Chapitre 10
Il était trop tard. Elle nous avait entendus. Et cette saleté d'hybride l'avait prévu. Il avait voulu que Addy entende ce que j'avais fait. Que je perde la seule alliée que j'avais ici. Que je me retrouve isolée, vulnérable.
Que je sois obligée de partir.
Addy se leva lentement et s'approcha, se planta face à moi. Les larmes coulaient librement sur son visage. Elle renifla doucement, discrètement. Comme si elle ne voulait pas réveiller son frère. Comme si elle ne voulait pas que je l'entende.
- Tu as fait quoi ?
Sa voix tremblait, vibrait, cassait. Elle me regardait comme si je l'avais trahie et chaque perle au bord de ses yeux amplifiait l'accusation qui émanait d'elle.
Je gardai le silence. Elle avait entendu Miach. Elle savait ce que j'avais fait. Elle ne s'attendait pas à ce que je réponde vraiment. Elle se doutait que j'étais trop faible pour le dire à haute voix.
- DIS-LE ! cria-t-elle soudain. DIS-LE !
Elle me frappa, son petit poing venant se heurter à ma clavicule. La douleur fut légère, négligeable. Je ne bronchai même pas. Ryker, lui, s'étira, se redressa en bâillant. Il regarda autour de lui, cherchant sa sœur.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il, le sommeil encore dans la voix.
Il se hissa sur ses jambes, se frotta les yeux. Il s'était peut-être montré froid et royal mais il n'en restait pas moins celui que je connaissais. Le jeune prince qui n'avait pas encore compris comment se comporter comme tel lorsqu'il n'y était pas forcé.
- C'est vrai ce qu'il dit ? éluda Addy. C'est vrai que Sixtine a tué notre père ?
Ryker regarda Miach puis moi puis Miach à nouveau. Je décelai une tension dans sa mâchoire alors qu'il cherchait ses mots. Comment annoncer à sa sœur que la seule personne en qui elle avait confiance en dehors de lui l'avait trahie ?
- Oui. Elle a tué notre père.
Addy eut un hoquet étranglé alors que les mots de son frère se frayaient un chemin dans son esprit. Son regard revint sur moi et je le soutins comme je pus. Et puis, il retourna vers Ryker avec un air de trahison qui le surprit mais auquel je m'attendais.
- Tu le savais ? Tu le savais et tu ne m'as rien dit alors que je t'ai supplié d'aller la chercher aussi ?
Il garda le silence, avouant la vérité sans avoir à ouvrir la bouche. Addy recula de plusieurs pas, tremblante, des sanglots étouffés dans sa gorge. Ses yeux passèrent de moi à son frère et de son frère à moi.
- Pourquoi ? Pourquoi ?!
- Pour te protéger, répondit Ryker.
Évidemment. Il avait voulu garder Addy dans l'ignorance pour la protéger, pour lui rendre la vie plus facile. Et il avait fait pire que mieux. Je vis la métamorphose sur le visage de Addy. Quelque chose se développa, déchira son cocon pour éclore. La jeunesse et l'ingénuité disparurent au profit d'une dureté que je ne lui avais jamais vue. Elle s'avança vers son frère et le poussa vivement.
- Me protéger ? Toi ? Tu crois que toi tu peux me protéger ? Tout ce que tu as jamais eu à faire, c'est te tenir dans l'ombre de notre père en attendant qu'il te cède les rênes. Tu n'as pas eu à traverser les jeux de notre mère et de la cour. Tu n'as pas eu à supporter ses changements d'humeur, les trahisons et les manipulations. Tu me crois vraiment stupide et faible ? Je suis plus jeune que toi mais on dirait que j'ai plus de jugeote !
Je n'en revenais pas. Depuis quand Addy parlait-elle ainsi ? Où était la jeune fille sensible qui pleurait et geignait tout le temps ?
- J'ai passé mon temps à manipuler un abruti de Fae Unseelie et à le transformer en petit chien de salon. Et toi, tu crois que me garder dans l'ignorance me protégera ? Tu crois ne pas qu'il aurait été plus malin de laisser l'assassin de notre père enfermée chez ces monstres de Faes ? Non, au lieu de ça, il m'a suffi de geindre un peu pour que tu craques et que tu ailles la chercher. Tout ça par pure sentimentalité.
Elle ne tenait pas le discours de la jeune de seize ans que j'avais rencontré. Était-elle comme sa mère, bipolaire ? Le pire était qu'elle n'avait pas terminé de faire la leçon à son frère.
- Notre père était un faible. Sa perte n'est pas tragique. Il a affaibli le royaume, il s'est contenté d'utiliser la force pour asseoir son autorité. Si tu avais été un peu plus mature et un peu plus malin, tu ne serais pas venu nous chercher à la Cour Noire. Tu te serais chargé de prendre le contrôle du royaume. Mais au fond, ce n'est pas plus mal. Mère a ses torts mais elle n'est pas idiote. Elle saura tenir la régence jusqu'à ce qu'on rentre. Jusqu'à ce qu'on rentre, il va falloir que tu trouve le roi en toi.
Ryker était sous le choc. Addy l'ignora et se tourna vers moi.
- Bien. Tu as tué mon père, il va falloir que j'avale ça. Tu as de la chance que je te connais. Je t'ai observée et je sais que tu peux nous aider. Il faut faire de mon frère un roi et tu as un esprit assez affûté. Je suis peut-être réaliste et j'ai peut-être les yeux ouverts mais je ne suis pas à même de parler avec lui de stratégie et de tout ça. Toi, tu sauras. Jon t'a élevée pour ça, après tout.
J'en demeurai bouche bée. Elle planifiait tout ça comme si nous n'avions pas le choix. Pour elle, il n'y avait pas d'autre solution envisageable.
- Addy... tenta Ryker.
- Écoute, Ryker, en rentrant, tu vas être roi. Tu seras couronné dans la semaine de notre arrivée, que Mère soit d'accord ou non. Évidemment, elle va vouloir te marier tout aussi rapidement mais ce soucis est secondaire. Ton royaume est en guerre. Tu avais déjà la Faerie contre toi mais maintenant, tu as aussi les Demi-Sangs. Il va falloir fortifier les alliances avec les Glaciers et les Tempêtes. Il ne sera plus question d'accords de commerce. Il va te falloir leurs armées et tu as plutôt intérêt à les obtenir. Sans quoi, tu finiras assis sur un tabouret bancal au fond d'une grotte plutôt que sur le trône dont tu as hérité.
- Comment peux-tu savoir tout cela ?
- J'écoute et j'observe, voilà comment. Il est temps pour toi d'accepter ta nouvelle place, Ryker. Aussi mégalomane qu'ait été notre père, je sais qu'il t'a enseigné quelques choses que tu as toujours refoulées. Il va falloir accepter ce que tu es.
Elle alla poser une main sur son bras et reprit un air plus doux. Son frère n'en restait pas moins abasourdi. Il la regarda comme s'il ne la connaissait pas. J'avais le même sentiment que lui. Toutefois, ce n'était pas ce qui me préoccupait le plus.
Je tournai sur moi-même pour regarder Miach. Il s'était appuyé contre un arbre et avait observé la révélation de Addy avec un contentement évident.
- Toi. L'hybride. Quel rôle tu joues dans tout ça ? Parce que c'est toi qui as délibérément amené tout ça alors que nous n'avons pas le temps.
- Je ne le connais pas, se sentit obligée de dire Addy.
- J'ai été envoyé par Valtar à ta rencontre, répondit calmement Miach. Il savait que le prince héritier venait s'introduire dans la Faerie en personne pour récupérer sa petite sœur. Il pensait que tu serais capturé à la Cour Noire. Je le pensais aussi. C'est pour ça que je ne t'ai pas caché que j'étais contre Valtar et ses méthodes. Mais tu t'en es sorti. Alors j'ai décidé de t'aider à t'enfuir. Si tu as réussi à entrer et sortir de la Cour Noire, tu dois être plus malin qu'il n'y paraît.
- Qu'est-ce que tu y gagnes ? Ta sœur est morte à cause de cette fuite. Qui nous dit que tu ne vas pas nous trahir à la première occasion ?
- Comme tu l'as dit, ma sœur est morte pour vous permettre de fuir. Je ne laisserai pas son sacrifice se perdre.
C'était un raisonnement facile. Un raisonnement basé sur les émotions et je me doutais qu'il trouverait un écho en Ryker. Après tout, il avait abandonné son trône et son royaume pour sauver sa sœur. Miach savait que le jeune héritier allait réagir. Malheureusement pour lui, c'était moi qui menais l'interrogatoire.
- Bien sûr. J'y crois moyen à celle-là. Je pense qu'il y a bien plus de motivations derrière ta présence ici, hybride.
- Et je crois que tu t'attribues une place qui n'est pas la tienne, régicide.
- Laisse-la mener l'interrogatoire, entendis-je Addy dire à son frère.
Je forçai un sourire froid en m'approchant de Miach. Il réagit sans paraître s'en rendre compte. Il se redressa pour se tenir droit devant moi, les bras croisés, dans une position parfaite pour affronter un ennemi dans une joute verbale que l'on savait d'avance compliquée. C'était suffisant pour moi pour savoir qu'il me savait à sa hauteur voire plus haut encore. Toutefois, je ne tenais pas à lui dévoiler tout mon jeu.
- Moi, je crois surtout que tu sais que je touche un point sensible. Tes raisons pour aider le prince héritier ne sont pas celles que tu prétends qu'elles sont. Tu peux essayer de les cacher, je peux t'assurer que je les trouverai. Quelles qu'elles soient.
Les bras du Demi-Sang se dénouèrent et il fit un pas en avant, réduisant la distance entre lui et moi. Ses yeux s'étaient durcis, fixant les miens sans ciller.
- Je pourrais tout révéler, murmura-t-il.
- Tu pourrais. Mais tu ne le feras pas.
- Ah non ?
- Si tu avais prévu de le faire, tu l'aurais déjà fait. Et nous savons tous les deux que ça ne servirait pas tes intérêts. Tu pensais que révéler que j'étais l'assassin du roi suffirait à m'exclure et tu t'es trompé. Crois-tu vraiment que parler de ce petit... inconvénient soit judicieux ?
Ses yeux se durcirent encore, se transformant en deux émeraudes acérées. Je ne lui cédai aucune once de terrain. Il le sentit et ses épaules se tendirent. Il se pencha sur moi, son souffle venant brûler mon oreille.
- Au moindre signe, je te mettrais hors d'état de nuire. C'est un serment.
- Je ne te donnerai pas cette chance.
Il se recula légèrement et ouvrit la bouche mais je plaquai ma main dessus. Il y avait un bourdonnement dans l'air, une pression surnaturelle. Comme dans le camp de Valtar avant qu'il ne soit mis à feu et à sang.
- Il faut qu'on parte. Vite.
Miach redressa la tête et leva le nez en l'air. Il pâlit, sentant ce que j'avais senti.
- Le Chasseur. Partons, vite.
Il ramassa son sac et nous n'attendîmes pas pour reprendre notre route. Nous escaladâmes les pentes rocheuses qui descendaient droit vers la rivière que nous avions longé. Tout effort pour être discrets était inutile. Le sol était meuble, les pierres roulaient en contrebas à chacun de nos pas. Plus d'une fois, Ryker et Addy dérapèrent, peu habitués à ce genre de terrain. Je ne fus pas surprise de la facilité avec laquelle Miach affrontait la pente, aussi habile qu'un chamois, trouvant ses appuis avec grâce et rapidité.
Je me figeai soudain. La brûlure sur mon front, ma gorge, ma peau reprit. Je crispai mes doigts sur la roche que je tenais, tentant de la maîtriser, de la garder suffisamment sous contrôle pour pouvoir continuer à avancer.
Lève les yeux.
Je frémis à l'entente de la voix dans mon crâne. C'était nouveau. Je n'avais jamais encore vécu une expérience similaire. Pour ne rien arranger, elle me semblait familière. Aussi finis-je par lever les yeux vers le sommet, là où les arbres réclamaient leur territoires. Une silhouette se tenait juste à la lisière entre la pente rocailleuse et le sous-bois.
- Nahl, soufflai-je.
J'étais incapable de ne pas le reconnaître. Tout mon être criait son nom. C'était lui qui émettait ces vibrations dans l'air, cette pression, ce bourdonnement. C'était sa marque.
- Il est en haut ! criai-je.
Ryker dérapa et glissa sur plusieurs mètres.
- Il faut redescendre ! lança Miach.
C'était une solution. Nous n'avions pas énormément de choix. Nahl était en haut de la pente et il descendrait à notre suite si on se décidait à retrouver en arrière. Nous ne pouvions pas redescendre la rivière. Il allait falloir trouver un plan infaillible pour parvenir à échapper à Nahl, cette fois.
J'avais envie de hurler sur Miach, de lui hurler que c'était de sa faute pour ne pas avoir attendu que nous soyons en sécurité pour soulever la houleuse discussion de nos positions personnelles. À cause de lui, Nahl nous avait rattrapés avec facilité et sans efforts.
Accrochée à ma pierre, je regardai autour de moi. À gauche et à droite s'étendait une pente raide de roches à peine stables. En haut, le sous-bois où rôdait Nahl, un sourire paresseux sur les lèvres. En bas, le chemin d'où nous venions et derrière, la rivière, furieuse et chantante.
La rivière.
C'était notre seule chance. Si nous voulions échapper à Nahl, nous devions sauter dans la rivière. Comment le dire aux autres sans avertir le Chasseur par la même occasion ?
À moins que, justement, il ne faille le lui dire. Lui dire que nous allions sauter dans la rivière, le fuir par le seul moyen que nous pouvions imaginer. Selon toute vraisemblance, il allait descendre pour nous en empêcher, laissant une ouverture vers le haut. Sauf qu'il se rendrait rapidement compte que nous ne comptions pas descendre. Alors il fallait que quelqu'un aille le retenir en bas pendant que les autres montaient.
Ça ne pourrait pas être l'un des deux Madsen. Quant au Demi-Sang, je ne me fiais pas à lui. D'un côté ou d'un autre, que je l'envoie dans les bras de Nahl ou que je descende moi-même pour affronter Nahl, Miach se retrouvait dans une position cruciale pour la suite. Je n'aimais pas l'idée de le laisser seul avec les héritiers Madsen mais je n'avais pas le choix. Il fallait quelqu'un dans la rivière et, si mon plan fonctionnerait, ça ne serait aucun de nous quatre.
- Il faut sauter dans la rivière ! criai-je. La rivière !
J'ignorai leurs protestations et leurs doutes, commençant à redescendre. Le rire du Chasseur résonna, léger comme un chant d'oiseau funeste. Je me laissai glisser, laissant les cailloux entailler mes jambes et mes paumes sans y prêter plus d'attention que ça. J'étais déjà bien assez mal en point pour ne pas m'inquiéter de l'être un peu plus.
Au-dessus de moi, les autres hésitèrent. Exactement comme je m'y étais attendue. Nahl, lui, savait que j'allais descendre. C'était suffisant pour lui. Étrangement, j'avais la sensation que c'était moi, sa cible. Pas Ryker. Addy n'avait aucun intérêt pour le Roi Noir donc ça aurait dû être son frère, le nouveau roi du Grand Royaume. Me chasser n'avait aucun sens. Le Roi Noir avait placé ce sort pour que je tue Ryker. Or, s'il me faisait traquer par son Chasseur, ça allait forcément m'éloigner de l'héritier Madsen. Ça n'avait aucun sens, aucune logique.
J'arrivai en bas, sur le sentier à peu près stable au bord de la falaise. Nahl survint juste devant moi, à deux mètres à peine. Il semblait calme et confiant, certain qu'il allait réussir à me capturer et me ramener à la Cour Noire. Il ne jeta pas le moindre coup d'œil vers les autres qui grimpaient et allaient se réfugier dans les bois. J'ignorais s'ils allaient m'attendre ou non. J'avais plus important à gérer pour le moment.
- Tu n'es pas difficile à trouver, Sixtine Aderleen.
- Tu n'es pas difficile à remarquer, Chasseur.
Il sourit en s'approchant doucement. Je ne bougeai pas, calculant la distance entre lui et moi, entre le bord de la falaise et lui, entre le haut de la falaise et la rivière.
- Je n'ai pas eu à beaucoup te chercher. Je suis déçu. Je pensais que tu m'offrirais un plus grand défi que cela.
- Ce n'est que le début, Nahl. Ne pense pas t'en sortir si facilement.
Il haussa un sourcil avec un intérêt moqueur.
- Tu crois vraiment que, dans ton état, tu saurais me maîtriser suffisamment longtemps pour fuir ? Je doute que ça soit possible. Tu es trop faible.
- Tu pourrais être surpris.
Il secoua la tête, reprenant un visage froid et distant. Son visage de Chasseur. Il était paré à l'attaque, s'attendant à ce que j'ouvre le bal. Ce que je ne fis pas. Je ne bronchai pas, le laissant me rejoindre. Il s'arrêta lorsque le bout de ses chaussures fut à quelques millimètres des miennes.
- Je ne sais pas encore si ta confiance est synonyme de folie ou non.
- Tout ce que je fais tient de la folie, Chasseur.
Durant une fraction de seconde, il parut déconcerté par ma réponse. C'était tout ce dont j'avais besoin.
Je virevoltai sur moi-même, me servant de mon élan pour lui décocher un grand coup de coude en pleine mâchoire. La douleur remonta jusque dans mon épaule ; Nahl vacilla à peine, se rapprochant du bord de quelques millimètres. Je ne cherchai pas à enchaîner avec un autre coup, sautant hors de portée, évitant de justesse le poing qu'il envoyait vers mes côtes.
Se battre avec un Fae aussi entraîné que lui était périlleux. Nous dansions au bord du précipice, moi voulant l'y pousser, lui voulant me capturer. Je me souvins de chacun des combats que j'avais engagés dans ma vie. J'avais rencontré de bons adversaires mais aucun qui ne fut au niveau de Nahl. Il me poussait au bout de mes capacités, cherchant la faille, me forçant à me montrer plus retors et agile que je n'avais jamais eu à l'être.
Je m'étais habituée aux combats armés. Avec une épée dans la main changeait la donne. C'était totalement différent de ce que j'étais forcée d'accomplir ici. Surtout que mon objectif final était différent. Je ne comptais pas tuer Nahl. Pas littéralement. La chute le tuerait certainement mais ça ne serait pas mes coups. Mon but n'était pas de le blesser au point qu'il ne sache pas se relever et que je puisse l'achever aisément. Devoir amener mon adversaire à un certain endroit, dans une certaine position... C'était un exercice que je n'avais encore jamais tenté. Le tester au bord d'une falaise avec la possibilité d'être celle qui tomberait... Ça rendait l'enjeu encore plus grand.
Notre danse se poursuivit pendant ce qui me parut être des heures. J'étais fatiguée et mon corps arrivait à son niveau maximal. Je ne pourrais pas tenir bien longtemps encore. Il fallait que je réussisse à faire tomber Nahl. Si je voulais avoir une chance de m'en sortir, il fallait que je le fasse tomber.
- Ne cherche pas, Sixtine Aderleen. Tu n'y arriveras pas.
Il semblait à peine essoufflé. On aurait dit que ce combat ne lui demandait aucun effort, qu'il était aussi facile pour lui que si j'avais été un enfant sans formation. La colère me donna une poussée d'énergie qui me permit de lui asséner un coup dans le sternum. La surprise qu'il ressentit me laissa le temps de lui faucher les jambes. Il riposta, m'emmenant au sol avec lui. Mon menton heurta le sol sans que je puisse me retenir. Je me redressai sur un coude et sentis la morsure du bord de la falaise dans mes côtes. Je sentis aussi les mains de Nahl accrochées à mes jambes.
Désormais, chaque mouvement devait être calculé.
Il y eut un moment de flottement. Nahl et moi calculions nos options, élaborions nos scénarios respectifs. Je n'avais pas besoin de le connaître pour savoir comment fonctionnait son esprit. Durant un combat de cette importance, tous les esprits entraînés suivaient la même course.
Ses doigts se resserrèrent sur mes jambes. Je tordis le coup pour le regarder et je vis un éclat d'une noirceur incroyable dans son regard.
- Emmenons ce combat sur un autre terrain, veux-tu ?
Et il roula dans le vide, toujours accroché à mes jambes.
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