Comment tuer l'ambiance à une réunion de famille
Pour ce qui est de mettre en œuvre le premier assassinat de l'histoire de l'humanité, on ne peut pas dire que Gaïa et ses enfants aient manqué d'originalité. Pas si dur que ça puisqu'ils étaient les premiers. Cependant, passer en premier peut être très difficile, surtout pour quelque chose d'aussi important que le premier meurtre commis sur terre. Soyez donc indulgent avec eux s'il vous plaît.
Gaïa n'en pouvait clairement plus, c'était certain. Abandonner un ou deux enfants sur dix-huit, ça passe encore. Mais en envoyer six, la tête la première, dans le pire endroit sur terre (c'est-à-dire chez leur oncle), ça c'est non !
On la comprend, surtout quand on sait qu'en plus de tout ça, elle s'était fait voler la couronne de maître de l'univers par son mari. Elle en avait gros sur la patate la petite et ça commençait à se faire ressentir dans le couple.
Gaïa pensa en premier lieu au divorce. Pourquoi pas ? Avant de se rappeler que ce concept n'avait pas encore été inventé, tout comme celui du mariage. De toute façon, Ouranos n'aurait jamais consenti à payer les pensions alimentaires de douze gosses.
Désespérée, elle se tourna finalement vers sa progéniture.
- Si je vous ai tous rassemblés ici, mes enfants, c'est pour venger vos frères disparus.
- Hum... les moches ? Demanda une titanide
- Non mais.... Comment tu t'appelles déjà ?
- Thétys.
- Je n'aime pas beaucoup ce ton, Thétys. Tu te calmes ou tu vas dans ta chambre.
- Mais on a pas de chambre, renchérît Hypérion, on vit en toi, littéralement.
Et oui, c'est dur d'élever douze ados. Après avoir calmé tout le monde, Gaïa reprit (en esquivant brillamment le sujet).
- Je vous propose de tuer votre père.
- Il est pas genre immortel ?
- Ce que tu dis n'a aucun sens puisque les êtres mortels n'existent pas encore. Mais tu n'as pas tort.
Un petit silence s'ensuivit. Personne n'osait donner son avis sur la question jusqu'à ce que Cronos, le petit dernier, n'intervienne.
- Moi, je vais le faire. Je vais tuer papa.
Tout le monde applaudit.
- Mais je vais avoir besoin d'aide.
Nouveau silence. Aucun des autres Titans n'avait l'air emballé par l'idée de se salir les mains eux-mêmes.
- Si vous ne suivez pas...
- Cronos.
- Si vous ne suivez pas Cronos, vous serez privés de dessert.
- Maman !!
Devant cet argument sans faille, les Titans décidèrent DE LEUR PLEIN GRÉ d'aider Cronos qui leur exposa son plan.
- Mmmh non, fit Océanos.
- Comment ça non.
- Je le sens pas trop et puis je suis au régime en ce moment alors... pouf
Il disparut rejoindre le fond des océans, laissant ses frères et sœurs seuls avec leur mère tortionnaire (qui priverait ses enfants de dessert ? c'est de la torture). Les autres acceptèrent assez facilement la prise de commande de leur frère cadet. Tout le monde mit sa main à la patte pour organiser le parricide. Même Gaïa. Il fallait que tout soit parfait pour le premier assassinat de tous les temps, alors les préparatifs prirent bien plusieurs semaines.
Pour commencer, Gaïa commença à se rabibocher petit à petit avec Ouranos. Lui disant qu'elle le comprenait, qu'elle lui pardonnait. Cent bras, c'était peut-être un peu abusé après tout.
Une fois que tout fut prêt du côté des enfants, leur mère invita Ouranos chez elle pour un repas romantique. Le dieu fut surpris, c'est le moins qu'on puisse dire. Ils n'avaient jamais fait ça auparavant. D'habitude, soit ils s'enguelaient, soit ils faisaient l'amour. Ouranos accepta cependant la demande de sa femme.
Quant il arriva au restaurant, le dieu du ciel semblait tout nerveux dans son petit costume bleu marine. Il desserrait et resserrait sa cravate toutes les deux minutes en souriant nerveusement à sa femme. Gaïa, assise à une table, faillit le trouver mignon avec son air gêné, mais elle se reprit rapidement en se rappelant que cet énergumène avait abandonné six de ses enfants.
- Bonjour monsieur, si vous voulez bien me suivre.
Le serveur, qui n'était autre qu'un de ses fils subtilement déguisés, l'accompagna jusqu'à une table au milieu du restaurant où se trouvait déjà Gaïa. En le voyant arriver, elle se leva et lui lança son regard de biche battant des cils. Ouranos en resta pantois et lui fit des petits clins d'œil tout sauf séduisant qui dégoûtèrent sa bien aimée au plus haut point. Heureusement, elle n'en montra rien et invita son mari à s'asseoir en face d'elle.
Alors qu'ils n'en étaient qu'aux entrées, Ouranos fit la blague de trop. Gaïa n'en pouvait vraiment plus de sa débilité qui semblait sans faille - son mari venait de dire au serveur une énième blague idiote à laquelle Japet, déguisé en serveur, sourit aimablement. Il avait failli bondir sur son père avec un couteau à beurre au bout du troisième jeu de mot douteux, mais il avait finalement réussi à se contenir de justesse. Il fallait suivre le plan !
Gaïa, elle, fit signe à Cronos, caché derrière le comptoir, de passer à l'action. Celui-ci mit au moins dix longues minutes à interpréter le message de sa mère. On est des boulets ou on ne l'est pas. Soudain, quelqu'un, peut-être Cronos, lança un cri d'attaque. Quelque chose comme « banzaï » je crois, mais rien n'est moins sûr. Trois filles sortirent d'un bon de derrière le même cactus en hurlant férocement contre leur père, ou à cause des épines...Rhéa, déguisée en touriste anglais, se leva de sa chaise et prit sa fourchette, se voulant sûrement menaçante. Ratée, elle avait plus l'air d'un rosbif égaré dans le métro parisien qu'autre chose. (Oui, c'était gratuit). Japet et ses frères, déguisés en cactus (celui derrière lequel les titanides sortaient oui oui) se relevèrent en mode power rangers prêts à bondir sur leur père à tout moment.
Tous, comme un seul homme, se dirigèrent vers Ouranos. Ils prirent ses bras, ses pieds, ses jambes, sa tête et l'immobilisèrent. Ouranos se débattait bien sûr. Mais qu'est ce que le roi du ciel, un dieu primordial, la personne la plus puissante de l'univers peut faire face à 12 gosses ?... Ne répondez pas...
Cronos se releva de sa cachette. Un air sournois collé au visage, diabolique.
- Alors, père, content de nous voir ?
- Qui es-tu ? Lâchez-moi ! Vous ne savez pas qui je suis ? Gaïa, aide-moi !
Il avait l'air totalement pathétique. Gaïa aimait ce moment, elle en avait rêvé durant tant d'années sans y croire et aujourd'hui il était là, juste devant ses yeux, se débattant, criant pour sa survie. Elle ne bougea pas un doigt sous le regard désespéré de son mari.
- Gaïa !
- Nous sommes tes enfants, fit Krios.
- J'ai des gosses, moi ?
- Et oui, surprise !
Cronos prit sa faucille. Son arme secrète, redoutable. Elle fut construite par des créatures sous-marines, au fin fond des océans. Ou alors elle lui fut offerte par sa mère. Au choix, selon l'humeur des auteurs grecs. La faucille ressemblait, et bien à une faucille. Une longue lame courbée sur un long manche, enfin je vais pas vous faire un dessin.
Avec un sourire cruel et plein de malice, il regarda son père, leva son arme. La tension était à son comble. Ses frères et sœurs tenaient fermement les membres de Ouranos, attendant le moment fatidique. Puis Cronos s'élança, abaissant son arme et... lui trancha les couilles. Ouch. Ça fait mal. Et pas très glamour, j'en ai bien peur. Dans un râle de douleur, Ouranos parvint à prononcer ses derniers mots.
- Toi... mon fils... qui me défie pour le pouvoir et qui veut défaire le ciel...
- Trop long !
- Toi qui te crois si fort...
- Abrège !
Difficile de se faire respecter devant des enfants en pleine crise d'adolescence.
- Je dis, reprit Ouranos qui détestait se faire couper la parole, peut-être même plus que de se faire couper les parties. Que toi, Cronos, mon enfant, si cher à mon cœur.
- Hum, hum
- Tu connaitras le même sort que tu m'as fait subir. Un jour, ton enfant te trahira et prendra ta place.
Non, nous ne sommes pas dans une cour de maternelle, ce sont bien les dernières paroles du roi des rois, le ciel, Ouranos. Un simple " c'est celui qui dit qui est". Il y a de quoi être déçu. D'ailleurs, tous éclatèrent de rire. Cronos prit les parties de son père, les jeta dans la mer puis il asséna le coup mortel et partit boire un coup bien mérité avec ses frères et sœurs.
Et voilà comment une bande de onze ados (on n'oublie pas qu'Océanos n'a pas participé au projet familial) et une mère totalement déchantée commirent le premier crime de l'histoire de l'humanité. On peut leur tirer notre chapeau et les laisser apprécier le moment présent pendant qu'ils le peuvent. La suite risque d'être on ne peut plus mouvementée.
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Coucou voici la suite, j'espère qu'elle vous a plu.
On se retrouve bientôt pour l'âge d'or des Titans et surtout leur dérive. Enfin surtout la dérive de Cronos.
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