Chapitre 9

 A présent que la visite est terminée, je comprend un peu mieux le fonctionnement du bateau. Dans la salle des archives, des centaines de millions d'échantillons sont conservés dans des immenses bacs réfrigérés. Antonio nous a expliqué qu'une partie de notre mission consistait à les analyser et les trier. Certaines cellules souches pourront même être utilisés pour recréer des tissus animales. Dans le laboratoire, des embryons animaux sont cryogénisés et permettront, une fois ranimé à la vie, d'introduire différentes espèces dans les écosystèmes. Dans les reconstitutions d'écosystèmes, nous allons pouvoir étudier le développement et les interactions entre les individus, ainsi que les données physico chimiques qui leur sont le plus favorables. Au sommet du navire, les serres permettent la production de fruits et légumes, aliments frais pour compléter les réserves du bateau.

Sur le chemin du retour, Antonio nous explique que le système de régulation du navire est contrôlé par une intelligence artificielle.

Nous devons ensuite nous installer dans nos différentes chambres. Antonio nous distribue nos uniformes. Ils sont assez simple. Il y en a plusieurs en fonction de la température de la pièce où nous devrons aller, ou de la tâche que nous devons faire : chaussures en caoutchouc et pantalon en toile, sûrement pour travailler dans la serre, vêtements confortables pour traîner dans les quartiers, pull en laine pour supporter la température très basse de la salle des archives.

— Est ce que vous avez des questions avant que je parte ? Demande Antonio.

— Est-ce qu'il y a quelqu'un qui conduit le navire ? Demande Taïs.

— Non, l'Arche est en pilotage automatique, il fonctionne avec des radars et en connexion avec les satellites.

— Donc il n'y a que nous dans le navire ?

— Oui. Mais ne vous inquiétez pas, vous verrez très vite que vous allez très bien gérer.

Il part quelques minutes après.

— Les chambres sont les mêmes je suppose, dit Jade en ouvrant l'une des portes et en regardant à l'intérieur.

— On prend celle là si tu veux, dit Elodie qui s'avance avec ses affaires.

Logan roule sa valise jusqu'à la seconde chambre. Je le suis en silence. La chambre est une pièce assez simple. Deux lits sont placés aux deux opposés de la salle. Une cloison en bambou amovible sépare les deux côtés. Les sommiers sont couverts d'un épais matelas et des draps en coton blanc sont soigneusement pliés au bout du lit.

A gauche, un hublot parfaitement rond troue le mur, donnant une vue privilégié sur l'océan. On peut voir les vagues se jeter sur la coque, mais les murs et les vitres sont tellement épais que l'on entend rien du dehors.

— Tu veux plutôt quel côté ? Demande Logan.

— Oh, je m'en fiche. Choisis toi.

— Je me mets là alors.

Il va du côté droit, et s'affaisse sur le matelas.

— Première journée et déjà fatigué ? Je plaisante.

— J'ai dû prendre l'avion pour venir, ça m'a fatigué.

— J'oublie parfois que vous habitez quand même assez loin.

Je m'assois aussi sur mon lit. Mon regard se pose sur la penderie vide à côté de moi, qui ne demande plus qu'à être remplie : cintres qui se balancent dans le vide et tiroirs creux. Mais pour le moment, je n'ai pas la motivation de ranger les nouveaux vêtements qu'on nous a fourni. Je les laisse simplement en tas sur une des étagères de la penderie. Je suis une personne plus matinale que oiseau de nuit, alors ma motivation reviendra sûrement demain au réveil.

Quelqu'un toque à la porte.

— Tu veux que j'ouvre ? Je demande à Logan.

Il hausse les épaules.

— C'est ta chambre aussi, vis ta vie.

Je me lève et entrebâille la porte. Le visage rayonnant de Jade apparaît dans l'embrasure.

— Juste pour vous demander si vous savez ce que vous voulez manger ce soir, me dit-elle en jetant un coup d'oeil à Logan par-dessus mon épaule.

— Du gras, propose Logan. Je rêve de nourriture bien grasse. Dans l'avion ils ne proposaient que de la purée au goût de plastique et des cubes de légumes. A vomir.

— Noté ! Je vais aller à la quête de nourriture grasse. Et toi Clarisse ?

Mon estomac est complètement vide aussi.

— Je ne dirais pas non à des frites, j'appuie Logan.

— Ah, on va bien s'entendre alors, dit ce dernier en me faisant un clin d'oeil.

— Taïs est déjà en train de fouiller dans les tiroirs. Donc vous pouvez venir si vous avez un petit creux, le temps que je trouve quelque chose à préparer.

— Je peux t'aider aussi.

— Ça va être rapide normalement, surtout s'il me suffit de réchauffer des barquettes de frites.

— Dans ce cas, je vais déjà prendre une douche.

Je me sens toute poisseuse, surtout en repensant à notre visite dans les marécages.

— Sauf si quelqu'un voulait utiliser la salle de bain ?

— Déjà utilisée, dit Jade en montrant le pyjama qu'elle porte.

J'ai le même ensemble dans mon dressing. Je le lui montre.

— Comme ça, y'aura pas de jaloux puisqu'on porte la même chose, plaisante t-elle.

La salle de bain est couverte de carrelage, d'un bleu de faïence qui me rappelle le paysage marin qui nous entoure. Mes pieds nus apprécient de suite la fraîcheur du sol. Je pose mon pyjama près du lavabo. Le robinet est élégant, forgé dans un métal chromé brillant et lisse, et le lavabo est fait d'un marbre doux au toucher. Il est surmonté d'un grand miroir, qui renvoie mon reflet. Je m'inspecte le visage. Je remarque mes yeux fatigués, et les marques du stress de la journée sur mon visage. Mes cheveux sont ébouriffés et forment des boucles disgracieuses. Mes joues sont légèrement roses. Un bouton a poussé près de mon nez.

Je me déshabille et laisse mes vêtements sales dans le bac prévu à cet effet. Dans une heure, ils seront propres et désinfectés.

Je me faufile sous la douche, et je choisis la température la plus fraîche possible. La même senteur noix de coco envahit les pores de ma peau. Cette odeur familière fait monter mes larmes aux yeux. Après le repas, il faudra que j'appelle mes parents. Et puis, Alexandra, comme je lui ai promis.

Une fois revigorée par l'eau fraîche et vidée de mes émotions négatives, j'enfile mon pyjama. Il est extrêmement confortable, que je n'ai qu'une envie, aller dans mon lit et me rouler en boule entre les draps neufs.

Dans la cuisine, je retrouve Elodie en train de programmer le four.

— Finalement, on est partie sur un hachis parmentier, me dit-elle en me montrant la boîte décongelé.

— Et des chips, dit Logan en me passant le paquet.

Je pioche une poignet de pétales de pomme de terre soufflées avant de lui repasser le sachet. Pendant que je grignote mes chips, j'essaye de rattraper le fil de la conversation qui avait commencé entre Jade et Elodie. Cette dernière est en train d'exprimer son mécontentement vis à vis des couleurs un peu fades de notre nouvelle garde robe.

— De toute façon, dès que j'en ai l'occasion je tenterais de les teindre d'une autre couleur.

Enfin, le hachis est prêt. Il sort encore fumant du four. Taïs sert à tout le monde une part dans les assiettes en plastique du garde manger. Je reconnais le goût industriel de la purée de pomme de terre et la viande hachée caoutchouteuse.

Une fois le repas terminé, nous décidons d'aller dans la salle commune.

— Je vous laisse, je suis lessivé, dit Noé en se séparant de notre groupe.

— Okay, à tout à l'heure, le salue Taïs alors qu'il part.

Nous nous asseyons tous les cinq sur les canapés, formant un cercle informel. Taïs allume la télévision.

— Hé, ce ne sont pas les chaînes normales, dit-il en nous montrant l'écran.

En effet, la page d'accueil ressemble plus à une gigantesque base de données. Je vois des noms de film défiler.

— Ce sont des films, remarque Elodie tandis qu'elle inspecte le dessous de la table basse et y retire une pile de boîtes en carton colorées.

— Il n'y a que des films que je ne connais pas.

— Vas-y, donne quelques titres, lui demande Jade.

— Bah là je suis dans les D. J'ai Dirty Dancing, Dance avec les loups, Dernier train pour Busan, Drive...

— J'en connais aucun aussi, le rassure Logan.

— Lis un des résumés pour voir.

Taïs lit le synopsis de Driver.

— Au pire lance le on verra s'il est bien.

Le film commence sur une atmosphère sombre. J'ai dû mal à comprendre l'histoire au début, tout ce que j'arrive à suivre c'est que le gars travaille comme cascadeur la journée, et chauffeur la nuit.

— Qu'est ce que c'est ? Demande Logan en voyant la boîte qu'ouvre Elodie.

— Chut, concentrez vous sur le film, dit Taïs.

— Depuis tout à l'heure tu regardes plus ton téléphone que le film, lui rappelle Jade.

Elodie montre l'intérieur de la boîte. Elle pose sur la table basse des petits bonhommes en bois colorés. Puis, déplie un plateau en carton remplie de petites cases multicolores.

— Regarde, tu as fait tomber un petit papier, lui dit Logan en montrant un prospectus plié en quatre qui s'est réfugié près du pied de Taïs.

Elodie lit à voix haute ce qui ressemble à un ensemble de règles.

J'essaye de rester un petit peu concentré sur le film en même temps. Assis derrière son volant, le personnage principal roule dans les rues mal éclairées de la ville.

— Vous avez compris quelque chose ? Demande Elodie en arrivant à la fin de la notice.

— Il faut jeter les dés et avancer du nombre inscrit, dit Jade en s'amusant à faire rouler les petits cubes tachetés de points noirs.

— Quelqu'un veut essayer ?

Nous nous retrouvons donc finalement tous autour de la table, à lancer les dés, jouant à tâtons en découvrant les règles en même temps que nous avançons dans la partie. Plusieurs fois, Elodie doit se replonger dans la notice, pour éviter les tentatives de tricherie de Taïs. Lors de quelques scènes d'actions à la télévision, nous relevons le nez pour voir l'acteur faire quelques cascades, avant d'aussitôt reporter notre attention sur les petites figurines qui évoluent sur le plateau.

Finalement, quand nous nous lassons autant du film que du jeu, nous retournons sur le canapé. Alors que Taïs se replonge dans son téléphone, Jade cherche à en savoir un peu plus sur l'histoire de chacun.

J'apprends donc que Logan vient d'une petite ville portuaire de l'autre côté du pays, et qu'il suit une formation approfondie en techniques de laboratoire. Comme je le savais déjà, Jade et Taïs viennent de la capitale. Elodie elle vient d'une petite commune, son père travaille dans l'agriculture et gère trois centres de productions de blé et de céréales. Elle a pris pendant longtemps des cours à la maison avant de rejoindre l'académie de la ville d'à côté, pour suivre des cours en sciences.

Alors que Jade raconte comment elle a eu du mal à se séparer de son copain pour venir ici, mon téléphone vibre. Un message de mon père.

« Alors, tu nous as oublié ? »

— Désolée, je m'excuse en me relevant. Je dois rassurer mes parents que je suis bien saine et sauve.

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