Je ne le ferais pas, assurai-je. Je ne le tuerai pas.
- Tu ne pourras pas t'en empêcher. Tu ne remarques pas comment ça va et vient ? Tu ne sais jamais quand ça va survenir, pas vrai ? Ça te hante, ça te fait voir des images atroces et tu ne contrôles plus ton corps ni tes réactions lorsque vous êtes tous les deux au même endroit. C'est le but.
- Je ne comprends pas...
- Le but ultime, c'est de te briser. De te faire retourner sous sa coupe. C'est tout ce qu'il veut. Et poser ce Sort sur toi, c'est une forme de torture bien plus pernicieuse que ce qu'il t'a infligé jusque là. Il sait que les coups, la privation de sommeil, le harcèlement... Il sait que tout ça, ce n'est pas la seule façon de briser quelqu'un. Et toi, il te veut encore fonctionnelle. Il te veut encore capable d'obéir aux ordres lorsque tu reviendras. Alors, il va te briser mentalement à travers ce sort.
- Ça n'a aucun sens ! aboya Naseok. Absolument aucun !
- Ah non ? Tu es sûr de ça ? Parce que, moi, je suis absolument certain qu'il s'agit de ça. Ce Sort est une torture dont elle ne ressortira pas indemne. Je doute qu'elle le tue, elle a un sacré mental, mine de rien. Mais il n'empêche que les images ne la quitteront jamais et que, très vite, elle va se perdre entre le réel et l'irréel. Elle ne saura plus si c'est le Sort ou si c'est elle. Alors, elle cédera. Elle retournera à la Cour Noire pour qu'il la débarrasse de ce Sort et il obtiendra tout ce qu'il voudra d'elle parce qu'elle sera mentalement fragile.
- Mais pourquoi ? demandai-je, ma voix atrocement geignarde. Qu'est-ce qu'il veut de moi ? Pourquoi me veut-il absolument auprès de lui ?
- De ça, je ne peux jurer mais je pense que ça doit avoir un rapport avec ton nom de famille. Tu es une Aderleen, sa maîtresse favorite était une Aderleen avant qu'elle ne fuit la Cour avec son bâtard de fils. Il pense peut-être que ça la fera revenir, qu'elle voudra connaître sa nièce qui aura survécu au massacre.
Naseok continua de secouer la tête.
- Je ne te crois pas, assena-t-il sèchement. Avançons maintenant. On perd du temps pour des fadaises.
Il me tira avec lui vers Ryker, Addy et Ghur, laissant son père en arrière. Je ne dis rien, voyant bien qu'il était énervé et que discuter avec lui serait inutile. Il était braqué contre le Traître, refusant de croire le moindre mot qui sortirait de sa bouche.
Cependant, j'avais l'impression que le Traître disait la vérité. Si le but réel du Sort avait été de tuer Ryker, il serait déjà mort. J'en étais certaine. Grande force mentale ou non, cela restait de la magie et je ne pouvais pas lutter. La conclusion du Traître me semblait plus logique et vraisemblable que celle de...
J'interrompis mes pensées juste à temps pour ne pas lâcher une information que le Traître n'avait pas besoin de connaître.
- Tu es frustrante, jeune Aderleen. Tu as un tel mur mental que je n'arrive à percer aucun de tes secrets. Et je sais que tu en as des tonnes.
- Parce que ça ne vous regarde pas. Et arrêtez de fouiller mon crâne !
- Mais c'est le plus divertissant, ici ! Le grand dadais est aussi vide qu'un canyon, la petite n'a aucun intérêt, le petit prince est en plein conflit intérieur et c'est exaspérant et Naseok a un cerveau encore mieux verrouillé que le tien. Son mur est tellement solide que rien ne filtre. Je suis fier de toi.
- Va te faire voir.
Il accéléra, m'entraînant avec lui, me forçant presque à courir à côté de lui. Nous nous retrouvâmes entre Ghur et Ryker. Et, pour ma veine, j'étais juste à côté de Ryker, son bras frôlant le mien. Je n'osai pas tourner le regard vers lui. Je l'avais agressé alors que je venais à peine de le retrouver. À ce niveau, les choses ne s'arrangeraient jamais entre nous. Si elles pouvaient s'arranger, ce dont je doutais.
- Tu nous expliques comment tu as encore échappé au Chasseur ? m'apostropha soudain Ryker.
Il ne me regarda pas, fixant le chemin devant nous. Ses mâchoires étaient serrées, son ton froid. Il n'avait pas envie de me parler mais il voulait des explications.
- Il m'a traînée avec lui pendant une journée et demie avant que je réussisse à l'assommer avec une grosse branche d'arbre. Il dormait ou méditait ou je ne sais quoi. Il était assis en tailleur, les yeux fermés... J'ai frappé de toutes mes forces. Il m'avait sentie venir donc on s'est battus mais je... J'ai réussi à l'assommer et j'ai filé. J'ai volé un cheval et j'ai galopé jusqu'à ce que mon cheval n'en puisse plus.
- Soit tu as une chance de cocue, soit il y a anguille sous roche, chantonna le Traître. On ne peut pas se débarrasser du Chasseur comme ça. C'est peut-être un gamin mais il est fichtrement doué dans ce qu'il fait.
Naseok craqua. Ses doigts passèrent sous ma cape pour saisir l'une de mes dagues. Il agit si vite que, la seconde suivante, la pointe de l'arme était contre la gorge du Traître et je n'avais pas compris comment s'était arrivé.
- Donne-moi une seule bonne raison de ne pas le faire, cracha-t-il. Une seule.
Je posai une main sur le poignet de l'Unseelie.
- Arrête. Ne fais pas ça, Naseok.
Il m'ignora.
- Tu le regretteras si tu le fais. Alors baisse cette arme et continuons notre chemin, d'accord ? Ignore-le.
- Vas-y, le provoqua le Traître. Fais le. Tue-moi. Tu en meurs d'envie. Tu en rêves depuis longtemps alors fais-le.
- Ne l'écoute pas. Ne fais pas la même erreur que moi, Naseok. Je t'en prie.
Il tourna la tête vers moi, cessant de prêter attention à son père. Il ferma les yeux et ce fut le signal que j'attendais. J'appuyai sur son bras et il relâcha la pression, le laissant retomber contre son flanc.
- Tu as fait le bon choix, lui assurai-je. Il n'en vaut pas la peine.
Je récupérai ma dague et la remis dans son étui. Naseok se dégagea et partit à l'avant. Je jetai un regard noir au Traître.
- Vous feriez mieux vous taire, maintenant. Je vous devais une vie, je ne vous dois plus rien. La prochaine fois, je n'interviendrais pas. Alors faites-vous discret ou c'est moi qui vous ferais taire.
Il haussa un sourcil. Je tournai les talons sans lui donner le temps de répondre et nous reprîmes notre route en silence. Je marchai un peu en retrait du trio formé par les Madsen et Ghur, coincée entre eux et le Traître qui traînassait derrière. Je soupirai en me passant une main dans les cheveux. La tension entre père et fils n'allait pas tarder à exploser. J'étais la seule à savoir quelle était la réelle teneur de leur relation. Ce qui me perturbait était que le Seelie avait voulu retrouver son fils mais depuis les retrouvailles, il n'avait fait aucun pas vers lui. Ils ne s'étaient pas adressé la parole à part pour leur dispute. Son motif devait être autre que celui qu'il m'avait annoncé. Je ne serais même pas étonnée que son prétexte ne soit qu'une couverture sous laquelle il cacherait la véritable raison qui l'aurait poussé à retrouver son fils.
Je tressaillis lorsque Ryker claqua des doigt devant mon visage. Je cillai, tournant la tête vers lui, un peu perdue.
- O-Oui ?
- Je sais que tu mens.
- À propos de quoi ?
- D'à peu près tout. Mais surtout à propos de Nahl. Il s'est passé quelque chose lorsqu'il t'a emmenée. Quelque chose que tu refuses de nous dire. Que tu n'as même pas avoué à Naseok malgré vos petites confidences au coin du feu.
Mon cœur rata un battement. Se pouvait-il qu'il ait tout entendu ? Qu'il ait entendu ce que j'avais révélé sur l'assassinat de mes parents ? Et pourquoi semblait-il si énervé ?
- Et alors ?
- Tu débarques en pleine nuit avec le Traître, rien de moins, et tu te mets à mentir comme un marchand de potions sans compter que tu fricotes avec Naseok alors que tu ne pouvais pas le voir en peinture... Je vais passer sur ton agression de ce matin puisque, apparemment, tu es sous l'emprise d'un sort dont tu ne nous as jamais parlé mais dont tout le monde à part moi était au courant de l'existence.
- Je ne voulais pas te le dire, d'accord ? Tu ne voulais même pas me sortir de la Cour Noire. Tu l'as fait pour Addy. Comment aurais-tu réagi si je t'avais dit que le Roi Noir m'avait maudite pour que je te tue ? Je doute que tu aurais été accueillant et que tu m'aurais laissée voyager avec vous plus longtemps.
- C'est pour ça que tu as voulu partir, cette nuit-là ?
- Oui.
Il resta silencieux quelques secondes.
- Et ce que tu as révélé à ton nouveau meilleur ami ? À propos de Jon ? C'est vrai ?
- Oui. C'est lui qui a tué ma famille.
- Et tu as tué mon père alors qu'il était innocent.
- Pour la première fois de sa vie, marmonnai-je malgré moi.
Il me jeta un regard orageux.
- Quoi ? Tu veux m'entendre dire que je regrette ? Je ne peux pas. Ton père était un homme horrible et tu le sais aussi bien que moi. Il a affamé son peuple, torturé des gens, assassiné bien plus de monde que n'en a jamais assassinés Jon. Il t'a battu et enfermé dans les cachots sans le moindre soin ! Et tu veux le défendre ?
- C'était mon père !
- Je sais. À croire qu'on a tous des familles à chier. Je commence à penser que les familles heureuses et aimantes ne sont qu'un mythe.
- Ce n'est pas parce que ton père adoptif a assassiné ta famille que tu dois cracher sur ma famille.
L'attaque me heurta de plein fouet. La colère commença à monter devant son aveuglement volontaire. Il savait mais refusait de savoir.
- Ouvre un peu les yeux, bon sang ! Ton père était un roi mauvais et oppressif. Et ne me lance pas sur ta mère. Même toi, tu ne peux pas fermer les yeux sur ce qu'ils ont fait. Tu peux me haïr un peu plus pour ce que je te dis mais reconnais que je ne mens pas, que tu le sais aussi bien que moi.
- Mon père n'était pas un exemple, admit-il difficilement. Mais ma mère a peut-être ses torts mais n'est pas de la même veine.
- Non, c'est vrai. Elle est pire ! Aurais-tu déjà oublié qu'elle a essayé de te faire tuer ? Et en rentrant, elle ne va certainement pas t'ouvrir grand les bras, heureuse de te revoir. Si elle le fait, fais attention au poignard dans sa main.
- Tu vas trop loin, Sixtine !
- Je ne pense pas. J'essaie de te sauver la vie, Ryker !
- Arrête ! Arrête de vouloir me sauver ! Surtout que tu es la plus à même de me tuer. Assassiner un second roi ne devrait pas te poser de problème, pas vrai ?
Il accéléra le pas, me laissant sur place, le souffle coupé. Je clignai des paupières pour retenir les larmes qui me brûlaient les yeux. Il venait de frapper là où ça faisait très mal. Je serrai les poings, enfonçant mes ongles dans mes paumes pour me forcer à retenir les larmes qui tentaient de s'enfuir. Je ne pleurerai pas. C'était hors de question. Je refusais de pleurer.
J'inspirai profondément, redressai la tête, et emboîtai le pas au reste du groupe. Je ne savais pas si j'étais plus en colère que je n'étais blessée ou si c'était l'inverse. Quand bien même, je me tournai vers la rage pour tenir le coup.
Nous marchâmes en silence pendant plusieurs heures jusqu'à ce qu'une forêt épaisse et dense ne se dessine devant nous. Naseok s'arrêta à la lisière, fouillant ses profondeurs du regard. Il se tourna vers nous, toujours aussi fermé.
- À partir de maintenant, on ne s'éloigne plus les uns des autres.
- Pourquoi ? demanda doucement Addy.
- Parce que cette forêt peut nous tuer, répondit le Traître en allant se placer à côté de son fils. Elle a été crée pour protéger la frontière. Elle fera de son mieux pour nous empêcher d'arriver de l'autre côté.
Je ne dis rien, dépassant tout le monde, pénétrant dans la forêt sans attendre. Je tirai l'une de mes dagues de son étui, la serrant dans ma main. Je taillai dans les buissons et les ronces pour avancer facilement. Je n'avais pas envie d'attendre, de réfléchir. Et, honnêtement, taillader des branchages me faisait du bien. Je pouvais relâcher un peu la colère que j'avais en moi. Je me forçai à me contrôler pour ne pas craquer.
Naseok me rejoignit et me prit la dague des mains.
- Arrête. Calme-toi.
- Fous-moi la paix et rends-moi ça.
Je la récupérai, lui entaillant la main au passage. Il émit un sifflement qui me serra l'estomac. Je détournai le regard et continuai de préparer le chemin. La lumière cessa vite de passer tant le feuillage était épais et enchevêtré. Naseok projeta des oiseaux de feu devant moi pour me permettre de voir les obstacles, gardant des flammes dans ses mains pour les autres. Il s'arrêta juste derrière moi.
- Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Rien.
Je donnai un grand coup dans une branche épaisse. La lame s'enfonça jusqu'au milieu et resta coincée. Je tirai dessus, l'agitai pour la déloger. Vainement. Je continuai à m'acharner.
- Tu vas te faire mal, intervint Naseok. Tu es en train de détruire tes cataplasmes.
Je regardai mes bras, voyant la substance qui recouvrait mes brûlures qui se craquelait, de petits morceaux tombant en poudre. Je les frottai, enlevant tout ce qui s'était cassé. Là où les morceaux se détachèrent de la peau, la sensation de brûlure remonta en flèche. Je mordis ma lèvre, mes yeux se remettant à brûler.
- Donne-moi ça avant que tu n'empires les choses.
Il me poussa, me forçant à lâcher ma dague. Il l'arracha du bois avec aisance et, sans me laisser réagir, pris les devants pour forcer le passage. Je lui emboîtai le pas, les mains me démangeant méchamment. Me retrouver sans rien à faire, c'était insoutenable. Devoir simplement suivre Naseok en silence...
Nous débouchâmes sur une vaste clairière illuminée. Elle était si grande que même les arbres si larges ne parvenaient pas à étirer suffisamment leurs branches pour créer un toit. Nous nous arrêtâmes quelques instants pour boire et nous reposer. J'allai m'asseoir à l'ombre, dos à un arbre, scrutant le chemin qui nous attendait. Jusque là, la forêt n'avait pas tenté de nous tuer, contrairement à ce qu'avait annoncé le Traître.
Je ramenai mes jambes contre ma poitrine, enroulant mes bras autour. J'enfonçai mon visage entre mes genoux, laissant enfin couler quelques larmes. Je gardai la bouche fermement close et serrée pour ne laisser échapper aucun son. J'inspirai profondément pour tenter de me calmer lorsque j'entendis les autres s'agiter à quelques mètres. J'essuyai mon visage, me relevai et fis front.
Comme si de rien n'était.
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