Soleil de minuit

Livaï avait couché Marius, qui dormait les poings fermés dans sa petite chambre. Il aimait la calme ambiance qui se dégageait de la maison de Hanna, surtout grâce à une décoration épurée et de couleurs pastels apaisantes. Il jeta un dernier coup d'œil au bébé, et tourna les roues de son fauteuil. Elle préparait son cabinet pour les visites de l'après-midi. Les pommes de terre cuisaient à la vapeur, et ils passeraient bientôt à table.

Le couvert : Livaï devait le mettre... Bien qu'il préférait vérifier ses affaires dans la chambre qu'il occuperait pendant 12 mois. Un an, à se reconstruire dans un environnement propice au repos. Il poussa la porte entrebâillée, et espéra secrètement que ce lieu intimiste serait le dernier où il habiterait.

Un lit double d'où il pouvait ouvrir la fenêtre, une grande armoire au fond et une belle cheminée. Livaï n'avait besoin d'aucun confort de plus. Ses valises étaient posées sur une petite table basse, que Hanna avait déplacé du petit coin lecture de cette pièce.

Livaï passa ses mains sur les draps... Aucune poussière, car tout était repassé. Il ouvrit les portes de la penderie : aucun tort ne pouvait être reproché à Hanna, bien au contraire. Elle devait être aussi maniaque que lui. Le caporal-chef installa ses vêtements en toute tranquillité, et tendit l'oreille.

Hanna s'était mise aux fourneaux, et Livaï se dépêcha pour poser sa trousse de toilette dans la salle de bain. La jeune femme était concentrée sur le magret de canard qu'elle dénervait. La douche était moderne, les meubles étaient propres... Seul son reflet dérangeait Livaï.

"Je l'ai trouvé bel homme." : il se souviendrait jusqu'à la mort de la confession de Hanna lorsqu'il était sorti du bureau d'Emma, ce jour fameux où les sœurs lui avaient dévoilé leur plan... Et de ce qu'il avait ressenti.

Parce que la seule femme qui avait révélé qu'il était beau, c'était Hanna. Un visage mince, un nez court, des lèvres fines, un regard ambitieux et la particularité qui plaisait à la cadette : sa chevelure, noir corbeau, dont les mèches descendaient jusqu'à ses cils mais dont les contours étaient rasés en dégradé par Livaï à la tondeuse.

Hansi avait réalisé une excellente reconstruction lorsqu'elle avait recousu l'œil et la joue droite de son caporal-chef, et la cicatrice s'effaçait grâce à une crème miracle d'Emma. "Je l'ai trouvé bel homme." : que diable était passé par la tête de Hanna pour qu'elle exprime une telle pensée ? Que Livaï trouvait ridicule, car il était loin de devenir un compagnon parfait.

Livaï était le souvenir d'un gamin marqué à vie par la pauvreté et la misère de son enfance, il était un soldat qui était parti en guerre après une formation éprouvante et fatigante, il avait ravalé ses larmes par pudeur et par respect après la perte de ses camarades et de ses hommes : non, il n'était pas... Pourquoi Hanna avait dit une ineptie pareille ?

- Je ne me souviens pas de la dernière fois où mes cheveux ont été coupés.

Livaï faillit sursauter, et mourir d'un arrêt cardiaque.

- Qu'est-ce que tu racontes ?, grogna-t-il en feintant le fait de ranger sa mousse à raser dans le dernier tiroir du bas que Hanna avait libéré pour lui. Elle était là, se tenait derrière lui, les mains posées sur les poignées du fauteuil. Livaï ne l'avait pas entendu se déplacer et s'approcher. Il tentait d'être désagréable, parce qu'il détestait être surpris.

- Une anecdote. Peu importe, déclara-t-elle en tirant le rangement du haut pour se ravitailler en gel hydroalcoolique, en désinfectant, en compresses... Hanna préparait sa première consultation avec Livaï.

Livaï et Mikasa possédaient cette force de résistance et de guérison propre au clan Ackerman. Cette capacité permettaient à leurs blessures physiques de se régénérer en un temps record, et il était conscient de profiter de cette chance.

Ses jambes grandissaient, même s'il souffrait le martyr. Il ignorait encore le contenu et le programme des séances prévues par Hanna, mais Livaï savait que cette rééducation et cette reconstruction seraient loin d'être une partie de plaisir.

Hanna sortit de la salle de bain, et Livaï lui emboîta immédiatement le pas. Elle avait préparé sur la table tous les éléments pour la dresser : deux assiettes, deux verres, deux serviettes, quatre couverts, de l'eau fraîche... Il servit la purée et elle coupa la viande sur une planche en bois. Hanna était une merveilleuse cuisinière, Livaï se régalait.

- De mémoire, jamais je n'ai mangé un repas aussi bon. Il était honnête, et cette sincérité provoqua chez Hanna une réaction que Livaï n'avait pas anticipée : elle rougit.

- Merci..., avoua-t-elle en baissant ses yeux, tout en portant élégamment sa fourchette à sa bouche. Hanna était une femme distinguée : elle se tenait droite, mais était gênée de recevoir un compliment qu'elle méritait pourtant.

Ils continuèrent de manger en silence, mais cette atmosphère leur plaisait. Hanna et Livaï étaient souvent dans leurs pensées, bien qu'ils appréciaient leur compagnie.

- Ma sœur m'a confié que tu étais laxiste sur ton régime alimentaire, et sur la qualité de ton sommeil. Ces informations sont-elles vraies ?, demanda-t-elle en s'essuyant le coin de ses lèvres. Livaï la dévisagea, mais décida de ne pas lui mentir.

- Oui, confessa-t-il avec une difficulté qu'il n'avait pas prévue. Je dors en moyenne 2 ou 3 heures sur ma chaise, avec de légères insomnies, ironisa-t-il en croisant sa fourchette et son couteau dans son assiette. Je me change pas pour aller dormir : je plaide coupable sur le fait que je prête aucune importance à mon sommeil.

- Sur ce sujet, je suis à l'opposé de toi Livaï : mon corps et mon esprit ont besoin d'au minimum 8 heures de repos pour que je sois en forme le lendemain... Mais ne sois pas pour autant surpris de me voir déambuler la nuit dans la maison, confessa-t-elle avec du rouge sur les joues.

Livaï aurait pu contempler Hanna jusqu'à s'en brûler les rétines.

Quoi ? Qu'est-ce que c'était que ça ? Ce romantisme qui dégoulinait de niaiserie. De caricatures, d'absurdité ?

Tsunami d'émotions, ressentis, saveurs, sensations, sentiments. D'où ça venait ? Quelle en était la finalité ? Livaï sentit une bouffée de panique monter en lui. Imprévisible, incontrôlable, incompatible. Désagréable, déstabilisante, destructrice. Il était tombé, et surtout se faisait aspirer, par une spirale qui mettait en cause tous ses principes.

"Sur ce sujet, je suis à l'opposé de toi Livaï." : elle cachait quoi cette phrase ? Livaï ne devait pas aller à la confrontation, surtout parce qu'il voyait et sentait que Hanna désirait se confier à lui, mais la complicité qui naissait entre eux le terrifiait. S'il s'attachait à elle, il serait dépendant de son altruisme, de ses actes de bonté, de sa douceur, de ses sourires. 

Selon Hanna, Livaï partagerait des similitudes avec elle.

Lesquelles ? Le caporal-chef réfléchit vite. Leur régime alimentaire, par exemple. Hanna savait fabriquer son pain, cultiver son potager et même pêcher. Des décisions plutôt responsables... Tandis que Livaï et son escouade tuait des animaux en expédition, pour ne pas crever de faim en plein bivouac de survie. Hanna et Livaï ne pouvaient pas...

- Du vin ? Livaï se rattrapa comme il put. Il saisit brusquement la bouteille, que Hanna avait ouverte par principe... Car elle ne buvait aucun alcool : sa tolérance à la liqueur était faible.

- Est-ce que tout va bien ?, le questionna-t-elle en posant ses mains sur le banc pour être prête à se lever et rejoindre Livaï.

- Oui ! Juste ma jambe..., mentit-il en massant sa cuisse. Livaï sourit, tout en espérant que Hanna ne déchiffre pas le mensonge sur son visage.

- Tu peux aller sur la table d'auscultation si tu veux, lui proposa-t-elle en lui montrant le chemin. J'arrive, le temps que tu t'installes et que tu enlèves ton pantalon.

La dernière fois que Livaï avait rassemblé ses forces pour ne pas s'évanouir (de douleur ou de honte, il ne savait plus trop à ce stade), c'était lorsqu'il avait combattu auprès de Mikasa. Pendant les combats, la guerre : la situation était radicalement différente, mais...

Livaï contrôla une dernière fois ses émotions pour ne pas claquer la porte du cabinet, et... Un plan, avant d'être en caleçon devant Hanna. Quels arguments pouvait-il bien trouver pour se sortir de ce pétrin ? Il se sentait terriblement coupable de lui avoir fait quitter la table avant qu'elle ne déguste son dessert. Quelques heures qu'il était à ses côtés, et il ne lui accordait déjà pas de répit.

"J'ai pas le choix." : il se résigna. Livaï desserra sa ceinture, déboutonna la taille de son vêtement, le descendit jusqu'à ses chevilles, l'enleva, le plia correctement, le posa sur un fauteuil prévu à cet effet, et attendit.

Livaï pouvait mourir d'indignité, c'était officiel... Bien que cette salle était agréable : il n'avait pas froid, uniquement dans son esprit où ses pensées tournoyaient et laissaient de grands courants d'air...

Hanna toqua à la porte. La cogitation de Livaï s'arrêta ainsi subitement. Elle n'attendit pas pour lui demander son consentement pour entrer, et il lui accorda tout de suite l'autorisation.

Le Docteur Hanna Geldstein ne portait jamais de blouse blanche, car elle préférait toujours ses couleurs pastels... Alors qu'elle s'habillait souvent de noir et de blanc, et de couleurs foncées telles que le bleu marine, le vert émeraude et le violet, comme Livaï.

- Mes séances durent une heure, mais cette première avec toi dépassera de quelques minutes, pour que tu découvres ma façon de travailler et que tu puisses m'interroger, expliqua-t-elle en frottant ses mains pour se les réchauffer. Mon planning est différent chaque jour, parce que je veux éviter la routine. Je reçois généralement à partir de 9 heures jusqu'à midi, de 13 heures à 17 heures... Mon objectif est d'accompagner, de conseiller et de guider différents patients, tout en gardant une liberté d'exercer. Par exemple, je peux m'arrêter en fin de matinée pour profiter de mon après-midi en ville pour rapporter des courses. Tu es donc libre comme je le suis, excepté 3 fois par jour : le matin, le début de l'après-midi et la fin de la journée vers 18 heures, où je réserve ces créneaux pour toi. Livaï devait dégager autant de chaleur que le titan colossal : Hanna bloquait 3 heures de son temps rien que pour lui. Il était conscient que pour la première fois de sa vie, il était un privilégié et était la priorité d'une femme. Toutes ses économies ne suffiraient même pas à la remercier, à lui exprimer la reconnaissance et le respect qu'il ressentait et qui lui portait. Durant les consultations, n'hésite pas à exprimer les sensations que tu ressens, car tes indications me permettront d'adapter mes gestes. Enfin, je te conseille d'utiliser ton instinct et ton intuition qui nous aideront à comprendre la source de ta douleur. Tu es prêt pour cette aventure ?

Si Livaï avait su les conséquences de son accord...

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