Chapitre 5


Les événements de la matinée lui avaient donné faim. L'estomac de Leah gronda en représailles. Mais avec la course des chevaux, personne ne l'entendit. Sauf le chef d'Hesdrarg. Ulrich. Peut-être devrait-elle l'appeler chef comme ses hommes ? Elle ne connaissait rien des coutumes de ces guerriers. Et l'appeler par un autre nom que chef pouvait lui être fatal.

Les pensées de la jeune femme furent écourtées par les cris de joie des hommes. En haut d'une colline, nous pouvions apercevoir des remparts. Ainsi nous étions en contrebas et tous les envahisseurs ou arrivants pouvaient être vus de là-haut.

Leah était impressionnée par la beauté du paysage. Ses yeux grands ouverts, elle observait la prairie colorée de mille et une fleurs et plantes dont elle ne connaissait le nom. Elle éclata de rire quand son compagnon de voyage avait accéléré le pas du cheval. Le vent fouettant ses cheveux blonds, Leah sourit en regardant Vala avec Isak.

Elle se rendit compte que le soleil, bien haut dans le ciel, avait réchauffé les environs. Étant au galop, Leah ne pouvait pas se dévêtir de ses fourrures, mais l'envie y était. Elle ne pensait pas qu'il ferait si chaud dans cette contrée lointaine, ni même que le temps pouvait être si différent de son royaume.

Arrivés en bas des grands remparts en bois massif, Leah leva la tête pour apprécier la hauteur, mais elle se cogna contre le menton du chef toujours assis derrière elle sur la monture. Elle s'excusa alors que l'homme restait de marbre et baissa la tête les joues empourprées à cause de sa bêtise. Elle avait entraperçu des hommes faisant le guet en haut des remparts.

La jeune femme releva les yeux quand les énormes portes marrons s'ouvrir. Contrairement à ce qu'elle s'attendait à voir, elle vit des hommes et femmes armés jusqu'aux dents. Aucune trace de villageois ou de personnes non guerrières. Et à sa surprise, à plusieurs mètres de leur position, elle découvrit de nouveaux remparts. Tout aussi immense que les premières.

Soudain, les chevaux s'arrêtèrent entre les deux remparts. Les premiers étaient fermés et les seconds allaient s'ouvrir. Les guerriers descendirent de leur monture. Isak et Vala avaient déjà les pieds à terre. Isak vint vers Leah et la prit par la taille pour la faire descendre du cheval. Sous la surprise, elle mit ses mains sur ses épaules pour prendre appui. Une fois au sol, Isak resta près de la jeune femme qui avait mal aux cuisses après ce parcours au galop dans la prairie. Leah grimaça, mais ne dit rien.

Vala vint à son secours et lui demanda de prendre appui sur elle. Elles restèrent quelques instants immobiles tandis que les guerriers se firent des accolades, heureux de retrouver leurs congénères.

— Cela fait si longtemps..., souffla Vala en regardant vers les portes ouvertes.

— Tu es déjà venue ici ? demande Leah.

— Il y a fort longtemps oui. Je ne me souviens presque plus de ce temps.

— Tu ne me l'avais pas dit juste avant de venir, ajouta la jeune femme, étonnée.

— Oh, j'ai dû oublier !

Leah soupira, sachant très bien que Vala mentait. Elle avait tenté maintes fois de lui faire raconter ce qu'elle avait vécu par le passé, ses voyages lointains avec des rencontres particulières, mais la gouvernante gardait ses histoires pour elle.

Soudain, il y eut un silence. Leah tourna la tête vers les guerriers et comprit qu'elle en était la cause. Ils la regardaient tous avec colère. Pourquoi ?

La tension était horrible pour la jeune femme, elle garda la tête baissée alors qu'elles avançaient derrière le chef et ses hommes. Même entouré du peuple de Hesgrard, le silence était présent. Leah n'osait pas regarder droit devant elle, elle observait le sol rocailleux de leurs terres pendant leur marche.

Après plusieurs minutes, elle vit les portes d'une bâtisse.

— Tu as amené deux étrangères ? Et non des guerrières qui plus est.

La voix d'homme s'était élevée dans un grondement qui fit frissonner Leah.

— Laisse-les un peu tranquilles, Kent ! dit une voix féminine de manière taquine. Allons, rentrez vite les enfants.

La voix douce fit relever la tête à Leah. Elle semblait l'avoir déjà entendue. Ulrich qui était derrière elle, passa devant et se mit en face de l'homme dans la cinquantaine. Plus grand que lui, il se baissa pour que les deux fronts se touchent. Les yeux fermés, ils prononcèrent des mots que Leah n'entendait pas, étant trop éloignée d'eux. Chacun à leur tour, certains guerriers firent ces mêmes gestes à la mère d'Ulrich.

Leah tenait bien sur ses jambes et n'avait plus besoin de soutien. Ainsi, Vala la laissa faire quelques pas en avant. Les deux jeunes femmes étaient côte à côte et regardaient la scène devant elles. Leah avait reconnu la mère d'Ulrich surtout grâce à sa voix. En la regardant de plus près, elle ressemblait à la femme qu'elle avait dans ses souvenirs. Les lointains souvenirs de sa mère et tante Sannah.

Mais une chose avait arrêté Leah dans sa marche vers la vieille femme. Elle écarquilla les yeux alors que Sannah gardait un sourire implacable sur son visage ridé et les bras tendus vers elle. Leah mit une main devant sa bouche sous la tristesse de cette scène.

Quand vint son tour, elle avança lentement vers Sannah.

- Leah ?

Tremblante, la jeune étrangère mit ses mains dans les siennes et la laissa faire. Sannah remonta ses mains fripées vers le visage doux de Leah.

— Laisse-moi te voir ma petite Leah.

Leah se mordit les lèvres pour éviter de pleurer. Tante Sannah était aveugle. Ses yeux vitreux pouvaient l'en attester. Ainsi ses mains touchèrent les joues de Leah puis chaque partie de son visage.

— Était-ce nécessaire ? souffla la jeune femme.

— Nécessaire ? Comment oses-tu dire cela à notre...

— Kent, calme-toi. De quoi parles-tu exactement ? demanda Sannah en penchant légèrement la tête.

— Ce sacrifice, répondit Leah en lui touchant les yeux.

Sous la surprise, la mère d'Ulrich recula d'un pas. Comme si la jeune femme l'avait brûlée. Très vite, des hommes se mirent entre les deux femmes.

— Que lui as-tu fait sorcière ?! accusa Kent.

— Rien, rien. Elle ne m'a rien fait. J'ai juste été surprise. Je n'aurais jamais pensé qu'elle t'aurait raconté cette histoire, déclara Sannah en fixant Leah, qui était entourée d'hommes pointant leurs lances sur elle.

— Elle ne m'a rien dit, mais l'a écrit. Après sa mort, j'ai lu ces lettres. J'ai plus appris sur elle, sur vous, votre relation. Mais ce sacrifice a été vain, ma mère est morte.

Sannah sourit doucement.

— C'est vrai, mais si c'était à refaire, je le referais sans hésiter ma petite Leah.

Leah soupira sous cette affirmation. Tante Sannah était vraiment trop gentille pour son propre bien. La jeune femme rit puis demanda aux guerriers de baisser leurs armes. Ils ne le firent qu'après que Sannah rouspéta. Les mains de nouveau tendues vers Leah, la jeune étrangère les prit et colla son front au sien comme il était de coutume sur ces terres.

Elle se détacha de la vieille femme, et resta aux côtés de Vala tout le long de la marche. Les hommes étaient à cran et n'arrêtaient pas de la fixer de temps à autre. Leah le savait et tentait de ne pas se laisser influencer par cette atmosphère oppressante.

Ulrich était resté muet pendant tout l'échange. Leah ne savait que penser de cet homme. Il était calme. Trop calme. Il observait tout. Cela mettait la jeune femme mal à l'aise, car elle sentait chacun de ses regards perçants.

Après avoir traversé quelques arbres, Leah vit enfin les habitations. Des petites maisons comme chez elle avec enfin le peuple d'Hesdrarg. Qui les regardait avec colère et dégoût. Elle ne comprenait pas cette réaction. Leah n'avait encore jamais mis les pieds sur ces terres qu'elle était déjà détestée par les habitants. Elle vit le regard des femmes, elle vit celles-ci cacher leurs enfants dans leurs maisons, elle vit les hommes croiser leurs bras en la jugeant de haut en bas.

Surtout elle remarquait qu'elle contrastait avec leur couleur de peau. Elle n'était pas à sa place dans ce paysage, et Vala non plus. Mais la gouvernante avait voyagé maintes fois, ce qui ne la dérangeait pas d'être dévisagée. Au contraire, elle trouvait cela amusant. Leah le savait, car elle n'arrêtait pas d'afficher son faux sourire en observant les visages un à un.

Leah baissa de nouveau la tête, mais savait qu'ils avançaient vers le château. Sannah ne les avait pas accompagnés, ayant d'autres obligations. Elle s'excusa auprès de Leah et s'en alla. Le pont baissé, le reste du groupe purent passer rapidement à l'intérieur où les rayons du soleil ne pouvaient entrer que par les immenses fenêtres.

Très vite, le groupe se séparait. D'un côté, les guerriers rejoignirent leurs chambres pour se changer et ensuite voir leur femme et enfant. De l'autre, les étrangères attendaient les instructions. Isak fut celui qui rompit le silence.

— Mesdames, vous allez avoir chacune votre chambre l'une à côté de l'autre. Je vais vous y conduire. Vous pouvez vous aventurer dans les couloirs, mais veuillez attendre qu'une de nos guerrières vous escorte pour aller dans la salle à manger ou autre part.

— Guerrière ?

— Les résidents du château ne sont que des guerriers ou guerrières. C'est ainsi, dit l'homme dégarni avant d'ajouter, vous êtes nos invités et possédez l'arme la plus puissante de ce monde. Mais vous ne savez pas vous battre...

— Je sais me défendre et contre-attaquer. Mais c'est assez rudimentaire. À part Mortar, je n'ai jamais connu de guerre..., répondit Leah sans être vexée par les propos d'Isak. Vala est une guerrière par contre.

Elle savait que cette guerre contre ces bêtes allait être lourde de conséquences. Elle avait peur, mais en tant que détentrice de l'épée, elle devait aider du mieux qu'elle pouvait.

— Ah oui ? demanda Isak en levant un sourcil en direction de la gouvernante.

— Je sais me battre, dire que je suis une guerrière est un peu osée, répondit Vala en riant.

Épuisée, Leah les laissa rire et entra dans sa chambre. La grande fenêtre laissait passer les rayons du soleil haut dans le ciel. Le lit à sa droite et la baignoire à sa gauche, Leah ne prit pas la peine de se changer, elle retira ses chausses et se réfugia sous les couvertures. Elle sentit la main de Vala sur son front puis plus rien.

La jeune étrangère se réveilla alors que le ciel s'assombrissait. Elle eut un instant de panique en ne voyant pas ses meubles familiers. Au contraire, tout était différent. Leah se frotta les yeux et se leva. Elle vit de l'eau fumante dans la baignoire. Étonnée, elle comprit que Vala était venue quelque temps plus tôt. Elle sourit et n'attendit pas avant de retirer ses vêtements et faire sa toilette.

Alors qu'elle chantonnait en se savonnant, quelqu'un toqua à la porte. Pensant à Vala, Leah dit d'entrer. Mais ce fut des pas lourds qu'elle entendit claquer sur le carrelage. Des pas d'un homme.

— Ulrich ? Je pensais que c'était Vala... 

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