Chapitre 22
Je regardai Ryker se rapprocher toujours plus de la lave.
Et heurter la terre.
Mon cri s'étouffa dans ma gorge en le voyant rebondir sur un banc de terre meuble et sèche. Je cillai, perdue. Que s'était-il passé ? Je me tournai vers Ghur, cherchant une explication.
- C'est... C'est toi qui as fait ça ? lui demandai-je, la voix rendue rauque par mon hurlement.
- Non.
Réponse simple et directe. Il semblait aussi choqué que moi, à vrai dire. Je me tournai vers Naseok, qui avait toujours réponse à tout. Il me considérait avec une surprise et un intérêt qui me laissèrent perplexe.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Il ne répondit pas. Je tressaillis lorsque Ryker atterrit à côté de moi et que sa sœur se jeta dans ses bras, en larmes. Je continuai de fixer le banc de terre qui formait désormais une digue. La lave s'accumulait derrière aussi ne tint-elle pas longtemps.
- Bordel mais c'était quoi, ça ? explosa Ryker tout en caressant les cheveux de sa sœur.
Ses iris bleu glace étaient rivés sur moi, emplis d'un froid polaire qui me fit frémir. Pourquoi semblait-il me blâmer ? Je n'avais rien fait à part hurler.
- Je n'ai aucune idée de ce que c'était, avoua Naseok.
Enfin, le regard de l'héritier se détourna vers moi et je pus à nouveau respirer. Le Unseelie paraissait en pleine réflexion. Il savait ce qu'il s'était passé mais il semblait décidé à ne rien partager.
- Quoi qu'il se soit passé, ça t'a sauvé la vie, intervint Addy en regardant son frère. C'est le plus important. Je me fiche du reste.
- Il en va de même pour moi, ajouta Miach. Je n'ai qu'une hâte, c'est d'être hors de ces maudits marais. Alors vous réfléchirez à tout ça plus tard, quand on en sera sortis, d'accord ?
- Mais... tenta Ryker.
- Pitié, Ryker ! S'il te plaît, contentons-nous de partir. Il y a encore de la route, tu pourras en parler avec Naseok si tu veux mais partons !
- Faisons ce qu'il dit. J'ai soif, j'ai faim et j'ai besoin de me laver comme jamais.
Il était évident que Addy tirait la corde sensible de son frère. Il soupira, acceptant sans avoir à prononcer la moindre parole. Les deux Unseelies ne cherchèrent même pas à résister. Naseok remit Miach sur son dos et nous reprîmes la route dans un silence presque total.
De ce côté du canyon, le paysage n'était pas différent. J'avais hâte de retrouver de l'herbe et des arbres. Je n'en pouvais plus de la terre aride et sans relief. C'était comme perdue en plein cauchemar.
- C'était toi, pas vrai ? me demanda Addy alors que son frère était devant avec Naseok et Miach, Ghur rôdant autour pour écouter. C'est toi qui as sauvé Ryker.
- Bien sûr que non. Je n'ai pas de magie.
- On dirait bien que si. Quand tu as crié, le pont s'est créé. Je suis sûre que ça vient de toi.
- Ça ne se peut pas, Addy. Si je peux appeler la magie, je ne peux rien en faire. Crois-moi, j'ai essayé à la Cour. Et tu t'en doutes, ça n'a mené à rien. Je ne peux pas maîtriser la magie, juste la conjurer.
Elle parut dubitative mais n'insista pas. Elle préféra parler de ce qu'elle ferait dès que nous serions sortis des marais. Je l'écoutai distraitement. Ses mots résonnaient en moi. Se pouvait-il que j'aie manipulé la magie sans m'en rendre compte ? Se pouvait-il seulement que j'en sois capable ?
- Non. C'était toutsimplement impossible.
Je pouvais accepter d'avoir éventuellement du sang Fae dans les veines mais au-delà de ça, c'était impossible. Si j'avais de la magie, cela voudrait dire que j'étais plus Fae que ce que j'avais toujours pensé. Non. Je ne pouvais pas accepter ça. Je serais toujours plus humaine que Fae. Il ne pouvait pas en aller autrement.
Malgré tout, je brûlais de demander à Miach si, moi aussi, je pouvais me servir de la magie. Je voulais savoir si je possédais une arme supplémentaire qui, si je prenais le temps de l'aiguiser, pourrait se révéler inestimable. La guerre ne faisait que commencer et j'étais certaine que je serais encore confrontée à des Faes. Si je pouvais manipuler leur arme de prédilection, j'aurais plus de chance de survie. Toutefois, utiliser la magie...
Nous posâmes le dernier à quelques kilomètres de la sortie des marais de lave. Je pouvais la voir, au loin, la bordure verte contre le marron pâle et poussiéreux. Nous terminâmes le peu qu'il nous restait avant de nous remettre en route sans attendre plus longtemps. Nous avions tous hâte d'échapper à la chaleur et aux puits de lave qui apparaissaient un peu partout.
Depuis le canyon rempli de lave auquel nous avions échappé, le terrain avait totalement changé. Au lieu de la marche en ligne droite à laquelle Naseok nous avait habitués, nous devions faire un véritable slalom entre les puits qui s'ouvraient et déversaient de la lave mousseuse et brûlante. C'était encore plus épuisant et le soufre qui saturait l'air nous rendait tous malades. Miach ne cessait de tousser à en cracher ses poumons.
Nous atteignîmes la plaine en fin de journée. Naseok ne nous laissa pas sortir des marais aussitôt même si c'était tout ce que nous voulions. Contrairement à nous, il n'avait pas oublié toute prudence. Il devait vraiment avoir l'habitude de les traverser pour ne pas se jeter dans l'herbe délicieusement humide.
Pendant qu'il vérifiait que la voie était libre et que Nahl ne nous attendait pas avec ses vautours caché derrière une touffe d'herbe, j'observai la différence nette entre les marais et le reste. La frontière était nette et brutale. Il n'y avait pas de lien entre les deux, pas de connexion. À un moment, l'herbe poussait et juste après, sans raison apparente, elle disparaissait.
- C'est tout de même étrange que la séparation soit aussi nette, dis-je.
- Pas tant que ça, répondit Miach. C'est ainsi que la Faerie fonctionne. Elle a sont propre système et tout ce dont elle a besoin pour survivre par elle-même. Contrairement aux royaumes humains, les Faes ne se mêle pas aux autres. Ici, il n'est pas question de commerce ou d'échange entre territoires qui possèdent et d'autres qui ne possèdent pas. La Faerie doit créer tout ce dont elle a besoin sur un terrain réduit. Elle ne peut pas se permettre de perdre de la place. Elle est pensée bien plus intelligemment que nos royaumes. Et, au besoin, le Roi au pouvoir peut parfaitement faire bouger ces frontières pour les modeler selon les besoins du peuple.
D'un côté, ça faisait sens. D'un autre, ça me paraissait tout simplement incroyable et inconcevable qu'un simple être, qu'il fut Roi de la Faerie ou non, puisse modeler son territoire selon son bon vouloir. Pourtant, je n'aurais pas dû être aussi surprise. J'avais vu le Roi Noir et le Roi Blanc faire revivre un royaume que j'avais toujours connu comme mort. Rien que par leur magie, ils avaient rendu l'âme à un terrain abandonné durant des décennies. Même si je ne saurais jamais faire ça, si je parvenais au moins à me défendre...
Je ne parvenais pas à me convaincre d'apprendre la magie. Je n'y arrivais pas. Pas alors que je sentais les coups d'œil réguliers que me lançaient mes compagnons. Que pensaient-ils réellement de ce qu'il s'était passé ? Que pensaient-ils réellement de moi ? Croyaient-ils que j'avais pu faire ça ? Moi ?
Bien sûr qu'ils le pensent. Ils savent déjà que tu vas les tuer...
Je secouai la tête. Ça n'allait pas recommencer. Je ne les écouterais pas et tout irait bien.
Si seulement c'était aussi simple ! Tu ne peux pas nous ignorer... Tu sais que tu vas les tuer...
Quelque chose n'allait pas. Les voix me semblaient différentes. Et puis...« les » ? Je n'étais censée tuer que Ryker. Pas tout le monde. Alors pourquoi « les » ? Ça ne venait pas du sort du Roi Noir. J'en étais sûre. C'était autre chose.
Je ralentis. Je me retrouvai rapidement isolée des autres et ça ne rendit les voix que plus fortes dans ma tête. Elles étaient plusieurs, fortes et différentes. Je ne ressentais pas les mêmes sensations que lorsque le sort du Roi Noir faisait effet.
- Sixtine ? m'appela doucement Addy. Qu'est-ce que tu fais ?
Tout le groupe se tourna vers moi et j'accrochai le regard de Naseok. Il parut aussitôt comprendre que quelque chose n'allait pas car il me rejoignit.
- Ça recommence ? me demanda-t-il dans un souffle.
- Pas vraiment. C'est bizarre.
- Comment ça ?
J'hésitai. Il me paraissait nerveux, impatient. Comme s'il nous pensait en danger en nous attardant ici. Ses yeux ne demeuraient pas sur moi mais voguaient partout, fouillant le paysage. Quelque chose le tracassait et il ne le disait pas.
- On dirait que...
- Que ?
- Que c'est quelqu'un d'autre.
Il pâlit plus vite que je ne pus le voir. Aussitôt, il me saisit par le bras et m'entraîna avec lui.
- Pressons le pas. Vite !
- Qu'est-ce qui se passe ? cria Ryker, se mettant à courir derrière lui.
Naseok ne lui répondit pas, se contentant d'accélérer. Je tentai de suivre mais je n'avais pas la force de sprinter ainsi, aussi soudainement. Mes jambes cédèrent sous moi et je chutai. Naseok ne me lâcha pas, tentant de me maintenir debout. En vain. Nous heurtâmes tous les deux le sol brûlant, soulevant un nuage épais de poussière.
- Comme c'est mignon ! Il pensait pouvoir nous fuir une seconde fois !
Je redressai la tête, cherchant d'où venait la voix. Cette fois, elle n'était pas dans mon crâne mais bien en dehors, résonnant autour de nous. Je regardai partout autour de moi sans trouver d'où elle venait. Il n'y avait personne. Partout autour de nous, il n'y avait que de la terre desséchée et sableuse.
- Non, non, non... souffla Naseok, plus pour lui-même que pour quiconque d'autre.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Miach, la voix tremblante.
- Ils sont là. Ils se sont échappés.
- Qui ? Explique-toi, bon sang !
Naseok ne répondit pas. Il se releva, me forçant à faire pareil. Je le laissai faire, titubant derrière lui, ayant du mal à retrouver mon équilibre. La tête me tourna et je dus m'appuyer sur lui pour ne pas partir en avant. Un ricanement résonna juste derrière moi et je sursautai, percutant Naseok qui tomba sur un genou. Il jura en se relevant aussitôt.
- Arrêtez ça ! cria-t-il. C'est bon ! Je sais que vous êtes là. Tout ce petit cirque est inutile !
- Inutile mais tellement drôle !
Plusieurs rires se mêlèrent au premier et je nous devinai encerclés.
- Je croyais que l'invisibilité des Faes était un mythe ! cria Ryker. Que c'était impossible à achever !
- Ils ne sont pas invisibles, répondit Naseok. Ils ne nous laissent pas les voir.
- Ce que tu n'as jamais réussi à faire, se moqua l'un des invisibles-pas-si-invisibles.
Le Unseelie émit un bruit de gorge qui me fit hausser un sourcil. Encore un point faible découvert. Ça pourrait toujours servir même si je commençais à penser que Naseok n'était vraiment pas un ennemi.
Un bras se posa sur mes épaules. Je le sentis, ne le vis pas. Je tentai de me dégager mais rien n'y fit. Au contraire, la prise se resserra, faisant gémir mes os. Je ne luttai pas contre la grimace de douleur qui vint sur mes lèvres. Nous étions encerclés par des ennemis alors autant cacher mon jeu et avoir un coup d'avance au cas où. Ça pourrait toujours être utile. Je n'étais peut-être pas au meilleur de ma forme mais je doutais d'être incapable de me défendre en cas de besoin. Et s'ils ne s'y attendaient pas, c'était d'autant mieux.
Je continuai de me débattre et je parvins à décocher un coup de coude dans le ventre. Le choc se réverbéra jusque dans mon épaule. L'autre grogna et soudain il apparut, juste derrière moi. Aussi surprise que lui, je fis un bond et parvins à lui échapper. Je rejoignis les autres. Nous nous resserrâmes en un noyau compact alors que, un à un, six Faes apparaissaient autour de nous. Et vu les couleurs chatoyantes de leurs cheveux, ils étaient Seelies. Du rose fuchsia, du vert écaille, de jaune poussin... Définitivement des Seelies. Et pas des bons.
- Comme on se retrouve, Naseok... Où est ton petit frère ? Raneok, c'est ça ?
Le concerné ne répondit pas. Il fixa celui qui venait de parler et ne le lâcha pas. Maintenant qu'il en parlait, je me demandais aussi ce qui était arrivé à Raneok. Lorsque nous nous étions enfuis du camp de Brycen, je ne l'avais pas vu. Je ne savais pas ce que Brycen avait pu lui infliger pour se venger de Naseok mais ça ne devait pas être beau à voir.
- Moi, je peux te dire ce qu'il est devenu, si tu veux, souffla un autre Seelie dont les yeux luisaient d'une étrange lueur jaune.
Naseok se redressa légèrement. Si je le vis, les Seelies aussi et je vis des rictus malsains fleurir sur leurs visages. Ils jouaient avec nous. Avec lui, surtout. J'ignorais encore ce qu'ils voulaient mais je doutais que ça soit dans notre meilleur intérêt.
Le Seelie que j'avais repoussé s'approcha de moi et, j'eus beau reculer, il parvint à saisir mon bras pour m'amener contre lui. Je me débattis mais sa poigne était puissante et il ne broncha pas d'un millimètre. Ryker baissa les yeux vers sa sœur qui était fermement tenue par Ghur. Et il releva les yeux vers moi. Je tentai de lui faire comprendre silencieusement de m'aider mais il se contenta de tourner la tête vers Naseok. Celui qui semblait être le chef du groupe de Seelies était face à face avec le Unseelie, presque nez contre nez. Tous deux murmuraient si bas que j'étais incapable d'entendre le moindre mot.
- Je crois que je vais te garder, toi, me dit le Seelie.
Ses cheveux vert menthe glissèrent contre ma joue alors qu'il enfouissait son nez dans ma tignasse sale et emmêlée. Je tentai de m'éloigner mais en vain. Il resserra sa prise sur moi, au point d'écraser son bras dans mes côtes. Au point où je ne pus plus bouger du tout.
- Alors, alors ? Comment allons-nous régler ça ? demanda le chef Seelie à la ronde, un sourire narquois et sournois sur les lèvres. Tu sais ce qu'on veut, Naseok. C'est à toi de voir.
- Qu'est-ce qu'ils veulent ? questionna Miach en fixant Naseok.
- Ils veulent que je les fasse sortir des marais, répondit-il. Que je leur montre le chemin. Et garder Sixtine.
J'aurais pu rouler des yeux si je n'avais pas un meilleur contrôle de moi-même. Pourquoi fallait-il toujours que ça tombe toujours sur moi ? D'accord, j'étais la seule femme de l'équipée mais tout de même ! Ce n'était plus la poisse que j'avais, à ce niveau. Ça tenait du mauvais sort.
Toutefois, ce n'était pas ce qui me travaillait le plus dans ce que Naseok venait de dire. Les Seelies voulaient qu'il leur montre la sortie ? Mais nous y étions, à la sortie ! Les champs verdoyants du Val étaient à quelques centaines de mètres, déjà visibles ! Je tournai la tête vers Ryker qui était juste dans cette direction, cherchant surtout à apercevoir ce qu'il y avait derrière lui sans alerter les Seelies.
Le Val avait disparu. Il n'était plus visible, plus le moindre brin d'herbe. Juste de la terre desséchée à perte de vue. Un terrain uniforme, sans reflet. Je sentis mes jambes me lâcher. C'était impossible. Ça devait être là. Juste là, à quelques kilomètres ! Ça ne pouvait pas avoir été qu'un simple mirage !
- Pourquoi ils veulent la garder ?
Je ramenai mon attention vers Ryker qui ne semblait pas avoir remarqué que notre porte de sortie avait disparu. Une vague de chaleur agréable m'étreignit à la pensée qu'il en avait peut-être encore quelque chose à faire de moi. Au moins un peu. Juste assez pour poser cette question.
- Imagine être enfermé pendant des millénaires avec seulement d'autres hommes, ne pas voir une seule vraie femme pendant tout ce temps... répondit celui qui me tenait, le nez dans mes cheveux. Tu crois que tu ferais quoi, la première fois que tu en revois une ?
Je cherchai le regard de Ryker, désespérée. Soit il m'aidait, soit il allait vraiment falloir que je réussisse à me débarrasser du crampon toute seule. Il était hors de question que je finisse en jeu pour soulager leur animalité. Je préférais encore mourir. De toute façon, j'étais certaine que, si je ne parvenais pas à leur échapper, j'en mourrais.
- Alors ? On se décide ?
Je fusillai le Seelie du regard ; il ne me prêta pas la moindre attention. Il s'adressait à Naseok et à personne d'autre. À ses yeux, nous n'étions rien alors que Naseok était son ennemi. Sa proie. C'était à lui qu'il voulait s'en prendre. Je n'étais qu'un dommage collatéral, un amusement supplémentaire. Un trophée, en quelque sorte.
- Tu connais très bien ma réponse. Je ne vois pas pourquoi tu te mets ainsi en scène. Toi comme moi savons très bien comment ça va se finir.
Le Seelie s'approcha de Naseok jusqu'à coller son nez contre le sien. Il murmura quelque chose qui fit serrer les poings à son adversaire. J'observai le tout, cherchant une faille. Ignorer les grivoiseries du pervers qui me tenait toujours fort se révéla presque trop aisé tant l'affrontement qui se déroulait captait toute mon attention.
- Ah oui ? Tu n'as donc pas changé. C'est bien. J'avais peur que tu ne sois devenu l'ombre de toi-même après nous avoir quittés.
- Tu n'auras jamais cette influence sur moi, Monsun.
Le Seelie éclata de rire. J'en eus des frissons tant il était froid et menaçant. J'avais rencontré des Seelies à glacer le sang mais celui-là... Celui-là était encore pire que tous ceux que j'avais rencontrés réunis.
- Ne t'inquiètes pas, me susurra le pervers. Monsun ne te fera rien.
Je ne cherchai même pas à répondre. Je l'ignorai au mieux. Ses mots étaient loin de me rassurer, bien au contraire. Le sous-entendu qui se cachait derrière était on ne peut plus clair. Monsun ne me ferait rien puisque j'étais la seule femme des environs et que j'avais mon utilité.
- Alors, tu tiens à mettre en danger la vie de ta petite équipée en sachant que tu n'as aucune chance de gagner ?
- Tu pourrais être surpris.
Monsun sourit sinistrement en tournant le dos à Naseok. À sa place, je n'aurais jamais osé me mettre ainsi dos à mon ennemi. Naseok devait vraiment avoir l'honneur chevillé au corps pour ne pas saisir sa chance. À sa place, je n'aurais pas hésité une seule seconde et j'aurais tout fait pour me débarrasser du Seelie.
- Allons, allons, Naseok ! Tu sais très bien que tu n'as aucune chance. À moi seul, je peux tous vous éliminer sans même me fatiguer et, toi, tu penses pouvoir m'échapper ? C'est hilarant.
À ce niveau, ce n'était plus de la confiance en soi mais bien de la mégalomanie. Il me fit étrangement penser à Quinten Madsen. Les deux n'étaient pas si similaires que ça mais la façon de parler de Monsun me rappelait certaines de mes rencontres avec l'ancien roi du Grand Royaume.
Et puis, je le sentis. Le bourdonnement dans l'air. Il était devenu bien trop familier pour moi. Je savais exactement ce qui approchait mais je ne pouvais rien faire. Monsun était confiant et probablement puissant et, avec ses acolytes, il devait se sentir encore plus fort. Toutefois, je doutais qu'il puisse survivre à un face à face avec Nahl. Le Chasseur était assurément bien plus fort et différent, aussi difficile que ça soit de l'admettre.
Cette fois-ci, mes compagnons mirent plus longtemps que moi à le sentir. Toutefois, je vis bien le regard qu'échangèrent Ghur et Ryker, la façon qu'eut Addy de s'appuyer un peu plus contre les jambes de Ghur et, surtout, le petit sourire en coin de Naseok. Croyait-il vraiment que Nahl allait nous aider ? Moi, j'en doutais. Il allait semer le chaos en débarquant mais nous aider ? Pas vraiment.
Quatre vautours apparurent au-dessus de nous et fondirent à toute vitesse sur notre groupe. Un des Seelies cria quelque chose en ancien langage et le pervers me poussa violemment à terre pour se protéger.
Une main saisit mon bras et me força à me relever. Je levai les yeux pour découvrir Ryker.
- Vite !
Je me forçai à me relever et à le suivre. J'eus à peine le temps de voir les vautours s'attaquer aux Seelies que Ryker me traînait vers le Val. Je cillai plusieurs fois, n'en croyant pas mes yeux. Le Val était de retour. Je le voyais clairement, verdoyant, accueillant, chaleureux. Il n'attendait que nous. Je m'accrochai plus fort à la main de l'héritier Madsen le laissant me forcer à courir. À côté de nous, Ghur fonçait à toute vitesse, Addy recroquevillée dans ses bras. Miach et Naseok n'étaient nulle part en vue.
Ghur fut le premier à atteindre le Val. Il ne s'arrêta pas, fendant l'herbe haute à une vitesse humainement inatteignable. Le monde chavira brusquement lorsque Ryker trébucha et m'entraîna dans sa chute. Je heurtai le sol de plein fouet, ne pouvant retenir un cri de douleur. Des étoiles vinrent danser devant mes yeux et j'eus un haut-le-cœur tant j'eus mal. J'étais à peu près sûre de mettre cassé le poignet. Malgré tout, je me relevai comme je pus avec l'aide du prince qui me traîna comme un boulet derrière lui.
Mais c'était trop tard. Nahl nous avait déjà repérés et ses sbires nous barraient la route, les Seelies assommés – ou morts ? – à leurs pieds.
- J'aime beaucoup cette chasse, chantonna Nahl. C'est très divertissant et tout en rebondissements. J'aime énormément.
- Laisse-nous passer, Nahl, lui demandai-je.
- Bien sûr ! C'est si aimablement demandé, ironisa-t-il. J'ai un travail à terminer.
Il fit un signe de tête et ses hommes se lancèrent sur nous. Ryker me poussa violemment sur le côté et fit trébucher l'un des vautours. Je me redressai comme je pus et regardai les trois autres comparses se jetèrent comme des rapaces sur Ryker. Je ne pus rien faire à part crier.
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