Conversations- L'Inconnue

- Salut! Moi, c'est Joachim.

Elle essuie une larme, celle qui mouillait sa joue depuis une poignée de secondes. Elle renifle, sourit faiblement, et rapproche son ordinateur qu'elle avait poussé loin de son visage, tout contre ses jambes repliées, en l'absence de réponse de Joachim. Elle savait déjà qu'il s'appelait comme cela, il n'avait pas choisi un pseudo très original.

Elle regarde sa photo de profil, celle qu'elle a choisi au milieu d'une mer de couleurs et de formes. Des Joachims, il y en avait une centaine, mais c'est lui qu'elle avait choisi. Elle avait bien fait. Il ne devait pas y en avoir beaucoup, des Joachims qui étaient encore debout à deux heures du matin. Sa photo de profil pourrait paraître banale, un corps de garçon dont la tête était enfouie dans une mer de nuages gris, mais pour elle, elle est incroyable. Elle avait écrit un texte à partir de cette photo.

Son passage préféré était le suivant: " Lorsque la mer eu totalement avalé son visage, il eu l'impression de renaitre. À l'intérieur du nuage grisâtre, poussiéreux et terne, se cachait un océan de couleurs, de sensation, d'odeur. Le garçon ne savait plus où donner de la tête, il n'arrivait plus qu'à oublier ses malheurs et à profiter de la joie d'être enveloppé dans une couverture de douceur pour la première fois depuis tant d'années..."

C'était un vieux texte, alors sa façon d'écrire avait évolué depuis, mais elle l'aimait bien quand même. Elle se demandait si Joachim avait regardé ses textes.

Elle tape un message à toute vitesse, de peur que son interlocuteur ne se soit endormi. Si seulement elle pouvait savoir. Elle passe sa main dans ses cheveux épais, nerveuse. Elle tente de se faire du vent avec ses mains. Décidemment, en été dans le sud, la chaleur est plus qu'étouffante.

- Comment se fait-il que tu sois encore debout, Joachim?
- Et toi, Melody?

Elle se mord la lèvre. C'est un inconnu, et même si sa photo de profil lui a servi d'inspiration il y a de cela une paire d'années, elle ne sait rien de lui. Même pas son âge. Et puis, elle décide en se disant que personne ne pourrait lui faire du mal avec cette information là.

- En fait, mon petit ami m'a quittée hier soir.

Elle ravale un sanglot. Mais elle hoquette et elle pousse son ordinateur à côté d'elle de peur de le mouiller. Elle se roule en boule et pleure pendant presque une minute, même si elle entend les tintements de deux messages. Ensuite, elle sèche ses larmes avec la paume de sa main gauche et récupère son ordinateur. Elle a toujours envie de pleurer mais elle se retient.

- Oh... Je suis désolé. J'espère que ça va.
- Melody? Tu es encore là?
- Oui oui, je suis là. Pardon.
- Ne t'excuse pas, t'en as pas besoin.
- Et toi? Tu m'as pas dit pourquoi t'es encore debout...

Joachim ne répond pas pendant plusieurs minutes. Elle pense qu'elle l'a fâché lorsque le tintement résonne à nouveau dans sa chambre.

- J'ai fait un cauchemar.
- OK.
- J'aime beaucoup tes textes.

Elle relit la phrase. Une fois. Deux fois. Elle n'en comprend toujours pas le sens alors elle la relit encore. Et encore. Et encore. Et enfin elle comprend et un sourire tremblotant étire ses lèvres.

- Oh... C'est gentil.
- Tu as quel âge?

Elle se mord la lèvre. Est ce qu'elle doit lui dire? Qu'est ce qu'elle risque?

- Dix sept ans. Et toi?
- Seize. Mais c'est presque pareil, je suis en terminale aussi.
- Alors t'as sauté une classe, Joachim?
- Oui, il n'y a qu'à l'école que je suis bon.

Elle renifle. Elle essuie son nez avec le dos de sa main avant de reprendre la conversation. Elle se demande pourquoi elle fait ça. Et après, elle se demande pourquoi elle ne le ferait pas. Alors elle écrit.

- Ne dit pas ça, je suis sûre que tu es bon autre part.
- Non.

Elle allait renchérir mais un nouveau message fuse. À regrets, elle abandonne celui qu'elle était en train d'écrire.

- C'est toi qu'a dessiné ta photo de profil?
-Oui, l'année dernière. Mais je me suis améliorée depuis.
- Moi je la trouve très belle.
- Merci
- " Sa peau, nue, frissonnait sous l'assaut du désespoir, tellement fort qu'elle avait fait tomber l'auréole de l'Ange, et que celle ci s'était brisée en un millier de morceaux indécelables, comme le cœur de l'Ange."
- Comment t'as retenu ça toi?
- Je l'aimais bien, cette phrase, c'est tout.

Et elle sourit. Ce n'est plus tremblant, c'est étincelant. Et la noirceur de sa chambre semble soudain se teinter d'espoir, comme si tout n'était pas fini, finalement.

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